Avec l’intelligence artificielle générative, le prêt-à-penser est arrivé

Imaginez que la création de contenus soit fortement automatisée. Les livres, les peintures ou encore les films seront produits avec beaucoup moins d’effort humain et à une fraction du coût actuel.

La technologie d’intelligence artificielle (IA) générative nous montre ce nouveau futur. Depuis quelques jours, ChatGPT fait l’actualité. Ce programme de la société OpenAI permet d’interagir avec une intelligence artificielle au travers d’une fenêtre de discussion. Ce logiciel d’apprentissage profond est capable de générer des textes après avoir été entrainé sur une quantité massive d’écritures existantes.

OpenAI a lancé ce service dans le but de tester cette nouvelle technologie. En avril 2022, il avait déjà proposé Dall-E 2, une application permettant de produire des images à partir de texte. L’utilisation de l’intelligence artificielle se généralise, des millions de gens commencent à utiliser ces solutions et le début sur son impact est lancé. Pour ChatGPT, on développe même déjà des moyens de détecter que le texte n’a pas été écrit par un humain.

Mais la révolution est en marche. Ces dernières années, l’internet s’est développé par la création de contenus par les utilisateurs : site web, blog, réseaux sociaux où sont publiés des millions d’images et vidéos. Dans cette nouvelle ère d’internet, le contenu sera produit encore plus facilement grâce à l’IA générative. La technologie n’est pas encore mature et il y a beaucoup de questions, mais on peut déjà entrevoir une chose : dans cette nouvelle ère digitale, nos « super-pouvoirs » en tant qu’humain seront l’esprit critique et la créativité.

Lors d’un échange avec un ami ayant également testé ChatGPT, il me lance : nous avons vécu le passage à l’ère du prêt-à-porter dans la mode, on vient maintenant nous proposer le prêt-à-penser. La façon dont nous allons collaborer avec ces intelligences artificielles va déterminer cette nouvelle ère digitale.

De la carte papier au jumeau numérique du territoire

Pour lancer la saison des colloques swisstopo, la thématique des jumeaux numériques a été présentée. La première fois que j’ai entendu ce terme, c’était il y a presque dix ans lorsqu’un ami entrepreneur avait lancé sa start-up, Akselos, qui propose un outil de simulation de structures mécaniques, par exemple des éoliennes. En effet, ce terme a d’abord été utilisé dans l’industrie, pour concevoir des composants ou des systèmes mécaniques. Lors du processus de développement d’un système, les objets sont d’abord créés de manière digitale afin de tester leurs bons fonctionnements et de rectifier les erreurs. Les composants physiques sont fabriqués à la fin, une fois le design optimisé, pour éviter de produire de nombreux prototypes.

Durant le colloque, l’université de Melbourne a présenté sa plateforme de jumeau numérique dans un contexte urbain. L’idée est d’appliquer le même concept, mais à l’échelle d’une ville. Cette plateforme combine plusieurs sources de données du territoire et les visualise en trois dimensions (voir en quatre dimensions si l’on rajoute l’évolution dans le temps). Lorsque des changements majeurs sont planifiés dans cet environnement urbain, l’impact peut être testé et simulé dans le monde virtuel avant d’être mis en œuvre dans le monde réel.

On peut classer les applications de ces jumeaux numériques du territoire en deux grandes catégories.

Maintenance des infrastructures et augmentation de la résilience

Planifier la rénovation des infrastructures a été la motivation première pour les projets de jumeaux numériques de l’université de Melbourne. Un audit effectué en 2015 concluait que la majorité des infrastructures australiennes seraient en 2030 dans un état de qualité inférieure aux normes.  Au vu de l’ampleur des défis, des recherches ont été lancées pour créer une plateforme d’aide à la prise de décision sur les travaux de rénovation prioritaires à effectuer.

Dans le canton de Neuchâtel, toutes les routes cantonales viennent d’être « scannées » (acquisition d’images et de nuages de points avec des capteurs sur un véhicule). Ces informations permettent au service des routes de planifier les travaux de maintenance sans avoir à aller sur le terrain. Dans le futur, en intégrant sur une même plateforme les données de trafics fournies par les caméras, il sera par exemple possible d’évaluer quelles sont les routes les plus fréquentées et prévoir un calendrier de rénovation basé sur le taux d’utilisation.

Ces jumeaux numériques peuvent également jouer un rôle dans la prévention des catastrophes naturelles et augmenter la résilience de nos villes. Un projet est en cours à l’université de Melbourne pour modéliser les flux d’eau générés par les orages sur un jumeau numérique d’un réseau routier en transformation. Cela permettra de proposer des améliorations pour augmenter la capacité d’absorption d’eau lors d’orages abondants, et ainsi d’éviter des inondations.

Planification urbaine et développement participatif

Ce sont probablement les applications les plus rependues actuellement : intégrer les nouveaux projets de construction dans un jumeau numérique afin de visualiser son impact et de modéliser différents scénarios de construction. La ville de Zürich utilise déjà cette solution pour la sélection de projets à l’occasion des concours d’architectures pour le développement de nouveaux quartiers. Combiner avec des outils de réalité mixte permet aux architectes, promoteurs et administrations publiques de s’« immerger » dans le futur quartier.

Ces applications ne doivent cependant pas se limiter aux professionnelles de la construction. Une utilisation plus large en intégrant la population permettra de construire des quartiers répondant mieux aux besoins de ces utilisateurs. Des initiatives sont en cours pour explorer comment introduire de telles solutions dans la planification et sensibiliser les habitants. Dans un quartier d’Helsinski, une application permet aux résidents de rajouter des espaces verts, arbres ou buisson sur une application contenant un jumeau numérique de leur espace de vie. Une manière ludique d’impliquer le citoyen et de voir de quelle manière il peut contribuer à l’évolution de son quartier.

