Que changera le nouveau droit successoral dans la procédure de divorce ?

Pour terminer ma série sur la révision du droit des successions, qui entre en vigueur le 1er janvier de l’année prochaine, je vais me pencher dans ce billet sur la question de la procédure de divorce dans le cadre de la succession. De cette manière, j’aurai passé en revue les principaux articles du projet de révision de la loi sur les successions traités dans le message du Conseil fédéral (CF) du 29 août 2018, repris presque tels quels dans la modification du Code civil (CC) du 18 décembre 2020. Toutefois, la seule véritable innovation que constituait la créance d’assistance pour le concubin ou la concubine survivant(e), longuement détaillée dans le message du CF, a finalement été écartée lors des débats parlementaires et ne figure donc pas dans la révision.

Jusqu’au 31 décembre 2022

Dans la législation actuelle, les époux ne cessent d’être héritiers réservataires et légaux l’un de l’autre qu’une fois le divorce entré en force, comme le fixe l’article 120 du CC, alinéa 2. C’est la même règle qui s’applique pour des partenaires enregistrés pendant une procédure de dissolution. En d’autres termes, cela signifie qu’en cas de décès survenant durant la procédure de divorce, le conjoint survivant conserve ses droits non seulement en tant qu’héritier légal mais également comme réservataire.

Dès le 1er janvier 2023

Dans la loi révisée, le conjoint survivant ne pourra plus se prévaloir de son droit à la réserve si le décès survient durant la procédure de divorce, comme l’établit le nouvel article 472 du CC. Mais il faut que l’une des conditions suivantes soit remplie : 1. la procédure a été introduite sur requête commune ou s’est poursuivie conformément aux dispositions relatives au divorce sur requête commune, ou 2. les conjoints ont vécu séparés durant deux ans au moins. Dans un tel cas, les réserves se calculent comme si le défunt n’avait pas été marié. Les mêmes principes s’appliquent par analogie à la procédure de dissolution du partenariat enregistré.

Conservation du statut d’héritier légal

Le conjoint ou le partenaire survivant ne perdra toutefois pas tous ses droits sur la succession, puisqu’il restera héritier légal jusqu’à ce que le divorce ou la dissolution soit prononcé(e), comme le prescrit le nouvel article 120, alinéa 2 et le nouvel article 31, alinéa 2 de la loi sur le partenariat enregistré. Comme l’explique le CF dans son message, « cela signifie qu’en l’absence de testament excluant le conjoint ou partenaire enregistré survivant, celui-ci conservera son droit à sa part successorale en cas de décès avant l’entrée en force de la décision de divorce ou de dissolution. »

Thématiques à venir

On n’entrera pas plus dans les détails juridiques dans ce billet de blog finalement consacré à l’économie… C’est d’ailleurs dans un souci d’entrer dans la pratique et dans une perspective de gestion de ses finances personnelles que je consacrerai une nouvelle série d’articles liées aux questions successorales. Il s’agira de situations concrètes telle que la transmission de l’hypothèque en cas de décès, le besoin de protection du conjoint survivant, de celui du concubin(e), de ses enfants en cas de famille recomposée, et de la manière de préparer sa succession sans faire éclater (si possible) l’harmonie familiale. J’aborderai également la question du point de vue des héritiers, qui doivent parfois se poser la question de savoir s’il faut accepter (ou refuser) un héritage.

 

 

 

 

 

 

 

Enfin un livre de référence sur le 3e pilier !

Vous pensez que le 3e pilier, que ce soit sous sa forme liée ou libre, est compliqué ? Vous avez raison ! En effet, c’est un univers qui

Pierre-Yves Carnal

nécessite de vastes connaissances, notamment dans le domaine des assurances vie et de leur fiscalité, qui diverge selon que les produits sont souscrits dans le cadre du 3e pilier lié ou libre. Il est en fait très difficile d’en maîtriser tous les arcanes sans être un expert. C’est la raison pour laquelle il faut saluer la sortie du livre de Pierre-Yves Carnal, praticien et formateur d’adultes en matière d’assurances sociales, sobrement intitulé « Le troisième pilier en Suisse* ».

