Demain, je convertis mes économies en bitcoin

PayPal vient d’annoncer que ses utilisateurs pourront bientôt acheter, vendre et payer leurs achats en cryptomonnaies sur sa plateforme. Cette annonce intervient deux semaines après que son concurrent Square a annoncé investir $50 millions dans le bitcoin et affirmé que cette devise numérique aura le potentiel d’être plus largement utilisée dans le futur.

Il n’a jamais été aussi facile d’acheter des bitcoins

Il y a encore 5 ans, il était compliqué d’acheter des bitcoins. Un nombre limité d’acteurs proposait d’utiliser un « portemonnaie numérique » qui avait une interface très médiocre. C’était un peu comme les systèmes de réservation de billets d’avion au début d’internet, tellement compliqué qu’on préférait aller les acheter dans une agence de voyages (alternative plus compliquée avec les bitcoins, indisponibles au guichet d’une succursale bancaire).

Depuis les solutions se sont améliorées. Si vous avez par exemple ouvert un compte bancaire dans une néo-banque comme Revolut pour réduire vos frais de taux de changes, vous pouvez très facilement acheter et vendre des bitcoins. Ces entreprises vous invitent d’ailleurs régulièrement à le faire, « sans aucun effort » pour reprendre leur slogan.

Cependant, au moment où il devenait plus simple d’acheter des bitcoins, le cours s’est effondré (d’une valeur de presque $17’000 fin 2017, il est tombé à moins de $4’000 début 2019). Et plus globalement, la technologie sous-jacente, la blockchain est passée de la phase d’emballement à la phase de désillusion.

Suite à l’annonce de PayPal, les 346 millions de personnes qui possèdent un compte chez eux auront la possibilité d’investir en cryptomonnaies. Alors est-ce que c’est maintenant le bon moment pour acheter des bitcoins…et éventuellement aussi de les dépenser ?

Le bitcoin, une valeur refuge comme l’or

Les sites spécialisés recommandent plutôt d’investir dans le bitcoin sur le long terme. Cette devise est un moyen de garantir son épargne, au même titre qu’on investirait dans l’or, pour se prévenir de l’inflation à venir et de la perte de valeur de la monnaie fiat (monnaie fiduciaire émise par une banque centrale comme le dollar ou l’euro).

Les derniers chiffres publiés montrent que de plus en plus de gens y croient : à l’échelle mondiale, le nombre d’utilisateurs de ces devises numériques a été multiplié par trois depuis 2018. On est passé de 35 à 101 millions d’utilisateurs selon l’étude de l’université de Cambridge sortie en septembre.

Des entreprises convertissent également leurs liquidités en bitcoins. C’est le cas de Microstrategy qui a déjà acheté pour $425 millions de bitcoins. Il y a deux semaines, Square a fait l’acquisition de bitcoins pour un montant total de $50 millions.

Le développement de Square est d’ailleurs intéressant : la société qui souhaite rivaliser avec PayPal et créer un écosystème complet de solutions de paiement, compte déjà plus de 30 millions d’utilisateurs de son application Cash App. Cette application permet entre autres d’acheter et de vendre de bitcoins. La société a publié en août dernier ses résultats trimestriels, avec une croissance de +600% sur un an du revenu généré par les transactions en cryptomonnaies (revenu atteignant les $875 millions).

Payer en bitcoin reste pour le moment limité

Revolut ou Square ne proposent pour le moment pas de faire des achats en bitcoin. PayPal est le premier acteur majeur à annoncer offrir ce service, mais la mise en œuvre n’est pas encore très claire.

En attendant, vous pouvez déjà payer vos primes d’assurance maladie en cryptomonnaie. La caisse Atupri par exemple vous le propose, au travers d’un intermédiaire financier, la fintech Bitcoin Suisse. Cette dernière effectue la transaction au cours en vigueur et garantit à l’assureur un paiement en francs suisses.

Et si vous cherchez à combiner optimisation fiscale et utilisation de cryptomonnaies, un déménagement dans le canton de Zoug est à envisager ! Dès 2021, vous pourrez payer vos impôts avec ce type de devises jusqu’à concurrence de 100’000 CHF (ce plafond me semble être assez haut, surtout que le taux de taxation y est réputé très clément).

