Aurez-vous droit à des prestations complémentaires à la retraite ?

 

La question peut paraître incongrue à la plupart des lecteurs ou lectrices de ce billet dont le blog est hébergé par un journal sans doute assez peu lu par des personnes nécessiteuses… Pourtant, même ceux qui bénéficient d’une certaine aisance devraient s’intéresser à cette assurance sociale. En effet, si les prestations complémentaires (PC) viennent en aide aux personnes ne disposant que d’une rente AVS et éventuellement d’une très modeste rente de 2e pilier à la retraite ou à l’AI, elles apportent également leur contribution aux coûts de l’EMS dans lequel on finira peut-être ses jours. Car leurs frais sont très élevés et peuvent progressivement engloutir les moyens financiers de leurs pensionnaires si le séjour se prolonge sur de nombreuses années, avant que les PC ne viennent prendre le relais. La classe moyenne est donc potentiellement concernée.

Calculateur en ligne

Si l’on veut comprendre à quelles conditions on peut éventuellement avoir droit à des PC, on lira avec profit les mémentos qui leur sont consacrés sur le site du Centre d’information AVS/AI. Mais, si l’on est peu pressé, on peut déjà en saisir les grandes lignes en recourant au simulateur de Prosenectute qui permet d’avoir une projection de ce à quoi on peut prétendre le cas échéant. Il suffit ainsi de remplir un formulaire très sommaire sur sa situation personnelle actuelle si l’on déjà en retraite, ou telle qu’elle se présentera lorsqu’on quittera la vie active, en recensant l’ensemble de ses revenus et de sa fortune. Du côté des dépenses, il suffira d’indiquer le montant de son loyer. Il faut souligner que le calculateur prend également en compte la part du patrimoine qui aurait fait l’objet de dessaisissements, pour reprendre le jargon juridique. En effet, comme la fortune entre dans le calcul du droit aux PC, le législateur a voulu éviter que leurs bénéficiaires procèdent par exemple à des donations à leurs enfants, leur permettant ainsi de toucher des PC plus élevées par ce biais.

Cas concret

Pour illustrer le fonctionnement du calculateur de Prosenectute, prenons le cas d’une veuve à la retraite et domiciliée à Lausanne. Ses revenus sont constitués par une rente AVS annuelle de 20’000 francs, plus une rente de 2e pilier de 10’000 francs. Elle ne dispose d’aucune fortune. Elle paie un loyer annuel de 15’000 de francs par an. Le calculateur produit un tableau montrant comment il est arrivé au résultat recherché : avec des dépenses reconnues de 41’270 francs et un revenu annuel de 30’000 francs, le droit aux PC s’élève donc à 11’270 francs (= 41’270 – 30’000) par année.

Même cas avec donation

Si l’on reste sur le même exemple, mais on supposant que cette veuve avait pu faire une donation à ses enfants pour 150’000 francs en 2014, on constate que son droit aux PC se réduit drastiquement. Du côté des dépenses reconnues, rien ne change. En revanche, sa fortune évaluée va fortement augmenter pour tenir compte de la donation. Pas intégralement, mais avec la soustraction de 10’000 francs par année précédant la demande de PC. Dans notre exemple, il faut donc diminuer de 60’000 francs (= 6 x 10’000) la donation de 150’000 francs. La fortune de dessaisissement prise en compte se monte ainsi à 90’000 francs (= 150’000 – 60’000). De ce chiffre, il faut encore déduire la franchise de 30’000 francs. On obtient ainsi la somme de 60’000 francs (= 90’000 – 30’000) qui sera utilisée pour calculer un revenu fictif supplémentaire, qui est de 10%, soit 6’000 francs (= 10% x 60’000). Ces 6’000 francs vont s’additionner aux 30’000 francs de revenus réels – les rentes AVS et du 2e pilier –, auxquels s’ajoutent les 90 francs du revenu de la fortune. Au total, les revenus du cas sans donation passent de 30’000 francs à 36’090 francs lorsqu’on intègre la donation de 150’000 francs en 2014. Le droit aux PC se réduit de cette différence, pour tomber à 5’180 francs, comme on le voit dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

