Comment financer sa prévoyance vieillesse dans le monde de l’entre-deux ?

 

 

Alors que l’on se demande de quoi demain sera fait, entre les effets de la crise économique et l’éventuel rebond de la pandémie, VZ Vermoegenszentrum lançait un véritable plaidoyer en faveur de la planification de la retraite dans son dernier bulletin, VZ News, paru il y a quelques jours. Les arguments en sont les défis de taille auxquels les futurs retraités sont confrontés, soit le coronavirus, les taux négatifs ou encore les maigres rendements. En résumé, « pour ne pas manquer d’argent à la retraite, il faut réagir dès maintenant ».

Qui peut encore se le permettre ?

Cet appel peut faire quelque peu ricaner, alors qu’une grande partie de la population traverse une période extrêmement délicate, dont la priorité est de savoir comment payer ses factures dans les prochaines semaines. Alors, le financement de la retraite… Même ceux qui disposent de quelques économies ont sans doute avantage a bien les conserver pour faire face aux difficultés à venir, en évitant de les bloquer dans des produits de prévoyance jusqu’à l’âge de la retraite. D’autant plus que les bas revenus, faiblement imposés, ne pourraient évidemment n’obtenir que de très modestes économies fiscales sur leurs versements. Le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.

À contretemps

Cela dit, j’aurais de la peine à me montrer sarcastique à l’égard des planificateurs professionnels en recherche de clients dans la mesure où je viens moi-même de publier un nouvel ouvrage consacré au financement de sa retraite ! À ma décharge, c’est un document qui a été remis à l’imprimerie juste avant l’éclatement de la crise sanitaire dans notre pays. Mais j’ai aggravé mon cas avec le choix d’une couverture allégorique figurant le départ en retraite dans le cadre d’une salle d’attente d’un aéroport… Pour me rassurer, je songe aux propos de l’éditeur français d’un de mes précédents livres qui m’avait fait part de sa stratégie pour se démarquer par des couvertures insolites afin que les ouvrages se différencient lorsqu’ils doivent faire leur place dans les rayons des librairies. Là, je crois que j’ai réussi mon coup…

La préparation à la retraite reste d’actualité pour les mieux lotis

Plus sérieusement, pour en revenir à la profession des planificateurs financiers, leur rôle n’est évidemment pas remis en cause : il faut préparer sa retraite, et ce longtemps à l’avance. Et même actuellement, pour tous ceux qui peuvent se le permettre. Car toute la population n’est heureusement pas logée à la même enseigne En effet, une partie des personnes actives va rester plus à l’aise financièrement et sera sans doute peu affectée par la crise. Par exemple, ceux qui bénéficient d’emplois stables et à revenus réguliers – on peut penser notamment au personnel des administrations publiques – n’ont pas grand-chose à craindre. Dans leur cas, la crise a sans doute eu pour conséquence de faire augmenter leurs liquidités puisqu’ils ont été empêchés de consommer de nombreuses prestations de services tout en continuant à recevoir leur rémunération à taux plein.

Mesures de prévoyance classiques

Si vous êtes dans cette situation, vous pouvez sereinement songer à tirer profit des avantages fiscaux du 2e pilier, en procédant à des rachats si vous avez par exemple des lacunes à combler. Mais cela ne vous dispensera pas « faire vos devoirs » comme on dit, pour évaluer l’état de santé de votre caisse de pension. Il s’agit de savoir, en cas de découvert notable, si elle peut être amenée à prendre des mesures d’assainissement plus ou moins rapidement.

Selon le type de mesures, il pourrait être judicieux d’attendre que les mesures d’assainissement aient déployé leurs effets. A moins qu’il ne s’agisse d’une caisse de pension publique, dont le processus d’assainissement serait étalé sur des dizaines d’années. En effet, dans ce cas, le rachat reste en principe recommandé, pour des raisons que j’avais développées dans un article publié dans le journal qui héberge ce blog il y a quelques années. Raisons qui restent d’actualité.

Le choix du 3e pilier lié

Dans le cas d’une caisse sans garantie étatique et dont les mesures d’assainissement vous seraient défavorables, vous auriez toujours la possibilité de souscrire des produits de 3e pilier lié, qui bénéficient également d’avantages fiscaux. Cela aurait d’autant plus de sens que les déductions autorisées chaque année dans ce cadre ne peuvent pas être reportées sur l’exercice suivant. Par ailleurs, il sera toujours possible de virer ces fonds accumulés dans des produits de 3e pilier lié dans sa caisse de pension lorsque le processus d’assainissement sera achevé.