Les annonces autour du bitcoin s’accélèrent donc ces derniers mois et son cours est à la hausse. En admettant que cette devise reste décentralisée et qu’aucun acteur n’ait les moyens de l’influencer, elle me semble en tout cas plus attractive que des projets tels que la Libra avec l’ombre de Facebook en arrière-plan. Le bitcoin va-t-il s’imposer comme le système monétaire alternatif ou une devise refuge pour ses économies ? Sujet intéressant à suivre ces prochains mois.

Evolution du Bitcoin, source coindesk.com

Blockchain: les initiatives se multiplient en Romandie

Notre région possède de nombreux spécialistes de la Blockchain et des conditions-cadres favorables. Une guide sur la levée de fonds en cryptomonnaies va être publiée, une bourse d’échanges va prochainement voir le jour à Genève et un centre de recherche en « confiance numérique » a été mis en place.

Dans cette transformation numérique qui s’opère, l’apparition de nouveaux mots à la mode s’accélère. Le dernier en date, la Blockchain ou chaine de blocs en français. Appréhender ce terme et en comprendre l’impact sur son modèle d’affaires peut s’apparenter à grimper une montagne escarpée : la technologie est complexe et elle comprend plusieurs nouvelles notions comme les jetons (token) ou les contrats intelligents (Smart Contracts). Comme c’est une technologie émergente, même lorsqu’on a atteint le sommet, on se retrouve dans le brouillard.

Cependant, ce serait une erreur de ne pas s’y intéresser. La veille technologique et l’expérimentation ne sont plus uniquement un facteur de compétitivité, c’est devenu une activité essentielle pour la survie à long terme de son entreprise. Ces nouvelles technologies vont modifier les modèles d’affaires et redistribuer la chaine de valeur de tous les secteurs de l’économie.

Le 3 mai dernier, cette thématique a été abordée  dans le cadre du 6ème Connected Event organisé par Swisscom, la Canton de Genève, l’EPFL et la Fédération des Entreprises Romandes (FER Genève). Ayant préparé et effectué la modération de cet événement, voici quelques éléments qu’il me semble intéressant de partager, en les illustrant au travers d’un exemple concret.

Rendre l’investissement immobilier accessible à tous

Placer ses économies dans l’immobilier permet d’obtenir un rendement supérieur au taux d’intérêt d’un compte bancaire en prenant un risque limité. Cependant, la barrière à l’entrée est élevée : les commissions sont exorbitantes, un investissement minimum de plusieurs dizaines de milliers de francs est exigé et l’argent doit rester bloqué plusieurs années.

En utilisant la Blockchain, une start-up hébergée par l’incubateur genevois la Fongit, Tokenestate.io va prochainement proposer une solution pour investir facilement ces modestes économies dans la pierre.

Comment cela fonctionne-t-il ? Imaginons que vous souhaitez investir dans un hôtel qui a une valeur immobilière de 10 millions de francs et dont le propriétaire est prêt à vendre des parts. Tokenestate.io va produire des jetons qui vous donnent un droit de propriété sur cet hôtel (par exemple 100’000 jetons d’une valeur de 100 CHF). Au moyen d’une carte de crédit, vous pourrez acheter ces jetons sur une application. Ces jetons seront liés à un contrat intelligent (lignes de codes qui contiennent vos droits liés à un jeton) enregistré avec des techniques de cryptographie sur des milliers d’ordinateurs dans le but de rendre la transaction infalsifiable.

L’organisme de confiance devient la technologie Blockchain. Elle permet d’émettre des titres de propriété (les jetons) qui seront enregistrés de manière décentralisée et sécurisée. La start-up proposera également une bourse d’échange en ligne pour pouvoir vendre ces jetons. Cette bourse rendra le marché de l’immobilier beaucoup plus fluide.

Faciliter et accélérer la levée de fonds   

Pour financer ces activités, Tokenestate.io va procéder à une levée de fonds. Cette levée de fonds sera également basée sur la Blockchain. Cette nouvelle méthode est appelée Initial Coin Offering (ICO). Une ICO consiste à émettre des jetons pour financer le développement de son entreprise. Les avantages de ce mécanisme sont :

  • Pouvoir proposer aux investisseurs différents types de contreparties : par exemple, les jetons peuvent donner accès à un futur service ou produit de la start-up (appelé jeton d’utilité) ou les jetons peuvent être associés à une part de la société (appelé jeton d’investissement)
  • Réussir à lever plus rapidement qu’une levée de fonds classique des montants de plusieurs millions de CHF : certaines ICOs limitent le type d’investisseurs mais de manière générale, une ICO fonctionne sur le même principe que le financement participatif, tout le monde peut y souscrire.

