Dans le cadre de ma série sur les principaux points de la révision du droit des successions, qui entre en vigueur dès le premier janvier 2023, j’aborde dans ce billet la manière dont le traitement de la prévoyance liée en cas de décès est modifié et précisé. On rappellera que l’on peut souscrire une assurance vie ou un compte de prévoyance auprès d’une fondation bancaire si l’on veut profiter des avantages fiscaux qui lui sont liés.
Prise compte dans le calcul des réserves
Ces deux formes de prévoyance liée sont exclues de la masse successorale et continueront de l’être, comme le précise le message du Conseil fédéral du 29 août 2018. Mais, ce qui change est consacré par la révision des articles 476 et 529 du Code civil : « (…) les prétentions du pilier 3a seront toutefois réunies à la masse de calculs des réserves (uniquement pour leur valeur de rachat en matière de pilier 3a assurance) et par conséquent susceptibles d’être réduites, indépendamment de la forme de prévoyance individuelle liée choisie. Ce qui signifie que les héritiers réservataires qui ne touchent pas leurs réserves pourront agir en réduction contre les bénéficiaires du pilier 3a pour la partie manquante. » En fait, cette pratique ne serait pas vraiment nouvelle, comme me l’a expliqué un planificateur financier professionnel, puisque les héritiers réservataires peuvent déjà intenter une action en réduction à l’encontre de bénéficiaires d’un produit de 3e pilier lié, à condition qu’il ait été financé par des acquêts. Mais, de toute façon, ce qui compte c’est de savoir quelle sera la nouvelle norme juridique et comment elle sera appliquée dès le 1er janvier. Dans cette perspective, on peut reprendre le message du CF qui présente l’exemple d’un compte de prévoyance en cas de décès, avec différentes variantes familiales. Les mêmes raisonnements s’appliqueraient pour une assurance mixte souscrite en 3e pilier lié, mais sur la base de la valeur de rachat.
Couple marié avec un enfant
Premier cas présenté par le CF, celui d’un couple marié avec un enfant. L’un des conjoints – que je suppose être le mari pour rendre l’exemple plus lisible – décède en laissant une succession de 20’000 francs, ainsi qu’un troisième pilier bancaire lié de 100’000 francs. Ce dernier a été constitué par ses biens propres, dont son épouse est l’unique bénéficiaire. Pour savoir si la réserve de l’enfant est lésée ou non, il faut tout d’abord déterminer le montant de la masse de calcul des réserves. Pour y parvenir, on doit additionner le capital du 3e pilier lié (3a) versé à la veuve aux 20’000 francs issus de la succession, soit 120’000 francs
Comme la réserve de la veuve et de l’enfant s’élève à un quart de la masse de calcul des réserves, elle se monte donc à 30’000 francs :
Comme la masse successorale n’est que de 20’000 francs, elle est entièrement attribuée à l’enfant. Mais elle s’avère insuffisante pour couvrir sa part réservataire, de 10’000 francs. L’enfant peut peut donc intenter une action en réduction contre sa mère, qui devra lui verser la somme manquante de 10’000 francs. Au total, elle conservera 90’000 francs, tandis que l’enfant obtiendra les 30’000 francs correspondant à sa part réservataire, comme on le voit ci-dessous :
Couple en concubinage
Le CF reprend le même exemple, en modifiant un seul paramètre, à savoir que le couple n’était pas marié, mais vivait en concubinage. Dans ce cas, si la compagne pouvait toujours bénéficier du versement du capital de 3e pilier lié, elle n’avait droit à aucune part réservataire, alors que celle de l’enfant se montait dans ce cas de figure à la moitié de la masse de calcul des réserves, soit 60’000 francs (= CHF 120’000 / 2). Si l’enfant lui intente une action en réduction, la concubine devra lui verser 40’000 francs, de manière qu’il obtienne le montant correspondant à sa part réservataire, comme on le voit dans le graphique ci-dessous.
Célibataire avec enfants
Dans ce dernier cas de figure, le CF imagine que le défunt était célibataire, en laissant deux enfants, que je suppose être un fils et une fille pour faciliter l’exposé. La succession est toujours de 20’000 francs, et le 3e pilier lié bancaire de 100’000 francs. Mais cette fois, le défunt avait institué son fils seul bénéficiaire de ce capital. La réserve de sa fille est évidemment lésée puisque chaque enfant a droit à un quart de la masse de calcul des réserves, soit 30’000 francs (= CHF 120’000 / 4). Sa fille recevra la totalité de la masse successorale, à laquelle s’ajoutera le versement de 10’000 francs de son frère, qui recevra au final 90’000 francs, comme on le voit ci-dessous.
Dans ce troisième épisode consacré aux points saillants de la révision du droit successoral qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain, je vais me pencher sur l’attribution de la totalité des acquêts accordés au conjoint survivant par contrat de mariage. Pour bien comprendre ce point, on peut rappeler qu’avant la succession proprement dite le régime matrimonial doit en principe être liquidé. Si les époux étaient mariés sous le régime de la participation aux acquêts – le régime standard, de loin le plus courant –, les biens acquis durant le mariage, c’est-à-dire l’ensemble des acquêts, sont partagés de manière égale entre le conjoint survivant et la masse successorale. Le conjoint survivant conserve par ailleurs ses biens propres, c’est-à-dire ceux qu’il possédait avant le mariage ou obtenus par héritage, tandis que ceux du défunt tombent dans la masse successorale. On relèvera que les partenaires enregistrés qui sont unis par défaut en séparation de biens peuvent conclure une convention reprenant le régime de la participation aux acquêts.
Attribution de la totalité des acquêts au conjoint survivant
Mais le partage prévu lors de la liquidation du régime de la participation aux acquêts en cas de décès peut être modifié, selon l’article 216 du Code civil (CC). Il est ainsi possible de prévoir que tous les bénéfices du mariage reviennent au conjoint survivant lors de la liquidation du régime matrimonial, au détriment éventuel de leurs enfants communs. En revanche, si le défunt avait par ailleurs un ou plusieurs enfants non communs, ces derniers pourraient faire valoir une action en réduction si leur réserve était lésée.
Articles révisés
Mais dès le 1er janvier 2023, la loi est révisée sur ce point, comme l’explique le Conseil fédéral (CF) dans son message du 29 août 2018 : « Dans le but de ne pas prétériter à l’excès les descendants communs, dont la réserve est réduite par présent projet de révision, le Conseil fédéral propose de prendre en compte l’attribution d’une part supplémentaire du bénéfice dans le calcul des réserves, soit de la réunir à la masse de calculs des réserves « dans la mesure où elle favorise » le conjoint ou le partenaire enregistré survivant, c’est-à-dire pour le montant dépassant la moitié du bénéfice du conjoint décédé (art. 216 alinéa 2 révisé). Cela signifie que la part supplémentaire pourra, le cas échéant, être réduite. Le projet ancre explicitement cette possibilité à l’art. 532 al. 2. »
Ordre des réductions modifié
Avant d’aller plus loin, il est important de s’arrêter sur ce fameux article 532 dans sa mouture actuelle. C’est en effet lui qui fixe l’ordre dans lequel une action en réduction peut être intentée, que ce soit contre un ou plusieurs héritiers, un légataire ou un donataire, jusqu’à ce que la réserve lésée soit reconstituée, en commençant par les dispositions pour cause de mort, puis par les libéralités entre vifs, de la plus récente à la plus ancienne. Mais, dès l’an prochain, l’article 532 révisé prévoit que le processus de réduction débute par les acquisitions pour cause de mort résultant de la loi, puis par les libéralités pour cause de mort et enfin par les libéralités entre vifs. Ces dernières sont réduites dans l’ordre suivant : 1. Les libéralités accordées par contrat de mariage ou par convention sur les biens qui sont prises en compte pour le calcul des réserves ; 2. Les libéralités librement révocables et les prestations de la prévoyance individuelle liée, dans une même proportion ; 3. Les autres libéralités, en remontant de la plus récente à la plus ancienne.
Exemples
Ce nouvel ordre de réduction peut paraître un brin compliqué. Dans ce billet, on va se limiter à l’action en réduction en cas d’attribution de la totalité des acquêts au conjoint survivant, alors que le défunt avait par ailleurs procédé à une donation sujette à réduction. Les deux exemples ci-dessous, proposés par le CF dans son message, permettent sans doute de comprendre sans trop de difficultés ce mécanisme, en distinguant le cas d’un couple avec un enfant commun et celui d’un couple dont l’enfant est issu d’un autre lit.
Enfant commun et donation à un tiers
Dans ce premier cas, le CF considère ainsi un couple marié sous le régime de la participation aux acquêts et qui n’ont qu’un seul enfant, qui leur est commun. Par convention de mariage, les deux conjoints ont prévu de s’octroyer mutuellement la totalité des acquêts en cas de décès. Le mari disparaît le premier, laissant un patrimoine de 700’000 francs sous forme d’acquêts, qui reviennent donc intégralement à son épouse, et de 100’000 francs de biens propres, qui tombent dans la masse successorale. Par ailleurs, trois ans avant son décès, l’homme avait effectué une donation de 500’000 francs (issus de ses biens propres) en faveur d’un tiers. La question qui se pose est de savoir si les réserves de l’enfant commun sont lésées et, le cas échéant, s’il peut intenter une action en réduction, et contre qui.