De nouveaux services à imaginer

Ces jumeaux numériques vont faire émerger de nouveaux services. Un projet passionnant sur la mobilité, enjeu majeur de nos villes, a été lancé par la ville d’Helsinki : « Digital Twin for mobility ». Dans ce projet, une liste de nouveaux services potentiels a été imaginée, il concerne le transport de marchandises, la gestion dynamique des espaces de stationnement en passant par l’amélioration des services de micro-mobilité.

L’acquisition aérienne des données du territoire à une fréquence de plus en plus élevée, le déploiement de nombreux capteurs, l’évolution des standards et finalement l’accès à des outils de développement performant (notamment ceux créés par l’industrie des jeux vidéo pour la visualisation) permettront de généraliser ces jumeaux numériques.

Améliorer nos lieux de vie en expérimentant sur un territoire virtuel, c’est finalement l’un des objectifs de ces jumeaux numériques urbains.

 

Jumeaux numériques, les éléments clés à mettre en œuvre :

Trois changements à effectuer lorsqu’on va retourner au bureau

Depuis maintenant plusieurs semaines, si nos activités le permettent, nous travaillons à 100% depuis notre salon (parfois aussi dans la cuisine comme je l’observe lors de certaines conférences). Cette solution nous permet de réduire les risques d’attraper le coronavirus, cependant, en passant des heures en vidéo-conférence, on n’échappe pas à un autre effet, la « Zoom fatigue ». Problème auquel des chercheurs de Stanford ont identifié les causes et proposent des moyens simples pour améliorer notre quotidien : arrêter de se regarder (effet miroir), éviter d’observer les participants en gros plan, éteindre parfois la vidéo et écouter sans regarder l’écran.

Cette situation extrême est temporaire et on se réjouit de pouvoir revenir au bureau…parfois.

Certaines entreprises ont décidé d’adapter leur règlement pour proposer une flexibilité complète. C’est le cas de Spotify qui vient d’annoncer le concept « Work from Anywhere » : chaque employé peut décider de travailler tout le temps à la maison, venir tous les jours au bureau ou faire un mixte des deux.

Mais comment décider ? Et surtout, comment faut-il adapter notre manière de travailler si l’on souhaite rester plus souvent chez soi ? Voici trois pistes de réflexion.

Venir au bureau pour l’effet « pause-café »

A la fin de certaines réunions virtuelles, on se retrouve seul devant son écran, frustré, car les problèmes abordés n’ont pas été réglés. En présentiel, l’après-réunion est souvent indispensable. C’est à ce moment, autour d’un café, que les problématiques sont résolues. Une manière de trouver un équilibre entre réunion physique et virtuelle est peut-être de se poser la question de savoir si l’après-réunion est aussi important que la réunion elle-même.

Les bonnes idées apparaissent souvent lors d’échanges informels, au détour d’une conversation de couloir ou en prenant le temps d’aller boire un café avec un collègue. Adapter son agenda les jours où on va au bureau pour s’assurer d’avoir des plages disponibles pour des discussions informelles me semble encore plus important à l’avenir.

Réduire la complexité des activités quotidiennes

Dans un article récent, Howard Yu professeur à l’IMD décrit la caractéristique commune des entreprises qui « aiment le télétravail » :  elles sont dans une recherche constante de réduction de la complexité de leur opération. C’est une condition nécessaire pour pouvoir augmenter durablement son taux de télétravail.

De nombreuses réunions ont lieu pour informer les autres départements de ces activités courantes. Automatiser l’échange d’information et augmenter la transparence sur les projets en cours sont des moyens de réduire les tâches de coordination.

Un exemple : chez swisstopo, la plupart des projets intègrent des développements informatiques. La planification et la priorisation de ces projets s’effectuent maintenant au travers d’un système de gestion de projet accessible à tous. Les utilisateurs documentent directement leurs besoins et un tableau de bord permet de connaître les décisions prises et la date de mise en œuvre.  Cela évite les longues séances de planification trimestrielle, facilite une gestion en continu et permet de réagir plus rapidement aux changements.

Un autre aspect est la création d’interfaces qui permettent de fournir les prestations internes ou externes en mode « self-service ». Swisstopo a par exemple lancé « mySwissMap » pour créer sa carte personnalisée.  Plus besoin d’emporter plusieurs cartes pour partir en randonnée, on commande une carte sur mesure qui contient la zone où l’on souhaite se promener. Pour éviter de rendre le processus complexe, un tel service personnalisé est accessible en ligne. L’utilisateur effectue lui-même la sélection de la zone, le choix du type de carte et fournit l’image de couverture. Le résultat lui est ensuite livré par la poste quelques jours après. Cette nouvelle offre « self-service » doit évidemment s’imbriquer dans le processus de production de cartes standards.

Poursuivre les bonnes pratiques mises en place ces derniers mois

La pandémie nous a permis de développer de nouvelles formes de collaboration qu’il me semble intéressant de conserver. Parmi ces pratiques, de nombreuses entreprises ont incité leurs employés à effectuer des réunions à l’extérieur en marchant. Chez swisstopo, cette mesure a évidemment été accompagnée par la mise en place de cartes qui proposent des parcours en fonction du temps de réunion : une marche de 15 minutes, de 30 minutes et pour ceux qui ont de nombreux sujets à discuter, un parcours de 1h30. Lorsqu’on est en télétravail, on a plutôt tendance à limiter nos déplacements (certes, nous allons régulièrement vers le frigo, mais la distance est plutôt faible même si on y va 10x dans la journée). Sortir faire ces réunions en extérieur permet ainsi de combiner le temps de travail avec un peu d’exercice physique.

Et vous, quels sont les changements que vous avez effectués ces derniers mois dans votre façon de travailler et que vous allez continuer à faire lorsqu’un retour au bureau sera possible ?

Demain, je convertis mes économies en bitcoin

PayPal vient d’annoncer que ses utilisateurs pourront bientôt acheter, vendre et payer leurs achats en cryptomonnaies sur sa plateforme. Cette annonce intervient deux semaines après que son concurrent Square a annoncé investir $50 millions dans le bitcoin et affirmé que cette devise numérique aura le potentiel d’être plus largement utilisée dans le futur.

