Les joueurs de foot et les vignerons sont connectés pour améliorer leurs performances

Sous l’appellation « Smart City », les solutions technologiques se multiplient dans les villes pour réduire les embouteillages, diminuer la consommation d’énergie ou encore améliorer la sécurité. Par extension, un domaine en forte croissance est le « Smart Agriculture », appelé aussi « agriculture de précision ».

Plusieurs start-up romandes se sont déjà lancées à la conquête de ce marché : Gamay par exemple a développé une caméra miniature hyperspectrale installée sur un drone. Sorte d’IRM des champs, elle scanne les plantations pour y détecter des maladies.

La disruption dans ce domaine peut également provenir de PME traditionnelles. La semaine dernière, j’ai rencontré un entrepreneur enthousiasmant, Stéphane Boggi. Il dirige Felco Motion, entité appartenant à Felco, entreprise familiale qui fabrique des outils de taille et de coupe depuis 75 ans. La société a lancé, en fin d’année, un bracelet connecté pour permettre au vigneron d’améliorer la gestion de son terrain.

Le vigneron connecté devient producteur de « Smart Data »

En quoi consiste cette solution ? Les personnes qui travaillent dans la vigne portent à leur poignet un boitier connecté qui enregistre toutes les tâches effectuées et les visualisent sur une carte numérique. Le boitier comprend également des boutons pour indiquer par exemple la position d’un plant malade.

Ces données accumulées permettent au viticulteur de mieux planifier ses activités, de faire le suivi des zones traitées et d’automatiser le travail administratif. Une plateforme de gestion utilise toutes ces informations pour compléter une partie des formulaires à fournir aux autorités de surveillance.

Du terrain de football à la vigne, il n’y a eu qu’un pas à faire

Le boitier de Felco Motion doit fournir une géolocalisation suffisamment précise pour savoir dans quelle rangée de plants se trouve le vigneron. Plutôt que de se lancer dans un projet de recherche pour développer une solution, la société a approché l’entreprise Advanced Sport Instruments (ASI).

ASI crée des solutions de mesures de performance pour les athlètes, en particulier les footballeurs. Pour connaître les mouvements des joueurs lors d’un match, ils ont développé un boitier connecté qui enregistre leur déplacement sur le terrain. Zones couvertes et distances parcourues font partie des indicateurs mesurés. La société transforme ensuite ce flux de données en un outil d’analyse pour les entraîneurs.

Dans les deux cas, il faut être capable de déterminer la position du joueur ou du vigneron avec une précision d’environ 50 cm. Les signaux GPS utilisés par nos smartphones nous localisent dans un rayon d’environ 50 m, précision insuffisante pour une telle application. En mettant en place une collaboration avec ASI, Felco a pu bénéficier de la technologie développée pour le football et la transposer au domaine de la viticulture.

Le vigneron 4.0 intègre de nouvelles tâches pour augmenter sa performance

Comment utiliser cette solution ? Dans un premier temps, le vigneron fait voler un drone sur ses cultures pour obtenir une cartographie numérique précise. Puis, il s’équipe d’un bracelet connecté qu’il calibre avec un point de référence en bordure de la vigne. Il renvoie ensuite automatiquement sa position et ses mouvements toutes les ½ secondes. Il consulte finalement une plateforme sur laquelle ces données lui permettent de planifier de façon optimale les travaux de la vigne, mais également d’automatiser une partie des tâches administratives.

De la théorie à la pratique avec le master Innokick

Dans ce projet, la mise en place de collaborations ne s’est pas limitée aux aspects technologiques. Un deuxième partenariat clé a été établi avec le master InnoKick de la HES-SO. Les étudiants ont utilisé différents outils méthodologiques du Design Thinking, tels que la compréhension du parcours client, pour identifier les besoins des viticulteurs. L’approche intégrait également la co-création avec les utilisateurs. Cela a permis de rapidement éliminer les fausses bonnes idées telles que l’utilisation d’un smartphone comme objet connecté. Il aurait très vite été cassé. En plus, impossible de manipuler l’écran en portant des gants de taille.

De la technologie à l’état d’esprit

Dans cette transformation numérique qui s’opère, l’exemple de Felco démontre que le défi n’est pas technologique. Pour être en mesure de lancer avec succès un produit novateur, il faut en premier lieu intégrer, dans son entreprise, la culture numérique. Elle est essentielle pour bénéficier des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Cette culture numérique contient notamment les quatre caractéristiques ci-dessous.

La prochaine fois que vous changerez de voiture, ce sera pour un abonnement sur votre smartphone

Ces derniers mois, j’observe une accélération du développement des plateformes de mobilité. Si votre voiture arrive bientôt en fin de vie et que vous pensez la changer pour une voiture électrique, il est peut-être préférable d’attendre. La mobilité comme service (Mobility-as-a-Service en anglais) se profile à l’horizon.

Ce modèle d’affaires consiste à payer un abonnement mensuel qui vous donne accès à plusieurs modes de transport : bus, train, voiture de location, taxi, service d’autopartage ou encore vélo et trottinette en libre-service. L’application vous indique pour tous vos trajets la combinaison optimale pour arriver à votre destination.

Sachant qu’en moyenne votre voiture est parquée 95% du temps, cette solution mérite d’être considérée.

Qui s’imposera comme le nouveau Netflix de la mobilité ?

On peut distinguer trois types d’entreprises qui développent cette nouvelle manière de “consommer” la mobilité :

  1. Des start-up lancent de nouvelles plateformes avec l’ambition de conquérir le monde
  2. Les applications de transports publics élargissent leur service
  3. Les plateformes de transport par chauffeurs privés tels que Uber et Lyft intègrent dans leur application des modes de transport alternatifs

Parmi les nouvelles entreprises, la société Maas Global vient tout juste de terminer un tour de financement de 29.5 millions d’euros. Elle a lancé l’application Whim il y a 2 ans en Finlande. A Helsinki, l’application propose par exemple un pack Whim Unlimited qui comprend les transports publics, les vélos en libre-service, les taxis et les véhicules de location pour 499 euros par mois. Plus de 6 millions de trajets ont déjà été effectués en utilisant cette solution.

