Les joueurs de foot et les vignerons sont connectés pour améliorer leurs performances

Sous l’appellation « Smart City », les solutions technologiques se multiplient dans les villes pour réduire les embouteillages, diminuer la consommation d’énergie ou encore améliorer la sécurité. Par extension, un domaine en forte croissance est le « Smart Agriculture », appelé aussi « agriculture de précision ».

Plusieurs start-up romandes se sont déjà lancées à la conquête de ce marché : Gamay par exemple a développé une caméra miniature hyperspectrale installée sur un drone. Sorte d’IRM des champs, elle scanne les plantations pour y détecter des maladies.

La disruption dans ce domaine peut également provenir de PME traditionnelles. La semaine dernière, j’ai rencontré un entrepreneur enthousiasmant, Stéphane Boggi. Il dirige Felco Motion, entité appartenant à Felco, entreprise familiale qui fabrique des outils de taille et de coupe depuis 75 ans. La société a lancé, en fin d’année, un bracelet connecté pour permettre au vigneron d’améliorer la gestion de son terrain.

Le vigneron connecté devient producteur de « Smart Data »

En quoi consiste cette solution ? Les personnes qui travaillent dans la vigne portent à leur poignet un boitier connecté qui enregistre toutes les tâches effectuées et les visualisent sur une carte numérique. Le boitier comprend également des boutons pour indiquer par exemple la position d’un plant malade.

Ces données accumulées permettent au viticulteur de mieux planifier ses activités, de faire le suivi des zones traitées et d’automatiser le travail administratif. Une plateforme de gestion utilise toutes ces informations pour compléter une partie des formulaires à fournir aux autorités de surveillance.

Du terrain de football à la vigne, il n’y a eu qu’un pas à faire

Le boitier de Felco Motion doit fournir une géolocalisation suffisamment précise pour savoir dans quelle rangée de plants se trouve le vigneron. Plutôt que de se lancer dans un projet de recherche pour développer une solution, la société a approché l’entreprise Advanced Sport Instruments (ASI).

ASI crée des solutions de mesures de performance pour les athlètes, en particulier les footballeurs. Pour connaître les mouvements des joueurs lors d’un match, ils ont développé un boitier connecté qui enregistre leur déplacement sur le terrain. Zones couvertes et distances parcourues font partie des indicateurs mesurés. La société transforme ensuite ce flux de données en un outil d’analyse pour les entraîneurs.

Dans les deux cas, il faut être capable de déterminer la position du joueur ou du vigneron avec une précision d’environ 50 cm. Les signaux GPS utilisés par nos smartphones nous localisent dans un rayon d’environ 50 m, précision insuffisante pour une telle application. En mettant en place une collaboration avec ASI, Felco a pu bénéficier de la technologie développée pour le football et la transposer au domaine de la viticulture.

Le vigneron 4.0 intègre de nouvelles tâches pour augmenter sa performance

Comment utiliser cette solution ? Dans un premier temps, le vigneron fait voler un drone sur ses cultures pour obtenir une cartographie numérique précise. Puis, il s’équipe d’un bracelet connecté qu’il calibre avec un point de référence en bordure de la vigne. Il renvoie ensuite automatiquement sa position et ses mouvements toutes les ½ secondes. Il consulte finalement une plateforme sur laquelle ces données lui permettent de planifier de façon optimale les travaux de la vigne, mais également d’automatiser une partie des tâches administratives.

De la théorie à la pratique avec le master Innokick

Dans ce projet, la mise en place de collaborations ne s’est pas limitée aux aspects technologiques. Un deuxième partenariat clé a été établi avec le master InnoKick de la HES-SO. Les étudiants ont utilisé différents outils méthodologiques du Design Thinking, tels que la compréhension du parcours client, pour identifier les besoins des viticulteurs. L’approche intégrait également la co-création avec les utilisateurs. Cela a permis de rapidement éliminer les fausses bonnes idées telles que l’utilisation d’un smartphone comme objet connecté. Il aurait très vite été cassé. En plus, impossible de manipuler l’écran en portant des gants de taille.

De la technologie à l’état d’esprit

Dans cette transformation numérique qui s’opère, l’exemple de Felco démontre que le défi n’est pas technologique. Pour être en mesure de lancer avec succès un produit novateur, il faut en premier lieu intégrer, dans son entreprise, la culture numérique. Elle est essentielle pour bénéficier des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Cette culture numérique contient notamment les quatre caractéristiques ci-dessous.

Les 3 facteurs de succès d’une collaboration start-up / grande entreprise réussie

Développer un partenariat entre une start-up et une grande entreprise peut s’apparenter à intégrer un patineur artistique dans une équipe de hockey : tous les deux sont à l’aise sur la glace, mais ils n’ont pas les mêmes objectifs ni la même culture, ce qui rend l’opération compliquée. Dans le sport, ces deux disciplines partagent le même terrain de jeu, la patinoire, mais ne se croisent pas. En revanche dans l’industrie, de nombreuses entreprises cherchent à collaborer avec des start-up pour innover.  Trois facteurs de succès caractérisent un partenariat réussi. 

Les concours de start-up se multiplient, des incubateurs et des laboratoires d’innovation sont créés à l’intérieur des grandes entreprises pour accueillir ces jeunes pousses. Ces initiatives ont pour objectif d’intensifier les contacts entre les employées de ces grands groupes et les entrepreneurs et de créer un environnement favorable à la mise en place de partenariats.

