Modèle 3D et réalité augmentée accessibles à tous

Les possibilités offertes avec la modélisation 3D et la réalité augmentée vont se multiplier. On va pouvoir planifier l’aménagement de son jardin, obtenir plus rapidement un permis de construire ou optimiser la maintenance des infrastructures grâce à ces technologies. Les solutions sont maintenant à portée de main, sur votre smartphone.

Grâce à notre smartphone, nous sommes de plus en plus producteurs de données numériques. Celui-ci contient de nombreux capteurs dont la qualité augmente sans cesse, comme un gyromètre pour capter nos mouvements et compter nos pas ou une caméra pour prendre des photos et des vidéos. Cette caméra haute définition va à l’avenir offrir de nouvelles possibilités dans le domaine de la modélisation 3D et de la réalité augmentée. Voici un cas pratique, testé en utilisant une solution développée par la start-up romande KickTheMap.

Visualiser le jardin de vos rêves avec son smartphone

La saison de ski se termine, les températures deviennent clémentes, c’est le moment d’investir quelques heures du week-end pour s’occuper de son jardin. Les préoccupations sur le climat faisant la une des journaux, le jardinage est un moyen de se reconnecter avec la nature et de consommer très local en mangeant ces propres pommes, tomates et autres fruits et légumes.

Après avoir ramassé les feuilles mortes, un réaménagement de son jardin s’impose. Pour planifier les changements, on pose son râteau et l’on prend son smartphone : grâce à l’application KickTheMap, on peut « scanner » en quelques minutes son jardin dans le but d’obtenir une modélisation 3D. Les données que vous captez sont envoyées à la start-up pour être traitées. Le modèle 3D y est produit et il est ensuite transmis sur différents formats. J’ai fait l’exercice et voici le résultat :

Dans un deuxième temps, vous pouvez rajouter des objets 3D au gré de vos envies dans le but de visualiser rapidement différents scénarios d’aménagements. Vous pouvez soit scanner des objets vous-même ou accéder à un catalogue de millions d’éléments 3D sur Sketchfab. A l’image de Spotify pour la musique, de YouTube pour la vidéo, Sketchfab est une plateforme qui permet de partager, de visionner et de télécharger des modèles 3D.

Et voilà à quoi pourrait ressembler mon jardin dans quelques semaines :

Gestion du territoire, construction, maintenance des infrastructures, le champ d’application est large

Cette technologie basée sur la photogrammétrie permet de modéliser de nombreux éléments. Plusieurs applications sont imaginables comme par exemple :

Demander une autorisation de construire : Les demandes de permis de construire pourraient être optimisées. Si l’on souhaite par exemple installer une véranda, on pourrait « scanner » la zone et envoyer directement la modélisation 3D aux autorités pour validation.

Faciliter la maintenance d’infrastructures : l’application peut être utilisée pour géolocaliser des conduites et mettre à jour des bases de données d’infrastructures. Lorsqu’une fouille est effectuée sur une route pour la maintenance des canalisations ou la pose de fibres optiques, le relevé de la position des conduites peut être fait avec un smartphone.

Conserver la maîtrise de ses données

Comme toutes solutions pour lesquelles nous produisons et nous partageons des données, il faut être vigilant si on veut préserver la confidentialité de certaines informations. Dans mon exemple, comme j’expose publiquement le modèle 3D de mon jardin, il est important pour moi de m’assurer que ce modèle ne soit pas géoréférencé. Je ne voudrais pas que Google capte et revende ces informations à un paysagiste qui m’enverrait ensuite une offre pour construire ma clôture.

C’est tout l’enjeu de cette économie de la donnée, comment saisir les opportunités offertes tout en préservant sa sphère privée et en conservant une maîtrise sur ce que des tiers peuvent faire avec mes informations.

 

Blockchain: les initiatives se multiplient en Romandie

Notre région possède de nombreux spécialistes de la Blockchain et des conditions-cadres favorables. Une guide sur la levée de fonds en cryptomonnaies va être publiée, une bourse d’échanges va prochainement voir le jour à Genève et un centre de recherche en « confiance numérique » a été mis en place.

