L’adoption de Prévoyance 2020 par le Parlement constitue certainement une excellente nouvelle. Non pas que le paquet soit tellement bien ficelé – on s’est beaucoup éloigné du projet d’origine –, mais parce que les débats vont enfin être portés sur la place publique. Bien sûr, on a pu suivre toutes les péripéties et les grandes manœuvres de nos parlementaires pour promouvoir leurs thèses, relayées par les médias, mais sans pouvoir analyser les tenants et aboutissant des différentes positions, et encore moins en évaluer les conséquences financières sur sa situation personnelle.
Il est évidemment facile de comprendre ce que signifie une augmentation de 70 francs pour tous les nouveaux rentiers AVS ou le relèvement de 150% à 155% des rentes maximales de couple. En revanche, de quelle manière ce montant est-il censé contrebalancer la baisse du taux de conversion de 6,8% à 6%, c’est un grand mystère. À moins que notre système de prévoyance ne soit (beaucoup) plus simple que je ne le croyais jusqu’ici. Accepter une telle proposition ainsi relève presque d’un acte de foi.
AVS et vieillissement démographique
Ce flou est d’autant plus gênant que la mesure est loin d’être anodine, mais devrait être financée par le relèvement de 0,3 point de pourcentage des cotisations AVS, tels qu’il ressort d’un document du Parlement faisant l’état de lieux de la réforme au 14 octobre 2016. Or ce 0,3 point, il faudra bien que quelqu’un le paie. Il est vrai que l’AVS est une assurance sociale très solidaire et que les hauts revenus subventionnent largement les rentes des personnes les plus modestes. Mais il faudrait tout de même quantifier les effets de cette mesure à titre individuel pour être crédible, pour évaluer qui en seront les gagnants et les perdants.
Le choix de privilégier l’AVS dans notre système de prévoyance pose un autre problème dans une période de vieillissement démographique, qui va progressivement éroder ce système de pure répartition. On rappellera que les cotisations des actifs paient les rentes des retraités. De quoi freiner l’enthousiasme des jeunes actifs devant un tel projet qui craignent (avec raison) de se sacrifier pour financer les rentes de leurs aînés, sans bénéficier de rentes aussi élevées lorsqu’ils arriveront eux-mêmes en retraite.
Compensation pour le relèvement de l’âge de la retraite des femmes
Par ailleurs, sans être un féministe fanatique, on peut aussi s’interroger sur l’absence de toute compensation pour le report de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. Quel que soit l’avis que l’on puisse porter sur le sujet, on ne voit pas pourquoi la moitié de la population active renoncerait à un avantage sans contrepartie. D’autant plus que subsiste un écart salarial conséquent à leur détriment. Pour accepter sans autre cette modification, il faudrait avoir un sens civique particulièrement aigu…
On y verra donc beaucoup plus clair dans les prochains mois, quand les différents camps auront fait valoir leurs arguments de manière détaillée et chiffrée. Les partisans de Prévoyance 2020 auront sans doute fort à faire pour faire pencher la balance en leur faveur en votation populaire tant les opposants potentiels s’avèrent nombreux. S’ils échouent, on peut espérer que la campagne serve à mieux faire comprendre les enjeux, qui sont fondamentaux pour notre pays, et permette de faire aboutir rapidement un nouveau projet plus cohérent, capable de passer la rampe au Parlement, puis devant le peuple.
3 réponses à “Prévoyance 2020 : la bataille s’annonce rude”
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