Cependant en cas d’échec, les conséquences ne sont pas les mêmes pour les deux parties prenantes. La grande entreprise aura perdu du temps et de l’argent et elle adaptera sa stratégie, en explorant des développements à l’interne ou simplement en stoppant le projet. Pour la start-up, les efforts et les ressources déployés influencent fortement sa trésorerie limitée. Si aucun revenu n’est finalement généré, cet engagement peut engendrer sa faillite. Il est donc judicieux de qualifier rapidement le potentiel de collaboration.

En novembre dernier, en collaboration avec deux experts en innovation, Blaise Vonlanthen et Metin Zerman, nous avons entrepris une démarche pour identifier les facteurs de succès. Notre objectif était d’établir un outil simple permettant de déterminer la pertinence à mettre en place un tel partenariat. Nous avons tout d’abord organisé un atelier réunissant 20 entrepreneurs dans le cadre du Carrefour des Créateurs, événement annuel de l’association Genilem.

Cet atelier de travail nous a permis de converger sur les trois premiers facteurs de succès suivants :

  1. L’adéquation stratégique
  2. La capacité d’action
  3. Le rapport de force

Le partenariat entre NetGuardians et Swisscom permet de mettre en exergue ces trois facteurs. Mis en place par Bernard Hofmann, en charge des plateformes bancaires chez Swisscom, c’est en effet un exemple parlant de partenariat start-up / grande entreprise réussi.

Lutter contre les transactions bancaires frauduleuses

NetGuardians est spécialisée dans la détection de transactions frauduleuses dans le secteur financier. Sa solution permet d’identifier les activités anormales en temps réels et ainsi bloquer les transactions suspectes.

Tous les services bancaires deviennent accessibles en ligne, que ce soit depuis un PC, une tablette ou un mobile.  On peut effectuer un versement d’argent en tout temps, à la maison, au bureau ou dans le bus. Ces évolutions donnent aux fraudeurs d’avantages de possibilités pour accéder à votre compte et détourner votre argent, en utilisant des techniques de plus en plus sophistiquées.

Les cybercriminels 2.0 ne cherchent plus à intercepter votre code et à copier votre carte bancaire au bancomat. Ces nouveaux fraudeurs se font par exemple passer pour un employé de Microsoft qui vous contacte pour vous demander de mettre à jour votre licence Windows prétendument expirée. Ils vous demandent de faire un transfert bancaire pour acheter une nouvelle clé d’activation. Lors de la manipulation, vos accès d’e-banking sont ainsi interceptés.

L’impact de ces nouvelles méthodes de fraude est substantiel : les montants détournés sont beaucoup plus élevés que ceux volés sur une carte bancaire et les mécanismes de fraude peuvent être déployés à plus large échelle. De telles attaques ciblées peuvent donc rapidement engendrer le vol de plusieurs centaines de milliers de CHF en quelques minutes.

Les algorithmes développés par Netguardians permettent par exemple de détecter et de bloquer des transactions anormales, comme le transfert de 40 CHF (prix d’une licence) suivit quelques secondes plus tard d’une deuxième transaction pour un montant de 10’000 CHF.

Une excellente complémentarité

L’adéquation stratégique est optimale : Swisscom gère l’infrastructure de plusieurs institutions bancaires. La détection de fraude est une solution qui répond à un besoin client et qui n’est actuellement pas dans le portefeuille de solutions. Les produits de Netguardians complètent donc parfaitement l’offre. L’opportunité, le produit et le marché cible sont clairement définis.

La capacité d’action comprend à la fois le niveau de risque que la grande entreprise est prête à prendre et la flexibilité offerte pour intégrer la solution dans ces processus. Avec Netguardians, la prise de risque est limitée, la start-up possède une solution mature utilisée par plusieurs clients. La relation a d’ailleurs été établie au travers d’un client satisfait qui l’a recommandée.

En termes de processus, la solution logicielle proposée peut être hébergée dans l’infrastructure de Swisscom sans faire de compromis sur la rapidité d’évolution de la solution. Elle permet d’ailleurs à la start-up de faire évoluer son modèle d’affaires, en proposant son produit sous la forme d’un service. L’établissement bancaire paie un montant mensuel en fonction du nombre et du type de contrôles effectués.

Le rapport de force est bien équilibré :  Swisscom n’est pas le canal exclusif de distribution des produits de Netguardians. Le marché ciblé est bien défini et les activités communes sont concentrées sur la Suisse. La start-up adresse un marché mondial et elle va pouvoir répliquer ce modèle de partenariat avec d’autres opérateurs.  

Un outil d’analyse des facteurs de succès

Si les objectifs stratégiques sont clairs mais que la solution s’intègre difficilement dans les processus internes, le partenariat aura du mal à fonctionner et l’exécution sera compliquée. Il est donc nécessaire d’avoir un environnement dans lequel les trois facteurs identifiés sont favorables. Il s’agit donc de réussir à jouer un premier accord :

Ces trois facteurs de succès identifiés ne sont pour autant pas exclusifs. Nous allons continuer à explorer et faire évoluer notre outil d’analyse au travers d’ateliers et sur la base de nos expériences.

En conclusion, la collaboration avec Netguardians a permis à Swisscom de proposer une solution de détection de fraude en moins d’un an à la place de développer une solution interne qui aurait pris entre 3 et 5 ans. Ce partenariat permet également à la start-up d’accélérer sa croissance.

Une réflexion collective sur les facteurs de succès va permettre de multiplier les partenariats de ce type et gagner en agilité. Cela bénéficiera à tout l’écosystème : dans le canton de Vaud, il a plus de 32 start-up qui comme NetGuardians, maîtrisent les technologies du big data (mégadonnées) et de l’intelligence artificielle comme le montre cette cartographie.

 

En lien ci-dessous, ma présentation sur ce thème au Tech Meeting à la chambre de commerce et d’industrie à Fribourg (CCIF) en novembre dernier :