Dans cette transformation numérique qui s’opère, l’apparition de nouveaux mots à la mode s’accélère. Le dernier en date, la Blockchain ou chaine de blocs en français. Appréhender ce terme et en comprendre l’impact sur son modèle d’affaires peut s’apparenter à grimper une montagne escarpée : la technologie est complexe et elle comprend plusieurs nouvelles notions comme les jetons (token) ou les contrats intelligents (Smart Contracts). Comme c’est une technologie émergente, même lorsqu’on a atteint le sommet, on se retrouve dans le brouillard.

Cependant, ce serait une erreur de ne pas s’y intéresser. La veille technologique et l’expérimentation ne sont plus uniquement un facteur de compétitivité, c’est devenu une activité essentielle pour la survie à long terme de son entreprise. Ces nouvelles technologies vont modifier les modèles d’affaires et redistribuer la chaine de valeur de tous les secteurs de l’économie.

Le 3 mai dernier, cette thématique a été abordée  dans le cadre du 6ème Connected Event organisé par Swisscom, la Canton de Genève, l’EPFL et la Fédération des Entreprises Romandes (FER Genève). Ayant préparé et effectué la modération de cet événement, voici quelques éléments qu’il me semble intéressant de partager, en les illustrant au travers d’un exemple concret.

Rendre l’investissement immobilier accessible à tous

Placer ses économies dans l’immobilier permet d’obtenir un rendement supérieur au taux d’intérêt d’un compte bancaire en prenant un risque limité. Cependant, la barrière à l’entrée est élevée : les commissions sont exorbitantes, un investissement minimum de plusieurs dizaines de milliers de francs est exigé et l’argent doit rester bloqué plusieurs années.

En utilisant la Blockchain, une start-up hébergée par l’incubateur genevois la Fongit, Tokenestate.io va prochainement proposer une solution pour investir facilement ces modestes économies dans la pierre.

Comment cela fonctionne-t-il ? Imaginons que vous souhaitez investir dans un hôtel qui a une valeur immobilière de 10 millions de francs et dont le propriétaire est prêt à vendre des parts. Tokenestate.io va produire des jetons qui vous donnent un droit de propriété sur cet hôtel (par exemple 100’000 jetons d’une valeur de 100 CHF). Au moyen d’une carte de crédit, vous pourrez acheter ces jetons sur une application. Ces jetons seront liés à un contrat intelligent (lignes de codes qui contiennent vos droits liés à un jeton) enregistré avec des techniques de cryptographie sur des milliers d’ordinateurs dans le but de rendre la transaction infalsifiable.

L’organisme de confiance devient la technologie Blockchain. Elle permet d’émettre des titres de propriété (les jetons) qui seront enregistrés de manière décentralisée et sécurisée. La start-up proposera également une bourse d’échange en ligne pour pouvoir vendre ces jetons. Cette bourse rendra le marché de l’immobilier beaucoup plus fluide.

Faciliter et accélérer la levée de fonds   

Pour financer ces activités, Tokenestate.io va procéder à une levée de fonds. Cette levée de fonds sera également basée sur la Blockchain. Cette nouvelle méthode est appelée Initial Coin Offering (ICO). Une ICO consiste à émettre des jetons pour financer le développement de son entreprise. Les avantages de ce mécanisme sont :

  • Pouvoir proposer aux investisseurs différents types de contreparties : par exemple, les jetons peuvent donner accès à un futur service ou produit de la start-up (appelé jeton d’utilité) ou les jetons peuvent être associés à une part de la société (appelé jeton d’investissement)
  • Réussir à lever plus rapidement qu’une levée de fonds classique des montants de plusieurs millions de CHF : certaines ICOs limitent le type d’investisseurs mais de manière générale, une ICO fonctionne sur le même principe que le financement participatif, tout le monde peut y souscrire.

Tokenestate.io n’est pas un cas marginal. Les start-up qui effectuent des ICOs sont en forte augmentation. Un total de 3.5 milliards de francs a été levé en 2017. Cette année, on a déjà atteint un montant de plus de 6 milliards de francs entre janvier et fin avril.  La Suisse est très bien positionnée, elle se place au 2ème rang mondial avec 13 ICOs et plus de 370 millions de francs levés (rapport complet).