Pour répondre à cette question, il faut commencer par établir le montant la masse de calcul des réserves, constituée des biens propres du défunt, de la moitié de ses acquêts, puisque c’est le montant qui dépasse la moitié de son bénéfice, et la valeur de la donation – qui est réductible car datant de moins de trois ans –, soit au total 950’000 francs :
Cette masse de calcul des réserves permet ainsi d’établir la réserve du conjoint survivant ainsi que celle de l’enfant commun, qui est d’ailleurs identique, à un quart de cette masse, soit 237’500 francs :
On voit que la réserve du conjoint survivant est largement couverte par l’attribution de la moitié des acquêts du défunt, puisqu’ils se montent à 350’000 francs. Tandis que les 100’000 francs de biens propres disponibles ne suffisent évidemment pas à atteindre le niveau de la réserve de l’enfant commun. Comme il ne peut introduire d’action en réduction contre sa mère, l’enfant commun peut en revanche s’attaquer au donataire. Toutefois, cette action ne lui permet pas de récupérer auprès de lui qu’un montant très modeste car uniquement basé sur ce qui dépasse de la quotité disponible, qui est de 50%, c’est-à-dire 475’000 francs (= CHF 950’000 / 2). La différence est donc de 25’000 francs :
Au bout du compte, le conjoint survivant conserve la totalité des acquêts reçus de son mari, pour 700’000 francs, dont les 350’000 francs intégrés dans la masse de calcul des réserves, tandis que l’enfant commun n’obtient que 125’000 francs (= CHF 100’000 + CHF 25’000). Quant au donataire, il peut conserver 475’000 francs sur les 500’000 obtenus au titre de la donation, après avoir dû verser 25’000 francs à l’enfant du défunt, comme on le voit ci-dessous :
Enfant non commun et donation à un tiers
Le CF reprend quasiment le même exemple, en supposant toutefois que l’enfant n’était pas commun aux deux époux, mais était issu du mariage précédent contracté par le défunt. On voit que la réserve héréditaire de cet enfant peut être respectée.
Au départ, le partage est identique, avec les 700’000 francs d’acquêts du défunt qui reviennent au conjoint survivant, tandis que les 100’000 francs de biens propres du défunt constitue la masse successorale, qui est attribuée à l’enfant non commun. Comme dans l’exemple précédent, la masse de calcul des réserves s’élève à 950’000 francs : la part réservataire de l’enfant non commun est donc toujours de 237’500 francs, pour une lésion identique de 137’500 francs. Mais cette fois, il peut agir, selon le nouvel article 532, et en priorité, contre sa belle-mère pour ramener la moitié des acquêts du défunt jusqu’au niveau de sa réserve de 237’500 francs. De cette manière, l’enfant commun peut récupérer 112’500 francs (= CHF 350’000 – CHF 237’500) d’acquêts issus de son père. C’est toutefois insuffisant pour reconstituer complètement sa réserve, puisqu’il manque 25’000 francs :
Pour atteindre cette réserve, l’enfant non commun peut cependant intenter une autre action en réduction contre le donataire pour obtenir les 25’000 francs manquants. Ce qui est possible dans ce cas puisque la quotité disponible n’est que de 475’000 francs, alors que la donation s’élevait à 500’000 francs. Au terme de l’action en réduction, le conjoint survivant et l’enfant non commun reçoivent chacun un montant correspondant à leur part réservataire de 237’500 francs, tandis que le donataire peut conserver 475’000 francs, comme on peut le représenter graphiquement :
Après avoir traité de la modification des parts réservataires dans la révision de la loi sur les successions dans mon billet du 11 mai dernier, et qui entrera en vigueur dès le 1er janvier de l’année prochaine, je vais me pencher sur un point plus technique. En l’occurrence la modification de l’article 473 du Code civil (CC) – le fameux, comme le disent certains professionnels car très controversé –, qui porte sur le legs d’usufruit au conjoint survivant. Le message du Conseil fédéral (CF) du 29 août 2018 indique ainsi : « Le droit actuel permet de laisser au conjoint survivant l’usufruit de toute la part successorale dévolue aux enfants. Cet usufruit tient lieu du droit de succession légal du conjoint survivant en concours avec ces descendants. Ces derniers héritent ainsi de la nue-propriété de leur part successorale, grevée d’un usufruit en faveur du parent. Outre cet usufruit, la quotité disponible est d’un quart de la succession. »
Qu’est-ce qu’un legs ?
Avant d’examiner la version révisée de cet article, il est sans doute nécessaire pour une bonne partie des lecteurs d’éclaircir les notions qui lui sont liées. Tout d’abord, il faut préciser qu’il s’agit d’un legs, le légataire – son bénéficiaire – est restreint à ce droit déterminé, contrairement à l’héritier, dont le droit s’étend à tout ou partie de la succession, y compris les dettes. On précisera qu’on peut être à la fois légataire, c’est-à-dire bénéficiaire du legs, et héritier par ailleurs.
Qu’est-ce qu’un legs d’usufruit ?
Le legs d’usufruit est donc un legs particulier qui consiste à démembrer en quelque sorte le droit de la propriété d’un objet, généralement un bien immobilier au décès du testateur, c’est-à-dire celui qui l’a inscrit dans son testament. Cette opération revient ainsi à partager le droit de propriété en, d’une part, un droit de jouissance et d’usage, qui est le droit pour l’usufruitier (par exemple, le conjoint survivant) d’habiter ou de louer à un tiers, et d’autre part, la nue-propriété qui revient aux nus-propriétaires (par exemple, les descendants). Les nus-propriétaires acquièrent la pleine propriété à la fin de l’usufruit, en principe au décès de l’usufruitier.
Lésion des parts réservataires ?
Dans le cas où le legs d’usufruit est attribué au conjoint survivant et la nue-propriété aux enfants, ce partage peut s’avérer défavorable à ces derniers, en empiétant sur leurs parts réservataires. Avec la diminution de la part réservataire des enfants inscrite dans la loi révisée d’ici à quelques mois, ce risque va être réduit. Il subsistera toutefois, surtout si l’héritage est essentiellement constitué du logement familial et que le conjoint survivant est encore jeune. Les descendants ne pourront cependant pas intenter d’action en réduction contre leur parent survivant en raison même de l’article 473 du Code civil. Sous réserve qu’il s’agisse bien d’enfants communs et que le conjoint survivant ne se remarie pas. On peut développer ces différents points, qui existent déjà dans le droit actuel, mais il paraît plus judicieux de le faire dans la version révisée de cet article, en se basant notamment sur les exemples fournis dans le message du Conseil fédéral.
Article 473 nouveau
Dans sa nouvelle mouture, valable dès le 1er janvier prochain, l’article 473 du CC, prévoit ainsi que le futur défunt peut, par disposition pour cause de mort, laisser à son conjoint survivant l’usufruit de toute la part dévolue à leurs descendants communs. Et ce quel que soit l’usage de la quotité disponible. En d’autres termes, si le testateur veut favoriser au maximum son conjoint, il peut lui accorder non seulement la totalité de la quotité disponible, soit la moitié de la succession, mais aussi l’usufruit sur l’autre moitié, correspondant à la part de leurs enfants communs. Comme le précise le message du CF, l’article 473 du CC n’affecte cependant pas la réserve du conjoint survivant. Ce dernier conserve donc son droit de faire valoir sa réserve en pleine propriété en lieu et place de l’usufruit selon l’article 473. Toutefois, s’il accepte l’usufruit, il renonce à sa réserve.
Action en réduction contre le conjoint survivant ?
De leur côté, les enfants communs auront chacun droit à une part égale de la nue-propriété du ou des biens en usufruit durant la vie du conjoint survivant. Au décès du conjoint, ils en recevront la pleine propriété, comme le prescrit l’article 749, alinéa 1 du CC. Mais, comme dans la loi actuelle, ces enfants communs seront empêchés de toute possibilité d’intenter une action en réduction contre le légataire, à savoir le conjoint survivant, contrairement à des enfants non communs ou en cas de remariage du conjoint survivant. Pour être concret, je vais prendre des exemples, à commencer par celui qui est présenté dans le message du CF pour un couple dont les enfants sont tous communs.
Enfants communs uniquement
Le CF présente ainsi un couple dont le mari décède et laisse son épouse de 65 ans et leurs deux enfants communs. La succession se monte à 600’000 francs. Le défunt a favorisé son épouse en lui attribuant la moitié de la succession en pleine propriété et le reste en usufruit. L’article 473 du CC peut s’appliquer tel quel : la moitié de la succession, soit 300’000 francs (= CHF 600’000 / 2) revient à la veuve, tandis que les 300’000 francs vont faire l’objet de l’usufruit, dont la valeur capitalisée reviendra à la veuve et la nue-propriété aux enfants, à parts égales pour chacun d’eux.
Dans son message, le CF s’arrête là, sans préciser si les parts réservataires des enfants communs sont lésées ou pas, et de combien. A priori, la réponse ne présente guère d’intérêt puisque les enfants ne peuvent intenter d’action en réduction contre le conjoint survivant. Sauf s’il se remarie. On va donc développer cet exemple pour déterminer tout d’abord s’il y a lésion des parts réservataires des enfants – ce qui est le cas ici –, puis la manière dont une action en réduction pourrait corriger ce phénomène.
Valeur capitalisée de l’usufruit et nue-propriété
Pour déterminer si les parts réservataires des enfants sont éventuellement lésées, il est nécessaire d’établir la valeur de l’usufruit et celle de la nue-propriété. Pour y parvenir, on va tout d’abord calculer la valeur capitalisée de l’usufruit (VCU), qui est la valeur de l’accumulation de l’usufruit jusqu’à son terme. La VCU dépend, d’une part, du rendement annuel net de l’objet de l’usufruit et, d’autre part, de la durée présumable de ce dernier. C’est la raison pour laquelle, cette valeur va être calculée en prenant en compte la valeur du bien soumis à l’usufruit, son rendement annuel, et un coefficient de capitalisation. Ce dernier sera lui-même déterminé par le sexe et l’âge de l’usufruitier ainsi que le taux de rendement du bien faisant l’objet de l’usufruit.