Il n’a jamais été aussi facile d’acheter des bitcoins

Il y a encore 5 ans, il était compliqué d’acheter des bitcoins. Un nombre limité d’acteurs proposait d’utiliser un « portemonnaie numérique » qui avait une interface très médiocre. C’était un peu comme les systèmes de réservation de billets d’avion au début d’internet, tellement compliqué qu’on préférait aller les acheter dans une agence de voyages (alternative plus compliquée avec les bitcoins, indisponibles au guichet d’une succursale bancaire).

Depuis les solutions se sont améliorées. Si vous avez par exemple ouvert un compte bancaire dans une néo-banque comme Revolut pour réduire vos frais de taux de changes, vous pouvez très facilement acheter et vendre des bitcoins. Ces entreprises vous invitent d’ailleurs régulièrement à le faire, « sans aucun effort » pour reprendre leur slogan.

Cependant, au moment où il devenait plus simple d’acheter des bitcoins, le cours s’est effondré (d’une valeur de presque $17’000 fin 2017, il est tombé à moins de $4’000 début 2019). Et plus globalement, la technologie sous-jacente, la blockchain est passée de la phase d’emballement à la phase de désillusion.

Suite à l’annonce de PayPal, les 346 millions de personnes qui possèdent un compte chez eux auront la possibilité d’investir en cryptomonnaies. Alors est-ce que c’est maintenant le bon moment pour acheter des bitcoins…et éventuellement aussi de les dépenser ?

Le bitcoin, une valeur refuge comme l’or

Les sites spécialisés recommandent plutôt d’investir dans le bitcoin sur le long terme. Cette devise est un moyen de garantir son épargne, au même titre qu’on investirait dans l’or, pour se prévenir de l’inflation à venir et de la perte de valeur de la monnaie fiat (monnaie fiduciaire émise par une banque centrale comme le dollar ou l’euro).

Les derniers chiffres publiés montrent que de plus en plus de gens y croient : à l’échelle mondiale, le nombre d’utilisateurs de ces devises numériques a été multiplié par trois depuis 2018. On est passé de 35 à 101 millions d’utilisateurs selon l’étude de l’université de Cambridge sortie en septembre.

Des entreprises convertissent également leurs liquidités en bitcoins. C’est le cas de Microstrategy qui a déjà acheté pour $425 millions de bitcoins. Il y a deux semaines, Square a fait l’acquisition de bitcoins pour un montant total de $50 millions.

Le développement de Square est d’ailleurs intéressant : la société qui souhaite rivaliser avec PayPal et créer un écosystème complet de solutions de paiement, compte déjà plus de 30 millions d’utilisateurs de son application Cash App. Cette application permet entre autres d’acheter et de vendre de bitcoins. La société a publié en août dernier ses résultats trimestriels, avec une croissance de +600% sur un an du revenu généré par les transactions en cryptomonnaies (revenu atteignant les $875 millions).

Payer en bitcoin reste pour le moment limité

Revolut ou Square ne proposent pour le moment pas de faire des achats en bitcoin. PayPal est le premier acteur majeur à annoncer offrir ce service, mais la mise en œuvre n’est pas encore très claire.

En attendant, vous pouvez déjà payer vos primes d’assurance maladie en cryptomonnaie. La caisse Atupri par exemple vous le propose, au travers d’un intermédiaire financier, la fintech Bitcoin Suisse. Cette dernière effectue la transaction au cours en vigueur et garantit à l’assureur un paiement en francs suisses.

Et si vous cherchez à combiner optimisation fiscale et utilisation de cryptomonnaies, un déménagement dans le canton de Zoug est à envisager ! Dès 2021, vous pourrez payer vos impôts avec ce type de devises jusqu’à concurrence de 100’000 CHF (ce plafond me semble être assez haut, surtout que le taux de taxation y est réputé très clément).

Les annonces autour du bitcoin s’accélèrent donc ces derniers mois et son cours est à la hausse. En admettant que cette devise reste décentralisée et qu’aucun acteur n’ait les moyens de l’influencer, elle me semble en tout cas plus attractive que des projets tels que la Libra avec l’ombre de Facebook en arrière-plan. Le bitcoin va-t-il s’imposer comme le système monétaire alternatif ou une devise refuge pour ses économies ? Sujet intéressant à suivre ces prochains mois.

Evolution du Bitcoin, source coindesk.com

A quelle vitesse se déploieront les véhicules sans conducteur?

Se déplacer en navette autonome, c’est possible dans de nombreuses régions de Suisse où les projets pilotes se multiplient. Ayant parcouru quelques kilomètres dans l’une d’elles, j’ai été enthousiasmé par les progrès accomplis. On est encore loin d’un déploiement à large échelle, mais il est temps d’apprendre à cohabiter avec ces nouveaux véhicules

19 km/h, c’est la vitesse actuelle de la navette autonome des TPG (Transports publics genevois) qui sillonne les rues de Meyrin. Son parcours est compliqué. Elle roule dans une zone limitée à 30 km/h, avec une circulation à double sens sur une route très étroite, car des places de parcs ont été aménagées sur les bords. La dernière fois que je suis monté dans un véhicule autonome, c’était en 2015 sur le campus de l’EPFL. Quel progrès accompli entre-temps! La navette n’est de loin pas encore parfaite, mais elle permet déjà de connecter de façon assez fiable les quelques kilomètres qui séparent la gare de Meyrin à la ligne de tram. On pourrait comparer son comportement à celui d’une apprentie conductrice. Elle effectue de nombreux freinages secs et roule plus lentement.

Apprendre à cohabiter

La navette circule dans les rues de Meyrin depuis maintenant un an et demi. Ses améliorations progressives consistent principalement à se rapprocher du comportement d’un conducteur «idéal». C’est-à-dire: sélectionner la trajectoire optimale, anticiper les manœuvres et définir les actions correctes à entreprendre selon les différents obstacles qui se présentent.

Au cours du temps, les habitants du quartier se sont habitués à sa présence. Comme il est bien plus facile de faire respecter le Code de la route à un robot qu’à un humain, la navette est exemplaire. On observe même qu’elle a une influence positive sur le comportement routier des conducteurs qui fréquentent quotidiennement cette route.