Pour soutenir cette belle dynamique, le Canton de Genève va dans les prochaines semaines publier un guide pratique pour accompagner les projets qui souhaitent faire une ICO à Genève. Les grandes lignes ont été présentées le 3 mai dernier : le guide contiendra notamment une grille de qualification des projets et un annuaire des acteurs locaux (banques, avocats, entités spécialisées sur la conformité,…).

Collaborer pour résoudre les nombreux défis

Les défis liés à la Blockchain sont nombreux, en voici deux exemples :

  • Un défi technologique concerne la consommation énergétique : Le Bitcoin, la monnaie virtuelle la plus répandue actuellement à une consommation électrique annuelle estimée à 60 térawatts-heures, l’équivalent de la consommation électrique de toute la Suisse ! Pour rendre cette technologie durable, il va donc falloir améliorer sa performance ;
  • Un défi réglementaire concerne la nécessité de connaître l’investisseur et la provenance des fonds pour prévenir le blanchiment d’argent (processus connus sous le terme KYC, Know Your Customer en anglais).

Pour adresser ces défis, il est nécessaire de renforcer les collaborations :

  • C’est une des missions du nouveau centre pour la confiance numérique (Digital Trust Center) lancé en fin d’année dernière par l’EPFL : rassembler les instituts de recherches, le secteur public et les entreprises autour de la cybersécurité et la confiance numérique ;
  • Les acteurs traditionnels ont un rôle important à jouer et doivent s’associer aux nouveaux acteurs de la Fintech. Pour effectuer une ICO, il faut pouvoir ouvrir un compte bancaire en cryptomonnaies : Tokenestate.io va par exemple effectuer son ICO dans le Canton de Neuchâtel en travaillant avec la Banque Cantonale Neuchâteloise (BCN) ;
  • Dans le Canton de Vaud, vous pouvez découvrir les 9 entités qui proposent déjà une offre en lien avec la Blockchain, elles ont été répertoriées sur la nouvelle plateforme vaud.digital.

Commencer tôt pour trouver la bonne chaine

Pour conclure, les initiatives se multiplient et l’intérêt est grandissant. Le Connected Event du 3 mai a été complet en quelques jours, avec plus de 380 inscrits.

Profitons de cette dynamique pour explorer l’impact de cette nouvelle technologie dont le potentiel est très bien résumé dans le titre d’un des premiers articles du journal The Economist :  la promesse de la Blockchain, la machine à confiance (the trust machine).

Comme la Blockchain va impacter de nombreux domaines, le choix est vaste pour commencer l’exploration. On peut par exemple démarrer sur un sujet d’actualité : reprendre le contrôle de nos données personnelles numériques. C’est la promesse de nouvelles plateformes comme dock.io. Cette plateforme qui vient tout juste de passer le cap des 500’000 utilisateurs vous offre la possibilité de gérer votre profil et votre réseau à un seul endroit plutôt que de jongler entre Facebook, Twitter et Linkedin. L’application vous permet également d’acquérir des jetons nommés DOCK Token et de les échanger sur une bourse. Un bon moyen de mettre la main à la pâte et de découvrir ce futur internet décentralisé basé sur la Blockchain, nommé également web 3.0.

Retrouver les présentations complètes du Connected Event :

Lectures complémentaires proposées :

Des exemples d’utilisation de la blockchain dans un article du Temps du 23 janvier : https://www.letemps.ch/economie/blockchain-devient-realite-suisse

La dernière édition du magazine MIT Technology Review est consacré à ce thème (en anglais) : https://www.technologyreview.com/magazine/2018/05/

Combiner Big Data et business du lait maternel : le pari réussi d’une PME suisse

La valorisation des données fait évoluer le modèle d’affaires d’une entreprise. Cependant, elle implique une transformation profonde, qui mobilise toute l’entreprise et qui n’est pas juste un projet ponctuel ; il s’agit plutôt d’un cheminement.