Tokenestate.io n’est pas un cas marginal. Les start-up qui effectuent des ICOs sont en forte augmentation. Un total de 3.5 milliards de francs a été levé en 2017. Cette année, on a déjà atteint un montant de plus de 6 milliards de francs entre janvier et fin avril.  La Suisse est très bien positionnée, elle se place au 2ème rang mondial avec 13 ICOs et plus de 370 millions de francs levés (rapport complet).

Pour soutenir cette belle dynamique, le Canton de Genève va dans les prochaines semaines publier un guide pratique pour accompagner les projets qui souhaitent faire une ICO à Genève. Les grandes lignes ont été présentées le 3 mai dernier : le guide contiendra notamment une grille de qualification des projets et un annuaire des acteurs locaux (banques, avocats, entités spécialisées sur la conformité,…).

Collaborer pour résoudre les nombreux défis

Les défis liés à la Blockchain sont nombreux, en voici deux exemples :

  • Un défi technologique concerne la consommation énergétique : Le Bitcoin, la monnaie virtuelle la plus répandue actuellement à une consommation électrique annuelle estimée à 60 térawatts-heures, l’équivalent de la consommation électrique de toute la Suisse ! Pour rendre cette technologie durable, il va donc falloir améliorer sa performance ;
  • Un défi réglementaire concerne la nécessité de connaître l’investisseur et la provenance des fonds pour prévenir le blanchiment d’argent (processus connus sous le terme KYC, Know Your Customer en anglais).

Pour adresser ces défis, il est nécessaire de renforcer les collaborations :

  • C’est une des missions du nouveau centre pour la confiance numérique (Digital Trust Center) lancé en fin d’année dernière par l’EPFL : rassembler les instituts de recherches, le secteur public et les entreprises autour de la cybersécurité et la confiance numérique ;
  • Les acteurs traditionnels ont un rôle important à jouer et doivent s’associer aux nouveaux acteurs de la Fintech. Pour effectuer une ICO, il faut pouvoir ouvrir un compte bancaire en cryptomonnaies : Tokenestate.io va par exemple effectuer son ICO dans le Canton de Neuchâtel en travaillant avec la Banque Cantonale Neuchâteloise (BCN) ;
  • Dans le Canton de Vaud, vous pouvez découvrir les 9 entités qui proposent déjà une offre en lien avec la Blockchain, elles ont été répertoriées sur la nouvelle plateforme vaud.digital.

Commencer tôt pour trouver la bonne chaine

Pour conclure, les initiatives se multiplient et l’intérêt est grandissant. Le Connected Event du 3 mai a été complet en quelques jours, avec plus de 380 inscrits.

Profitons de cette dynamique pour explorer l’impact de cette nouvelle technologie dont le potentiel est très bien résumé dans le titre d’un des premiers articles du journal The Economist :  la promesse de la Blockchain, la machine à confiance (the trust machine).

Comme la Blockchain va impacter de nombreux domaines, le choix est vaste pour commencer l’exploration. On peut par exemple démarrer sur un sujet d’actualité : reprendre le contrôle de nos données personnelles numériques. C’est la promesse de nouvelles plateformes comme dock.io. Cette plateforme qui vient tout juste de passer le cap des 500’000 utilisateurs vous offre la possibilité de gérer votre profil et votre réseau à un seul endroit plutôt que de jongler entre Facebook, Twitter et Linkedin. L’application vous permet également d’acquérir des jetons nommés DOCK Token et de les échanger sur une bourse. Un bon moyen de mettre la main à la pâte et de découvrir ce futur internet décentralisé basé sur la Blockchain, nommé également web 3.0.

Retrouver les présentations complètes du Connected Event :

Lectures complémentaires proposées :

Des exemples d’utilisation de la blockchain dans un article du Temps du 23 janvier : https://www.letemps.ch/economie/blockchain-devient-realite-suisse

La dernière édition du magazine MIT Technology Review est consacré à ce thème (en anglais) : https://www.technologyreview.com/magazine/2018/05/