Assistant biométrique, de Big Brother à Big Mother

Vous prenez l’avion dans quelques jours. Pour simplifier les démarches, imaginez que vous activez un assistant biométrique à reconnaissance faciale : après avoir scanné votre carte d’identité et enregistré votre profil biométrique du visage sur une application mobile, vous pouvez ensuite vous rendre à l’aéroport et être identifié à chaque étape uniquement en restant quelques secondes devant une caméra. Vous déposez ainsi vos bagages, passez le contrôle de sécurité et finalement rentrez dans l’avion sans présenter aucun document et en évitant les files d’attente. En complément à ce service d’identification, cet assistant numérique vous permet également de réserver une place de parc et de vous guider depuis votre maison jusqu’au terminal, en optimisant votre temps de voyage.

Ce service existe déjà près de chez vous, il s’appelle Mona et il est proposé par Vinci à l’aéroport de Lyon, comme l’illustre la vidéo à la fin de mon article.

 J’ai découvert cette solution il y a quelques semaines en participant au jury du concours Le Meilleur du Web. Ce concept développé par l’agence Atipik a gagné dans la catégorie Technologie. La solution technique est très bien implémentée, connectée à tout un écosystème pour simplifier la vie du client. Cependant, cet assistant biométrique pose beaucoup de questions sur le déploiement massif de ces technologies de reconnaissances faciales.

Mona m’a d’ailleurs immédiatement fait penser au lancement en octobre dernier de Face Pay, le système de paiement par reconnaissance faciale du métro de Moscou. Les six millions de passagers quotidiens peuvent maintenant prendre le métro sans utiliser de ticket ou de carte à l’entrée. Une caméra capture leur visage et le compare avec une base de données, afin d’effectuer le paiement de manière automatique et en quelques secondes. Dans ce cas également, l’objectif affiché est de désengorger les stations et de fluidifier votre parcours.

Des caméras « dopées » à l’intelligence artificielle

La reconnaissance faciale est présente dans les films de science-fiction depuis des décennies. Elle s’impose aujourd’hui comme la mesure biométrique la plus utilisée grâce aux développements des techniques d’intelligence artificielle et l’accès à des milliards de données d’entrainements de visages, facilement accessible sur internet. Selon le NIST, l’organisation américaine des standards et normes, la précision des logiciels de reconnaissance a été multipliée par 50 en l’espace de 6 ans, avec un taux d’erreur de 0.08% mesuré en 2020. Les algorithmes s’auto-améliorent en permanence.

Le débat s’oriente souvent sur les risques que l’algorithme se trompe, mais la fiabilité est de plus en plus grande et les meilleurs algorithmes n’ont plus de biais démographiques. La question est plutôt : est-ce qu’on veut banaliser cette technologie et la diffuser partout dans la sphère publique avec toutes les dérives possibles de les utiliser à des fins de surveillance ? Dans la ville de demain, est-ce que l’anonymat va disparaitre ?

De la promesse de fluidifier nos déplacements aux dérives de la surveillance de masse

L’écrivain de science-fiction Alain Damasio résume bien la situation : « La technologie ce n’est plus Big Brother, c’est Big Mother, il s’agit d’un pouvoir maternant, couvant, qui anticipe et répond à nos besoins ».

En effet, on justifie l’utilisation de ces technologies pour simplifier notre quotidien, notamment dans nos déplacements. Mais les risques de dérives sont élevés. Faut-il alors s’en passer ou plutôt essayer de l’encadrer ? Le World Economic Forum travaille depuis quelques années sur la question, pour définir une utilisation responsable des technologies de reconnaissance faciale en fonction des applications.

Il sera intéressant de suivre le débat et de voir comment le cadre législatif va évoluer. En attendant, il me semble judicieux de s’abstenir d’utiliser de tels systèmes, surtout si l’on n’est pas sûr de savoir où se trouvent nos données biométriques. Contrairement à un mot de passe, il est plus difficile de changer de visage si le système d’authentification a été corrompu ou utilisé dans un autre but que celui voulu.