Cette nouvelle levée de fonds vise à soutenir l’expansion dans de nombreuses villes. Comme dans le cas de la téléphonie mobile, le succès d’un tel service dépendra des possibilités de « roaming ». Pouvoir utiliser la même application partout où l’on se déplace est primordial pour obtenir un taux d’adoption élevé. Comme utilisateur, on ne veut pas devoir installer sur son smartphone une application par ville et gérer de multiples abonnements.

Les applications des transports publics étendent leur offre avec des forfaits intégrant plusieurs modes de transport. Lausanne et Genève ont uni leur force pour lancer l’application ZenGo. Vous pouvez, depuis cet été, faire partie du pilote et souscrire un abonnement qui vous donne accès aux transports publics et à l’offre de PubliBike. En complément, avec un système de jetons, l’abonnement vous donne aussi accès aux services de Mobility et de TaxiService. La mise en place des partenariats et l’harmonisation du service est un défi. Dans ce pilote, Mobility est par exemple uniquement disponible à Genève.

Avec une approche plus globale, Moovit, l’application leader pour la recherche de trajet en transports publics, vient de signer le mois dernier un partenariat avec Waze pour intégrer son service d’autopartage. Moovit, déjà mentionné dans mon article précédent sur le Big data, compte maintenant plus de 500 millions d’abonnés dans le monde. Cette intégration leur permet de proposer une solution alternative pour des trajets qui sont mal desservis par les transports publics.

Finalement, les plateformes de transport par chauffeurs privés évoluent également dans cette direction : Uber a lancé son service Transit dans douze villes dont Paris. Son application vous propose des itinéraires en bus et en métro. L’entreprise a également intégré dans son application Jump, son service de vélos électriques.

L’objectif d’Uber est d’augmenter la fréquence d’utilisation de son application. En contrôlant la relation client, ils espèrent, dans le futur, trouver des moyens de monétiser ces services, probablement en utilisant nos données de mobilité qu’ils auront collectées.

Comment nos données sont-elles utilisées ?

Avec ces deux milliards d’utilisateurs, Facebook possède suffisamment de données pour analyser nos comportements et connaître nos préférences et nos envies. De façon similaire, l’entreprise qui s’imposera sur ce marché de la « mobilité comme Service » possèdera une mine d’or d’informations sur tous nos mouvements. On peut déjà observer les premiers signes : avec ses 500 millions d’utilisateurs, Moovit revend déjà des données à Uber pour son service Transit.

En conséquence, avant de remplacer sa voiture pour un abonnement à une de ces applications, il faudra se demander à qui l’on veut donner l’information sur tous nos déplacements et savoir ce que ces sociétés vont en faire. Obtenir une transparence sur les algorithmes sera important pour savoir de quelle manière ces entreprises vont influencer nos déplacements.

Ce marché est estimé par certains analystes à $100 milliards en 2030. On peut s’imaginer qu’une partie du revenu sera générée par la monétisation de nos données.

En complément :

Le service de Whim expliqué en anglais :

La version plus locale avec ZenGo, le pilote lancé cet été à Genève et Lausanne :

Vague verte aux élections fédérales, que va-t-il se passer ensuite ?

Les journaux se sont largement fait l’écho des bons résultats des Verts et des Vert’libéraux lors des dernières élections fédérales. Les sceptiques prédisent déjà que cette vague verte va simplement s’écraser sur le sable et que, dans 5 ans, cet excellent score va être effacé.

Alors, comment est-ce que cette nouvelle configuration du Parlement peut-elle permettre d’ancrer la Suisse dans une logique forte de développement durable ?

Les initiatives politiques actuelles sont principalement des actions tactiques basées sur des mesures dissuasives comme l’introduction de la taxe au sac pour augmenter le taux de recyclage. Dans la même logique, on a beaucoup débattu ces derniers mois de l’introduction d’une taxe pour les vols en avion. Si la Suisse veut maintenant devenir exemplaire, il est temps de mettre en place un vrai leadership et de définir une stratégie du changement.

Huit étapes pour un obtenir un changement durable

Je propose aux Verts et aux Vert’libéraux d’unir leur force et de développer une stratégie du changement en utilisant les huit étapes décrites par John Kotter dans son livre « Alerte sur la banquise ». En effet, dans la politique, mais également dans le monde des entreprises, les programmes de changement aboutissent rarement à un succès car certaines étapes ont été omises. John Kotter propose les huit étapes suivantes :

  1. Créer un sentiment d’urgence
  2. Réunir l’équipe de pilotage
  3. Développer la vision et la stratégie de changement
  4. Communiquer pour faire comprendre et adhérer
  5. Donner aux autres le pouvoir d’agir
  6. Produire des victoires à court terme
  7. Persévérer
  8. Créer une nouvelle culture

Les excellents résultats des Verts au Parlement sont la conséquence de la première étape : créer un sentiment d’urgence. Les lanceurs d’alertes tels que Greta Thunberg, les rapports alarmistes de la communauté scientifique et les grèves du climat ont permis de propager ce sentiment d’urgence.

Développer la vision et la stratégie de changement est maintenant une étape essentielle. Il me semble judicieux que cette nouvelle « délégation verte » au Parlement précise en quoi l’avenir sera différent avec leurs actions et surtout explique comment cet avenir peut devenir une réalité.

Lors de l’élaboration de ce plan, une des questions importantes spécifiées dans le livre de John Kotter est : disposons-nous d’un chemin crédible pour y parvenir ? Si l’on prend l’exemple de la stratégique énergétique 2050 acceptée par le peuple en 2017, elle promet la sortie du nucléaire et la promotion des énergies renouvelables. Cependant on peut questionner la mise en œuvre : un seul projet éolien a vu le jour depuis l’acceptation de la stratégie 2050 alors que la page d’accueil contient une photographie d’éolienne ! Le plan d’action aurait par exemple dû intégrer un mécanisme pour assurer une pesée d’intérêt globale dans le but de réduire les oppositions.

Donner aux autres le pouvoir d’agir est également une des étapes importantes. Il faut laisser le champ libre et soutenir ceux qui veulent transformer la vision en réalité. Nous avons la chance d’avoir, dans notre pays, de nombreux ambassadeurs de la durabilité. Raphaël Domjan est un excellent exemple, avec son projet SolarStratos. Il cherche à démontrer que, grâce à l’énergie du soleil, il est possible d’aller plus haut qu’un avion fonctionnant aux énergies conventionnelles.

