Scènes de la vie quotidienne au temps du Coronavirus

Le retour à la normalité n’est décidément pas pour demain, comme je l’ai encore constaté hier en montant dans un bus bondé au centre-ville de Genève, non pas tellement en raison du port obligatoire du masque que par la tension que peut susciter le non-respect de cette règle. Ainsi, à peine entré dans le véhicule ai-je entendu une vive altercation entre deux passagères, l’une d’entre elles reprochant à l’autre de ne pas porter de masque. La personne « déviante » – âgée et se déplaçant avec un déambulateur – se défendait avec vigueur en arguant qu’elle bénéficiait d’une dispense et qu’elle n’avait de toute façon pas à se justifier auprès d’elle.

Pourquoi porter un masque ?

Au fil des échanges heurtés, un autre passager, d’une soixantaine d’années, qui se tenait debout face à moi à cinq ou six de mètres de distance, intervint pour défendre la personne âgée, en demandant le respect pour ses cheveux blancs. En laissant pendouiller son masque sur l’une de ses oreilles, pour qu’on l’entende sans doute mieux.  Posture suscitant d’autres réactions, notamment qu’il devrait remettre son masque. Mais notre homme n’en continuait pas moins à réagir avec véhémence, mettant en avant que le fait de porter ou non cet appendice facial constituait un choix personnel et que c’était aux autorités de faire respecter la loi et non pas aux autres passagers. Car, disait-il, en le portant, vous êtes protégé. Apparemment, cette personne aux intentions louables n’avait pas bien compris le message de nos autorités sanitaires. On rappellera que le masque paraît surtout efficace pour diminuer la propagation du virus des personnes infectées vers le reste de la population.

Confusion et malaise

Mais à la décharge de notre homme, les informations et les pratiques paraissent tellement contradictoires qu’elles sont à l’origine d’une grande confusion et d’un certain malaise. On ne reviendra pas sur le discours martelé au début de la pandémie sur l’inutilité du masque. Quant aux mesures barrières, en particulier la distance minimale d’un mètre cinquante pour des échanges sans protection, quand est-elle respectée ? D’autant plus si votre interlocuteur ou interlocutrice a besoin d’intimité pour communiquer avec vous et ne parvient pas à s’adapter aux conditions sanitaires actuelles.

A quand le retour de la confiance ?

Si je rapporte cette anecdote dans un blog consacré à l’économie, c’est parce que cela laisse songeur quant à l’amélioration notable de la conjoncture, qui nécessite le retour à la confiance et à une certaine sérénité. Sans parler d’une éventuelle nouvelle vague de la pandémie, qui accroîtrait la nervosité générale et entraverait plus encore toutes les transactions personnalisées.

 

 

 

Comment financer sa prévoyance vieillesse dans le monde de l’entre-deux ?

 

 

Alors que l’on se demande de quoi demain sera fait, entre les effets de la crise économique et l’éventuel rebond de la pandémie, VZ Vermoegenszentrum lançait un véritable plaidoyer en faveur de la planification de la retraite dans son dernier bulletin, VZ News, paru il y a quelques jours. Les arguments en sont les défis de taille auxquels les futurs retraités sont confrontés, soit le coronavirus, les taux négatifs ou encore les maigres rendements. En résumé, « pour ne pas manquer d’argent à la retraite, il faut réagir dès maintenant ».

Qui peut encore se le permettre ?

Cet appel peut faire quelque peu ricaner, alors qu’une grande partie de la population traverse une période extrêmement délicate, dont la priorité est de savoir comment payer ses factures dans les prochaines semaines. Alors, le financement de la retraite… Même ceux qui disposent de quelques économies ont sans doute avantage a bien les conserver pour faire face aux difficultés à venir, en évitant de les bloquer dans des produits de prévoyance jusqu’à l’âge de la retraite. D’autant plus que les bas revenus, faiblement imposés, ne pourraient évidemment n’obtenir que de très modestes économies fiscales sur leurs versements. Le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.