Garantir la confiance

Les défis technologiques restent cependant nombreux. Les véhicules autonomes actuellement en service n’ont pas encore suffisamment de capteurs pour être aussi performants que l’humain. A l’image de nos cinq sens, les navettes ont besoin d’une combinaison de senseurs comme la détection par laser (lidar), de caméras et de systèmes radars pour améliorer leur autonomie.

Fin février, une personne est tombée de son siège lors d’un arrêt brutal d’une navette dans la ville de Columbus (Ohio). Les autorités américaines ont immédiatement pris la décision de suspendre les 16 navettes similaires en fonction dans 10 villes américaines.

Permettre l’expérimentation pour améliorer la technologie tout en préservant la confiance des utilisateurs en évitant des accidents est un des nombreux défis.

 De nouveaux métiers se créent

Pour opérer ces navettes sans conducteur, il faut effectuer régulièrement une cartographie numérique de la route. Sur cette carte, la trajectoire du véhicule doit être définie précisément. Chez BernMobil, l’entreprise de transports publics de la ville de Berne, une personne est en formation pour acquérir ces nouvelles compétences et ainsi devenir un designer de trajectoires pour véhicules autonomes. Une navette circule actuellement le long de l’Aar et le trajet doit régulièrement être adapté, notamment en fonction des saisons.

Pour l’instant, un opérateur doit toujours être à bord du véhicule. Dans le futur, on peut imaginer que l’opérateur ne sera plus présent dans chaque véhicule, mais dans un poste de contrôle et devra gérer une flotte de navettes. Dans 10 ans, on aura probablement beaucoup moins de chauffeurs de bus, mais de nouveaux postes seront créés, comme celui de designer de trajectoires ou d’opérateur de véhicules autonomes.

On observe à nouveau que l’introduction d’une nouvelle technologie modifie le type de compétences et crée de nouveaux métiers. Il est important de se préparer à ces changements pour éviter un choc au niveau de l’emploi. Le professeur David Autor du Massachusetts Institute of Technology, venu dernièrement donner une conférence à Lausanne, exprimait très clairement cet enjeu: si demain, on n’a plus besoin des 4 millions de chauffeurs routiers qui circulent aux États-Unis, c’est un gros problème. Si l’on anticipe et que l’on prend les mesures adéquates, maintenant, en sachant que les camions autonomes deviendront une réalité dans 20 ans, on peut parfaitement gérer le changement.

Obtenir une mobilité durable

La plupart des projets pilotes actuels testent la mise en place d’une ligne de transport public avec des arrêts et des horaires fixes. La vitesse maximum étant actuellement de 19 km/h, ces véhicules circulent dans des zones 30 pour ne pas trop perturber le trafic. Les avantages sont donc très limités dans ces cas d’usage. L’objectif est de tester et d’acquérir de l’expérience.

Pour qu’une telle solution devienne intéressante, il faudra pouvoir introduire un système d’offre à la demande. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’avoir des navettes plutôt que des voitures individuelles autonomes. Pour éviter une explosion du trafic, il est essentiel de pouvoir mutualiser les trajets.

Se familiariser avec le véhicule sans conducteur

Les promesses et les perspectives offertes par l’introduction des véhicules autonomes sont énormes: sauver des millions de vies en réduisant massivement le nombre d’accidents, faire gagner aux usagers de la route des centaines d’heures qu’ils perdent normalement en étant au volant et réduire les émissions de CO2. Mais, le chemin est encore long.

C’est une thématique passionnante à suivre et nous avons la chance d’avoir de nombreux projets pilotes en Suisse. N’hésitez pas à expérimenter vous-même cette mobilité du futur en allant vous promener à Meyrin, le long de l’Aar à Berne ou dans le quartier du Marly Innovation Center à Fribourg. De plus, pour le moment, il y a toujours un opérateur ou une opératrice sympathique à bord qui vous expliquera avec plaisir son travail, consistant à éduquer le cerveau algorithmique de son véhicule. Cette personne développe d’ailleurs une autre nouvelle compétence essentielle du XXIe siècle: la pensée computationnelle (comprendre comment formuler un problème pour que la machine puisse le résoudre).

 

Lors du Forum des 100 «Les Suisses face à l’intelligence artificielle » le 25 septembre à l’EPFL, cette thématique sera abordée lors d’une des sessions : L’AI et la mobilité, à quelle vitesse vers l’auto sans conducteur ? Les enjeux liés aux données qui nourrissent les algorithmes seront notamment discutés.

La prochaine fois que vous changerez de voiture, ce sera pour un abonnement sur votre smartphone

Ces derniers mois, j’observe une accélération du développement des plateformes de mobilité. Si votre voiture arrive bientôt en fin de vie et que vous pensez la changer pour une voiture électrique, il est peut-être préférable d’attendre. La mobilité comme service (Mobility-as-a-Service en anglais) se profile à l’horizon.

Ce modèle d’affaires consiste à payer un abonnement mensuel qui vous donne accès à plusieurs modes de transport : bus, train, voiture de location, taxi, service d’autopartage ou encore vélo et trottinette en libre-service. L’application vous indique pour tous vos trajets la combinaison optimale pour arriver à votre destination.

Sachant qu’en moyenne votre voiture est parquée 95% du temps, cette solution mérite d’être considérée.

Qui s’imposera comme le nouveau Netflix de la mobilité ?

On peut distinguer trois types d’entreprises qui développent cette nouvelle manière de “consommer” la mobilité :

  1. Des start-up lancent de nouvelles plateformes avec l’ambition de conquérir le monde
  2. Les applications de transports publics élargissent leur service
  3. Les plateformes de transport par chauffeurs privés tels que Uber et Lyft intègrent dans leur application des modes de transport alternatifs

Parmi les nouvelles entreprises, la société Maas Global vient tout juste de terminer un tour de financement de 29.5 millions d’euros. Elle a lancé l’application Whim il y a 2 ans en Finlande. A Helsinki, l’application propose par exemple un pack Whim Unlimited qui comprend les transports publics, les vélos en libre-service, les taxis et les véhicules de location pour 499 euros par mois. Plus de 6 millions de trajets ont déjà été effectués en utilisant cette solution.