Développer des avions qui émettent moins de CO2 est une solution plus attractive que d‘augmenter le prix de billets pour empêcher la classe moyenne de partir en vacances et de découvrir le monde.

Ces ambassadeurs du changement comme Raphaël Domjan produisent des victoires, montrent la voie et inspirent d’autres citoyens à s’investir dans la mise en œuvre du changement.

De la fable à la réalité

Le livre de John Kotter illustre ces huit étapes de la conduite du changement au travers d’une fable. Elle décrit comment une colonie de pingouins devient nomade pour garantir sa survie suite à la fonte des glaces du pôle Nord. Cette analogie ne peut être mieux choisie dans le contexte de la protection du climat. Le réchauffement climatique rendra certaines régions du monde invivables. Bloquer les frontières avec de nouvelles règles d’immigration est inutile. Appliquons plutôt les bonnes pratiques de la gestion du changement pour faire de la Suisse un leader du développement durable.

Selon un proverbe chinois, « quand souffle le vent du changement, certains construisent des murs, d’autres des moulins ». On n’a pas été très bon pour construire des éoliennes (plutôt que des moulins), peut-être qu’avec un Parlement plus vert qui met en place une vraie stratégie du changement, l’impact sera à la hauteur de nos attentes.

Le livre de John Kotter est disponible chez Payot : https://www.payot.ch/Detail/alerte_sur_la_banquise_-john_kotter__holger_rathgeber-9782744066979

Aurons-nous encore besoin d’apprendre des langues étrangères ?

Depuis 6 mois, je dédie une partie de mon temps à améliorer mes connaissances en allemand. Au moment où les progrès de l’intelligence artificielle sont très rapides, il me semble intéressant de se poser la question de savoir pour combien de temps encore nous devrons apprendre des langues étrangères.

Petit tour d’horizon des technologies actuellement à disposition et de leur impact. 

De la traduction de textes à une traduction vocale simultanée

Les traducteurs de textes sont de plus en plus efficaces. Pendant plusieurs années, Google a dominé ce marché avec Google Translate, mais les résultats obtenus restent assez médiocres. On trouve maintenant des solutions plus performantes, comme Deepl.com. La différence, les données qui nourrissent ses algorithmes.

Deepl appartient à la société Linguee qui propose depuis 2010 un service en ligne de traduction contextuelle. Quand on fait une recherche de mots, ceux-ci apparaissent dans différents exemples de phrases. En plaçant les mots dans le contexte d’une situation spécifique, cela nous permet de sélectionner le mot le plus approprié. Deepl capitalise sur les millions de données générées au fil du temps par ce service pour entrainer ces algorithmes.

La traduction vocale simultanée fait son apparition. Sans surprise, ce sont les géants d’internet comme Google avec ses écouteurs Pixel Buds intégrant cette fonctionnalité ou des start-up comme Waverly Labs dont le slogan est « plus de barrières linguistiques » qui s’attaquent à ce marché.

Alors que la plupart des solutions actuelles retranscrivent d’abord la voix en texte, traduisent ensuite ce texte dans la langue souhaitée et finalement restituent cette traduction à nouveau en parole, Google développe actuellement une méthode de traduction « directe voix-voix » qui devrait permettre de rendre la conversation plus naturelle en conservant les caractéristiques de la voix de la personne qui parle.

Comment les applications de traduction vont-elles changer le monde ?

Pour toutes les personnes avides de voyages et de découvrir d’autres cultures, la démocratisation des assistants de poche multilingue simplifiera les échanges. Comme il est assez compliqué d’apprendre le coréen ou le japonais en quelques semaines avant de partir en vacances, des applications telles que One Mini qui coûtent moins de 100 CHF vont simplifier la communication avec les gens et ainsi faciliter l’immersion dans la culture locale.

Plus largement, ces traducteurs boostés à l’intelligence artificielle permettent de diffuser la connaissance. Des milliards de textes qui n’avaient jusqu’alors pas été traduits en raison des coûts élevés d’une traduction humaine vont pouvoir l’être. Ces solutions vont donc fortement contribuer au partage de connaissances en éliminant les barrières de la langue.

Au niveau des entreprises, ces traducteurs vont permettre aux PME de devenir des multinationales. Les manuels d’utilisations des produits seront rapidement traduits et les sites de vente en ligne seront disponibles en plusieurs langues. Les PME pourront donc plus rapidement et à moindre coût adresser un grand nombre de marchés.

Alibaba, le leader chinois du e-commerce l’a bien compris, il propose déjà un outil de traduction à ces clients qui vendent leurs produits sur son site. Alibaba va plus loin, elle fait également évoluer sa plateforme de commerce B2B. Cette plateforme qui permet aux entreprises de trouver des fournisseurs dans le monde entier va prochainement intégrer une solution de vidéo-chat avec traduction simultanée pour faciliter les négociations.

Un humain augmenté parlant 10 langues…ou même plus

On parle de plus en plus de l’humain augmenté, car les technologies nous permettent d’accroître notre performance. Le smartphone est un bon exemple, en le tenant dans notre main, il nous donne l’accès partout à une source d’information quasi infinie qu’il nous serait impossible de mémoriser ou il nous permet de nous diriger dans une ville qu’on ne connait pas. Difficile de donner une date et de définir sous quelle forme (écouteur, implant) nous serons équipés pour comprendre plusieurs langues mais l’enjeu est tellement grand et les possibilités offertes par l’intelligence artificielle si prometteuse qu’à mon avis cela deviendra une réalité dans quelques années.

Entretemps, je vais continuer d’améliorer mon allemand mais la technologie a déjà modifié ma stratégie d’apprentissage. Je me concentre sur la compréhension orale et la conversation. L’écriture n’est plus une priorité car l’utilisation de Deepl me permet déjà de produire des e-mails et des textes avec très peu de fautes de grammaire.

L’apprentissage d’une langue a aussi d’autres avantages indirects comme la possibilité d’entrainer son cerveau et conserver une bonne mémoire. Ayant terminé cet article, je vais donc faire un peu de gymnastique cérébrale en révisant ma liste de 150 mots avec l’aide de l’application Quizlet.

La Blockchain s’invite progressivement à Paléo

Chaque année, Suisse Tourisme organise une conférence qui réunit plus de mille professionnels de l’industrie touristique. Vision stratégique, actions en cours, partage d’expériences et réseautage sont au programme avec cette année comme slogan de promotion de la Suisse : « Our nature energizes you ».  Dans ce contexte, on m’a demandé d’adresser la question suivante : destination touristique intelligente, une réalité ?