À contretemps

Cela dit, j’aurais de la peine à me montrer sarcastique à l’égard des planificateurs professionnels en recherche de clients dans la mesure où je viens moi-même de publier un nouvel ouvrage consacré au financement de sa retraite ! À ma décharge, c’est un document qui a été remis à l’imprimerie juste avant l’éclatement de la crise sanitaire dans notre pays. Mais j’ai aggravé mon cas avec le choix d’une couverture allégorique figurant le départ en retraite dans le cadre d’une salle d’attente d’un aéroport… Pour me rassurer, je songe aux propos de l’éditeur français d’un de mes précédents livres qui m’avait fait part de sa stratégie pour se démarquer par des couvertures insolites afin que les ouvrages se différencient lorsqu’ils doivent faire leur place dans les rayons des librairies. Là, je crois que j’ai réussi mon coup…

La préparation à la retraite reste d’actualité pour les mieux lotis

Plus sérieusement, pour en revenir à la profession des planificateurs financiers, leur rôle n’est évidemment pas remis en cause : il faut préparer sa retraite, et ce longtemps à l’avance. Et même actuellement, pour tous ceux qui peuvent se le permettre. Car toute la population n’est heureusement pas logée à la même enseigne En effet, une partie des personnes actives va rester plus à l’aise financièrement et sera sans doute peu affectée par la crise. Par exemple, ceux qui bénéficient d’emplois stables et à revenus réguliers – on peut penser notamment au personnel des administrations publiques – n’ont pas grand-chose à craindre. Dans leur cas, la crise a sans doute eu pour conséquence de faire augmenter leurs liquidités puisqu’ils ont été empêchés de consommer de nombreuses prestations de services tout en continuant à recevoir leur rémunération à taux plein.

Mesures de prévoyance classiques

Si vous êtes dans cette situation, vous pouvez sereinement songer à tirer profit des avantages fiscaux du 2e pilier, en procédant à des rachats si vous avez par exemple des lacunes à combler. Mais cela ne vous dispensera pas « faire vos devoirs » comme on dit, pour évaluer l’état de santé de votre caisse de pension. Il s’agit de savoir, en cas de découvert notable, si elle peut être amenée à prendre des mesures d’assainissement plus ou moins rapidement.

Selon le type de mesures, il pourrait être judicieux d’attendre que les mesures d’assainissement aient déployé leurs effets. A moins qu’il ne s’agisse d’une caisse de pension publique, dont le processus d’assainissement serait étalé sur des dizaines d’années. En effet, dans ce cas, le rachat reste en principe recommandé, pour des raisons que j’avais développées dans un article publié dans le journal qui héberge ce blog il y a quelques années. Raisons qui restent d’actualité.

Le choix du 3e pilier lié

Dans le cas d’une caisse sans garantie étatique et dont les mesures d’assainissement vous seraient défavorables, vous auriez toujours la possibilité de souscrire des produits de 3e pilier lié, qui bénéficient également d’avantages fiscaux. Cela aurait d’autant plus de sens que les déductions autorisées chaque année dans ce cadre ne peuvent pas être reportées sur l’exercice suivant. Par ailleurs, il sera toujours possible de virer ces fonds accumulés dans des produits de 3e pilier lié dans sa caisse de pension lorsque le processus d’assainissement sera achevé.

Comment prévoir quelle sera la bonne prévision économique ?

Après le groupe d’experts de la Confédération pour les prévisions conjoncturelles et UBS, c’est Swisslife qui livrait aujourd’hui ses prévisions économiques, tant pour la Suisse que pour les États-Unis, la zone euro et le Royaume-Uni pour cette année. Sans surprise, toutes ces institutions prévoient un net recul de l’activité économique dans notre pays. Mais pas avec la même ampleur : Swisslife s’attend en effet à une contraction de 3,1 % du PIB suisse, contre 6,7% pour le groupe d’experts de la Confédération et 4,6% pour UBS. Comment s’expliquent de telles différences ?

Prévisions hautement aléatoires

La réponse n’est pas difficile à trouver. On sait en effet que les prévisions conjoncturelles restent relativement fiables lorsque l’environnement économique et politique présente de la stabilité. Mais dès qu’un élément imprévu d’importance vient semer le chaos, les prévisions établies peuvent être complètement démenties, comme on le voit à chaque crise. Or celle que l’on traverse actuellement rend toute projection sur l’avenir hautement aléatoire en raison de son origine et des dégâts à large échelle qu’elle produit à travers toute la société, avec des effets en cascade et autres rebonds. Tout le monde comprend que la crise sera sans doute profonde, mais il est très difficile de savoir jusqu’à quel point.