Cette nouvelle levée de fonds vise à soutenir l’expansion dans de nombreuses villes. Comme dans le cas de la téléphonie mobile, le succès d’un tel service dépendra des possibilités de « roaming ». Pouvoir utiliser la même application partout où l’on se déplace est primordial pour obtenir un taux d’adoption élevé. Comme utilisateur, on ne veut pas devoir installer sur son smartphone une application par ville et gérer de multiples abonnements.

Les applications des transports publics étendent leur offre avec des forfaits intégrant plusieurs modes de transport. Lausanne et Genève ont uni leur force pour lancer l’application ZenGo. Vous pouvez, depuis cet été, faire partie du pilote et souscrire un abonnement qui vous donne accès aux transports publics et à l’offre de PubliBike. En complément, avec un système de jetons, l’abonnement vous donne aussi accès aux services de Mobility et de TaxiService. La mise en place des partenariats et l’harmonisation du service est un défi. Dans ce pilote, Mobility est par exemple uniquement disponible à Genève.

Avec une approche plus globale, Moovit, l’application leader pour la recherche de trajet en transports publics, vient de signer le mois dernier un partenariat avec Waze pour intégrer son service d’autopartage. Moovit, déjà mentionné dans mon article précédent sur le Big data, compte maintenant plus de 500 millions d’abonnés dans le monde. Cette intégration leur permet de proposer une solution alternative pour des trajets qui sont mal desservis par les transports publics.

Finalement, les plateformes de transport par chauffeurs privés évoluent également dans cette direction : Uber a lancé son service Transit dans douze villes dont Paris. Son application vous propose des itinéraires en bus et en métro. L’entreprise a également intégré dans son application Jump, son service de vélos électriques.

L’objectif d’Uber est d’augmenter la fréquence d’utilisation de son application. En contrôlant la relation client, ils espèrent, dans le futur, trouver des moyens de monétiser ces services, probablement en utilisant nos données de mobilité qu’ils auront collectées.

Comment nos données sont-elles utilisées ?

Avec ces deux milliards d’utilisateurs, Facebook possède suffisamment de données pour analyser nos comportements et connaître nos préférences et nos envies. De façon similaire, l’entreprise qui s’imposera sur ce marché de la « mobilité comme Service » possèdera une mine d’or d’informations sur tous nos mouvements. On peut déjà observer les premiers signes : avec ses 500 millions d’utilisateurs, Moovit revend déjà des données à Uber pour son service Transit.

En conséquence, avant de remplacer sa voiture pour un abonnement à une de ces applications, il faudra se demander à qui l’on veut donner l’information sur tous nos déplacements et savoir ce que ces sociétés vont en faire. Obtenir une transparence sur les algorithmes sera important pour savoir de quelle manière ces entreprises vont influencer nos déplacements.

Ce marché est estimé par certains analystes à $100 milliards en 2030. On peut s’imaginer qu’une partie du revenu sera générée par la monétisation de nos données.

En complément :

Le service de Whim expliqué en anglais :

La version plus locale avec ZenGo, le pilote lancé cet été à Genève et Lausanne :

Aurons-nous encore besoin d’apprendre des langues étrangères ?

Depuis 6 mois, je dédie une partie de mon temps à améliorer mes connaissances en allemand. Au moment où les progrès de l’intelligence artificielle sont très rapides, il me semble intéressant de se poser la question de savoir pour combien de temps encore nous devrons apprendre des langues étrangères.

Petit tour d’horizon des technologies actuellement à disposition et de leur impact. 

De la traduction de textes à une traduction vocale simultanée

Les traducteurs de textes sont de plus en plus efficaces. Pendant plusieurs années, Google a dominé ce marché avec Google Translate, mais les résultats obtenus restent assez médiocres. On trouve maintenant des solutions plus performantes, comme Deepl.com. La différence, les données qui nourrissent ses algorithmes.

Deepl appartient à la société Linguee qui propose depuis 2010 un service en ligne de traduction contextuelle. Quand on fait une recherche de mots, ceux-ci apparaissent dans différents exemples de phrases. En plaçant les mots dans le contexte d’une situation spécifique, cela nous permet de sélectionner le mot le plus approprié. Deepl capitalise sur les millions de données générées au fil du temps par ce service pour entrainer ces algorithmes.

La traduction vocale simultanée fait son apparition. Sans surprise, ce sont les géants d’internet comme Google avec ses écouteurs Pixel Buds intégrant cette fonctionnalité ou des start-up comme Waverly Labs dont le slogan est « plus de barrières linguistiques » qui s’attaquent à ce marché.

Alors que la plupart des solutions actuelles retranscrivent d’abord la voix en texte, traduisent ensuite ce texte dans la langue souhaitée et finalement restituent cette traduction à nouveau en parole, Google développe actuellement une méthode de traduction « directe voix-voix » qui devrait permettre de rendre la conversation plus naturelle en conservant les caractéristiques de la voix de la personne qui parle.

Comment les applications de traduction vont-elles changer le monde ?

Pour toutes les personnes avides de voyages et de découvrir d’autres cultures, la démocratisation des assistants de poche multilingue simplifiera les échanges. Comme il est assez compliqué d’apprendre le coréen ou le japonais en quelques semaines avant de partir en vacances, des applications telles que One Mini qui coûtent moins de 100 CHF vont simplifier la communication avec les gens et ainsi faciliter l’immersion dans la culture locale.

Plus largement, ces traducteurs boostés à l’intelligence artificielle permettent de diffuser la connaissance. Des milliards de textes qui n’avaient jusqu’alors pas été traduits en raison des coûts élevés d’une traduction humaine vont pouvoir l’être. Ces solutions vont donc fortement contribuer au partage de connaissances en éliminant les barrières de la langue.

