Trois changements à effectuer lorsqu’on va retourner au bureau

Depuis maintenant plusieurs semaines, si nos activités le permettent, nous travaillons à 100% depuis notre salon (parfois aussi dans la cuisine comme je l’observe lors de certaines conférences). Cette solution nous permet de réduire les risques d’attraper le coronavirus, cependant, en passant des heures en vidéo-conférence, on n’échappe pas à un autre effet, la « Zoom fatigue ». Problème auquel des chercheurs de Stanford ont identifié les causes et proposent des moyens simples pour améliorer notre quotidien : arrêter de se regarder (effet miroir), éviter d’observer les participants en gros plan, éteindre parfois la vidéo et écouter sans regarder l’écran.

Cette situation extrême est temporaire et on se réjouit de pouvoir revenir au bureau…parfois.

Certaines entreprises ont décidé d’adapter leur règlement pour proposer une flexibilité complète. C’est le cas de Spotify qui vient d’annoncer le concept « Work from Anywhere » : chaque employé peut décider de travailler tout le temps à la maison, venir tous les jours au bureau ou faire un mixte des deux.

Mais comment décider ? Et surtout, comment faut-il adapter notre manière de travailler si l’on souhaite rester plus souvent chez soi ? Voici trois pistes de réflexion.

Venir au bureau pour l’effet « pause-café »

A la fin de certaines réunions virtuelles, on se retrouve seul devant son écran, frustré, car les problèmes abordés n’ont pas été réglés. En présentiel, l’après-réunion est souvent indispensable. C’est à ce moment, autour d’un café, que les problématiques sont résolues. Une manière de trouver un équilibre entre réunion physique et virtuelle est peut-être de se poser la question de savoir si l’après-réunion est aussi important que la réunion elle-même.

Les bonnes idées apparaissent souvent lors d’échanges informels, au détour d’une conversation de couloir ou en prenant le temps d’aller boire un café avec un collègue. Adapter son agenda les jours où on va au bureau pour s’assurer d’avoir des plages disponibles pour des discussions informelles me semble encore plus important à l’avenir.

Réduire la complexité des activités quotidiennes

Dans un article récent, Howard Yu professeur à l’IMD décrit la caractéristique commune des entreprises qui « aiment le télétravail » :  elles sont dans une recherche constante de réduction de la complexité de leur opération. C’est une condition nécessaire pour pouvoir augmenter durablement son taux de télétravail.

De nombreuses réunions ont lieu pour informer les autres départements de ces activités courantes. Automatiser l’échange d’information et augmenter la transparence sur les projets en cours sont des moyens de réduire les tâches de coordination.

Un exemple : chez swisstopo, la plupart des projets intègrent des développements informatiques. La planification et la priorisation de ces projets s’effectuent maintenant au travers d’un système de gestion de projet accessible à tous. Les utilisateurs documentent directement leurs besoins et un tableau de bord permet de connaître les décisions prises et la date de mise en œuvre.  Cela évite les longues séances de planification trimestrielle, facilite une gestion en continu et permet de réagir plus rapidement aux changements.

Un autre aspect est la création d’interfaces qui permettent de fournir les prestations internes ou externes en mode « self-service ». Swisstopo a par exemple lancé « mySwissMap » pour créer sa carte personnalisée.  Plus besoin d’emporter plusieurs cartes pour partir en randonnée, on commande une carte sur mesure qui contient la zone où l’on souhaite se promener. Pour éviter de rendre le processus complexe, un tel service personnalisé est accessible en ligne. L’utilisateur effectue lui-même la sélection de la zone, le choix du type de carte et fournit l’image de couverture. Le résultat lui est ensuite livré par la poste quelques jours après. Cette nouvelle offre « self-service » doit évidemment s’imbriquer dans le processus de production de cartes standards.

Poursuivre les bonnes pratiques mises en place ces derniers mois

La pandémie nous a permis de développer de nouvelles formes de collaboration qu’il me semble intéressant de conserver. Parmi ces pratiques, de nombreuses entreprises ont incité leurs employés à effectuer des réunions à l’extérieur en marchant. Chez swisstopo, cette mesure a évidemment été accompagnée par la mise en place de cartes qui proposent des parcours en fonction du temps de réunion : une marche de 15 minutes, de 30 minutes et pour ceux qui ont de nombreux sujets à discuter, un parcours de 1h30. Lorsqu’on est en télétravail, on a plutôt tendance à limiter nos déplacements (certes, nous allons régulièrement vers le frigo, mais la distance est plutôt faible même si on y va 10x dans la journée). Sortir faire ces réunions en extérieur permet ainsi de combiner le temps de travail avec un peu d’exercice physique.

Et vous, quels sont les changements que vous avez effectués ces derniers mois dans votre façon de travailler et que vous allez continuer à faire lorsqu’un retour au bureau sera possible ?

A quelle vitesse se déploieront les véhicules sans conducteur?

Se déplacer en navette autonome, c’est possible dans de nombreuses régions de Suisse où les projets pilotes se multiplient. Ayant parcouru quelques kilomètres dans l’une d’elles, j’ai été enthousiasmé par les progrès accomplis. On est encore loin d’un déploiement à large échelle, mais il est temps d’apprendre à cohabiter avec ces nouveaux véhicules

19 km/h, c’est la vitesse actuelle de la navette autonome des TPG (Transports publics genevois) qui sillonne les rues de Meyrin. Son parcours est compliqué. Elle roule dans une zone limitée à 30 km/h, avec une circulation à double sens sur une route très étroite, car des places de parcs ont été aménagées sur les bords. La dernière fois que je suis monté dans un véhicule autonome, c’était en 2015 sur le campus de l’EPFL. Quel progrès accompli entre-temps! La navette n’est de loin pas encore parfaite, mais elle permet déjà de connecter de façon assez fiable les quelques kilomètres qui séparent la gare de Meyrin à la ligne de tram. On pourrait comparer son comportement à celui d’une apprentie conductrice. Elle effectue de nombreux freinages secs et roule plus lentement.