Dans cet exemple, la valeur du bien soumis à usufruit est de 300’000 francs, tandis que le taux de rendement actuel est fixé à 3,5% et le coefficient de capitalisation est de 16,28 pour une femme de 65 ans. La VCU est donc de 170’940 francs :
Cette VCU permet d’obtenir immédiatement la valeur de la nue-propriété, puisque c’est la différence entre la valeur du bien sous usufruit et celle de la VCU. Soit 129’060 francs :
Comme il y a deux enfants, chacun d’eux reçoit la moitié de cette nue-propriété, soit 64’530 francs (= CHF 129’060 / 2). On constate toutefois que leur réserve héréditaire se monte à 75’000 francs (= CHF 600’000 x 1/4 x 1/2) : les enfants sont donc lésés à hauteur de 10’470 francs (= CHF 75’000 – CHF 64’530), comme on peut le représenter graphiquement :
Mais, en vertu de l’article 473 du CC, les enfants ne pourront pas intenter d’action en réduction contre leur mère, ils devront attendre son décès pour recouvrer la pleine propriété du bien soumis à l’usufruit. Toutefois, la situation changera si la mère se remarie.
Remariage de l’usufruitier
Le message du CF ne contient pas d’exemple de l’effet du remariage de l’usufruitier dans le cadre de l’article 473 du CC. C’est la raison pour laquelle, j’ai dû le créer, en
Florence Guillaume
m’appuyant sur la démarche présentée par Florence Guillaume, professeure ordinaire à la Faculté de droit de l’Université de Neuchâtel et auteure d’un cours sur le droit des successions en ligne et librement accessible, d’une très haute qualité pédagogique. Ce support, composé de tutoriels, sera mis à jour à fin septembre pour tenir compte de la révision du droit des successions. La professeure Guillaume a par ailleurs accepté de valider l’exemple sur le remariage du conjoint survivant usufruitier que je présente ci-dessous.
En cas de remariage du conjoint survivant, la protection de celui-ci contre l’action en réduction des enfants communs tombe. La loi prévoit que le conjoint survivant qui se remarie doit se retrouver dans la situation qui aurait été la sienne si son précédent conjoint n’avait pas porté atteinte aux réserves héréditaires de leurs enfants en le favorisant au moyen d’un usufruit. Les enfants communs récupèrent donc l’entier de leurs droits réservataires. Si ces derniers intentent une action en réduction contre leur parent, il y a deux solutions : soit le conjoint survivant leur verse une indemnité correspondant à la différence entre la part réservataire de chacun des deux enfants, qu’on appelle soulte. Soit, dans notre exemple 10’470 francs :
Comme il y a deux enfants, le conjoint remarié devra verser 20’940 francs (= CHF 10’470 x 2). Mais il y a un autre moyen pour couvrir les parts réservataires des enfants, surtout si le conjoint survivant n’a pas de liquidités disponibles pour verser la soulte à ses enfants. Il s’agit de réduire l’usufruit pour dégager un montant en pleine propriété pour faire l’appoint. Toute la question est de savoir de combien. En d’autres termes, il faut calculer la VCU maximale permettant le respect des parts réservataires des enfants.
Pour déterminer cette valeur, on considère tout d’abord le montant que le conjoint survivant recevra en pleine propriété, en application de l’article 473 du CC, qui est toujours de 300’000 francs dans cet exemple. Ensuite, on déduit sur l’autre moitié la part réservataire des deux enfants, qui sera d’un quart de la succession (composée d’un patrimoine de 600’00 francs), soit 150’000 francs (= CHF 600’000 / 4). La différence de 150’000 francs constituera donc la VCU maximale avant que l’usufruitier n’empiète sur les parts réservataires des enfants :
Cette VCU maximale de 150’000 francs nous permet ensuite d’obtenir la part du bien soumis à l’usufruit selon la formule suivante, soit 263’250 francs :
La réduction de la part du bien soumise à usufruit entraîne l’augmentation de la pleine propriété de la masse successorale, qui passe ainsi de 300’000 francs à 336’750 francs (= CHF 600’000 – CHF 263’250). Par ailleurs, la valeur de la nue-propriété va également reculer, à hauteur de 113’250 francs :
Comme la part réservataire des enfants est de 150’000 francs, ils ont droit, en sus, à une part en copropriété de 36’750 francs :
Donc, au bout du compte, le conjoint survivant bénéficie de l’usufruit pour une VCU de 150’000 francs, à quoi s’ajoute une part en pleine propriété de 300’000 francs. Le montant de 36’750 francs restant en pleine propriété revient aux enfants, soit à hauteur de 18’375 francs (= CHF 36’750 / 2) pour chacun, qui compléteront la moitié de la valeur de nue-propriété réduite, soit 56’625 francs (= CHF 113’250 / 2). Finalement, leur réserve héréditaire sera respectée, à hauteur de 75’000 francs (= CHF 56’625 + CHF18’375), comme on peut le représenter graphiquement.
Enfants non communs
En présence d’enfants non communs, la règle se complique quelque peu. Le message du CF propose ainsi l’exemple suivant, avec deux enfants communs et un troisième issu d’un précédent mariage du défunt. Chaque enfant a droit à une part réservataire d’une demi de sa part successoralE, soit un quart (= 1/2 x 1/2). Comme la masse successorale est de 600’000 francs, la part réservataire des enfants se monte à 150’000 francs (= CHF 600’000 / 4), soit 50’000 francs par enfant (= CHF 150’000 / 3). Dans ce cas, il faut dissocier le partage successoral des enfants en deux groupes : celui des enfants communs et celui de l’enfant non commun, de manière proportionnelle au nombre d’héritiers. Ainsi, la masse successorale à partager entre la veuve et ses deux enfants sera de 400’000 francs (= CHF 600’000 x 2/3) et de 200’000 francs (= CHF 600’000 x 1/3) entre la veuve et l’enfant de son mari.
Commençons par la répartition entre la veuve et ses enfants, sur laquelle on peut appliquer l’article 473 du CC. Soit la moitié en pleine propriété pour la veuve, soit 200’000 francs (= CHF 400’000 / 2) et la VCU sur l’autre moitié, soit 113’960 francs :
Quant à la nue-propriété des enfants communs, elle s’élève à 86’040 francs :
Soit par enfant, 43’020 francs (= CHF 86’040 / 2). La réserve de 50’000 francs par enfant est lésée, mais ne peut faire l’objet d’une action en réduction en vertu de l’article 473 du CC.
En revanche, l’enfant non commun peut réclamer une indemnisation si sa réserve de 50’000 francs n’est pas respectée. Ce qui est le cas dans cet exemple avec un usufruit portant sur 100’000 francs : la nue-propriété est insuffisante pour couvrir sa réserve, avec un manque de 6’980 francs (= CHF 50’000 – CHF 43’020).
Pour respecter la réserve, il faut donc diminuer la part de l’usufruit de l’enfant non commun pour ramener sa valeur capitalisée à la même valeur, soit 50’000 francs, On peut faire le calcul avec la formule suivante, soit 87’750 francs :
L’usufruit maximal ne peut donc porter que jusqu’à 87’750 francs pour le partage entre la veuve et l’enfant non commun du conjoint décédé. La nue-propriété revenant à l’enfant s’élève ainsi à 37’750 francs :
Au total, la veuve touchera toujours 300’000 francs en pleine propriété, tandis qu’elle aura droit à un usufruit sur 287’750 francs (= CHF 200’000 + CHF 87’750), pour une VCU de 163’960 francs (= CHF 113’960 + CHF 50’000). De son côté, l’héritier non commun aura droit à une nue-propriété sur 87’750 francs, soit une valeur de 37’750 francs, à laquelle s’ajoutera 12’250 francs en pleine propriété, lui permettant d’atteindre sa réserve de 50’000 francs. Pour les deux enfants communs, leur part d’héritage ne change pas, et correspond toujours à une valeur de nue-propriété de 43’020 francs chacun, comme on peut le voir dans le graphique suivant :
Vous pensez que le 3e pilier, que ce soit sous sa forme liée ou libre, est compliqué ? Vous avez raison ! En effet, c’est un univers qui
Pierre-Yves Carnal
nécessite de vastes connaissances, notamment dans le domaine des assurances vie et de leur fiscalité, qui diverge selon que les produits sont souscrits dans le cadre du 3e pilier lié ou libre. Il est en fait très difficile d’en maîtriser tous les arcanes sans être un expert. C’est la raison pour laquelle il faut saluer la sortie du livre de Pierre-Yves Carnal, praticien et formateur d’adultes en matière d’assurances sociales, sobrement intitulé « Le troisième pilier en Suisse* ».
Nombreux tableaux
Cet ouvrage s’avère d’autant plus intéressant qu’il comble une vraie lacune. En effet, à notre connaissance c’est le seul qui présente cette matière aride sous une forme synthétique et abordable. Toutefois, sans vouloir refroidir l’ardeur de ses futur(e)s lecteurs ou lectrices, ce court document – une centaine de pages – s’adresse surtout à des professionnels étant donné la complexité de la thématique. Ils pourront ainsi s’en servir comme manuel de référence, aidés dans leur tâche par de très nombreux tableaux, même s’ils sont parfois un peu touffus.
