Comment optimiser fiscalement sa retraite échelonnée

Je rebondis sur l’article de ma consœur Julie Eigenmann paru ce jour dans le journal qui héberge ce blog, consacré à la retraite partielle. En effet, je pense qu’il serait intéressant d’aborder l’aspect financier de ce type d’opération sous un angle un peu plus technique, car il recèle de substantiels avantages à exploiter. C’est d’autant plus important que cette solution a un coût, même s’il est moins élevé que dans le cas d’une retraite anticipée à 100%.

Cotisations AVS

Si l’on compare avec le départ anticipé complet, on constate un premier avantage au niveau de l’AVS : en effet, chacun ou chacune doit continuer à payer ses cotisations jusqu’à l’âge légal de la retraite, soit respectivement 65 ans et 64 ans, que l’on soit encore en activité ou non. Les personnes ayant quitté prématurément le monde du travail devront payer des cotisations AVS selon le barème de personne sans activité lucrative.

Cotisations sur le salaire disparu

Du côté de la prévoyance professionnelle, tout va dépendre le règlement de la caisse de pension. Ainsi, comme le prescrit l’article 33a de la LPP, « L’institution de prévoyance peut prévoir dans son règlement la possibilité, pour les assurés ayant atteint l’âge de 58 ans et dont le salaire diminue de la moitié au plus, de demander le maintien de leur prévoyance au niveau du dernier gain assuré. » En d’autres termes, l’assuré pourrait continuer à améliorer sa prévoyance au même rythme qu’auparavant, tout en pouvant engranger les économies fiscales correspondantes. Elles seraient toutefois inférieures pour un même montant de cotisations, puisque le revenu imposable diminue.

Mais, attention, l’employeur n’est pas obligé de verser de cotisations sur la part amputée du salaire. Il faut donc avoir les moyens de verser ces cotisations supplémentaires, y compris la part patronale, alors qu’on a vu simultanément son revenu diminuer. Enfin, cette opportunité concerne également les rachats, qui pourraient ainsi être effectués sur des lacunes calculées par rapport à l’ancien salaire.

Fiscalité des prestations du 2e pilier

Il est un point important à souligner : la cotisation sur une partie de salaire virtuel est rendue impossible si le salarié demande le versement de rentes et/ou d’un capital correspondant à la diminution de son activité. Sur le plan fiscal, le versement de rentes de son 2e pilier s’avère très simple, puisqu’elles s’ajoutent au revenu imposable pour être prises en compte à 100%. En revanche, le versement partiel du capital est fiscalement plus avantageux, puisque l’impôt est progressif, et que le fractionnement des retraits réduit le montant total de l’impôt. La pratique pour imposer ce type d’opération est quasiment identique dans tous les cantons romands, comme j’avais pu le constater lors d’une enquête réalisée en 2020 auprès des différentes administrations fiscales cantonales. Ces dernières se basent sur un cas d’application (A.1.3.8) de l’ouvrage « Prévoyance et impôts », de la Conférence suisse des impôts, publié aux Editions Cosmos.

Conditions

Ainsi, pour bénéficier d’une imposition sur des montants fractionnés en cas de retraite échelonnée, et donc à des taux inférieurs, cette institution en fixe les conditions : « Il doit s’agir d’une réduction du degré d’activité déterminante et durable ; le salaire doit être réduit en conséquence ; le prélèvement des prestations de vieillesse doit s’effectuer en proportion de la réduction du degré de l’activité ; la retraite partielle et ses conditions doivent être ancrées dans le règlement de prévoyance. » Et pour mettre les points sur les i, et mettre en garde contre toute tentative d’évasion fiscale, les auteurs précisent : « Une retraite partielle qui conduit uniquement à un retrait échelonné de prestations en capital est considérée comme abusive en matière fiscale. Dans cette optique, deux prélèvements sous forme de capital sont dans l’ensemble admis. »

3e pilier lié

Enfin, le 3e pilier lié est également affecté par la poursuite de l’activité lucrative, en bénéficiant toujours d’un montant déductible maximal de 6’883 francs par année (en 2021), pour un salarié ou un indépendant affilié à une caisse de pension. En cas de retraite anticipée à 100%, le préretraité n’aurait plus eu la possibilité d’avoir accès à des produits bénéficiant de ces avantages fiscaux.