Apprendre à cohabiter

La navette circule dans les rues de Meyrin depuis maintenant un an et demi. Ses améliorations progressives consistent principalement à se rapprocher du comportement d’un conducteur «idéal». C’est-à-dire: sélectionner la trajectoire optimale, anticiper les manœuvres et définir les actions correctes à entreprendre selon les différents obstacles qui se présentent.

Au cours du temps, les habitants du quartier se sont habitués à sa présence. Comme il est bien plus facile de faire respecter le Code de la route à un robot qu’à un humain, la navette est exemplaire. On observe même qu’elle a une influence positive sur le comportement routier des conducteurs qui fréquentent quotidiennement cette route.

Garantir la confiance

Les défis technologiques restent cependant nombreux. Les véhicules autonomes actuellement en service n’ont pas encore suffisamment de capteurs pour être aussi performants que l’humain. A l’image de nos cinq sens, les navettes ont besoin d’une combinaison de senseurs comme la détection par laser (lidar), de caméras et de systèmes radars pour améliorer leur autonomie.

Fin février, une personne est tombée de son siège lors d’un arrêt brutal d’une navette dans la ville de Columbus (Ohio). Les autorités américaines ont immédiatement pris la décision de suspendre les 16 navettes similaires en fonction dans 10 villes américaines.

Permettre l’expérimentation pour améliorer la technologie tout en préservant la confiance des utilisateurs en évitant des accidents est un des nombreux défis.

 De nouveaux métiers se créent

Pour opérer ces navettes sans conducteur, il faut effectuer régulièrement une cartographie numérique de la route. Sur cette carte, la trajectoire du véhicule doit être définie précisément. Chez BernMobil, l’entreprise de transports publics de la ville de Berne, une personne est en formation pour acquérir ces nouvelles compétences et ainsi devenir un designer de trajectoires pour véhicules autonomes. Une navette circule actuellement le long de l’Aar et le trajet doit régulièrement être adapté, notamment en fonction des saisons.

Pour l’instant, un opérateur doit toujours être à bord du véhicule. Dans le futur, on peut imaginer que l’opérateur ne sera plus présent dans chaque véhicule, mais dans un poste de contrôle et devra gérer une flotte de navettes. Dans 10 ans, on aura probablement beaucoup moins de chauffeurs de bus, mais de nouveaux postes seront créés, comme celui de designer de trajectoires ou d’opérateur de véhicules autonomes.

On observe à nouveau que l’introduction d’une nouvelle technologie modifie le type de compétences et crée de nouveaux métiers. Il est important de se préparer à ces changements pour éviter un choc au niveau de l’emploi. Le professeur David Autor du Massachusetts Institute of Technology, venu dernièrement donner une conférence à Lausanne, exprimait très clairement cet enjeu: si demain, on n’a plus besoin des 4 millions de chauffeurs routiers qui circulent aux États-Unis, c’est un gros problème. Si l’on anticipe et que l’on prend les mesures adéquates, maintenant, en sachant que les camions autonomes deviendront une réalité dans 20 ans, on peut parfaitement gérer le changement.

Obtenir une mobilité durable

La plupart des projets pilotes actuels testent la mise en place d’une ligne de transport public avec des arrêts et des horaires fixes. La vitesse maximum étant actuellement de 19 km/h, ces véhicules circulent dans des zones 30 pour ne pas trop perturber le trafic. Les avantages sont donc très limités dans ces cas d’usage. L’objectif est de tester et d’acquérir de l’expérience.

Pour qu’une telle solution devienne intéressante, il faudra pouvoir introduire un système d’offre à la demande. C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’avoir des navettes plutôt que des voitures individuelles autonomes. Pour éviter une explosion du trafic, il est essentiel de pouvoir mutualiser les trajets.

Se familiariser avec le véhicule sans conducteur

Les promesses et les perspectives offertes par l’introduction des véhicules autonomes sont énormes: sauver des millions de vies en réduisant massivement le nombre d’accidents, faire gagner aux usagers de la route des centaines d’heures qu’ils perdent normalement en étant au volant et réduire les émissions de CO2. Mais, le chemin est encore long.

C’est une thématique passionnante à suivre et nous avons la chance d’avoir de nombreux projets pilotes en Suisse. N’hésitez pas à expérimenter vous-même cette mobilité du futur en allant vous promener à Meyrin, le long de l’Aar à Berne ou dans le quartier du Marly Innovation Center à Fribourg. De plus, pour le moment, il y a toujours un opérateur ou une opératrice sympathique à bord qui vous expliquera avec plaisir son travail, consistant à éduquer le cerveau algorithmique de son véhicule. Cette personne développe d’ailleurs une autre nouvelle compétence essentielle du XXIe siècle: la pensée computationnelle (comprendre comment formuler un problème pour que la machine puisse le résoudre).

 

Lors du Forum des 100 «Les Suisses face à l’intelligence artificielle » le 25 septembre à l’EPFL, cette thématique sera abordée lors d’une des sessions : L’AI et la mobilité, à quelle vitesse vers l’auto sans conducteur ? Les enjeux liés aux données qui nourrissent les algorithmes seront notamment discutés.