Spécificités des législations cantonales
Comme nous l’indique l’auteur, cette première édition vise le marché romand et met l’accent sur les spécificités des différentes législations de chacun des six cantons. L’un des atouts de cet ouvrage, c’est l’intégration non seulement de la révision partielle de la LCA (Loi sur le contrat d’assurance) intervenue au premier janvier de cette année, ainsi que celle des successions, qui entrera en vigueur dès l’an prochain.
Révision de la LCA
Parmi les points importants de la révision de la LCA, Pierre-Yves Carnal met en exergue celui qui touche l’assurance-vie : « Un droit de révocation a été introduit dans les quatorze jours qui suivent la signature du contrat, et qui concerne aussi le 3e pilier lié. Il s’agit là d’une grande nouveauté pour la LCA. » Autre innovation, l’obligation faite à l’assureur de fournir des informations détaillées sur le contrat au preneur d’assurance avant sa conclusion, en particulier sur la valeur de rachat : « C’est devenu beaucoup plus explicite qu’auparavant. »
Fiscalité au centre du jeu
La fiscalité joue un rôle particulièrement important dans le domaine du 3e pilier. Il serait toutefois simpliste de tout miser sur cet aspect. En effet, comme le souligne notre interlocuteur, si la prévoyance liée s’avère avantageuse « en raison notamment de ses fameuses déductions fiscales et d’un certain droit garanti à la personne mariée, la prévoyance libre offre en revanche une très grande liberté, tout en restant fiscalement intéressante ».
Rigidité des assurances vie
En ce qui concerne la prévoyance liée, « si les produits d’assurance permettent de couvrir un risque, ils sont en revanche extrêmement rigides », s’exclame l’auteur. Plus encore qu’on ne l’imagine habituellement. En effet, on sait que la prime d’assurance-vie doit être réglée chaque année et pour le même montant, contrairement au versement sur un compte de prévoyance, laissé à la discrétion de son détenteur jusqu’au plafond légal. Mais l’assurance-vie manque également de flexibilité pour profiter de la possibilité de résilier ce type de produits cinq ans avant l’âge de la retraite, soit dès 60 ans pour un homme et 59 ans pour une femme. Pour un compte de prévoyance, il n’y aura aucun problème alors que, poursuit notre interlocuteur, « si vous avez une assurance vie fixée à 63 ans, vous ne pouvez pas la résilier facilement par anticipation en raison de problèmes techniques ! ».
3e pilier lié et frontaliers
Autre point mis en évidence, la question du droit à la souscription de produits dans le cadre du 3e pilier lié pour les frontaliers. La réponse – positive – se trouve sur le site de l’OFAS, mais a demandé de longues recherches, précise l’auteur. Une autre enquête auprès des différents cantons romands lui a permis d’établir leur pratique sur ce droit lorsque l’activité lucrative est temporairement interrompue. C’est ainsi qu’ils acceptent globalement ce principe « avec une limite de deux ans pour la poursuite de cotisations déductibles du revenu imposable ». Ce résultat permet de faire ressortir la démarche de l’auteur dans l’ensemble de son ouvrage, qui a consisté à « aller chercher toutes les bases légales relatives à la matière présentée », cela en les référençant précisément tout au long de son exposé.
*Le troisième pilier en Suisse, par Pierre-Yves Carnal, Editions Loisirs et Pédagogie, 2022
Dès le 1er janvier de l’année prochaine entrera en vigueur la première partie de la révision du droit des successions qui va donner plus de liberté pour choisir ses héritiers, parallèlement à d’autres mesures moins fondamentales et à l’éclaircissement d’un certain nombre de points techniques. Dans cette perspective, je vais consacrer une série d’articles pour les décrire dans les grandes lignes au cours de ces prochains mois, en recourant notamment au message du Conseil fédéral, publié le 29 août 2018, qui fournit moult exemples.
Parentèles et conjoint survivant
Dans ce premier billet, on se concentrera sur cette liberté étendue du testateur, c’est-à-dire celui qui s’apprête à coucher ses dernières volontés dans un testament. Mais avant d’aller plus loin, il est nécessaire de procéder au rappel de quelques notions élémentaires sur l’organisation de la succession. Considérons tout d’abord l’ordre légal, c’est-à-dire celui qui intervient si le défunt n’a laissé aucun testament. Pour savoir qui peut hériter du défunt, il faut établir les liens de parenté avec ce dernier. Le Code civil distingue trois niveaux de parentèles, c’est-à-dire de personnes apparentées au défunt : la première englobe tous ses descendants ; la deuxième comprend son père et sa mère et leurs descendants qui n’appartiennent pas à la première parentèle ; la troisième parentèle intègre les grands-parents et leurs descendants qui ne font pas partie des deux autres parentèles. Par ailleurs, il faut considérer le ou la conjoint(e) du défunt ou partenaire enregistré, qui sera toujours héritier(ère).
Arbre généalogique
Pour y voir plus clair, on peut s’aider de l’arbre généalogique ci-dessous, tiré de mon dernier ouvrage, « Comment financer sa retraite », publié en 2020. Pour faciliter la compréhension, on a distingué les parentèles par l’intensité de la couleur qui leur est appliquée : la plus foncée est réservée aux descendants du défunt (1re parentèle) ; la teinte moyenne est attribuée à son père et à sa mère, ainsi qu’à ses frères et sœurs et à leurs descendants (2e parentèle) ; enfin, la coloration la plus claire est assignée aux grands-parents paternels et maternels et à leurs descendants qui ne font pas partie des deux autres parentèles (3e parentèle).
Priorité de la parentèle sur la suivante
Cet ordre légal est soumis à une règle de base, à savoir la priorité de la première parentèle sur la suivante : les descendants ont ainsi toujours préséance sur la parentèle du père et mère du défunt, de même que cette dernière a priorité sur la parentèle des grands-parents. Cette priorité est absolue dans la mesure où il n’y a aucun partage entre la parentèle la plus proche et la suivante. Par exemple, les enfants ont toujours priorité sur les parents du défunt.
Conjoint survivant ou partenaire enregistré et parentèles
Les choses se compliquent quelque peu lorsque le défunt laisse un ou une conjoint(e) ou un partenaire enregistré, qui participe toujours à la succession. Cette participation s’avère croissante au fur et à mesure de l’éloignement des parentèles. Ainsi, il ou elle touche la moitié de la succession en présence d’héritiers de la première parentèle, les trois quarts avec la deuxième parentèle et la totalité lorsqu’il n’y a que des héritiers de la troisième parentèle. Dans ce cas, les grands-parents sont exclus de la succession.
Cas concrets
Pour illustrer notre propos, prenons le cas d’un homme qui décède en laissant une épouse, deux filles et un fils. Dans ce cas, la veuve a droit à la moitié de la succession, tandis que l’autre moitié est transmise à ses deux filles et à son fils, qui constituent la première parentèle, à hauteur d’un sixième (= 1/2 / 3) chacun, comme on le voit dans la représentation graphique ci-dessous :
Comme exemple d’un partage entre le conjoint survivant et des héritiers de la deuxième parentèle, prenons le cas d’un homme marié, qui était fils unique, sans enfant, mais qui avait encore sa mère, qui fait donc partie de la deuxième parentèle. Dans ce cas, les trois quarts de la succession sont attribués à sa veuve et le quart restant revient respectivement à sa mère survivante à hauteur d’un huitième (=1/4 / 2), et à sœur pour l’autre huitième, hérité de la part de son père prédécédé, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous :
Parts réservataires
L’ordre légal n’est toutefois pas figé mais peut être corrigé. En effet, le législateur donne à celui qui prépare sa succession une certaine latitude pour attribuer son héritage selon ses préférences. Mais il est limité par l’existence de parts dites réservataires qui reviennent à certains héritiers légaux. La fraction non couverte par les parts réservataires est appelée quotité disponible. Or, c’est justement l’objet de la révision. Ainsi, jusqu’au 31 décembre de cette année, trois catégories d’héritiers légaux bénéficient de parts réservataires : le conjoint ou le partenaire enregistré survivant a droit à au moins la moitié de sa part légale ; les descendants ont droit aux trois quarts de leur part légale ; les parents du défunt disposent quant à eux d’une réserve de moitié de leur part légale à condition que leur enfant n’ait pas eu de descendance. Mais dès l’année prochaine, la part réservataire des descendants va être ramenée à la moitié, tandis que celle des parents sera supprimée.
Descendants seuls héritiers légaux
Pour être plus concret, représentons ce changement sous forme graphique, en commençant par visualiser l’état des lieux lorsque les descendants sont les seuls héritiers légaux, avec une part réservataire des trois quarts jusqu’au 31 décembre 2022. Dès le 1er janvier 2023, cette part sera réduite à la moitié, faisant passer la quotité disponible d’un quart à la moitié.
Conjoint survivant seul héritier légal
Dans ce cas de figure, le défunt était marié ou en partenariat enregistré, mais n’avait pas de descendants, plus de parents et ni frères ni sœurs. La part légale du conjoint survivant est donc de 100%, sur laquelle s’applique sa part réservataire de 50%, laissant une quotité disponible de 50%. Et rien ne changera en 2023.
Père ou mère seuls héritiers légaux
Dans ce cas, le père ou la mère sont seuls héritiers légaux à condition qu’il n’y ait ni conjoint survivant, ni descendants, ni frères et sœurs (si l’un des parents est prédécédé), avec une part légale de 100%. Jusqu’à la fin de l’année 2022, leur réserve héréditaire est de moitié. Mais elle sera supprimée dès le 1er janvier 2023, pour faire passer la quotité disponible de 50% à 100%.