Entrée en EMS

Ce type de calculs serait évidemment particulièrement utile pour des candidats à l’EMS. Malheureusement, le calculateur ne permet pas d’effectuer ce genre d’estimation en raison de la disparité des tarifs entre les institutions pour personnes âgées et les cantons. C’est d’ailleurs le même cas pour le simulateur de PC du Centre d’information de l’AVS/AI. Soit dit en passant, ce calculateur doit être utilisé avec prudence car il semble souffrir de bogues dans le calcul du dessaisissement, comme j’ai pu l’expérimenter à de nombreuses reprises. C’est d’autant plus ennuyeux que cet outil ne détaille pas ses résultats de manière aussi fine que celui de Prosenectute, qui permet de vérifier immédiatement le résultat en refaisant les calculs soi-même. Si on veut les comparer les deux simulateurs, on peut retrouver leurs adresses et leur description sous Prestations complémentaires de la rubrique Calculateurs de mon site (pierrenovello.ch).

La donation est souvent une fausse bonne idée

Même sans simulation chiffrée, il est facile de comprendre qu’une donation à ses enfants, par exemple, avant l’entrée en EMS n’est vraiment pas une bonne idée. À moins que la donation puisse échapper à sa prise en compte dans l’évaluation de la fortune. Ce qui serait le cas si la donation était complètement « amortie » en quelque sorte au moment de la demande de PC. Sinon, le risque, c’est que les donataires, c’est-à-dire les bénéficiaires de la donation, puissent être sollicités pour payer l’appoint s’ils en ont les moyens. Ce qui n’est pas forcément le but de l’opération !

Sens du dessaisissement élargi depuis le 1er janvier 2021

Même si le calculateur de Prosenectute s’avère efficace, il peut prêter à confusion. En effet, la réforme des prestations complémentaires entrée en vigueur depuis le début de l’année a élargi la notion de dessaisissement. Ce n’est plus seulement les donations qui entrent dans ce périmètre, mais également les dépenses que le législateur juge exagérées. Plus précisément, comme l’explique le mémento qui détaille ces changements : « Si une personne ayant une fortune supérieure à 100 000 francs dépense plus de 10 % de sa fortune en une seule année, le montant dépassant ce seuil de 10 % sera considéré comme un dessaisissement. (…) Pour les personnes ayant une fortune inférieure à 100 000 francs, les montants de plus de 10 000 francs par an seront considérés comme un dessaisissement. Des dépenses plus élevées peuvent ne pas être prises en compte si elles répondent à des motifs importants. En font notamment partie les dépenses courantes nécessaires à l’entretien de l’assuré lorsque les revenus réalisés sont insuffisants, les dépenses visant à maintenir la valeur du logement ainsi que les frais de formation et de perfectionnement à des fins professionnelles. »  Pour une cigale, voilà une nouvelle particulièrement troublante…

Anciens bénéficiaires de PC pénalisés ?

Ceux ou celles qui touchaient déjà des PC avant l’entrée en vigueur de la révision pouvaient s’inquiéter à juste titre d’une baisse éventuelle des prestations à recevoir. Mais les personnes dont les rentes auraient dû diminuer dès le 1er janvier bénéficiaient d’un délai de trois ans avant que les effets de cette révision ne les affectent, sans avoir besoin de procéder à la moindre démarche.

 

 

 

 

Comment estimer facilement ses futurs impôts à la retraite

Dans l’un des articles publiés le 9 juillet dernier dans le journal qui héberge ce blog, dans le cadre d’un spécial Caisses de pension réalisé en collaboration avec la Handelszeitung, mon confrère Freddy Hämmerli s’attaque à la problématique de l’optimisation fiscale à la retraite. C’est d’autant plus nécessaire que contrairement à une idée reçue fort répandue, les impôts baissent sensiblement moins que les revenus et augmentent même parfois. Cela s’explique par la disparition des nombreuses déductions qui étaient liées à l’activité professionnelle. Pour le montrer, notre journaliste s’appuie sur un exemple détaillé des états financiers d’un couple domicilié à Winterthour, avant et après l’arrivée à la retraite, en bénéficiant des calculs de Taxware, société spécialisée sur les questions fiscales. Tout en présentant les mesures d’optimisation fiscale classiques pour réduire ses impôts, comme celles d’étaler la souscription de ses produits de 3e pilier lié, pour pouvoir les retirer sur des années différentes et réduire ainsi son taux d’imposition.

