Échange automatique de renseignements : quid des biens immobiliers ?

L’échange automatique de renseignements, qui donnera lieu à une première transmission de données entre la Suisse et 38 autres États à l’automne 2018, donne des sueurs froides à de nombreux détenteurs de biens immobiliers non déclarés à l’étranger. La date butoir pour déclarer ses avoirs cachés à l’étranger au fisc est fixée au 30 septembre prochain pour éviter l’amende.

Comptes financiers uniquement

Pourtant, comme le répète le Département fédéral des finances dans Questions et réponses concernant l’EAR, cet accord porte exclusivement sur l’échange de renseignements relatifs aux comptes financiers, soit : «Le numéro de compte, le numéro d’identification fiscale, le nom, l’adresse et la date de naissance des contribuables résidant à l’étranger et ayant un compte dans un autre pays, tous les types de revenus de capitaux, le produit total de la vente ou du rachat d’un actif financier, ainsi que le solde du compte.» Et le DFF enfonce le clou en précisant : «Aucune information n’est échangée sur les immeubles sis à l’étranger.» Ouf ! Sauf qu’à la phrase suivante, on peut lire : «Il ne peut toutefois être exclu que, dans le cadre d’une transmission d’un compte financier et d’investigations ultérieures, l’autorité fiscale découvre l’existence d’un immeuble sis à l’étranger.»

 Risque de contrôle

Dans cette perspective, Paul Coudret met en garde les propriétaires immobiliers qui ne se seraient pas mis en règle avec le fisc. Notre interlocuteur est d’autant mieux placé pour s’exprimer sur le sujet qu’il est l’auteur – notamment ­­– du guide à succès «Comment déclarer ses impôts»(1), mis à jour pratiquement chaque année, et qui est devenu le compagnon indispensable du contribuable lambda pour remplir sans (trop) de difficulté sa déclaration d’impôts. Pour justifier sa position, ce spécialiste s’exclame : «Les administrations fiscales cantonales qui auront accès à ces données pourront aller examiner les comptes des contribuables qui les intéressent et qu’elles suspectent d’avoir un bien immobilier à l’étranger. Et si elles ont un soupçon fondé, elles pourraient faire un contrôle.»

Dénonciation spontanée

 La dénonciation spontanée permet d’éviter l’amende, mais qu’en est-il des charges supplémentaires qui seraient liées à l’annonce de la possession d’un bien immobilier à l’étranger. Le DFF indique : «Les immeubles sis à l’étranger et leur rendement ne sont pas imposés en Suisse, mais en revanche leur valeur et la valeur des rendements sont déterminantes pour la fixation des taux d’imposition». En d’autres termes, leurs valeurs locatives s’ajoutent à celles des immeubles en Suisse et vous payez tout de même plus d’impôts qu’avant, sans compter le rattrapage pour les années où l’impôt dû n’a pas été réglé. Ce qui paraît tout de même assez logique, sinon on se demanderait pourquoi de si nombreux contribuables dissimulent leurs biens immobiliers à l’étranger.

Les déductions à ne pas oublier

 Même s’il est sans doute raisonnable – voire plus honnête ­ – d’essayer de se mettre en règle avec le fisc, il est en revanche vivement conseillé de tirer parti de toutes les possibilités légales de réduire ses impôts. Ces opportunités se sont cependant réduites au fil du temps, comme le déplore Paul Coudret : «Très sournoisement, l’Administration fiscale des contributions (AFC) est en train de mettre la main sur tous les cantons. Par exemple, la quasi-totalité de ces derniers (sauf quatre des six cantons romands) l’a suivie dans la limitation des frais de transports, à 3’000 francs par an, sans parler de Genève, où le forfait est tombé au niveau ridicule de 498 francs.»

Parmi les autres déductions importantes, notre interlocuteur met en avant celles qui sont liées à la propriété immobilière : «Par gain de facilité, de nombreux propriétaires choisissent le forfait, en indiquant simplement le pourcentage de la valeur fiscale de leur bien immobilier. Alors qu’il est évidemment beaucoup plus intéressant de procéder aux déductions des frais effectifs. Mais cela demande un travail de recherche des preuves et documents nécessaires.»

L’indépendant privilégié

L’auteur du guide recommande également de profiter des déductions pour frais de repas, limités à 15 francs par jour, à raison de 200 jours par an : « C’est l’un des derniers endroits où l’on peut encore déduire quelque chose.» Cependant, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne poursuit notre interlocuteur : «Les indépendants ont encore la possibilité de déduire des frais, et c’est peut-être un statut qui permet de bénéficier d’une dernière zone de liberté fiscale.»

(1) Comment déclarer ses impôts, Édition 2018, par Paul Coudret, Bon à savoir