Conjoint survivant avec descendant(s)
Dans la loi actuelle, comme le conjoint survivant a une réserve de moitié et les descendants des trois quarts, leurs parts réservataires sont respectivement d’un quart et de trois huitièmes. Mais, étant donné que la réserve des descendants sera réduite au même niveau que celle du conjoint dès le 1er janvier 2023, les deux catégories auront la même part réservataire d’un quart (= 1/2 x 1/2), faisant passer la quotité disponible de trois huitièmes à la moitié.
Conjoint survivant avec père ou mère survivant(s)
Le conjoint survivant ou partenaire enregistré d’un défunt sans descendance a une part successorale de trois quarts contre un quart pour le père ou la mère survivant(s). Étant donné que le veuf ou la veuve a droit à une part réservataire de moitié, cette dernière se monte donc à trois huitième (= 3/4 x 1/2), tandis que le père ou la mère survivant, qui disposent d’une réserve de moitié dans la loi actuelle, ont droit à une part réservataire d’un huitième, laissant une quotité disponible de moitié. Mais, avec la disparition au 1er janvier 2023 de la réserve des parents, la quotité disponible passera de la moitié à cinq huitièmes (= 1 – 3/8).
Fiscalité sur les concubin(e)s toujours aussi lourde
Si la réforme permet à un couple de concubin(e)s de se favoriser mutuellement en pouvant exploiter au maximum la quotité disponible d’une demie en présence de descendants du défunt, cela ne résout que partiellement le problème. En effet, la révision ne touche pas aux questions fiscales, qui relèvent dans ce domaine exclusivement du canton, voire de la commune du domicile de l’héritier, à l’exception des biens immobiliers dont l’impôt est prélevé par le fisc de leur emplacement.
Cas pratique
On peut le montrer en prenant l’exemple d’un homme domicilié à Lausanne, qui vit en concubinage. Il a eu deux enfants d’une union précédente et possède un patrimoine d’un million de francs, y compris un bien immobilier dans la capitale vaudoise. S’il décède cette année encore, cet homme ne peut transmettre au maximum qu’un quart de ses biens à sa concubine, soit 250’000 francs, en utilisant toute la quotité disponible. Montant sur lequel elle devra régler un impôt sur les successions de 50%, soit 125’000 francs. Si le décès survient l’année prochaine, le testateur pourra utiliser la moitié de la quotité disponible, soit 500’000 francs, au profit de sa concubine, mais cette dernière devra payer proportionnellement toujours autant d’impôt, à un taux de 50%, soit 250’000 francs, comme on le voit dans le graphique ci-dessous :
Durée du concubinage parfois pris en compte
On relèvera que certains cantons en Suisse romande ont non seulement la main moins lourde que le fisc vaudois ou genevois, qui détient la palme en la matière, mais tiennent compte également de la durée du concubinage, pour en réduire l’imposition. C’est le cas à Fribourg, Neuchâtel et le Jura. On pourra estimer immédiatement cette charge fiscale pour n’importe quel lieu en Suisse, grâce au calculateur en ligne de la Confédération.
Dans une étude parue hier, Credit Suisse se penche sur l’optimisation individuelle de la prévoyance vieillesse, dont la presse s’est largement fait l’écho. Parmi les principales conclusions, la montée du recours aux produits souscrits dans le cadre du 3e pilier lié (3a), avec une part croissante de la part des titres, surtout chez les plus jeunes. Ce qui n’a évidemment rien de surprenant étant donné la faiblesse des taux d’intérêt qui sévit depuis de nombreuses années.
Un tiers des souscripteurs n’a qu’un seul compte
En revanche, ce qui paraît plus étonnant, toujours dans le cadre de la prévoyance liée, c’est la proportion élevée de souscripteurs n’ayant qu’un seul compte de 3e pilier lié, soit 36% selon l’enquête suisse sur la population active (ESPA) réalisée en 2019. Peut-être ce taux est-il monté depuis ce constat, mais sans doute pas à 100% ! De toute façon, ceux qui n’auraient qu’un unique compte devraient sans tarder faire le pas pour en ouvrir un deuxième, voire plusieurs autres, de manière à pouvoir bénéficier des économies fiscales qui sont liées à cette stratégie, en y répartissant les cotisations.
Impôt sur les prestations en capital
Si l’on est peu familier des économies fiscales associées aux produits du 3e pilier lié, on peut rappeler que les cotisations à ce type de produit sont déductibles du revenu imposable jusqu’à 6’883 francs par an pour un salarié, et jusqu’à 20% des gains pour les indépendants non affiliés à une caisse de pension, mais au maximum 34’416 francs. Mais on oublie parfois que dans ce cadre juridique, le versement du capital est soumis à un impôt fédéral et cantonal, voire communal. Il s’agit donc d’essayer de minimiser ces ponctions fiscales.
Étaler les retraits
En principe, si les cotisations ont été versées par des contribuables qui disposaient d’un minimum de revenus, ceux-ci devraient au bout du compte engranger de belles économies fiscales. Mais ils peuvent les améliorer en étalant les retraits sur des années différentes, car l’impôt sur les prestations en capital est toujours progressif. En d’autres termes, ils paieront plus d’impôts sur un versement de 100’000 francs que sur deux retraits de 50’000 francs effectués sur deux années consécutives. Comme on ne peut fractionner le retrait d’un compte de 3e pilier lié, il y a un problème… Mais il y a heureusement une solution : il suffit d’ouvrir plusieurs comptes, que l’on clôture sur des exercices différents, et donc sur des montants diminués.
Combien de comptes ?
Théoriquement, plus on crée de comptes, plus l’on peut réduire l’impôt. Toutefois, avant d’ouvrir 25 comptes différents, il vaut la peine d’évaluer le coût de ces multiples opérations, et de se renseigner pour connaître la pratique fiscale de son canton. À cet égard, on peut simplement leur poser la question pour savoir dans quelle mesure la stratégie mise en oeuvre reste admise par le fisc.
Cas pratique
Pour être plus concret, recourons au calculateur de la Confédération pour l’impôt sur les prestations en capital, en prenant l’exemple d’un homme marié de 66 ans, sans enfant à charge, réformé (son épouse est de même confession), domicilié à Lausanne, et qui retire 100’000 francs en une fois en 2021. L’impôt total à régler s’élève à 5’968 francs selon la répartition suivante :
Mais si l’homme avait cotisé de la même manière sur deux comptes distincts pour afficher 50’000 francs sur chacun d’eux, il aurait dû payer un montant nettement inférieur. Imaginons qu’il clôture le premier compte en 2020. Son impôt se monte alors à 2’248 francs, réparti de la manière suivante :
L’année d’après, il ferme son autre compte pour recevoir les autres 50’000 francs. Son impôt s’élève alors à 2’239 francs, toujours selon le calculateur. Au total, il paiera 4’487 francs (= CHF 2’248 + , CHF 2’239), soit nettement moins qu’en retirant en une fois 100’000 francs. Il ferait donc une économie fiscale supplémentaire de 1’481 francs (= CHF 5’968 – CHF 4’487).
Calculateur pour toutes les situations
Les chiffres seront évidemment différents selon sa situation personnelle et les montants en jeu, et selon son domicile, mais cette stratégie d’étalement s’avère généralement très profitable, et surtout sans risque. Pour le vérifier, le calculateur de la Confédération est à votre disposition.
Au-delà des manifestations pacifiques pour s’opposer à l’agression de la Russie contre l’Ukraine, comme celle qui se déroulait devant le Palais des Nations à Genève le 26 février, et des sanctions déjà prises, les Occidentaux doivent viser spécifiquement les milliardaires fidèles au régime de Vladimir Poutine, comme le préconise Bill Browder. Ce dernier, interrogé au début du mois par l’AFP au sortir d’une réunion au 10 Downing Street, veut qu’on s’en prenne aux « facilitateurs », intermédiaires qui participent à la dissimulation de leurs avoirs, afin de « le priver des flux d’argent » indispensable au financement de la guerre. Si le nom de l’homme n’est pas forcément connu du grand public, il n’est en pas moins un personnage de premier plan puisqu’il a réussi à faire adopter la loi Magnitski par les États-Unis en décembre 2012. Cette loi porte le nom de Serguei Magnitski, qui était l’un de ses avocats en Russie.
Violation des droits de l’homme
Cette loi interdit l’entrée sur le territoire américain et prévoit la saisie des biens des responsables russes impliqués dans la mort du juriste, ou dans d’autres violations des droits de l’homme. Par mesure de représailles, la Russie a interdit aux Américains d’adopter des enfants russes. Régulièrement, Poutine fait une demande de mandat d’arrêt international auprès d’Interpol (notice rouge) contre Bill Browder. Mais elles ont toutes été rejetées. En décembre 2020, l’Europe a également adopté sa loi Magnitski, qui vise à sanctionner les violations des droits de l’homme dans le monde.
Un récit hallucinant
Le rappel du sort funeste réservé à Serguei Magnistki est sans doute nécessaire aujourd’hui pour mettre en lumière l’arbitraire du pouvoir et de l’ampleur de la corruption, et ce jusqu’aux plus hauts sommets de l’État russe. Même si l’affaire date d’il y a plus de douze ans, on peut douter d’une véritable amélioration si l’on en juge par les derniers actes du Kremlin, non seulement en Ukraine, mais également sur le plan intérieur. C’est pourquoi on peut lire (ou relire puisqu’il est sorti en 2015) le récit de cette histoire ubuesque publiée par l’ancien financier britannique, mais d’origine américaine, sous le titre « Notice rouge* ».