La ville de demain : tous en e-bike connecté

Je commence une série d’articles qui décrypte de nouveaux modèles d’affaires innovants qui vont permettre de façonner la ville de demain. Commençons ce chemin à vélo électrique.

Imaginez que vous venez d’acheter un e-bike et qu’après quelques semaines d’utilisation, celui-ci soit volé. Aucun souci, l’entreprise qui vous l’a vendu s’occupe de tout : elle traque le voleur et si elle ne le retrouve pas, elle remplace votre vélo par un nouveau. Ce service s’appelle « Peace of Mind » littéralement tranquillité d’esprit.

Cette solution est proposée par VanMoof, une entreprise néerlandaise qui vient de finaliser un nouveau tour de financement de $128 millions dans l’objectif de passer de 200’000 vélos vendus à 10 millions d’utilisateurs dans les cinq prochaines années. Pour y arriver, elle ne se limite pas à la création de nouveaux modèles de vélos, elle réinvente également le modèle d’affaires, en proposant de nouveaux services.

Le risque de vol, un frein à l’achat d’un vélo haut de gamme

Le vol de vélos est un fléau qui n’épargne aucune ville. Sachant qu’un vélo de VanMoof coûte plus de 2000 CHF, nous sommes nombreux à hésiter à investir un tel montant. Afin de résoudre ce problème, l’entreprise a intégré une solution de géolocalisation pour pouvoir localiser votre vélo en tout temps. Elle a mis en place un réseau de « chasseurs de vélos », les bike hunters, qui se lancent à la recherche de votre vélo s’il a été dérobé. Il vous suffit de signaler le vol sur l’application mobile et des chasseurs de vélos se mettront au travail. Si après deux semaines ils ne l’ont pas retrouvé, VanMoof remplacera votre vélo par un autre dans un état équivalent.

Proposer une maintenance proactive

C’est toujours compliqué de savoir à quel moment il est judicieux de contrôler les freins ou de faire remplacer la chaine. Comme votre vélo électrique est connecté et équipé de capteurs, l’application mesure en permanence les distances parcourues et vous invite à faire un contrôle au moment opportun. Le but est d’anticiper les problèmes en effectuant des contrôles préventifs basés sur votre utilisation. Ce service s’appelle « Entretien » et il est mis en œuvre en développant un réseau de « Bike Doctors » qui s’occupe de maintenir votre vélo dans un état optimal.

Vers une économie du partage

Votre vélo VanMoof se « pilote » avec une application mobile. Vous souhaitez partager votre vélo avec un ami, vous pouvez l’inviter par email à se connecter sur l’application et lui donner l’accès, en choisissant la durée d’utilisation. Si vous êtes inquiets pour votre vélo, vous pouvez en tout temps le localiser.

Faire du vélo le moyen de transport par défaut

On observe une combinaison de plusieurs facteurs : nous devons adapter notre mode de déplacement pour réduire notre empreinte carbone. Les villes investissent dans l’aménagement de nouvelles pistes cyclables et elles renforcent la sécurité des cyclistes. Nous avons accès à une nouvelle génération de vélos connectés intégrant de nouveaux services. En conséquence, dans la ville de demain, on circulera autrement. Faire du vélo le moyen de transport par défaut dans le monde entier est d’ailleurs la mission que s’est fixée l’entreprise VanMoof.

 

Les joueurs de foot et les vignerons sont connectés pour améliorer leurs performances

Sous l’appellation « Smart City », les solutions technologiques se multiplient dans les villes pour réduire les embouteillages, diminuer la consommation d’énergie ou encore améliorer la sécurité. Par extension, un domaine en forte croissance est le « Smart Agriculture », appelé aussi « agriculture de précision ».

Plusieurs start-up romandes se sont déjà lancées à la conquête de ce marché : Gamay par exemple a développé une caméra miniature hyperspectrale installée sur un drone. Sorte d’IRM des champs, elle scanne les plantations pour y détecter des maladies.