Calculs individuels

Fort de ces explications, chacun aimerait sans doute savoir quel impôt effectif le frappera lorsqu’il arrivera en retraite, avant même de procéder aux mesures d’optimisation fiscale et donc de recourir à un conseiller financier. C’est en fait aujourd’hui possible grâce au Simulateur fiscal de la Confédération de l’impôt sur le revenu et de la fortune, qui a prévu le cas particulier des bénéficiaires de rentes de vieillesse ou d’invalidité. Outre l’accès immédiat au résultat, ce simulateur permet de tester différentes hypothèses. Par exemple, si l’on veut retirer tout ou partie de son avoir de vieillesse de 2e pilier, cela donne la possibilité d’en évaluer précisément les conséquences fiscales. Mais, autant le dire franchement, pour obtenir un chiffre réaliste, il faut y aller pas à pas et de manière précautionneuse. Et à cet égard, il est important de consulter le Commentaire concernant le calcul des impôts, dont le PDF peut être téléchargé directement depuis la première page, juste sous le titre Simulateur fiscal, comme on le voit dans l’extrait publié. Car si l’on veut un résultat personnalisé, il faut être le plus précis possible.

Données de base

La première étape s’avère très simple, puisqu’il suffit d’entrer ses données de base, soit l’année fiscale, le domicile, l’état-civil (personne vivant seule, marié(e), partenariat enregistré, en concubinage), l’âge du ou des contribuables, les enfants encore à charge, la confession du ou des contribuables. Pour le type de revenus, le calculateur propose quatre variantes : Revenu brut ; Revenu netRevenu provenant de rentesAutre revenu ; Pas de revenu. Selon le commentaire concernant le calcul des impôts déjà mentionné, le revenu brut correspond au revenu annuel pour un salarié. Cette variante permet de saisir manuellement ses déductions. Le revenu net correspond au revenu annuel pour un indépendant. Quant au revenu des rentes – celui qui nous intéresse dans le cadre de cet article – c’est le montant combiné des rentes de l’AVS et du 2e pilier. Ces données doivent évidemment être affinées pour qu’elles s’approchent de la réalité du contribuable qui recourt à ce calculateur. Et c’est là que cela se complique quelque peu. Ainsi, il faut faire apparaître un sous-menu pour les revenus additionnels et les déductions dont certaines ont été prises en compte de manière automatique.

Revenus additionnels

Plus précisément, commençons du côté des revenus. Exercerez-vous une activité accessoire générant un salaire net ? Serez-vous propriétaire de votre logement ? Dans ce cas, il faut indiquer sa valeur locative, et, le cas échéant, d’autres revenus provenant de la location à des tiers. Si vous avez d’autres futures recettes imposables, comme une pension alimentaire, il faut également les signaler. Sans oublier le rendement de votre fortune, par exemple les intérêts des capitaux d’épargne, les dividendes et les coupons ou qui proviennent de participations d’au moins 10% du capital social ou du capital nominal d’une autre société ou dont la valeur de marché est d’au moins un million de francs suisses.

Déductions

Du côté des déductions, le calculateur prend par défaut un montant de 4’560 francs pour les primes d’assurance et les intérêts de capitaux d’épargne. Il faut donc en indiquer le montant effectif auquel vous pouvez attendre en arrivant à l’âge de la retraite. Si vous avez droit à une réduction individuelle des primes, il faut également le mentionner. En cas d’activité accessoire, le montant des frais professionnels doit être indiqué sinon le calculateur utilisera une déduction forfaitaire. Des charges de location pourront être déduites mais seulement dans les cantons de Vaud et de Zoug. Si aucune donnée n’est saisie, un montant de 25% du revenu de référence sera utilisée par défaut par le calculateur. Il faut donc le remplacer par un chiffre plus proche de la réalité. Il est également nécessaire d’indiquer ses intérêts passifs, ainsi que les frais d’entretien. Enfin, une rubrique Autres déductions comprend celles qui ne peuvent être calculées sur la base d’informations connues (par exemple, des libéralités, des frais provoqués par la maladie, des déductions pour personne à charge, des contributions d’entretien, etc.).