Au niveau des entreprises, ces traducteurs vont permettre aux PME de devenir des multinationales. Les manuels d’utilisations des produits seront rapidement traduits et les sites de vente en ligne seront disponibles en plusieurs langues. Les PME pourront donc plus rapidement et à moindre coût adresser un grand nombre de marchés.

Alibaba, le leader chinois du e-commerce l’a bien compris, il propose déjà un outil de traduction à ces clients qui vendent leurs produits sur son site. Alibaba va plus loin, elle fait également évoluer sa plateforme de commerce B2B. Cette plateforme qui permet aux entreprises de trouver des fournisseurs dans le monde entier va prochainement intégrer une solution de vidéo-chat avec traduction simultanée pour faciliter les négociations.

Un humain augmenté parlant 10 langues…ou même plus

On parle de plus en plus de l’humain augmenté, car les technologies nous permettent d’accroître notre performance. Le smartphone est un bon exemple, en le tenant dans notre main, il nous donne l’accès partout à une source d’information quasi infinie qu’il nous serait impossible de mémoriser ou il nous permet de nous diriger dans une ville qu’on ne connait pas. Difficile de donner une date et de définir sous quelle forme (écouteur, implant) nous serons équipés pour comprendre plusieurs langues mais l’enjeu est tellement grand et les possibilités offertes par l’intelligence artificielle si prometteuse qu’à mon avis cela deviendra une réalité dans quelques années.

Entretemps, je vais continuer d’améliorer mon allemand mais la technologie a déjà modifié ma stratégie d’apprentissage. Je me concentre sur la compréhension orale et la conversation. L’écriture n’est plus une priorité car l’utilisation de Deepl me permet déjà de produire des e-mails et des textes avec très peu de fautes de grammaire.

L’apprentissage d’une langue a aussi d’autres avantages indirects comme la possibilité d’entrainer son cerveau et conserver une bonne mémoire. Ayant terminé cet article, je vais donc faire un peu de gymnastique cérébrale en révisant ma liste de 150 mots avec l’aide de l’application Quizlet.

La Blockchain s’invite progressivement à Paléo

Chaque année, Suisse Tourisme organise une conférence qui réunit plus de mille professionnels de l’industrie touristique. Vision stratégique, actions en cours, partage d’expériences et réseautage sont au programme avec cette année comme slogan de promotion de la Suisse : « Our nature energizes you ».  Dans ce contexte, on m’a demandé d’adresser la question suivante : destination touristique intelligente, une réalité ?

Dans un premier temps, j’ai essayé de trouver une définition commune de ce terme de destination intelligente, en posant la question à l’audience. Sous la forme d’un Word Cloud, le résultat obtenu est le suivant :

Digital, connecté, simple, confortable font partis des mots clés qui ressortent et qui me permettent de donner la définition suivante :

Une destination touristique intelligente est une destination connectée, qui utilise le digital pour rendre l’expérience du client simple et confortable.

Un des facteurs clés de succès sur lequel je souhaite me concentrer dans cet article réside dans la démarche sélectionnée et la culture d’innovation à mettre en place pour bénéficier des opportunités offertes par les technologies digitales.

Prenons l’exemple d’une technologie émergente telle que la blockchain. A la question de savoir si cette technologie va transformer l’industrie touristique, 73% des personnes présentes ont répondu positivement. Comment faut-il la mettre en œuvre et dans quel objectif ?

Transformer la gestion de la billetterie – l’exemple de Paléo festival

Parmi les nombreuses applications possibles de la blockchain, l’émission de billets numériques utilisant un registre de données distribuées est très prometteuse. Comme le développement de cette technologie est en constante évolution et qu’elle n’a pas encore atteint sa maturité, une approche « tester et apprendre » permet d’acquérir de l’expérience, de déterminer les contraintes et d’affiner sa stratégie en fonction des possibilités.

David Franklin et ces équipes du Paléo Festival de Nyon ont lancé un projet « blockchain » avec cette approche, en procédant par étape :

  1. Améliorer l’expérience client

Dans un premier temps, Paléo a émis des billets numériques basés sur une blockchain pour les personnes qui travaillent sur les stands. Les gestionnaires de stands, clients de Paléo, obtiennent ainsi plus de flexibilité dans la distribution des billets à leurs employés. La solution leur permet de modifier sur une application mobile le titulaire du billet en cas de changement de dernière minute.

  1. Optimiser les processus internes

La prochaine étape consistera à optimiser les processus internes en émettant des billets numériques pour les bénévoles : ceux-ci reçoivent des billets d’entrée qu’ils peuvent offrir à leurs amis. Cela représente chaque soir la distribution de 2’000 enveloppes, avec toute la complexité liée aux modifications lorsque la personne qui se présente à la caisse n’est pas celle qui est inscrite sur l’enveloppe. Cette solution permet d’éliminer complètement l’utilisation d’enveloppes.

  1. Créer un nouveau modèle d’affaires

Dans le futur, l’introduction de cette nouvelle technologie va modifier complètement le modèle d’affaires de la distribution de billets. Paléo sera en mesure de mettre en place une bourse aux billets dans laquelle elle conserve le contrôle sur les conditions de revente. La blockchain possède comme caractéristique de pouvoir attacher à chaque billet émis un « smart contract » (contrat intelligent). Ce contrat consiste en des lignes de code qui spécifient les conditions requises pour effectuer une transaction. Le prix maximum de revente du billet peut par exemple y être fixé. C’est un moyen d’éliminer le marché noir et d’empêcher certaines sociétés de revendre sans autorisation des billets à des prix prohibitifs. Cette solution va donc permettre à Paléo de développer de nouveaux canaux de distribution en assurant une traçabilité et en conserver une maîtrise des conditions de vente.