Dans un premier temps, j’ai essayé de trouver une définition commune de ce terme de destination intelligente, en posant la question à l’audience. Sous la forme d’un Word Cloud, le résultat obtenu est le suivant :

Digital, connecté, simple, confortable font partis des mots clés qui ressortent et qui me permettent de donner la définition suivante :

Une destination touristique intelligente est une destination connectée, qui utilise le digital pour rendre l’expérience du client simple et confortable.

Un des facteurs clés de succès sur lequel je souhaite me concentrer dans cet article réside dans la démarche sélectionnée et la culture d’innovation à mettre en place pour bénéficier des opportunités offertes par les technologies digitales.

Prenons l’exemple d’une technologie émergente telle que la blockchain. A la question de savoir si cette technologie va transformer l’industrie touristique, 73% des personnes présentes ont répondu positivement. Comment faut-il la mettre en œuvre et dans quel objectif ?

Transformer la gestion de la billetterie – l’exemple de Paléo festival

Parmi les nombreuses applications possibles de la blockchain, l’émission de billets numériques utilisant un registre de données distribuées est très prometteuse. Comme le développement de cette technologie est en constante évolution et qu’elle n’a pas encore atteint sa maturité, une approche « tester et apprendre » permet d’acquérir de l’expérience, de déterminer les contraintes et d’affiner sa stratégie en fonction des possibilités.

David Franklin et ces équipes du Paléo Festival de Nyon ont lancé un projet « blockchain » avec cette approche, en procédant par étape :

  1. Améliorer l’expérience client

Dans un premier temps, Paléo a émis des billets numériques basés sur une blockchain pour les personnes qui travaillent sur les stands. Les gestionnaires de stands, clients de Paléo, obtiennent ainsi plus de flexibilité dans la distribution des billets à leurs employés. La solution leur permet de modifier sur une application mobile le titulaire du billet en cas de changement de dernière minute.

  1. Optimiser les processus internes

La prochaine étape consistera à optimiser les processus internes en émettant des billets numériques pour les bénévoles : ceux-ci reçoivent des billets d’entrée qu’ils peuvent offrir à leurs amis. Cela représente chaque soir la distribution de 2’000 enveloppes, avec toute la complexité liée aux modifications lorsque la personne qui se présente à la caisse n’est pas celle qui est inscrite sur l’enveloppe. Cette solution permet d’éliminer complètement l’utilisation d’enveloppes.

  1. Créer un nouveau modèle d’affaires

Dans le futur, l’introduction de cette nouvelle technologie va modifier complètement le modèle d’affaires de la distribution de billets. Paléo sera en mesure de mettre en place une bourse aux billets dans laquelle elle conserve le contrôle sur les conditions de revente. La blockchain possède comme caractéristique de pouvoir attacher à chaque billet émis un « smart contract » (contrat intelligent). Ce contrat consiste en des lignes de code qui spécifient les conditions requises pour effectuer une transaction. Le prix maximum de revente du billet peut par exemple y être fixé. C’est un moyen d’éliminer le marché noir et d’empêcher certaines sociétés de revendre sans autorisation des billets à des prix prohibitifs. Cette solution va donc permettre à Paléo de développer de nouveaux canaux de distribution en assurant une traçabilité et en conserver une maîtrise des conditions de vente.

Prochaine destination, la transformation numérique et sa culture d’innovation

Pour entreprendre ce type de projets, la culture d’innovation à mettre en place doit intégrer plusieurs aspects, notamment :

  • La mise en place d’une culture qui permet l’expérimentation doit être accompagnée d’une discipline rigoureuse pour par exemple sélectionner les expériences pertinentes basées sur le potentiel d’apprentissage et définir des critères clairs pour décider de continuer, modifier ou tuer une idée.
  • La nature exploratoire et incertaine des projets innovants doit permettre d’accepter les échecs. Cependant la tolérance à l’échec doit être accompagnée par une intolérance à l’incompétence. Si l’échec est causé par un manque de compétence ou une gestion de projet médiocre, il sera difficile de tirer des leçons utiles du projet qui a échoué.

Dans le but de devenir une destination intelligente (tel que défini plus haut), le chemin pour y arriver est passionnant et nécessite de développer une culture d’innovation. Le développement rapide de toutes ces nouvelles technologiques numériques telles que la Blockchain, le Big Data, la réalité augmentée sont donc une opportunité de dynamiser l’esprit d’innovation des acteurs du tourisme pour simplifier nos vacances afin de nous permettre de nous concentrer sur l’essentiel, se ressourcer dans notre belle nature, suivant le slogan de Suisse Tourisme.

Image @Paléo – Marc Amiguet

Ma présentation effectuée pour Suisse Tourisme à Lucerne lors de la Journée Suisse des Vacances 2019 :

Un article intéressant sur les aspects de la culture d’innovation :

The hard Truth About Innovation Cultures, Harvard Business Review, février 2019

La start-up comme partenaire d’innovation

Créer des ponts entre une grande entreprise et des start-up n’est pas toujours simple. Cependant cela devient indispensable pour assurer sa capacité d’innovation. Si l’on est par exemple un assureur qui cherche à valoriser ces milliards de données médicales pour aider ses clients à rester en bonne santé, développer des partenariats avec des start-up spécialisées en intelligence artificielle est nécessaire, il n’est plus possible de tout faire en interne. Alors comment rendre ces ponts moins glissants ?

Innover, ce n’est pas juste avoir une idée originale. L’innovation consiste à réussir à obtenir un succès sur le marché. Dans les grandes structures, un des freins dans la mise en œuvre d’une innovation réside dans la culture d’entreprise, généralement mieux adaptée à améliorer les produits existants et à réduire les coûts. Collaborer avec des start-up est une solution pour augmenter la capacité d’une entreprise à innover, mais les ingrédients du succès restent encore très mystérieux.

De l’autre côté, une start-up a besoin d’utiliser les forces d’une grande entreprise telles que son savoir-faire, son accès aux clients et sa capacité à déployer des solutions à large échelle pour lui permettre d’atteindre la phase de croissance.