Ce cheminement, Medela le parcourt depuis plusieurs années de manière absolument admirable. Cette PME suisse a su adopter le virage nécessaire afin de mettre la valorisation des données au cœur de son business. L’industrie des tire-lait, ces petites pompes qui permettent aux jeunes mères de tirer leur lait et de nourrir leurs enfants par l’intermédiaire d’un biberon, n’est à priori pas à la pointe de la technologie en ce qui concerne les données. Et pourtant!

L’opportunité que représente la valorisation des données, une fois celles-ci rassemblées, demande de revoir la mesure de la performance ainsi que la manière d’appréhender l’activité commerciale dans son ensemble. Il n’y a que comme cela que les entrepreneurs pourront bénéficier pleinement de cette opportunité.

Le changement de modèle d’affaires, c’est à dire la façon dont une entreprise créée de la valeur, n’est en effet qu’une partie de l’équation qui compose la transformation numérique. Il s’accompagne d’un changement du modèle mental, la manière dont l’entreprise et ses collaborateurs conçoivent leur mission.  Le modèle de mesure de la performance doit en conséquence également s’adapter.

Pour réussir sa transformation, il est essentiel d’orchestrer le changement de ces trois éléments en même temps. Medela l’a particulièrement bien compris et j’aimerais ici approfondir son approche.

1. Une application mobile pour augmenter et étendre l’interaction client

Medela a dans un premier temps lancé une application mobile destinée à accompagner les mères – et les pères par extension – autour de la naissance de leur enfant. Avec MyMedela les parents se voient proposer des conseils tout au long de la grossesse et surtout autour de l’allaitement. Ces informations sont contextualisées en fonction du temps restant avant l’accouchement. Par exemple, 3 semaines avant le terme prévu, l’application vous propose de préparer votre valise pour l’hôpital et vous suggère une liste d’affaires à emporter.

Ce service répond à une demande : dans un pays comme les Etats-Unis où Medela réalise la moitié de son chiffre d’affaires, le réseau de puériculture n’est que peu développé. Une application qui fournit continuellement des conseils permet à de jeunes parents de se sentir moins seuls.

Le succès a été au rendez-vous, MyMeleda a déjà été téléchargée presque 1 million de fois.

2. Un objet connecté pour simplifier la collecte d’information

Une deuxième étape a été de lancer un produit connecté, le tire-lait Sonata :

L’intégration avec l’application MyMedela permet d’avoir un suivi automatique de la quantité de lait produite et de la fréquence d’utilisation. Ces informations peuvent être enrichies avec l’enregistrement des séances d’allaitement, du changement des couches, de la durée des siestes et de la mesure du poids et de la taille de l’enfant.

En combinant toutes ces informations, une mère possède alors un tableau de bord complet sur la nutrition et le développement de son enfant, qui peut également être facilement partagé avec sa puéricultrice ou son médecin.

Si des soucis d’allaitement ou une croissance anormale de l’enfant sont détectés, de précieuses informations sont à disposition du médecin pour effectuer son diagnostic.

3. L’utilisation de ce big data pour faire évoluer son modèle d’affaires

Dès que le nombre d’utilisateurs aura atteint une taille critique, on comprend bien que l’entreprise possédera une mine d’or :  des milliers de données en temps réel seront générés, fournissant des indicateurs sur la croissance des nouveau-nés dans le monde entier.

Passer d’un conseil contextualisé à un conseil basé sur l’analyse d’une masse de données

Dans l’application actuelle, les conseils proposés sont principalement liés à la temporalité, par exemple, au cinquième jour après la naissance, MyMeleda propose de combiner l’allaitement au sein avec celui du biberon si cela est nécessaire. Dans le futur, en fonction du volume de lait maternel produit par la maman et la croissance du bébé, l’application pourra au moment opportun, suggérer d’introduire des biberons de lait en poudre.

Les algorithmes pourront apprendre sur des milliers de cas pour proposer la solution optimale.

La collecte et l’analyse des informations sur la nutrition et la croissance de milliers de bébés ouvrent de nouvelles perspectives :  l’entreprise sera en position optimale pour proposer des solutions thérapeutiques et collaborer avec les hôpitaux et cliniques pour aider les bébés qui souffrent de maladies.