Les oligarques font réélire Boris Eltsine
Bill Browder raconte son arrivée en Russie en1996, avec la création de son fonds d’investissement Hermitage Capital, en partenariat avec Edmond Safra. A ce moment-là, un petit cercle d’oligarques a profité des premières étapes de la privatisation plus ou moins sauvage pour accumuler des fortunes monstrueuses. Mais, si les opportunités semblent nombreuses pour les investisseurs, l’éventuel retour des communistes au pouvoir à l’occasion de l’élection présidentielle de cette même année 1996 constitue une sérieuse menace, d’autant plus que la popularité de Boris Eltsine est au plus bas. Mais les oligarques veillent et « mettent le paquet » pour faire réélire le président sortant, à leur grand profit.
La crise de 1998
Mais après cette opération de sauvetage, la crise de 1998 frappe durement la Russie, Soudainement, raconte Bill Browder, les oligarques actionnaires majoritaires des grandes entreprises russes n’eurent plus accès à l’argent frais de Wall Street. Jusque-là les droits des actionnaires étrangers, minoritaires, avaient été généralement respectés, mais c’était fini : « Lâchant tous les freins, les oligarques se lancèrent dans une orgie de pillage. Les outils dont ils disposaient étaient nombreux et, en l’absence de forces chargées de faire respecter la loi, leur imagination se donna libre cours : ils se lancèrent à cœur perdu dans le démembrement d’actifs, dilutions, manipulations des prix de transfert et détournement de fonds, pour ne citer que quelques ‘uns de leurs mauvais coups. »
Le pillage de Gazprom
Le géant gazier Gazprom n’échappa pas à des détournements massifs au profit de ses dirigeants, sans qu’ils prennent la peine de se cacher. Au point que, « les marchés étaient partis du principe que l’entreprise avait été pillée en totalité, jusqu’au dernier mètre cube de gaz, jusqu’à la dernière goutte de pétrole, ce qui expliquait qu’elle soit valorisée avec une décote de 99,7% par rapport à ses concurrentes occidentales. » Mais, le pillage n’avait pas été d’une telle ampleur, comme le découvrirent les analystes d’Hermitage. En fait, plus de 90% des réserves totales n’avaient pas fait l’objet de détournements. La conclusion évidente était d’acheter le plus d’actions possibles pour profiter des bénéfices phénoménaux à venir. Ce qui fit Hermitage.
Recours aux médias
Mais plutôt que de garder cette information secrète, Bill Browder décida de la diffuser auprès de grands médias occidentaux. Le résultat ne se fit pas attendre, donnant lieu à de nombreux articles dans la presse tant en Russie qu’à l’étranger. À l’issue de ce scandale, le patron de Gazprom fut débarqué par Vladimir Poutine lui-même. Au bout du compte, l’opération se révélait particulièrement fructueuse pour Hermitage puisque les premières actions de Gazprom acquises par le fonds avaient centuplé de valeur ! Après s’être attaqué à Gazprom, et fort de la rentabilité de sa stratégie, Bill Browder décida de s’en prendre à la corruption qui régnait dans d’autres grandes entreprises de son portefeuille, dont UES, la compagnie nationale d’électricité, et Sberbank, la caisse d’épargne russe.
Poutine met les oligarques au pas
Mais la situation politique évolue et à fin 2003 Vladimir Poutine décide de s’attaquer aux oligarques, en frappant le plus riche d’entre eux, Mikhail Khodorkovski. L’homme qui ne cachait pas ses ambitions politiques, est arrêté et condamné à une lourde peine de prison pour fraude fiscale. Sous la menace de subir le même sort, les autres oligarques s’inclinent, pour se soumettre aux ordres du président. Or, poursuit l’auteur : « (…) je ne changeai rien à ma façon de procéder, continuant exactement comme avant, à montrer du doigt ces brigands d’oligarques russes, Avec une différence, toutefois : maintenant, au lieu de m’attaquer aux ennemis de Poutine, je m’attaquais aux intérêts économiques personnels de Poutine. » La réaction ne tarde pas et le financier se retrouve expulsé de Russie un soir de novembre 2005, à son retour d’un voyage à Londres, considéré comme une » menace pour la sécurité nationale ».
Bataille pour un visa
Mais notre homme ne veut pas abandonner une activité aussi profitable : il est le plus gros investisseur étranger en Russie avec 4,5 milliards de dollars d’actifs gérés, et affiche une très forte rentabilité. Il cherche donc par tous les moyens à obtenir un nouveau visa. C’est pourquoi il va plaider sa cause auprès de Dimitri Medvedev, qui est alors vice-premier ministre, au forum de Davos de 2007. Finalement, un mois plus tard, un certain lieutenant-colonel Artiom Kouznetsov, enquêteur du MVD (le ministère de l’intérieur) l’appelle pour lui proposer un possible arrangement pour l’obtention du visa, qui sent furieusement la demande de pot-de-vin. Browder ne donne pas suite
Raids financiers
Mais peu de temps après, on retrouve ce même Kouznetzov, à la tête d’une escouade de 25 policiers, en train de perquisitionner les bureaux d’Hermitage à Moscou ainsi que ceux de la société qui lui sert de conseiller juridique. Dans les deux cas, les policiers remplissent deux minibus de matériels saisis dans les bureaux. Quelques semaines plus tard, les responsables d’Hermitage découvrent que les trois entités juridiques inactives qu’ils détiennent en Russie sont passées en d’autres mains, en l’occurrence celles d’un petit truand. Cette opération était en fait assez courante à l’époque – peut-être est-ce encore le cas aujourd’hui, mais je l’ignore – , où des organisations criminelles s’emparaient d’entreprises de manière violente, avec l’aval de juges corrompus qui rendaient des jugements favorables à ces raiders. Et ici de manière évidente avec la complicité de la police pour le moins.
L’arnaque déjouée ?
Les responsables d’Hermitage découvrirent alors avec stupeur que les nouveaux « propriétaires » avaient reconnu devant un tribunal avoir contracté au nom d’une de ces entreprises une dette de 71 millions de dollars au profit d’une société écran inconnue. Mais comme la société piratée, à l’instar des deux autres, n’étaient plus qu’une coquille vide, Bill Browder s’en trouva rassuré et estima que l’opération avait clairement échoué.
Complicité du fisc ?
Mais les choses n’en restèrent pas là. Les enquêteurs d’Hermitage apprirent ensuite que les deux autres sociétés avaient été soumises au même procédé de contraction de dettes fictive, pour respectivement 573 millions et 321 millions de dollars. Bizarrement, ces montants correspondaient exactement au bénéfice de chacune de ces sociétés réalisées en 2006, y compris la première dette découverte de 71 millions. Et ce pour un total de 973 millions. C’est l’avocat fiscaliste Sergueï Magnistki, embauché après les perquisitions, qui découvrit le pot aux roses. Par ce tour de passe-passe, les escrocs annulaient le montant des bénéfices de ces sociétés et pouvaient ainsi réclamer au fisc russe les 230 millions d’impôts payés par celles-ci pour 2006. Très étrangement, le service des impôts répondit favorablement à cette demande, en versant l’argent en quelques jours.
Plaintes déposées par Hermitage
Persuadé que les autorités russes vont intervenir pour sévir contre les escrocs et leurs complices, notamment dans la police et au sein de l’administration fiscale, Hermitage adresse des plaintes détaillées concernant cette affaire de remboursement d’impôts frauduleux à tous les organismes chargés de faire respecter la loi et la réglementation en Russie. La réaction du parquet s’avère plutôt étrange puisqu’il lance des poursuites contre les avocats russes du fonds ! Face à la menace grandissante, Bill Browder persuade ses avocats russes de quitter le pays pour éviter d’être arrêté, en les aidant dans leur fuite. Tous acceptent, sauf Sergueï Magnitski, qui a foi dans la justice de son pays.
Sergueï Magnitski accusé de la fraude qu’il dénonce !
Au lieu de fuir, Sergueï Magnitski va au contraire persévérer dans la défense de son client et mettre en lumière l’escroquerie dont l’État russe est victime. Pourtant, c’est lui-même qui va être accusé de la fraude fiscale qu’il dénonce ! Il est arrêté le 28 novembre 2008. On lui fait subir nombre de mauvais traitements pour qu’il témoigne à charge contre Bill Browder. Mais rien n’y fait, malgré ses graves problèmes de santé. Il décède le 16 novembre 2009, après avoir été battu à mort par des gardiens. Il avait 37 ans, et laissait une femme et deux enfants.
*Notice rouge, par Bill Browder, Kero, 2015
On retrouvera les témoignages de différents protagonistes de cette sombre affaire dans la fabuleux documentaire sur Youtube consacré aux raids financiers mafieux, intitulés justement Raids financiers à la russe
Pour ceux qui n’auraient pas eu le courage de se plonger dans l’un ou l’autre des pavés de 1’000 pages de l’économiste Thomas Piketty (photo), et notamment son célèbre « Le capital au XXIe siècle », sa dernière publication constitue une belle opportunité pour combler leurs lacunes. En effet, cet opus, intitulé « Une brève histoire de l’égalité* », ne compte que 350 pages, et en petit format ! C’était d’ailleurs bien l’objectif de l’auteur, comme il l’indique dans la page qu’il consacre aux remerciements de cet ouvrage. Toutefois, comme il le précise, il ne s’agit pas de se contenter de présenter de manière synthétique les principaux enseignements issus de ses derniers travaux, mais de proposer une perspective nouvelle sur l’histoire de l’égalité. L’auteur montre ainsi « qu’il existe un mouvement historique vers l’égalité, au moins depuis la fin du XVIIIe siècle. » Mais ce combat vient de loin, « il ne demande qu’à se poursuivre au XXIe siècle pour peu qu’on s’y mette toutes et tous ».