Pierre Novello

Pierre Novello est journaliste économique indépendant et auteur d’ouvrages de vulgarisation dans le domaine de la prévoyance, de l’investissement sur les marchés financiers ou encore pour l’accession à la propriété de son logement. Avant d’embrasser la carrière journalistique en entrant au Journal de Genève et Gazette de Lausanne, il a été formé comme analyste financier pour la gestion de fortune.

9 réponses à “Comment financer sa prévoyance vieillesse dans le monde de l’entre-deux ?

  1. Bonjour. Mon épouse qui a arrêté de travailler pendant 4 ans à l hôpital fribourgeois pourrait compenser ces années. Mais est ce que ça en vaut la peine avec la future réforme de la caisse ?

    1. Bonjour,

      Merci pour votre question.

      Honnêtement, c’est compliqué de vous donner une réponse sur un cas particulier sans connaître le détail de la réforme, dont j’ai eu écho évidemment. Dans votre cas, vous devez vous adresser à la caisse et lui demander ce que devrait vous rapporter le rachat en arrivant à l’âge de la retraite.

      Ma réponse est sans doute un peu frustrante, mais le principal souci que l’on évoque lorsqu’on parle des caisses publiques, c’est leur faible taux de couverture. Ce qui est de nature à inquiéter quant à la pérennité de son avoir de prévoyance. Mais, selon tous les experts que j’ai pu interroger, et comme je l’explique dans l’article sur lequel j’ai mis un lien dans mon billet, cette inquiétude ne serait pas fondée. De toute façon, si vous avez la garantie de l’Etat, vous ne risquez pas grand-chose.

    1. Bonjour Christiane,

      Merci pour votre question ! En fait, l’investissement dans un bien immobilier n’est bon ni mauvais en soi. Cela dépend non seulement de l’état du marché immobilier et des conditions de financement actuelles, mais aussi de sa situation personnelle. Dans une perspective de planification financière pour la retraite, je peux vous renvoyer à l’article que j’avais rédigé dans le hors-série “Ma vie de médecin” de la Revue Médicale suisse, publié en novembre 2017. Ce papier était évidemment destiné aux médecins, mais pouvait conerner toutes les personnes de la classe moyenne plutôt aisée.

  2. Malheureusement, il semblerait que la période d’après guerre avec son augmentation constante du niveau de vie, et la génération des baby boomers, dont beaucoup ont pu partir à la retraite en étant devenus millionaires rien qu’avec leur caisse de pension, tout cela apparaît comme une parenthèse heureuse de deux générations dans la longue histoire de notre pays, qui est fondamentalement un pays pauvre.

    C’est affligeant. Il me semble que notre peuple n’a pas mérité ça et je suis très en colère contre nos autorités qui ont cyniquement sacrifié les acquis du peuple suisse pour un plat de lentilles bruxelloise. Je veux dire par là que nous allons vers le démantèlement des acquis de l’après guerre, si nous nous rapprochons encore un peu plus de cette montrueuse Union Européenne antisociale. Et tout cela uniquement par égoïsme des politiciens, parce que notre classe politique rêve des fabuleuse possibilités de carrières dans l’Union Européenne.

    Ca me révolte.

    S’ajoute à cela encore l’irresponsabilité avec laquelle on a favorisé l’immigration. Car il ne sera pas possible de maintenir les retraites et la protection sociale que nous avons connues, si en plus nous devons tenter d’intégrer ces masses énormes d’immigrés qui n’ont plus rien à voir avec les valeureux travailleurs italiens de l’époque Schwarzenbach. Tout cela va peser d’un poids excessivement lourd sur l’aide sociale et bien entendu, et qui c’est qui va trinquer ? Le petit Suisse.

    Dans ce domaine j’accuserais la gauche. Car pour moi il est très clair que la gauche a délibérément favorisé l’immigration massive et des naturalisations distribuées à n’importe qui, de manière à changer la population du pays. Ainsi la gauche a voulu se créer un électorat captif dépendant de l’aide sociale, ce qui lui permet de se maintenir au pouvoir indéfiniment, même si sa politique est un échec. Ce qui est le cas.