Le modèle mental et le modèle de mesure doivent changer pour réussir

Devenir le numéro 1 dans la fabrication de produits d’allaitement, tel est probablement le but recherché par la compétition. Une organisation qui cherche à atteindre cet objectif ne sera pas en mesure de bénéficier pleinement des opportunités de ce big data nouvellement constitué.

Sans modifier son modèle mental et son modèle de mesure, l’entreprise va continuer à faire de l’innovation incrémentale sur ces produits.

Un nouveau modèle mental doit se diffuser dans toute l’organisation. Pour Medela, il pourrait être exprimé de la manière suivante : j’assure à toutes les mamans une période d’allaitement harmonieuse.

L’entreprise élargit son marché en proposant, grâce à la plateforme MyMedela, un accompagnement complet pour un allaitement optimal du bébé. Elle ne se bat plus uniquement pour augmenter la part de marché de ses produits.

La mesure de la performance évolue en conséquence : au lieu de mesurer par exemple le nombre de variantes de son produit lancé chaque année, l’entreprise se concentre sur la fréquence d’utilisation de MyMeleda ou sur les nouvelles solutions vendues grâce à l’algorithme de recommandation.

En conclusion, le développement par étapes d’un environnement intégré et connecté permet à la fois d’offrir de nouveaux services, mais surtout de collecter des données précieuses qui modifient sa position sur le marché. Les données ouvrent un champ d’utilisation formidable grâce aux nouvelles possibilités offertes par l’intelligence artificielle.

En faisant évoluer à la fois son modèle d’affaires, mais également son modèle mental et les mesures de performances, une PME peut poursuivre sa croissance non plus de manière linéaire, mais de façon exponentielle, phénomène qu’on observe pour le moment principalement chez les acteurs de la nouvelle économie.

 

Lectures complémentaires proposées:

L’article “To change your strategy, first change how you think” dans Harvard Business Review qui décrit le concept des trois modèles  fournit de très bons exemples.

Je vous recommande également l’excellent article en anglais de Nora McInerny Purmort dans Elle.com sur son expérience d’utilisatrice de Meleda : “The new generation of breast pump might not actually suck

Comment acquérir un gisement de Big Data, ce nouveau pétrole de l’économie numérique ?

Tous les objets de notre quotidien deviennent connectés : notre voiture, maison, four, cuisinière, lave-linge, vélo, tv, nous pouvons aussi l’être au travers d’un bracelet connecté ! Tous ces capteurs génèrent un volume de données titanesque qui double tous les ans, celles-ci s’apparentent au nouveau pétrole du 21ème siècle. 

Dès lors, comment les entreprises réussissent-elles à acquérir un tel gisement ? Comment transformer ces données en “Smart Data” ? Quel est l’impact sur son modèle d’affaires ? Et quels en sont les risques ?

Je commence cette année avec une série de réflexions et de partage d’expériences sur ce thème, en débutant tout naturellement par le premier enjeu : Comment acquérir une masse considérable de données nommée “Big Data” ou “mégadonnées” ?

Les entreprises possédant ces Big Data se verront accorder un avantage concurrentiel considérable, pour autant qu’elles soient ensuite capables de les valoriser.  Ce phénomène touche tous les domaines, de la publicité ciblée à l’industrie 4.0 en passant par la médecine personnalisée et l’agriculture de précision.

Dès lors, quelles stratégies mettre en place pour créer un tel gisement de données ? Prenons trois exemples de domaines, la santé, la publicité en ligne et la mobilité.

1.     Constituer une biobanque mondiale de génomes

La médecine va être transformée par les acteurs qui arriveront à obtenir ce Big Data. En effet, pour proposer une médecine prédictive et par la suite, une médecine préventive, l’industrie a besoin d’entrainer ces algorithmes avec un nombre de données considérables. De nombreux acteurs s’attaquent à ce marché avec des stratégies différentes, en voici deux exemples :

La première approche : agréger les données collectées par les hôpitaux.