Prochaine destination, la transformation numérique et sa culture d’innovation

Pour entreprendre ce type de projets, la culture d’innovation à mettre en place doit intégrer plusieurs aspects, notamment :

  • La mise en place d’une culture qui permet l’expérimentation doit être accompagnée d’une discipline rigoureuse pour par exemple sélectionner les expériences pertinentes basées sur le potentiel d’apprentissage et définir des critères clairs pour décider de continuer, modifier ou tuer une idée.
  • La nature exploratoire et incertaine des projets innovants doit permettre d’accepter les échecs. Cependant la tolérance à l’échec doit être accompagnée par une intolérance à l’incompétence. Si l’échec est causé par un manque de compétence ou une gestion de projet médiocre, il sera difficile de tirer des leçons utiles du projet qui a échoué.

Dans le but de devenir une destination intelligente (tel que défini plus haut), le chemin pour y arriver est passionnant et nécessite de développer une culture d’innovation. Le développement rapide de toutes ces nouvelles technologiques numériques telles que la Blockchain, le Big Data, la réalité augmentée sont donc une opportunité de dynamiser l’esprit d’innovation des acteurs du tourisme pour simplifier nos vacances afin de nous permettre de nous concentrer sur l’essentiel, se ressourcer dans notre belle nature, suivant le slogan de Suisse Tourisme.

Image @Paléo – Marc Amiguet

Ma présentation effectuée pour Suisse Tourisme à Lucerne lors de la Journée Suisse des Vacances 2019 :

Un article intéressant sur les aspects de la culture d’innovation :

The hard Truth About Innovation Cultures, Harvard Business Review, février 2019

Big data, big profit ?

Réduire les coûts de la santé en améliorant la prise en charge des malades. Améliorer l’expérience en transports publics pour réduire les émissions de CO2 et fluidifier le trafic. Des entreprises s’attaquent à ces enjeux de sociétés en adoptant une stratégie d’acquisition de multiples sources de données pour constituer un « Big Data ». Ils développent ensuite une capacité à transformer cette nouvelle ressource en un service innovant qui a le potentiel de modifier durablement les domaines sur lesquels ils sont actifs.

Lors du Meyrin Economic Forum sur le thème « l’innovation au service de l’humain » organisé le vendredi 8 février dernier, les organisateurs m’ont demandé de faire une présentation autour de la question suivante : Big data, big profit ? Voici trois tendances illustrées par des exemples qui me permettent de répondre par l’affirmative.

1. Acquérir toujours plus de données – l’exemple de Google

Le printemps arrive, c’est jeudi et le week-end s’annonce radieux. Cette perspective vous donne envie d’acheter une nouvelle paire de lunettes de soleil. Un critère d’achat important est de pouvoir les obtenir avant le week-end ! Lorsque vous faites une recherche sur Google, la première annonce référencée est un opticien qui vous propose les Ray Ban de vos rêves, disponibles en stock, à deux pas de chez vous. La raison : Google intègre cette notion « d’urgence » en proposant un référencement préférentiel à l’opticien qui lui fournit ces données d’inventaire. Ce service s’appelle « Google Merchant Center ».

Google a déjà une compréhension de la demande : l’entreprise a généré en 2018 un chiffre d’affaires de $116 milliards grâce à de la publicité ciblée basée sur les données qu’elle collecte sur vous lorsque vous utilisez des services tels que Google Search, Gmail, Google Maps et YouTube. Avec ces données, Google connaît vos besoins et vos préférences.

En lançant Google Merchant Center, la société augmente encore son « Big Data » en intégrant les données d’inventaire des magasins. Elle obtient ainsi une compréhension de l’offre.

Lorsque vous faites une recherche, Google peut ainsi adapter le référencement et faire correspondre l’offre et la demande pour augmenter la probabilité d’achat. Ce nouveau « Big Data » va lui permettre de renforcer sa position dominante sur ce marché.

2. Valoriser les données disponibles – l’exemple de Babylone Health

Diagnostic en ligne et consultation en vidéoconférence, la prise en charge du patient se fait par un smartphone. C’est la solution de Babylon Health, nouvel acteur de la santé qui développe une intelligence artificielle qui effectue un diagnostic médical. L’interface se présente sous la forme d’un agent conversationnel (chatbot) qui vous pose des questions pour identifier les symptômes de votre maladie. Les algorithmes sont entraînés grâce à des millions de données de pratique de la médecine mises à dispositions par les organismes de santé publique.

En partenariat avec la NHS (National Healthcare Systems en Angleterre), Babylon Health a lancé son service dans certains quartiers de Londres. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des malades et de réduire le temps d’attente en vous mettant rapidement en contact avec le spécialiste adéquat ou l’hôpital, en fonction de la gravité et du type de maladie dont vous souffrez. La solution permet d’interagir directement avec un médecin au travers de l’application installée sur son smartphone. Dans la zone desservie par le pilote, le temps moyen pour avoir accès au conseil d’un docteur est passé de 2 semaines à 2 heures. Ce service s’appelle d’ailleurs « Docteur à portée de main » (GP at Hand).

Cette start-up a déjà levé $85 millions pour son développement. Cet argent lui permet d’être active sur toute la chaine de valeur, en développant un réseau de médecins et de cliniques.

3. Générer de nouvelles données – l’exemple de Moovit

Moovit propose une application mobile dédiée aux transports publics et à la mobilité douce : en installant l’application Moovit, vous obtenez l’itinéraire optimal pour vous rendre à votre lieu de rendez-vous en utilisant soit les transports publics, le vélo ou la marche. Son service prend en compte les conditions de trafic en temps réel.

Pour « nourrir » ces algorithmes, Moovit capte différentes sources de données :

  • Les données « Open Data » des villes et des transports publics telles que les trajets et les horaires des bus et des trains et les emplacements des pistes cyclables
  • Votre position et vos mouvements renvoyés par le GPS de votre smartphone
  • Elle s’appuie sur une communauté de plus d’un demi-million de bénévoles qui via l’application, informent en temps réel des retards, des travaux et des modifications de parcours dans les transports publics

Moovit a déjà plus de 300 millions d’utilisateurs à travers le monde. Elle obtient ainsi plus de 4 milliards de géodonnées par jour, ce qui en fait le plus grand registre de données de transport au monde. Pour proposer des services de mobilité à la demande et réduire les embouteillages, l’accès à un tel registre sera indispensable.