Impôt sur la fortune

Si l’on veut prélever une partie des avoirs de sa caisse de pension à la retraite, comme souvent le cas si l’on dispose d’un capital surobligatoire confortable, il ne faut évidemment pas oublier les impôts. Tout d’abord, celui qui sera ponctionné au moment du retrait. Il est heureusement aisé de calculer ce montant grâce à différents simulateurs que j’ai sélectionnés sur mon site. C’est d’autant plus facile que le montant calculé est indépendant du revenu du contribuable. Ensuite, il faut évaluer quel sera l’impôt sur la fortune annuel qui sera dû en sortant les fonds de la caisse de pension. On rappellera que l’avoir de la caisse de pension est entièrement exonéré d’impôt, mais qu’il est soumis à l’impôt sur la fortune et sur le revenu dès qu’il en sort.

Calculateurs cantonaux

Pour faire ce type de calculs, on peut également se tourner du côté des simulateurs cantonaux, dont j’ai établi la liste pour la Suisse romande. Comme chacun de ses outils est différents des autres, il serait un peu fastidieux d’en faire une description détaillée. Mais c’est un bon moyen pour recouper les résultats obtenus avec le calculateur de la Confédération. Si l’on est un peu à l’aise avec la planification financière et que l’on connaît toutes les options qui s’offrent pour optimiser sa retraite, le simulateur de la Confédération permet également de calculer l’impôt qui sera prélevé en cas de versement d’un capital de prévoyance, que ce soit du 2e pilier ou du 3e pilier lié.

 

Et si l’on refusait de vous verser vos rentes AVS ?

Retraité du Kosovo privé de rentes AVS (Source : Temps Présent)

C’est avec stupéfaction que j’ai découvert l’excellent reportage d’Artidë Shabani et de Laurent Nègre, intitulé Suisse-Kosovo, le dur retour des retraités, dans l’émission Temps Présent de jeudi dernier. On y découvrait que des travailleurs retraités du Kosovo qui avaient cotisé pendant de longues années à l’AVS n’avaient finalement droit à aucune rente et se retrouvaient ainsi en proie à de graves difficultés financières.

Pas de convention, pas de rentes !

Petit retour en arrière pour comprendre cette situation ubuesque. En fait, contrairement aux citoyens suisses, les ressortissants étrangers qui quittent notre pays n’ont droit aux versements de leurs rentes AVS-AI et autres prestations du premier pilier, que s’ils sont citoyens d’un pays qui a signé une convention de sécurité sociale avec la Suisse. Or une telle convention existait avec le Kosovo jusqu’en 2010, année où elle a été suspendue. Décision motivée par quelques cas d’abus et par une situation administrative compliquée dans l’Etat nouveau-né. Donc, plus de convention, plus de versement de rentes !

Remboursement des cotisations ?

A priori, cette suspension ne paraît pas trop grave dans la mesure où ces assurés peuvent demander le remboursement des cotisations payées. Mais ce serait oublier le caractère fortement redistributif de l’AVS : ces travailleurs du Kosovo, venus effectuer les travaux les plus pénibles dans notre pays, auraient dû bénéficier de rentes AVS et AI élevées par rapport au montant de leurs cotisations. Si l’on prend une espérance de vie moyenne, ces retraités sont donc les grands perdants de cette décision administrative. C’est d’autant plus cruel que ces personnes ne coûtaient déjà pas tellement chers à la Suisse puisque malgré leurs maigres ressources, ils n’émargeaient pas aux prestations complémentaires, réservés aux personnes résidant en Suisse.

Rentes perdues ?

Finalement, comme on l’apprend à la fin du reportage, une nouvelle convention de sécurité sociale a été signée en juin 2018 entre les deux pays. Mais il faudra attendre la ratification par les deux parlements respectifs pour qu’elle entre en vigueur. Procédure qui peut prendre encore une année et demie. Tout est bien qui finit bien ? Pas tout à fait ! En effet, que deviennent les rentes qui n’auront pas été versées pendant 10 ans ? À cette question posée par notre consœur à un responsable de l’administration fédérale, la réponse est limpide : l’argent va rester dans les caisses de l’AVS ! En effet, puisqu’il n’y avait aucune convention, aucune rente n’est due pour cette période.

Punition collective

Légalement, la position de l’administration est sans doute imparable. Mais, sur le plan humain, c’est révoltant. Car on pénalise collectivement un groupe de personnes qui ne portent aucune responsabilité dans cette affaire. Qu’auraient-ils pu faire ? On sait qu’il est nécessaire d’assainir l’AVS, mais pas de cette manière !