UBS : les dessous sulfureux de la fusion

 

 

La fusion de l’Union de Banques Suisses avec la Société de Banque Suisse (SBS) commence à dater, puisqu’elle a eu lieu en 1998. Tant d’événements se sont produits depuis cette gigantesque opération, y compris un sauvetage in extremis en 2008, qu’on finissait presque par oublier qu’elle était issue de ces deux instituts bancaires. De l’histoire ancienne, donc, qui pourrait n’intéresser que les spécialistes. Pourtant, un récent ouvrage* qui relate les faits ayant conduit à cette opération s’avère passionnant. Il faut dire que l’auteur, Georges Blum, était particulièrement bien placé pour lever le voile sur cette affaire, puisqu’il était alors président du conseil d’administration de l’un des deux établissements, la SBS, après en avoir été CEO.

Un véritable thriller

Ce document, très bien écrit et qui se lit vraiment comme un thriller, permet de comprendre l’origine et les motivations des dirigeants des deux géants bancaires. Surtout, il révèle les intrigues et les luttes de pouvoirs au sein de la SBS telle que l’avait vécue l’auteur, sans faire l’impasse sur ses démêlés avec Marcel Ospel. Ce dernier lui avait succédé en tant que CEO lorsque lui-même avait pris la présidence du conseil d’administration, en avril 1996.

Si l’on en croit Georges Blum, cette lutte de pouvoir aboutit à un véritable putsch au sein de la SBS : « Le comité du Conseil de l’ancienne Société de Banque Suisse fut quant à lui de surcroît placé devant un dilemme cornélien, ayant à choisir entre la fusion voulue par les membres de la Direction générale tous unis derrière leur CEO Marcel Ospel ou alors avoir à affronter une révolution de palais aux conséquences désastreuses. Il ne peut dès lors leur être reproché d’avoir opté pour l’alternative du rapprochement.» Cette dernière remarque est peut-être un peu trop indulgente pour le Conseil d'administration… Ses membres auraient aussi pu démissionner. Mais il est vrai qu'ils ne pouvaient anticiper les catastrophes qui allaient survenir avec la nouvelle banque.

« Une ambition implacable »

La description de l’équipe de direction de la SBS, en 1995, n’est par ailleurs guère flatteuse, puisque les personnalités la composant sont décrites, pour beaucoup d’entre elles, comme « centrées sur leur intérêts et ambitions personnels, ce qui était source de conflits et de rivalités.» Quant à l’ex-futur patron d’UBS, il a droit à un portrait au vitriol qui ne va guère redorer son blason : « Marcel Ospel était de loin le plus agressif. D’une ambition implacable, il ne pouvait attendre de prendre le contrôle des opérations de la banque et ne supportait aucune ingérence. Tous les moyens étaient bons pour lui de s’imposer comme le dauphin désigné et écarter de son chemin tout obstacle à son ascension, d’où également son hostilité ouverte à mon égard.»

On peut évidemment déplorer que la parole ne soit donnée à la défense. Mais c’est la limite du genre. Toutefois, la subjectivité du témoignage ne paraît pas vraiment outrancière lorsqu’on songe aux prises de risque dont Marcel Ospel a fait preuve à la tête d’UBS, menant la banque à une quasi-faillite. Sans parler de son comportement lors du grounding de Swissair en 2001. Par ailleurs, Georges Blum m’a laissé le souvenir d’une personne courtoise et respectueuse des journalistes lorsqu’il était à la tête de la SBS, à différentes fonctions, laissant à penser qu’il n’a pas trop forcé le trait pour noircir son ancien subordonné.

*Société de Banque Suisse – Union de Banques Suisses, La vérité et le pourquoi de cette fusion, par Georges Blum, Favre, 2015

 

 

 

Pierre Novello

Pierre Novello est journaliste économique indépendant et auteur d’ouvrages de vulgarisation dans le domaine de la prévoyance, de l’investissement sur les marchés financiers ou encore pour l’accession à la propriété de son logement. Avant d’embrasser la carrière journalistique en entrant au Journal de Genève et Gazette de Lausanne, il a été formé comme analyste financier pour la gestion de fortune.