La disruption dans ce domaine peut également provenir de PME traditionnelles. La semaine dernière, j’ai rencontré un entrepreneur enthousiasmant, Stéphane Boggi. Il dirige Felco Motion, entité appartenant à Felco, entreprise familiale qui fabrique des outils de taille et de coupe depuis 75 ans. La société a lancé, en fin d’année, un bracelet connecté pour permettre au vigneron d’améliorer la gestion de son terrain.

Le vigneron connecté devient producteur de « Smart Data »

En quoi consiste cette solution ? Les personnes qui travaillent dans la vigne portent à leur poignet un boitier connecté qui enregistre toutes les tâches effectuées et les visualisent sur une carte numérique. Le boitier comprend également des boutons pour indiquer par exemple la position d’un plant malade.

Ces données accumulées permettent au viticulteur de mieux planifier ses activités, de faire le suivi des zones traitées et d’automatiser le travail administratif. Une plateforme de gestion utilise toutes ces informations pour compléter une partie des formulaires à fournir aux autorités de surveillance.

Du terrain de football à la vigne, il n’y a eu qu’un pas à faire

Le boitier de Felco Motion doit fournir une géolocalisation suffisamment précise pour savoir dans quelle rangée de plants se trouve le vigneron. Plutôt que de se lancer dans un projet de recherche pour développer une solution, la société a approché l’entreprise Advanced Sport Instruments (ASI).

ASI crée des solutions de mesures de performance pour les athlètes, en particulier les footballeurs. Pour connaître les mouvements des joueurs lors d’un match, ils ont développé un boitier connecté qui enregistre leur déplacement sur le terrain. Zones couvertes et distances parcourues font partie des indicateurs mesurés. La société transforme ensuite ce flux de données en un outil d’analyse pour les entraîneurs.

Dans les deux cas, il faut être capable de déterminer la position du joueur ou du vigneron avec une précision d’environ 50 cm. Les signaux GPS utilisés par nos smartphones nous localisent dans un rayon d’environ 50 m, précision insuffisante pour une telle application. En mettant en place une collaboration avec ASI, Felco a pu bénéficier de la technologie développée pour le football et la transposer au domaine de la viticulture.

Le vigneron 4.0 intègre de nouvelles tâches pour augmenter sa performance

Comment utiliser cette solution ? Dans un premier temps, le vigneron fait voler un drone sur ses cultures pour obtenir une cartographie numérique précise. Puis, il s’équipe d’un bracelet connecté qu’il calibre avec un point de référence en bordure de la vigne. Il renvoie ensuite automatiquement sa position et ses mouvements toutes les ½ secondes. Il consulte finalement une plateforme sur laquelle ces données lui permettent de planifier de façon optimale les travaux de la vigne, mais également d’automatiser une partie des tâches administratives.

De la théorie à la pratique avec le master Innokick

Dans ce projet, la mise en place de collaborations ne s’est pas limitée aux aspects technologiques. Un deuxième partenariat clé a été établi avec le master InnoKick de la HES-SO. Les étudiants ont utilisé différents outils méthodologiques du Design Thinking, tels que la compréhension du parcours client, pour identifier les besoins des viticulteurs. L’approche intégrait également la co-création avec les utilisateurs. Cela a permis de rapidement éliminer les fausses bonnes idées telles que l’utilisation d’un smartphone comme objet connecté. Il aurait très vite été cassé. En plus, impossible de manipuler l’écran en portant des gants de taille.

De la technologie à l’état d’esprit

Dans cette transformation numérique qui s’opère, l’exemple de Felco démontre que le défi n’est pas technologique. Pour être en mesure de lancer avec succès un produit novateur, il faut en premier lieu intégrer, dans son entreprise, la culture numérique. Elle est essentielle pour bénéficier des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Cette culture numérique contient notamment les quatre caractéristiques ci-dessous.