Nombreux tableaux

Cet ouvrage s’avère d’autant plus intéressant qu’il comble une vraie lacune. En effet, à notre connaissance c’est le seul qui présente cette matière aride sous une forme synthétique et abordable. Toutefois, sans vouloir refroidir l’ardeur de ses futur(e)s lecteurs ou lectrices, ce court document – une centaine de pages – s’adresse surtout à des professionnels étant donné la complexité de la thématique. Ils pourront ainsi s’en servir comme manuel de référence, aidés dans leur tâche par de très nombreux tableaux, même s’ils sont parfois un peu touffus.

Spécificités des législations cantonales

Comme nous l’indique l’auteur, cette première édition vise le marché romand et met l’accent sur les spécificités des différentes législations de chacun des six cantons. L’un des atouts de cet ouvrage, c’est l’intégration non seulement de la révision partielle de la LCA (Loi sur le contrat d’assurance) intervenue au premier janvier de cette année, ainsi que celle des successions, qui entrera en vigueur dès l’an prochain.

Révision de la LCA

Parmi les points importants de la révision de la LCA, Pierre-Yves Carnal met en exergue celui qui touche l’assurance-vie : « Un droit de révocation a été introduit dans les quatorze jours qui suivent la signature du contrat, et qui concerne aussi le 3e pilier lié. Il s’agit là d’une grande nouveauté pour la LCA. » Autre innovation, l’obligation faite à l’assureur de fournir des informations détaillées sur le contrat au preneur d’assurance avant sa conclusion, en particulier sur la valeur de rachat : « C’est devenu beaucoup plus explicite qu’auparavant. »

Fiscalité au centre du jeu

La fiscalité joue un rôle particulièrement important dans le domaine du 3e pilier. Il serait toutefois simpliste de tout miser sur cet aspect. En effet, comme le souligne notre interlocuteur, si la prévoyance liée s’avère avantageuse « en raison notamment de ses fameuses déductions fiscales et d’un certain droit garanti à la personne mariée, la prévoyance libre offre en revanche une très grande liberté, tout en restant fiscalement intéressante ».

Rigidité des assurances vie

En ce qui concerne la prévoyance liée, « si les produits d’assurance permettent de couvrir un risque, ils sont en revanche extrêmement rigides », s’exclame l’auteur. Plus encore qu’on ne l’imagine habituellement. En effet, on sait que la prime d’assurance-vie doit être réglée chaque année et pour le même montant, contrairement au versement sur un compte de prévoyance, laissé à la discrétion de son détenteur jusqu’au plafond légal. Mais l’assurance-vie manque également de flexibilité pour profiter de la possibilité de résilier ce type de produits cinq ans avant l’âge de la retraite, soit dès 60 ans pour un homme et 59 ans pour une femme. Pour un compte de prévoyance, il n’y aura aucun problème alors que, poursuit notre interlocuteur, « si vous avez une assurance vie fixée à 63 ans, vous ne pouvez pas la résilier facilement par anticipation en raison de problèmes techniques ! ».

3e pilier lié et frontaliers

Autre point mis en évidence, la question du droit à la souscription de produits dans le cadre du 3e pilier lié pour les frontaliers. La réponse – positive – se trouve sur le site de l’OFAS, mais a demandé de longues recherches, précise l’auteur. Une autre enquête auprès des différents cantons romands lui a permis d’établir leur pratique sur ce droit lorsque l’activité lucrative est temporairement interrompue. C’est ainsi qu’ils acceptent globalement ce principe « avec une limite de deux ans pour la poursuite de cotisations déductibles du revenu imposable ». Ce résultat permet de faire ressortir la démarche de l’auteur dans l’ensemble de son ouvrage, qui a consisté à « aller chercher toutes les bases légales relatives à la matière présentée », cela en les référençant précisément tout au long de son exposé.

*Le troisième pilier en Suisse, par Pierre-Yves Carnal, Editions Loisirs et Pédagogie, 2022