La société revend déjà ces informations aux villes qui peuvent ainsi mieux planifier leurs infrastructures. Elle a également signé en novembre dernier un partenariat avec Microsoft. Cette stratégie d’acquisition de multiples sources de données commence donc à porter ces fruits et lui permet déjà de négocier avec des multinationales qui cherchent à jouer un rôle dans la mobilité du futur.

Quatre types de sources de données

Dans sa stratégie d’acquisition d’un « Big Data », il faut donc pouvoir intégrer plusieurs types de flux pour créer une proposition de valeur intéressante. On peut classer les types de sources de données comme suit :

Les technologies de stockage et de transformation de milliards de données sont disponibles, avec de nombreux outils qui sont souvent open source. Si on ne veut pas expérimenter seul ou qu’on ne possède pas toutes les compétences en data science, des plateformes collaboratives apparaissent, à l’exemple de AIcrown, start-up récemment lancée par un professeur de l’EPFL. La valorisation des données est une tendance forte, il est donc temps d’apprendre à donner du sens à vos données.

Ma présentation lors du forum économique de Meyrin :

Les start-up qui inventent les transports et la mobilité de demain

La fédération internationale de l’automobile (FIA) vient de lancer en début d’année un programme d’accélération pour soutenir les start-up actives dans le domaine de la mobilité. Le programme est appelé : « Smart Cities : aider les villes à définir de nouveaux modèles pour une mobilité urbaine durable ».  Cet accélérateur piloté par Masschallenge est ouvert aux start-up du monde entier. Les finalistes retenus seront coachés de juillet à octobre en Suisse dans les ateliers de Renens, nouveau hub d’innovation dans le Canton de Vaud. Sur les dix dossiers que j’ai eu à évaluer, il y a deux tendances qui ressortent :

  • S’inspirer des nouveaux modèles d’affaires implémentés avec succès dans d’autres industries en intégrant des technologies digitales
  • Se profiler comme un nouvel acteur de la mobilité en proposant des solutions pour les véhicules autonomes

Devenir le Airbnb des places de parc ou le Netflix des voitures

Grâce à sa plateforme, Airbnb a transformé l’industrie touristique en permettant à tout le monde de louer son appartement de manière simple et sécurisée lorsqu’on est absent.

Notre place de parc étant le plus souvent libre la journée, il serait intéressant de pouvoir la louer. Parmi les dossiers évalués, la start-up Parkk propose une solution intéressante. Elle a développé une application mobile qui vous permet de réserver une place. Le locataire doit installer une borne connectée gérée à distance par l’application. Le processus de location est entièrement automatisé et piloté par son smartphone :

Depuis l’arrivée du modèle Netflix, nous pouvons consommer des films et des séries sans les acheter. On paye un abonnement mensuel qui nous permet d’accéder au service en tout temps, de l’adapter à notre guise et de l’arrêter quand on le souhaite.

De manière similaire, au lieu d’investir des dizaines de milliers de francs pour acheter une voiture ou prendre un leasing sur plusieurs années, il serait pratique de pouvoir utiliser une voiture en payant simplement un abonnement mensuel. Plus besoin par exemple de souscrire un contrat d’assurance et de demander des plaques d’immatriculation. Si la famille s’agrandit, on modifie simplement son abonnement pour obtenir une voiture plus grande. C’est la proposition de valeur d’une des start-up qui a appliqué au programme, Wagonex. Elle a déjà signé un premier partenariat avec le groupe PSA Peugeot Citroën en novembre dernier. Grâce au digital, toute la chaine a été automatisée pour permettre à la société de vous fournir une voiture clé en main en payant un abonnement mensuel.

Proposer un service de navettes autonomes et des « robotaxis »

De nombreux pilotes sont déployés dans le monde pour introduire des véhicules autonomes. Il est intéressant d’observer les différentes approches :

L’approche disruptive de start-up qui développent de nouvelles navettes autonomes en s’appuyant sur une expertise pointue en développement software et en robotique. Coast autonomous, candidat à l’accélérateur en fait partie et mets en avant son pilote au centre de Times Square à New York.

Ces start-up n’ont cependant pas le savoir-faire de l’industrie automobile qui maîtrise parfaitement les processus de production et elles sont freinées par le cadre législatif qui évolue progressivement. Par exemple, dans le cas du pilote de navettes autonomes à Sion, le lancement a été retardé car la navette n’avait pas d’essuie-glaces, accessoire indispensable aux yeux des autorités fédérales. En effet, les conditions d’exploitation imposent qu’un chauffeur puisse en tout temps reprendre le contrôle sur le véhicule. Il fallait donc assurer une bonne visibilité en cas de pluie.

L’approche hybride de start-up comme Waymo (spin-off de Google) qui se concentre sur le développement de la technologie pour rendre le véhicule autonome. Elle intègre ces solutions sur des véhicules existants qui sont adaptés. Chrysler Automobiles et Jaguar Land Rover sont les deux partenaires actuels de Waymo. Une flotte de véhicules est en ce moment en circulation sur un périmètre restreint de Phoenix en Arizona :

Les véhicules de Waymo ont déjà parcouru plus de 16 millions de km. Les algorithmes d’intelligence artificielle peuvent donc se « nourrir » d’une grande quantité de données. En conséquence, cette start-up semble pour le moment se profiler comme le leader, ce qui peut s’observer en regardant l’estimation de sa valorisation : Waymo est déjà valorisée à $175 milliards selon les estimations de Morgan Stanley. A titre de comparaison, le leader actuel de l’industrie automobile Toyota a une capitalisation boursière de $200 milliards.

Finalement, si l’objectif est d’obtenir une mobilité durable, il faudra également voir comment se développe le marché : si la mobilité du futur est constituée de robotaxis qui transportent majoritairement des personnes seules, le nombre de véhicules sur nos routes va continuer d’augmenter, voire exploser. Il serait donc préférable d’avoir des navettes autonomes combinées à une application performante qui permet de mutualiser les trajets.