    Les cantons de Genève et Vaud ont des majorités de gauche pour cette raison, alors que les peuples vaudois et genevois sont devenus des minorités ethnique sur leur propre terre! C’est à pleurer. Et le résultat c’est qu’on a une élite dirigeante gauchiste qui se royaume dans le fromage, alors que le peuple souffre. Et pendant ce temps la prévoyance professionnelle et vieillesse se dégrade de plus en plus.

    M. Novello, vous ne partagerez peut-être pas mon analyse, mais je suis sûr que vous êtes inquiet comme moi.

    Que faudrait-il faire ?

    On arrive dans une époque de précarité accrue, de misère peut-être, aggravée par les conséquences de la mise à l’arrêt de l’économie que nos autorités irresponsables ont imposée sous prétexte de Covid. Dans de nombreux pays comme la France, c’est très simple, les retraites ne seront tout simplement pas payées. En Suisse, il restera encore un petit quelque chose, mais ça va se rétrécir comme peau de chagrin.

    Ne pensez-vous pas qu’une possibilité serait d’encourager de larges déductions fiscales sur l’épargne? Ainsi les gens pourront économiser pour leurs vieux jours, puisque les institutions de prévoyance ne fonctionneront plus. Et d’autre part il faudrait favoriser, là aussi par des déductions fiscales, la création d’associations d’entraide que les gens pourraient constituer en se regroupant par affinités. Ainsi, au sein de ces diverses associations, les riches pourraient avoir à coeur de faire des donations pour améliorer le sort des membres plus pauvres.

    Que pensez-vous de ces deux idées?

    1. Bonjour,

      Merci pour ce très long commentaire !

      Avant de répondre à vos questions, j’aimerais dire que je ne partage absolument pas votre analyse. C’est vrai que la situation est inquiétante, mais plus pour des raisons conjoncturelles et sanitaires qu’en raison des errements politiques de nos autorités à différents niveaux. Le système n’est pas parfait, mais ne fonctionne pas trop mal, surtout en comparaison internationale.

      Quant à l’immigration, quel que soit l’avis que l’on porte sur ce phénomène, chacun s’accorde sur le fait qu’elle contribue à financer l’AVS, qui souffre du vieillissement démographique.

      Pour en revenir à vos deux questions, à savoir :

      1) “encourager de larges déductions fiscales sur l’épargne? Ainsi les gens pourront économiser pour leurs vieux jours, puisque les institutions de prévoyance ne fonctionneront plus.” Votre proposition n’a de sens que si le 2e pilier est condamné. Sinon, cela reviendrait à passer d’un système de caisses de pension où les risques sont mutualisés et dont la gestion se fait à l’avantage des assurés (au moins dans une certaine mesure), à une gestion purement individuelle de sa prévoyance, plus risquée et plus coûteuse.

      2) “favoriser, là aussi par des déductions fiscales, la création d’associations d’entraide que les gens pourraient constituer en se regroupant par affinités. Ainsi, au sein de ces diverses associations, les riches pourraient avoir à coeur de faire des donations pour améliorer le sort des membres plus pauvres.” Pourquoi pas ? Mais je vous rappelle que les associations caritatives bénéficient déjà de déductions fiscales comme vous pouvez le voir sur le site http://www.ch.ch.

      Bonne fin de journée

      1. Je vous remercie pour vos explications. Mais en ce qui concerne l’immigration, je ne comprends pas du tout cet argument qui nous est ressassé jusqu’à plus soif, comme quoi l’immigration contribuerait à financer l’AVS. Moi ce que je vois, par mon vécu et mon observation personnelle, c’est que si toute l’immigration travaillait et cotisait à l’AVS ce que vous dites serait vrai. Malheureusement la réalité est toute autre. Une part grandissantede l’immigration est au chômage où à l’aide sociale. Par conséquent elle vient obérer les finances publiques au détriment des Suisses et de l’immigration travailleuse, et ne contribue pas du tout au financement de l’AVS au contraire.

        Peut-être qu’il y a eu un seuil positif pendant un temps. C’est à dire qu’avec le système des quotas d’immigration on pouvait éviter l’arrivée des profiteurs de l’aide sociale et ne laisser entrer que des immigrés travailleurs qui en effet contribuaient à financer le système. Mais il me semble que depuis très longtemps la part des étrangers en Suisse vivant de l’aide sociale et qui donc est à la charge du système, excède de beaucoup celle qui travaille et finance le système. Ca, c’est que je constate.