Les hôpitaux universitaires comme le CHUV constituent des biobanques sur la base volontaire des patients. En développant des partenariats avec les hôpitaux, on peut arriver à concentrer une masse de données élevées. Pour obtenir ces données, des solutions de stockage, de partage sécurisé des données et des analyses des résultats du séquençage du génome sont proposées aux hôpitaux. C’est l’approche choisie par la startup vaudoise Sophia Genetics, qui a déjà signé des contrats avec plus de 400 établissements.

La deuxième approche : proposer un service pour lequel le client doit fournir ses données

Pour 99.- USD, la startup 23andme vous propose de connaître vos origines sur les 200 dernières années. On peut ainsi découvrir que nos origines sont par exemple, en majorité suédoise et danoise, mais qu’on a des descendants italiens.  Dès cette année, on peut également obtenir des informations telles que le risque d’avoir une maladie génétique comme Parkinson ou sa prédisposition à être plus maigre ou plus gros que la moyenne. Le processus est très simple, il suffit de commander un kit dans lequel se trouve une éprouvette. On y met un peu de salive et on la renvoie. Au maximum deux mois plus tard, on a les résultats en ligne. En proposant ce service, 23andme a déjà collecté plus d’un million de génomes.

2.     Connaître toutes nos actions sur internet

Comme deuxième perspective, regardons un domaine plus mature, celui de la publicité avec le cas de Google. Son modèle d’affaires est centré sur la donnée, plus de 80% de son revenu est généré en monétisation son Big Data, par la vente de publicités ciblées en ligne. Comment ont-ils fait pour accéder à ce “Big Data” ?

  1. L’accès au flux de données sur nos ordinateurs : Google a introduit gratuitement le navigateur Chrome en 2008. Le graphique suivant montre l’évolution des parts de marché des différents navigateurs internet : en 10 ans, Google Chrome a capturé presque 80% du marché.
  2. L’accès au flux de données sur nos mobiles : Google a racheté la startup Android en 2007 et son système d’exploitation est actuellement utilisé sur plus de 80% des smartphones.

Chrome et Android sont donc les interfaces qui permettent à Google d’acquérir une masse considérable de données sur nos activités. La firme de Cupertino est donc parvenue à obtenir une part de marché telle qu’elle est maintenant devenue incontournable. On peut même résumer la stratégie de Google d’accès à la donnée par la citation de Peter Thiel (dont je lis actuellement le livre “Zero to One”) : “la compétition est pour les perdants, créer plutôt un monopole”.

3.     Capter les données de la mobilité du futur

Les voitures deviennent toutes connectées à leur environnement et elles renvoient des données en continu. Des applications multiples vont voir le jour :  par exemple, si l’on obtient l’information sur le déclenchement des essuie-glaces d’un grand nombre de voitures, on serait en mesure de cartographier en temps réel la position et le déplacement des orages.

Trois exemples de stratégies pour accéder à ce Big Data :

  • Google (encore!) veut rentrer dans nos voitures et propose Androidauto, qui, de la même manière qu’avec Chrome ou Android, lui permettra de capter nos données
  • Tesla propose un véhicule connecté et de plus en plus autonome qui intègre son propre système d’exploitation. Tesla a bien compris qu’elle doit garder le contrôle des données produites par ces véhicules
  • Proposer un service innovant de mobilité sur la base d’une plateforme qui collectent toutes les informations de mobilité. C’est la stratégie adoptée par des sociétés comme Uber ou Lyft. Uber propose déjà ces données anonymisées, Uber Movement, dans le but d’améliorer la planification urbaine.

En conclusion, j’ai pris trois secteurs en exemple, mais l’enjeu de réussir à accumuler un Big Data est présent dans tous les domaines.  Les stratégies d’acquisition de données sont multiples, mais comme le montre le domaine de la publicité en ligne, les sociétés qui auront anticipé cette tendance se retrouveront dans une situation favorable. Il y a peut-être aussi une deuxième question à se poser : est-ce qu’une répartition très polarisée du Big Data est susceptible de créer des déséquilibres économiques et sociétaux ?

En lien ci-dessous, ma présentation sur ce thème au Swiss Data Day de l’EPFL en novembre dernier :