Taux marginal d’imposition
Même si l’on ne partage pas les idéaux de Thomas Piketty, on doit reconnaître le grand intérêt de ses recherches et réflexions et les nombreuses informations et mises en perspective qu’il nous fournit. À titre d’illustration, je voudrais mettre en évidence les données liées taux progressif de l’impôt sur le revenu, en particulier sur ceux du travail. En effet, et comme pour faire écho aux débats entourant les salaires et autres avantages parfois astronomiques accordés aux dirigeants des plus grandes entreprises, l’auteur rappelle « les taux de 80 à 90% appliqués sous l’administration Roosevelt et dans l’après-guerre ». On précisera qu’il s’agit là de taux marginaux d’imposition, c’est-à-dire ceux qui sont appliqués aux tranches de revenus les plus élevées, à ne pas confondre avec le taux moyen, qui correspond au rapport entre la somme totale de l’impôt et le revenu global du contribuable.
Pression sur les salaires les plus élevés
Selon l’auteur, cette politique fiscale avait eu un impact très positif : « Les super-rémunérations ont fondu, ce qui a laissé plus de moyens pour investir et pour augmenter les salaires les moins élevés. » Cet impact est d’autant plus favorable pour l’économie poursuit-il que « les données disponibles au niveau des entreprises et des différents secteurs et pays concernés ont aussi permis d’établir qu’il n’existe au-delà d’un certain niveau aucune relation significative entre les rémunérations des dirigeants et leur performance économiques et que ces rémunérations ont surtout des effets négatifs sur les salaires bas et moyens. » Point de vue qui est sans doute largement partagé, si l’on excepte les grands patrons qui bénéficient de telles largesses…
Pas d’impact sur la croissance
En outre, affirme-t-il, « la montée en puissance de l’impôt fortement progressif ne semble nullement avoir découragé l’innovation et l’élévation de la productivité. » À l’appui de cette thèse, l’auteur compare la progression du revenu national par habitant américain, au rythme de 1,8 % par an entre 1870 et 1910, en l’absence d’impôt sur le revenu, puis de 2,1% entre 1910 et 1950 après son introduction et même de 2,2% entre 1950 et 1990, quand le taux supérieur atteignait en moyenne 72%, comme on le voit sur le graphique tiré de son ouvrage où il compare l’évolution des taux marginaux d’imposition à celle de la croissance.
Baisse des impôts… et de la croissance
Mais, avec l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan et de la révolution conservatrice, le taux supérieur fut réduit de moitié « avec pour objectif annoncé de booster la croissance ». Or « cette dernière fut au contraire divisée par deux, pour atteindre 1,1% par an entre 1990 et 2020 », comme cela ressort très clairement sur le même graphique. Ce qui est un résultat peu surprenant si l’on s’intéresse aux questions économiques internationales sur la longue durée.
Démonstration sujette à caution
La démonstration n’est cependant pas suffisante pour en tirer une relation causale, d’autant plus que la dynamique d’une économie ne dépend pas uniquement, loin s’en faut, du taux marginal d’imposition. Il faudrait pouvoir refaire la comparaison avec des taux d’imposition différents, par exemple pour évaluer ce qui se serait passé avec une politique de taux d’imposition maintenue à leur niveau de 1990 jusqu’à la fin de la période sous revue. Ce qui est évidemment impossible. Mais ces résultats laissent tout de même songeur et donnent du grain à moudre pour les partisans d’un retour de manivelle en matière de progressivité de l’impôt sur le revenu, surtout si elle est susceptible d’améliorer tout à la fois la croissance de l’économie et une meilleure répartition de ses fruits.
* Une brève histoire de l’égalité, par Thomas Piketty, Seuil, 2021
Pour ceux qui auraient eu de la peine à suivre le feuilleton des multiples scandales qui ont émaillé l’histoire récente de Credit Suisse, le livre* de mon talentueux confrère Yves Genier, journaliste économique à La Liberté, tombe à point nommé. Car si chacun ou chacune se souvient qu’il avait fallu sauver UBS de la faillite en 2008 dans la foulée de la crise des subprimes et de ses démêlés avec le fisc américain qui auraient pu s’avérer mortels, les casseroles de sa grande concurrente sont moins spectaculaires. Mais leur accumulation s’avère sidérante avec le recul.
Accumulations de casseroles
En effet, notre auteur décrit avec force détails ces affaires sans doute peu familières au grand public, qui ont fait perdre des fortunes à la banque ou à ses clients, à commencer par la faillite de Greensil, puis d’Archegos, de York Capital, de Wirecard, de Luckin Coffee ou encore d’une escroquerie avec le Mozambique, de participation à la manipulation des taux d’intérêt, sans parler des filatures ordonnées au plus niveau de la maison sur certains de ses collaborateurs pour des raisons peu claires. L’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin puisqu’il revient sur les scandales d’autres établissements bancaires, non seulement UBS, mais d’’autres acteurs étrangers qui ont tous connu leur lot d’affaires scabreuses, comme Deutsche Bank, HSBC, BNP Paribas, Danske Bank, ABN Amro, Softbank, sans oublier des acteurs de plus petites tailles comme GAM, Raiffeisen, Mirabaud et certaines banques cantonales.
Répression financière
Mais pourquoi tant de scandales ? A cet égard, notre confrère propose une série de clés d’analyse sans doute assez pertinentes permettant d’en comprendre la source, en scindant son exposé en deux chapitres distincts. D’une part, la répression financière et les nouveaux concurrents, d’autre part, la culture du risque qui n’évolue quasiment pas. Dans le premier chapitre, l’auteur décrit les effets de la politique plus qu’accommodante des banques centrales pour contrer les effets délétères de la crise des subprimes et leur impact sur la contraction des marges d’intérêts des banques. Ainsi, écrit notre confrère : « Prise en étau entre les robinets grands ouverts des Banques centrales et des revenus d’intérêt qui chutent, les banques commerciales se sont engagées dans une fuite en avant : augmenter le volume de leurs prêts, quitte à prendre plus de risques sur la qualité des débiteurs. » Par ailleurs, deux autres menaces se sont profilées à l’horizon, l’émergence des cryptomonnaies et celle des fintechs.
Culture du risque
Quant au chapitre consacré à la culture du risque, on a l’impression d’un éternel recommencement : les rémunérations restent à des niveaux stratosphériques, tandis que les actionnaires restent absents et que les autorités de surveillance manquent de moyens pour agir. Dans le cadre de ce chapitre, j’ai trouvé particulièrement intéressante la description du comportement de certains des grands actionnaires étrangers dans Credit Suisse comme Blackrock, Olayan ou Quatar Holding. Ainsi, quand ces derniers réinvestissent dans le capital de la banque au lendemain des affaires Greensill et Archegos, « il est difficile d’y lire une quelconque désapprobation ».
Déresponsabilisation des dirigeants
« Par conséquent, poursuit l’auteur, le risque existe qu’une équipe de direction n’y voie qu’un élément exogène à sa gestion, désagréable certes, mais non dommageable. Or c’est ce genre de perception du désaveu qui pousse à une certaine déresponsabilisation des dirigeants vis-à-vis de leurs actionnaires et accroît la tolérance des premiers aux abus et aux scandales. Et lorsque les ni les administrateurs, ni les actionnaires ne décèlent et ne combattent cette tolérance lors des assemblées générales, celle-ci gagne encore en importance. Ne restent alors plus que les gendarmes financiers pour mettre en lumière et attaquer les problèmes. Pour autant qu’ils en aient la possibilité et les moyens. » Ce qui n’est apparemment pas le cas selon notre auteur.
« Une petite affaire qui en dit long »
Cette enquête est d’autant plus intéressante qu’elle contient un élément qui documente la dérive en matière de contrôle des risques, même si elle se base sur une affaire de petite envergure, Mais « qui en dit long », pour reprendre l’expression de mon confrère. Il s’agit de l’escroquerie d’un gérant de fortune de Credit Suisse basé à Genève qui dès 2010 a pu voler près de 150 millions de francs à l’un de ses clients. Mais l’affaire est sans doute plus grave qu’elle n’apparaît a priori, comme cela ressort d’un rapport confidentiel de la société Geissbühler, Weber & Partner (GWP) mais qui a largement fuité et dont l’auteur dispose d’une copie. Ce rapport montre en effet que ces détournements s’étaient effectué tout d’abord « à l’insu de ses collègues et de sa hiérarchie, puis en connaissance de celle-ci lorsqu’elle en a eu les premiers soupçons 2011 ».