Dans le but d’identifier ces « ingrédients » qui permettent de réussir un partenariat avec une start-up, l’EPFL Innovation Park a lancé en novembre dernier une nouvelle formation sous la forme d’ateliers. Au programme, partages d’expériences, session de brainstorming et résolution collective des défis de chaque participant.

Après deux séries d’ateliers très enrichissantes, voici quelques éléments et exemples intéressants qui permettent de progressivement lever le voile sur certains ingrédients du succès.

Quelles sont mes motivations ? 

En premier lieu, formuler clairement les raisons pour lesquelles on souhaite collaborer avec des start-up est essentiel, cela permet de focaliser les recherches, d’optimiser les interactions et de clarifier les attentes. Deux motivations sont fortement ressorties des échanges :

Développer un nouveau marché : l’interaction avec des start-up permet de faire de la veille économique et d’entrer sur de nouveaux marchés. L’entité d’innovation de Samsung a par exemple mis en place des partenariats et investi dans des start-up dans l’objectif de définir son positionnement sur le marché des transports.

Samsung a investi dans AImotive, société qui développe de l’intelligence artificielle pour la conduite des véhicules autonomes. Elle a également pris une participation dans Valens qui propose des solutions de connectivité pour véhicules. Grâce aux algorithmes d’AImotive, nous n’aurons plus à nous concentrer sur la route, il faudra donc nous occuper autrement, en visionnant nos films préférés grâce à une excellente connectivité dans notre voiture. Brique après brique, Samsung développe sa proposition de valeur dans la mobilité du futur.

Faire évoluer sa culture d’entreprise et acquérir de nouvelles compétences : Le co-développement de produits avec des start-up permet d’accéder à de nouvelles méthodes de travail et de combiner des équipes avec des profils différents. L’approche « tester et apprendre » qui est simplement une question de survie pour une start-up est ainsi appliquée dans la grande entreprise, plus souvent habituée à lancer de grands projets.

Différents mécanismes existent pour permettre d’identifier les startups avec lesquelles lancer des projets de co-développement, le Groupe Mutuel a par exemple mis en place l’année dernière sa « roue de l’innovation » :

Quelles formes de collaboration mettre en place ? 

Conserver ses clients en bonne santé en mettant l’innovation (big) data au cœur de sa stratégie, c’est un des axes forts de la vision présentée lors des ateliers par Nicolas Loeillot. Pour y arriver, deux mécanismes ont été mis en place pour acquérir les compétences nécessaires, fournir l’infrastructure et l’environnement de travail adéquat :

Lancement d’un accélérateur : Dans le but d’attirer les meilleures start-up qui possèdent des compétences en intelligence artificielle pour valoriser les informations médicales que possède l’assureur, Groupe Mutuel a lancé un accélérateur nommé InnoPeaks. Chaque année une dizaine de start-up s’installent pour une durée de 12 semaines dans les locaux de l’assureur.

Parmi la première volée, on trouve le start-up Medicus. Cette société interprète les rapports médicaux et les traduit en action simple et compréhensible pour le patient. Vous installez leur application, vous prenez une photo de vos analyses sanguines et vous découvrez ensuite leur signification et des conseils pour par exemple réduire votre taux de glucose.

Création d’un Innolab : la roue comprend également la mise en place d’un laboratoire d’innovation autour de la donnée. Il consiste à regrouper toutes les informations à disposition dans le groupe pour permettre d’y développer des algorithmes et explorer de multiples possibilités de valorisation.

Un des premiers défis adressés est le suivant : aider le patient à guérir plus rapidement. En analysant le chemin de santé de milliers de patients, l‘objectif est de déterminer la thérapie et la séquence d’actions la plus efficace à entreprendre pour soigner le patient.

Une approche collaborative pour identifier les ingrédients d’un partenariat réussi

A l’image du Groupe Mutuel, de nombreuses sociétés lancent des initiatives pour innover en faisant des partenariats avec des start-up. Genève Aéroport, Coty, Total, Berney Associés ou encore Maxon Motor ont participé à nos deux premières formations, tous ayant mise en place des formes de collaborations avec des start-up.

De l’autre côté, des entrepreneurs suivent également ces ateliers pour amener leur perspective. La mise en commun de ces expériences et la confrontation des différents points de vue (écart de perception entre l’entrepreneur et le responsable innovation d’un grand groupe) vont nous permettre à terme d’identifier et de partager tous ces ingrédients qui permettent d’augmenter les chances de succès d’un partenariat.

Si vous souhaitez rejoindre cette communauté, la prochaine session aura lieu le 5 et 6 septembre prochain : https://epfl-innovationpark.ch/collaboration-workshops/

Modèle 3D et réalité augmentée accessibles à tous

Les possibilités offertes avec la modélisation 3D et la réalité augmentée vont se multiplier. On va pouvoir planifier l’aménagement de son jardin, obtenir plus rapidement un permis de construire ou optimiser la maintenance des infrastructures grâce à ces technologies. Les solutions sont maintenant à portée de main, sur votre smartphone.

Grâce à notre smartphone, nous sommes de plus en plus producteurs de données numériques. Celui-ci contient de nombreux capteurs dont la qualité augmente sans cesse, comme un gyromètre pour capter nos mouvements et compter nos pas ou une caméra pour prendre des photos et des vidéos. Cette caméra haute définition va à l’avenir offrir de nouvelles possibilités dans le domaine de la modélisation 3D et de la réalité augmentée. Voici un cas pratique, testé en utilisant une solution développée par la start-up romande KickTheMap.

Visualiser le jardin de vos rêves avec son smartphone

La saison de ski se termine, les températures deviennent clémentes, c’est le moment d’investir quelques heures du week-end pour s’occuper de son jardin. Les préoccupations sur le climat faisant la une des journaux, le jardinage est un moyen de se reconnecter avec la nature et de consommer très local en mangeant ces propres pommes, tomates et autres fruits et légumes.

Après avoir ramassé les feuilles mortes, un réaménagement de son jardin s’impose. Pour planifier les changements, on pose son râteau et l’on prend son smartphone : grâce à l’application KickTheMap, on peut « scanner » en quelques minutes son jardin dans le but d’obtenir une modélisation 3D. Les données que vous captez sont envoyées à la start-up pour être traitées. Le modèle 3D y est produit et il est ensuite transmis sur différents formats. J’ai fait l’exercice et voici le résultat :

Dans un deuxième temps, vous pouvez rajouter des objets 3D au gré de vos envies dans le but de visualiser rapidement différents scénarios d’aménagements. Vous pouvez soit scanner des objets vous-même ou accéder à un catalogue de millions d’éléments 3D sur Sketchfab. A l’image de Spotify pour la musique, de YouTube pour la vidéo, Sketchfab est une plateforme qui permet de partager, de visionner et de télécharger des modèles 3D.