        Et si on refuse l’initiative de limitation sur laquelle on votera le 27 septembre, alors ce sera la catastrophe. Il y aura une immigration massive dans l’aide sociale et les allocations chômage. Celà déséquilibrera financièrement ces deux services sociaux et je ne vois pas en quoi cela aidera le moins du monde le financement de l’AVS.

  3. Je ne suis pas d’accord non plus avec votre assertion selon laquelle mon idée d’accorder de larges déductions sur l’épargne supposerait que le deuxième pilier serait condamné. Je me suis sans doute mal fait comprendre: bien entendu, je suis pour qu’on maintienne le système du deuxième pilier et meme qu’on le renforce. Mais le deuxième pilier est une épargne forcée paritaire. On ne peut pas l’augmenter ad libitum. Je suggère simplement qu’on défiscalise en plus une épargne qui irait très en sus de l’épargne forcée du 2ème pilier. Et je sais, là encore d’observation, que c’est possible. Les gens n’ont aucune idée de ce que certaines personnes modestes sont capables d’épargner.

    Permettez moi de vous raconter un souvenir vécu. J’ai été employé de banque dans un service de placement de capitaux, et j’ai eu des clients de la classe ouvrière qui disposaient de montants provenant exclusivement de leur épargne et dépassant parfois le million voire deux millions de francs suisses. Incroyable…? Mais vrai. Profession de ces personnes: ouvriers, cuisiniers, portiers d’hôtel, femmes de ménage, etc. Ils économisaient sou par sou pendant des dizaines d’années et avec le rendement des placements ça avait doublé ou triplé. Grâce au secret bancaire ces personnes n’avaient pas besoin de déclarer le montant de leur bas de laine. Aujourd’hui je me demande ce qu’ils ont fait. Ca m’étonnerait un peu et même beaucoup s’ils avaient choisi de se régulariser, étant donné que le secret bancaire existe encore pour les résidents suisses. Ma suggestion est que l’on défiscalise completement l’épargne à raison de 30 à 40 % des revenus déclarés par ménage. Et ce sans poser aucune question. On dira que c’est un cadeau aux riches, car seuls les riches peuvent épargner des montants conséquents. Mais c’est mal connaître la mentalité des écureuils de la classe la plus modeste. Les clients dont je parlais épargnaient en valeur absolue beaucoup plus que des clients très aisés comme des médecins, directeurs etc. Et si on veut éviter de donner un privilège aux riches, alors on pourrait prévoir un taux dégressif de défiscalisation. Je m’explique. Sur les petits revenus on aurait le droit de défiscaliser une épargne correspondant à 50% ou 40% du revenu. Et tant pis si c’est difficile à justifier. Je sais que ce genre de personnes travaillaient un peu au noir les samedis et dimanches ce qui expliquait les montants épargnés dépassant ce qui pouvait rester du salaire après payement du loyer, des assurances etc. Je plaide carrément pour que le fisc ferme les yeux sur un certain travail au noir par politique délibérée. Pour les ménages ayant des revenus à partir d’un certain seuil, le taux de défiscalisation autorisée serait plus bas, 40 %, puis 30 % puis 20 % et ainsi de suite, selon une formule logarithmique pour éviter les effets de seuil.

    Mais je pense que mon idée n’a aucune chance d’être acceptée pour le moment car elle va à l’encontre de l’objectif du système qui est de décourager l’épargne pour favoriser au maximum la consommation. Malheureusement, nous allons au devant d’un effondrement économique tellement grave qu’il y aura un changement de mentalité brutal et on reviendra à la mentalité de nos grands parents. Les gens perdront confiance dans l’état et ne se fieront plus qu’à eux-mêmes. Il économiseront et achèterons des vrenelis, qu’ils garderont sous leur matelas si on leur supprime le secret bancaire.

    Pour les associations d’entraide, je pensais pas à des organisations caritatives, mais plutôt à des sortes de coopératives où les gens pourraient contribuer chacun selon ses possibilités, en se regroupant par affinités. Par exemple l’association des albanais, des portugais, des maçons, des habitants de tel quartier, ou autres. Les cotisations payées à la coopérative et les donations qui lui seraient faites seraient complètement défiscalisées de même que les services divers fournis aux membres. L’association pourrait acheter des immeubles permettant aux membres d’être logés décemment à loyers très bas dans leurs vieux jours, etc.

    1. Merci pour toutes ces précisions !

      J’espère que d’autres personnes auront envie de participer à la discussion.

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