Stratégie de défense de la banque
Si le gérant indélicat a été condamné à de la réclusion en 2018 puis a mis fin à ses jours en 2020, il reste à ce stade le seul condamné. « La banque se défend en effet contre toutes les tentatives la visant explique Yves Genier. En juin 2017, le Ministère public genevois a ouvert une enquête pénale contre la banque, en la dissociant de celle qu’il menait contre le gérant. Depuis lors, la banque se bat avec tous les moyens juridiques à sa disposition pour l’empêcher d’utiliser le rapport de GWP. »
Rapport accablant
Il faut dire que le rapport s’avère accablant selon ce qu’en extrait l’auteur : « Pour expliquer pourquoi le responsable du contrôle du risque chargé de surveiller la gestion de fortune des clients de fortune des clients européens n’a jamais transmis ces informations à l’étage supérieur, le rapport souligne la priorité mise sur le conseil à la clientèle, au détriment des fonctions de contrôle ». L’impunité dont jouissais l’employé fautif viendrait du « fait que le gérant rapportait tellement d’argent à la banque qu’il s’était vu conférer l’auréole de super star, une personne intouchable, quels que soient les risques qu’il prenait et faisait prendre à son entrepreneur. Plus grave, soulignent les experts, « c’est toute la chaîne de responsabilité qui est mise en cause et qui remonte pratiquement tous les niveaux hiérarchiques et concerne aussi des cadres dirigeants au siège de la banque à Zurich. » Affaire à suivre…
*Scandales au Credit Suisse – Quand les banques perdent la tête, par Yves Genier, Editions Attinger, 2021
Pour des couples de concubin(e)s qui acquièrent leur logement sous forme de copropriété, l’usufruit croisé constitue traditionnellement une option judicieuse. En effet, cela permet qu’en cas de décès de l’un des deux partenaires, l’autre puisse continuer à vivre dans le logement commun puisqu’il va recouvrer son plein droit de propriété sur la moitié dont il était nu-propriétaire – tout en bénéficiant toujours de l’usufruit sur l’autre moitié. Il peut ainsi échapper aux prétentions des héritiers bénéficiant de parts réservataires et éviter tout impôt de succession. En revanche se pose la question d’éventuels impôts de donation, qui sont normalement appliqués en cas d’usufruit simple. En principe l’usufruit croisé est assimilé à un échange de droits, donc neutre sur le plan fiscal. Mais cette exonération n’est accordée qu’à certaines conditions, qui vont dépendre des différentes législations cantonales.
Enquête sur le terrain
Chacun ou chacune peut évidemment s’adresser à l’autorité de son canton pour savoir quelles sont les règles qui s’appliqueront dans sa situation. Mais au-delà de son cas personnel, il est sans doute intéressant d’établir des comparaisons entre les pratiques entre les différents cantons. C’est pourquoi je me suis livré à une petite enquête auprès de ces fiscs cantonaux, en me limitant toutefois à la Suisse romande. J’ai posé à chaque fois les mêmes questions, notamment si la création de l’usufruit croisé pouvait donner lieu à un impôt sur les donations. Et qu’en est-il quand la valeur des usufruits s’avère inégale. Une autre question portait sur la création de l’usufruit postérieurement à celle de l’acquisition : cela pouvait-il faire une différence ?
Résultats globaux
Cette petite enquête a été réalisée auprès des autorités fiscales de Genève, du Valais, de Neuchâtel, de Fribourg et de Berne et du secteur Solutions patrimoniales de la Banque Cantonale Vaudoise pour le Canton de Vaud. Manque à l’appel le Canton du Jura pour lequel je n’ai pas obtenu de réponse. Il en ressort que l’usufruit croisé échappe à tout impôt lors de l’acquisition. Mais à condition que les parts de copropriété faisant l’objet de l’usufruit soient égales. Par ailleurs, l’usufruit croisé ne doit pas obligatoirement être créé au moment de l’acquisition pour bénéficier de cette exonération, à l’exception du Canton de Vaud. Entrons dans le détail en commençant par Genève, dont l’autorité fiscale m’a fourni le plus d’informations.
Genève
Dans le canton de Genève, l’usufruit croisé peut donner lieu à un impôt sur les donations si les valeurs attribuées ne sont pas équivalentes. Ce qui peut se produire même si les parts de copropriété s’avèrent égales, s’il existe une différence d’âge importante entre les concubin(e)s précise la Direction des personnes physiques, des titres et de l’immobilier du département des finances du Canton de Genève : « En effet, la valeur de l’usufruit (selon la Loi sur les droits d’enregistrement) pour une personne de moins de 50 ans équivaut à la moitié de la valeur de sa part alors que pour une personne de plus de 69 ans, elle équivaut à un huitième de la part. » Dans ce cas, la différence de valeur entre les deux usufruits donnerait lieu à un impôt de donation. Mais, nous précise-t-on, c’est une situation plutôt rare. Une autre situation génère des valeurs d’usufruit inégales : « Il arrive aussi que les copropriétaires n’achètent pas des parts de copropriété égales (par exemple dans un rapport d’un tiers pour deux tiers). Dans ces cas, la distorsion des valeurs attribuées génère naturellement des droits de donation qui peuvent être importants dans le cas des concubins puisqu’ils peuvent s’élever à 54,6% de la différence de valeur des usufruits échangés. »
Vaud
Dans le canton de Vaud, la grande différence par rapport aux autres cantons romands, c’est que l’exonération fiscale de l’usufruit croisé, à égalité de valeurs, n’est accordée qu’au moment de l’acquisition du bien. En revanche, si l’usufruit croisé est effectué a posteriori, il peut coûter très cher: Il est assimilé à deux donations, qui sont toutes deux soumises à l’impôt sur les donations. Il y a cependant une solution pour éviter cet impôt, c’est la vente croisée d’usufruits. Il n’agit donc plus de donations, mais d’opérations à titre onéreux. Chaque opération donne lieu à un demi-droit de mutation sur la valeur de l’usufruit de chacun des deux concubin(e)s, auquel peut s’ajouter un droit entier sur la différence éventuelle entre les deux valeurs d’usufruit. Différence qui peut provenir soit de parts de copropriété inégales et/ou de différence d’âge. Malheureusement, cette solution peut s’avérer quand même nettement plus coûteuse que le simple échange d’usufruits : en effet, la vente est susceptible de dégager un gain immobilier imposable, d’autant plus que l’opération est effectuée des années après l’acquisition du bien.
Fribourg
Dans le Canton de Fribourg, le Service cantonal des Contributions indique : « L’usufruit croisé est considéré comme un échange (transfert d’objets à titre onéreux) soumis au droit de mutation selon l’art. 18 LDMG. Selon cette disposition, en cas d’échange, les droits de mutation (3%) sont prélevés sur la valeur d’un seul des objets échangés. Si les objets n’ont pas une valeur égale, les droits de mutation seront prélevés sur la valeur la plus élevée. » Mais cette différence de valeurs éventuelle n’a aucune incidence en termes de donation : « Dès lors que l’on considère être en présence d’un échange, il n’y aura pas de donation ; aucun impôt sur les donations ne sera dès lors perçu. Il n’y aura pas d’impôt sur les donations sur la différence. »
Valais
Dans le canton du Valais, le Service des Contributions répond de la manière suivante : « En cas d’usufruit croisé, l’administration fiscale détermine la valeur capitalisée de l’usufruit constitué pour chacun des concubins en prenant en compte leur espérance de vie respective. Même si les parts de copropriété sont de valeur égale, la différence d’âge entre les concubins peut donc avoir pour effet que l’un reçoit un usufruit d’une valeur plus élevée que l’autre. Il est imposé sur la différence au taux de 25%. Ce principe est applicable que l’usufruit croisé soit créé dès l’acquisition ou plus tard. »
Neuchâtel
Le Service des Contributions du Canton de Neuchâtel indique qu’ « en cas de constitution simultanée et croisée d’usufruit il n’y aura un impôt que, en l’absence de contrat de partenariat, sur la différence de valeur des deux droits d’usufruit (cette valeur dépend du sexe et de l’âge de la/du donatrice/trice et a fortiori de la valeur du bien immobilier ». Dans le canton de Neuchâtel, cet impôt est réduit pour des couples de concubins partageant une vie commune depuis au moins 5 ans.
Berne
L’intendance des impôts du canton de Berne indique : « Au moment de la constitution de l’usufruit, les effets fiscaux varient selon que les prestations réciproques sont équivalentes ou pas. Si les deux concubins ont le même âge et que leurs parts respectives de copropriété sont de même valeur, alors leurs prestations réciproques sont équivalentes. Dans ce cas, l’impôt sur les donations n’est pas dû. En revanche, si les prestations réciproques ne sont pas équivalentes, il y a donation mixte, imposée en conséquence. » En d’autres termes, l’impôt sur les donations sera prélevé sur la différence.
Taux d’imposition cantonaux
Contrairement à la pratique fiscale de chaque canton, qu’il faut aller chercher de manière un peu laborieuse, le taux d’imposition de donation pour chaque canton et commune est extrêmement simple à obtenir. En effet, le calculateur de la Confédération fournit immédiatement cette donnée, comme j’en avais déjà parlé dans mon billet du 16 décembre 2020. En passant, ce calculateur souffre toujours d’erreurs de traduction en français. Si « Ehepartner » est correctement traduit par « conjoint(e) », « Lebens-/Konkubinatspartner » correspond dans la version francophone à « conjoint(e) ou concubin(e) ». Si l’on base sur ce calculateur, un conjoint pourrait donc être simultanément imposé sur la base de deux taux différents !
Attention à la caisse de pension
Avant d’en terminer avec la solution de l’usufruit croisé, on peut encore mentionner la mise en garde de Françoise Demierre Morand, notaire à Genève, dans le cas où une partie des fonds propres du défunt provenait de sa caisse de pension : « Si cette personne n’avait pas annoncé son compagnon ou sa compagne comme bénéficiaire en cas de décès, l’institution de prévoyance pourrait demander le remboursement des prestations qu’elle avait versées s’il n’y a pas de bénéficiaires. La situation peut s’avérer infernale ! »