Et voilà à quoi pourrait ressembler mon jardin dans quelques semaines :

Gestion du territoire, construction, maintenance des infrastructures, le champ d’application est large

Cette technologie basée sur la photogrammétrie permet de modéliser de nombreux éléments. Plusieurs applications sont imaginables comme par exemple :

Demander une autorisation de construire : Les demandes de permis de construire pourraient être optimisées. Si l’on souhaite par exemple installer une véranda, on pourrait « scanner » la zone et envoyer directement la modélisation 3D aux autorités pour validation.

Faciliter la maintenance d’infrastructures : l’application peut être utilisée pour géolocaliser des conduites et mettre à jour des bases de données d’infrastructures. Lorsqu’une fouille est effectuée sur une route pour la maintenance des canalisations ou la pose de fibres optiques, le relevé de la position des conduites peut être fait avec un smartphone.

Conserver la maîtrise de ses données

Comme toutes solutions pour lesquelles nous produisons et nous partageons des données, il faut être vigilant si on veut préserver la confidentialité de certaines informations. Dans mon exemple, comme j’expose publiquement le modèle 3D de mon jardin, il est important pour moi de m’assurer que ce modèle ne soit pas géoréférencé. Je ne voudrais pas que Google capte et revende ces informations à un paysagiste qui m’enverrait ensuite une offre pour construire ma clôture.

C’est tout l’enjeu de cette économie de la donnée, comment saisir les opportunités offertes tout en préservant sa sphère privée et en conservant une maîtrise sur ce que des tiers peuvent faire avec mes informations.

 

Big data, big profit ?

Réduire les coûts de la santé en améliorant la prise en charge des malades. Améliorer l’expérience en transports publics pour réduire les émissions de CO2 et fluidifier le trafic. Des entreprises s’attaquent à ces enjeux de sociétés en adoptant une stratégie d’acquisition de multiples sources de données pour constituer un « Big Data ». Ils développent ensuite une capacité à transformer cette nouvelle ressource en un service innovant qui a le potentiel de modifier durablement les domaines sur lesquels ils sont actifs.

Lors du Meyrin Economic Forum sur le thème « l’innovation au service de l’humain » organisé le vendredi 8 février dernier, les organisateurs m’ont demandé de faire une présentation autour de la question suivante : Big data, big profit ? Voici trois tendances illustrées par des exemples qui me permettent de répondre par l’affirmative.

1. Acquérir toujours plus de données – l’exemple de Google

Le printemps arrive, c’est jeudi et le week-end s’annonce radieux. Cette perspective vous donne envie d’acheter une nouvelle paire de lunettes de soleil. Un critère d’achat important est de pouvoir les obtenir avant le week-end ! Lorsque vous faites une recherche sur Google, la première annonce référencée est un opticien qui vous propose les Ray Ban de vos rêves, disponibles en stock, à deux pas de chez vous. La raison : Google intègre cette notion « d’urgence » en proposant un référencement préférentiel à l’opticien qui lui fournit ces données d’inventaire. Ce service s’appelle « Google Merchant Center ».

Google a déjà une compréhension de la demande : l’entreprise a généré en 2018 un chiffre d’affaires de $116 milliards grâce à de la publicité ciblée basée sur les données qu’elle collecte sur vous lorsque vous utilisez des services tels que Google Search, Gmail, Google Maps et YouTube. Avec ces données, Google connaît vos besoins et vos préférences.

En lançant Google Merchant Center, la société augmente encore son « Big Data » en intégrant les données d’inventaire des magasins. Elle obtient ainsi une compréhension de l’offre.

Lorsque vous faites une recherche, Google peut ainsi adapter le référencement et faire correspondre l’offre et la demande pour augmenter la probabilité d’achat. Ce nouveau « Big Data » va lui permettre de renforcer sa position dominante sur ce marché.

2. Valoriser les données disponibles – l’exemple de Babylone Health

Diagnostic en ligne et consultation en vidéoconférence, la prise en charge du patient se fait par un smartphone. C’est la solution de Babylon Health, nouvel acteur de la santé qui développe une intelligence artificielle qui effectue un diagnostic médical. L’interface se présente sous la forme d’un agent conversationnel (chatbot) qui vous pose des questions pour identifier les symptômes de votre maladie. Les algorithmes sont entraînés grâce à des millions de données de pratique de la médecine mises à dispositions par les organismes de santé publique.

En partenariat avec la NHS (National Healthcare Systems en Angleterre), Babylon Health a lancé son service dans certains quartiers de Londres. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des malades et de réduire le temps d’attente en vous mettant rapidement en contact avec le spécialiste adéquat ou l’hôpital, en fonction de la gravité et du type de maladie dont vous souffrez. La solution permet d’interagir directement avec un médecin au travers de l’application installée sur son smartphone. Dans la zone desservie par le pilote, le temps moyen pour avoir accès au conseil d’un docteur est passé de 2 semaines à 2 heures. Ce service s’appelle d’ailleurs « Docteur à portée de main » (GP at Hand).

Cette start-up a déjà levé $85 millions pour son développement. Cet argent lui permet d’être active sur toute la chaine de valeur, en développant un réseau de médecins et de cliniques.

3. Générer de nouvelles données – l’exemple de Moovit

Moovit propose une application mobile dédiée aux transports publics et à la mobilité douce : en installant l’application Moovit, vous obtenez l’itinéraire optimal pour vous rendre à votre lieu de rendez-vous en utilisant soit les transports publics, le vélo ou la marche. Son service prend en compte les conditions de trafic en temps réel.