Les experts conscients de leurs limites

Les spécialistes en sont d’ailleurs bien conscients, comme le précise le communiqué de presse du SECO présentant les prévisions du groupe d’experts de la Confédération : « L’économie pourrait se relever plus rapidement que ne l’envisagent les prévisions, si les consommateurs suisses devaient moins se laisser déstabiliser par le coronavirus, ou si la reprise devait se révéler plus vigoureuse à l’étranger. À l’inverse, la pandémie et les mesures de confinement qu’elle exige pourraient perdurer, ce qui freinerait fortement la relance. Sans parler des importants effets de second tour qui pourraient se produire et entraîner, par exemple, des vagues de licenciements et de faillites. Il faudrait alors s’attendre à d’autres répercussions économiques majeures sur l’ensemble de la période prévisionnelle. »

L’économiste manchot d’Harry Truman

Cette analyse est empreinte de bon sens et s’avère utile pour essayer de trouver des solutions pour sortir de la crise au plus vite et dans les meilleures conditions. Mais en même temps, que vaut une prévision si la probabilité d’un facteur majeur –­ la persistance de la pandémie – est inconnue, et que les réactions attendues des agents économiques le sont également. Cette succession d’hypothèses rappelle la citation attribuée au président américain Harry Truman qui réclamait un économiste manchot (il en aurait eu assez d’entendre les experts nuancer leurs prévisions et conseils par l’expression “on the other hand”). Plus sérieusement on peut s’interroger sur la publication de prévisions à la virgule près, alors qu’on sait pertinemment que les chiffres effectifs en seront plus ou moins éloignés (à moins d’avoir beaucoup de chances…).

Denrées alimentaires et produits de base toujours disponibles, sauf si…

 

Dans cette période anxiogène, Swiss Retail Federation, l’association des commerces de détail de taille moyenne (stationnaires et en ligne) en Suisse et IG Detailhandel, qui « intègre les intérêts communs des entreprises suisses Migros, Coop, Manor et Denner dans le processus de formation des opinions politiques », ont publié un communiqué de presse quant à l’approvisionnement national, qui est « assuré en permanence et qu’il y a suffisamment de denrées alimentaires et de produits de base disponibles pour tout le monde ».

Razzia sur les pâtes et le papier toilette

Cette prise de position paraît d’autant plus pertinente que certains biens de base telles les pâtes et autres rouleaux de papier toilette ont été pris d’assaut au cours de ces derniers jours. Quant aux principaux services de commerce alimentaires en ligne, comme LeShop.ch, Coop@home ou Farmy.ch, le temps de commande et de livraison se sont fortement allongés, comme s’en est fait aujourd’hui l’écho la Tribune de Genève. Par exemple, en jetant un œil sur le site de LeShop.ch il y a quelques minutes, on pouvait constater que le délai de livraison était reporté jusqu’au 1er avril !

Réserves nécessaires

Selon son état d’esprit, on peut ricaner sur ces réactions de quasi-panique qui saisissent une partie de nos concitoyens, puisqu’on nous répète à l’envi qu’il n’y aura pas de pénurie en Suisse. Toutefois, la situation est sérieuse et présente beaucoup de problèmes pratiques. Il aurait donc été très surprenant que chacun continue à faire ses courses comme si de rien n’était sans prévoir quelques réserves. D’autant que la vague épidémique de coronavirus va continuer à monter au cours de ces prochaines semaines. Chercher à réduire ses déplacements pour éviter de se rendre dans des lieux confinés paraît très raisonnable. Ce qui explique d’autant la saturation des sites de commandes en ligne.

Effets pervers

Mais, comme toute mesure de précaution, celle-ci peut produire des effets pervers, surtout en cas d’exagération, comme mettent en garde les auteurs du communiqué de presse : « Nous comprenons votre inquiétude, mais si vous achetez plus que nécessaire pour constituer des réserves, vous risquez de laisser les suivants les mains vides et de surcharger notre personnel, en cette période déjà difficile pour lui. Si chacun y met du sien dans un esprit de solidarité, il y aura assez de tout pour tout le monde. »

Rationnement ?

On espère que le message sera entendu. À moins que cette annonce n’affole ceux qui craignent de faire partie des « suivants les mains vides » et contribue à accroître les achats de précaution de manière démesurée. Dans ce scénario, il existe heureusement un moyen simple : établir un rationnement pour l’achat de certains produits, pour que chacun puisse s’approvisionner selon ses besoins, jusqu’à la sortie de la crise.