Pour « nourrir » ces algorithmes, Moovit capte différentes sources de données :

  • Les données « Open Data » des villes et des transports publics telles que les trajets et les horaires des bus et des trains et les emplacements des pistes cyclables
  • Votre position et vos mouvements renvoyés par le GPS de votre smartphone
  • Elle s’appuie sur une communauté de plus d’un demi-million de bénévoles qui via l’application, informent en temps réel des retards, des travaux et des modifications de parcours dans les transports publics

Moovit a déjà plus de 300 millions d’utilisateurs à travers le monde. Elle obtient ainsi plus de 4 milliards de géodonnées par jour, ce qui en fait le plus grand registre de données de transport au monde. Pour proposer des services de mobilité à la demande et réduire les embouteillages, l’accès à un tel registre sera indispensable.

La société revend déjà ces informations aux villes qui peuvent ainsi mieux planifier leurs infrastructures. Elle a également signé en novembre dernier un partenariat avec Microsoft. Cette stratégie d’acquisition de multiples sources de données commence donc à porter ces fruits et lui permet déjà de négocier avec des multinationales qui cherchent à jouer un rôle dans la mobilité du futur.

Quatre types de sources de données

Dans sa stratégie d’acquisition d’un « Big Data », il faut donc pouvoir intégrer plusieurs types de flux pour créer une proposition de valeur intéressante. On peut classer les types de sources de données comme suit :

Les technologies de stockage et de transformation de milliards de données sont disponibles, avec de nombreux outils qui sont souvent open source. Si on ne veut pas expérimenter seul ou qu’on ne possède pas toutes les compétences en data science, des plateformes collaboratives apparaissent, à l’exemple de AIcrown, start-up récemment lancée par un professeur de l’EPFL. La valorisation des données est une tendance forte, il est donc temps d’apprendre à donner du sens à vos données.

Ma présentation lors du forum économique de Meyrin :

Les start-up qui inventent les transports et la mobilité de demain

La fédération internationale de l’automobile (FIA) vient de lancer en début d’année un programme d’accélération pour soutenir les start-up actives dans le domaine de la mobilité. Le programme est appelé : « Smart Cities : aider les villes à définir de nouveaux modèles pour une mobilité urbaine durable ».  Cet accélérateur piloté par Masschallenge est ouvert aux start-up du monde entier. Les finalistes retenus seront coachés de juillet à octobre en Suisse dans les ateliers de Renens, nouveau hub d’innovation dans le Canton de Vaud. Sur les dix dossiers que j’ai eu à évaluer, il y a deux tendances qui ressortent :

  • S’inspirer des nouveaux modèles d’affaires implémentés avec succès dans d’autres industries en intégrant des technologies digitales
  • Se profiler comme un nouvel acteur de la mobilité en proposant des solutions pour les véhicules autonomes

Devenir le Airbnb des places de parc ou le Netflix des voitures

Grâce à sa plateforme, Airbnb a transformé l’industrie touristique en permettant à tout le monde de louer son appartement de manière simple et sécurisée lorsqu’on est absent.

Notre place de parc étant le plus souvent libre la journée, il serait intéressant de pouvoir la louer. Parmi les dossiers évalués, la start-up Parkk propose une solution intéressante. Elle a développé une application mobile qui vous permet de réserver une place. Le locataire doit installer une borne connectée gérée à distance par l’application. Le processus de location est entièrement automatisé et piloté par son smartphone :

Depuis l’arrivée du modèle Netflix, nous pouvons consommer des films et des séries sans les acheter. On paye un abonnement mensuel qui nous permet d’accéder au service en tout temps, de l’adapter à notre guise et de l’arrêter quand on le souhaite.

De manière similaire, au lieu d’investir des dizaines de milliers de francs pour acheter une voiture ou prendre un leasing sur plusieurs années, il serait pratique de pouvoir utiliser une voiture en payant simplement un abonnement mensuel. Plus besoin par exemple de souscrire un contrat d’assurance et de demander des plaques d’immatriculation. Si la famille s’agrandit, on modifie simplement son abonnement pour obtenir une voiture plus grande. C’est la proposition de valeur d’une des start-up qui a appliqué au programme, Wagonex. Elle a déjà signé un premier partenariat avec le groupe PSA Peugeot Citroën en novembre dernier. Grâce au digital, toute la chaine a été automatisée pour permettre à la société de vous fournir une voiture clé en main en payant un abonnement mensuel.

Proposer un service de navettes autonomes et des « robotaxis »

De nombreux pilotes sont déployés dans le monde pour introduire des véhicules autonomes. Il est intéressant d’observer les différentes approches :

L’approche disruptive de start-up qui développent de nouvelles navettes autonomes en s’appuyant sur une expertise pointue en développement software et en robotique. Coast autonomous, candidat à l’accélérateur en fait partie et mets en avant son pilote au centre de Times Square à New York.

Ces start-up n’ont cependant pas le savoir-faire de l’industrie automobile qui maîtrise parfaitement les processus de production et elles sont freinées par le cadre législatif qui évolue progressivement. Par exemple, dans le cas du pilote de navettes autonomes à Sion, le lancement a été retardé car la navette n’avait pas d’essuie-glaces, accessoire indispensable aux yeux des autorités fédérales. En effet, les conditions d’exploitation imposent qu’un chauffeur puisse en tout temps reprendre le contrôle sur le véhicule. Il fallait donc assurer une bonne visibilité en cas de pluie.

L’approche hybride de start-up comme Waymo (spin-off de Google) qui se concentre sur le développement de la technologie pour rendre le véhicule autonome. Elle intègre ces solutions sur des véhicules existants qui sont adaptés. Chrysler Automobiles et Jaguar Land Rover sont les deux partenaires actuels de Waymo. Une flotte de véhicules est en ce moment en circulation sur un périmètre restreint de Phoenix en Arizona :

Les véhicules de Waymo ont déjà parcouru plus de 16 millions de km. Les algorithmes d’intelligence artificielle peuvent donc se « nourrir » d’une grande quantité de données. En conséquence, cette start-up semble pour le moment se profiler comme le leader, ce qui peut s’observer en regardant l’estimation de sa valorisation : Waymo est déjà valorisée à $175 milliards selon les estimations de Morgan Stanley. A titre de comparaison, le leader actuel de l’industrie automobile Toyota a une capitalisation boursière de $200 milliards.

Finalement, si l’objectif est d’obtenir une mobilité durable, il faudra également voir comment se développe le marché : si la mobilité du futur est constituée de robotaxis qui transportent majoritairement des personnes seules, le nombre de véhicules sur nos routes va continuer d’augmenter, voire exploser. Il serait donc préférable d’avoir des navettes autonomes combinées à une application performante qui permet de mutualiser les trajets.

Cyberrisques, confiance numérique et blockchain au cœur des discussions

Sept millions de jeux de données volées chaque jour dans le monde*. Sachant que nous produisons de plus en plus de données et que nous les partageons constamment avec des tiers, ce chiffre donne le vertige et il nous concerne tous. Et si parmi ces informations volées, il y avait des données très personnelles, telles que son profil génétique ?

Lors du 7ème Connected Event dédié au thème de la cybersécurité, les orateurs ont tous adressé la problématique de la sécurité des données étant donné l’ampleur de l’enjeu.

Malgré des cyberattaques en forte augmentation, nous ne pouvons tout simplement pas arrêter de produire des données car c’est le carburant de cette nouvelle économie numérique : nos données et celles produites par les objets connectés servent à « nourrir » les algorithmes d’intelligence artificielle qui rendent par exemple possible les véhicules autonomes, la livraison de médicaments par drones ou encore de pouvoir diagnostiquer et prévenir les maladies.

Regardons plus en détail ce dernier exemple pour saisir l’enjeu qui nous attend en matière de cybersécurité.

Pour développer une médecine personnalisée, la recherche doit pouvoir avoir accès à notre profil génétique

La médecine personnalisée consiste à proposer au patient un traitement adapté en fonction de son profil génétique. Le coût nécessaire pour effectuer le séquençage du génome humain a été considérablement réduit : on est passé de $100’000’000 en 2001 à moins de $1’000 aujourd’hui selon Genome.gov. En conséquence, on est maintenant capable de numériser les données génomiques d’une personne rapidement et à un coût raisonnable.

Pour développer les algorithmes qui vont nous permettre de diagnostiquer des maladies et les prévenir, il est nécessaire de les entrainer avec une grande quantité de ces données. Nous devons donc être en mesure de regrouper toutes ces informations sensibles et les rendre accessibles à la communauté de chercheurs. Paradoxalement, par la nature même de ces données, le risque est très important lorsqu’on les expose à des tiers. Notre séquençage ADN a les caractéristiques suivantes :

  1. Il est de manière inhérente identifiable : nous avons tous un profil génétique unique
  2. Il ne peut être changé : en opposition à un mot de passe qui peut être modifié
  3. Il contient des informations personnelles sensibles : une prédisposition à développer un cancer par exemple

Le vol de ces informations peut donc nous exposer à des discriminations génétiques. De plus, comme certaines propriétés de son profil génétique sont similaires à celle de sa famille, les conséquences d’un vol peuvent également affecter nos proches.

Pour établir une confiance numérique, la technologie Blockchain contribue à la solution

Pour convaincre les gens de mettre leur profil génétique à disposition de la recherche, il va donc falloir amener de la confiance dans le système. C’est précisément l’objectif de la technologie Blockchain. Cette dernière permet en effet de :

  1. Garantir la confidentialité : la Blockchain utilise des technologies avancées de cryptographie
  2. Assurer l’intégrité des données : la base de données distribuée d’une Blockchain rend la manipulation des informations qu’elle contient impossible
  3. Obtenir une traçabilité : toutes les transactions sont enregistrées

Pour mettre en place une telle infrastructure de partage de données médicales sensibles et développer l’écosystème, le projet « Data Protection for Personalized Health » a été lancé au travers de l’initiative stratégique des EPF, Personalized Health and related technologies. Ce projet combine l’excellence des différents laboratoires de recherches et les hôpitaux. Lancé en avril dernier pour une durée de 3 ans, ce projet permet à la Suisse d’être bien positionnée pour contribuer à la recherche de solutions.

Est-il possible de s’assurer face aux cyberrisques ?

Les machines intelligentes prennent une place de plus en plus grande dans notre quotidien. Si elles commettent des erreurs ou si elles se font manipuler au travers d’une cyberattaque, les conséquences sont très diverses. Si notre assistant vocal type Google Home nous commande la mauvaise taille d’une paire de chaussures, l’impact est très faible, nous pouvons simplement la retourner. C’est plus grave si en mode automatique, notre Tesla provoque un accident sur l’autoroute… et qu’ensuite elle appelle le service d’urgence américain plutôt que le 117.

Pour un assureur, il devient compliqué de déterminer qui est responsable. Si l’on prend le cas de notre voiture Tesla qui cause un accident : qui est responsable ? Celui qui a développé l’algorithme ou celui qui a fourni des données erronées à l’algorithme.

Beaucoup de questions restent encore sans réponse et le marché de l’assurance « cyber » n’en est qu’à ses débuts comme le montrent les chiffres donnés par Swiss Re Institute : les primes d’assurance cyber ne représentent encore qu’une fraction des primes d’assurance pour les véhicules à moteur par exemple ($184 milliards pour les véhicules à moteur contre $0.4 milliard pour les cyberrisques en Europe, Moyen-Orient et Afrique).

Comment peut-on diminuer le risque de vol de données ?

Finalement, tous les acteurs s’accordent sur le fait que dans un premier temps, pour prévenir les risques de vol de données, la sensibilisation et la formation sont essentielles. En analogie avec une maison, une entreprise peut utiliser les dernières technologies à disposition pour s’assurer que la porte d’entrée soit bien fermée, si les fenêtres sont ouvertes, cela reste très facile de se servir comme l’illustre la photo ci-dessous prise dans le train entre Lausanne et Berne : un ordinateur équipé d’un VPN (réseau privé virtuel sécurisé) laissé pendant plusieurs minutes sur le siège sans être verrouillé.

Dans cette économie numérique, le vol de données sur notre ordinateur a un impact plus grand que le vol de notre porte-monnaie dans son sac. En plus, dans un pays où l’on a plutôt tendance à être sur-assuré, il est pour le moment difficile de souscrire une bonne assurance.

  • Retrouvez les présentations du Connected Event :

  • Découvrez toutes les entités actives dans la cybersécurité sur le territoire vaudois sur le site : vaud.digital
  • Consultez l’enquête de la CVCI « Les entreprises vaudoises face aux enjeux de la cybersécurité » :

https://www.cvci.ch/fileadmin/documents/cvci.ch/pdf/Medias/publications/divers/12315_ENQUETE_CYBERSECURITE_PROD_PP.pdf

 

*Source : Gemalto Breach Level Index 2017