Pologne : le pouvoir s’en prend à l’écriture de l’histoire et à l’indépendance de la justice

Pierre Hazan,

Après la mise au pas de la justice et les pressions sur les médias, le pouvoir polonais veut réglementer l’écriture de l’histoire de la 2ème guerre mondiale. Une dérive autoritaire qui inquiète l’Union européenne.

Le 27 janvier dernier a marqué la 73ème commémoration de la libération du camp d’Auschwitz. L’avant-veille, le sénat polonais, avait adopté par 57 voix contre 23 et deux abstentions une loi mémorielle qui punit jusqu’à 3 ans de prison, les personnes qui évoqueront les « camps de la mort polonais » ou « attribueront une responsabilité ou une coresponsabilité à la nation ou à l’Etat polonais dans les crimes nazis ». Le chef de l’Etat, Andrzej Duda, doit encore signer la loi pour qu’elle devienne exécutive. Cette loi a suscité l’ire du gouvernement israélien qui dénonce « toute tentative à modifier la vérité historique ».

Du point de vue historique, nul ne nie que les camps de la mort, tel celui d’Auschwitz, et la Solution finale furent mis en place par les nazis dans la Pologne occupée, ni que la Pologne a elle-même terriblement souffert du joug nazi. Quelques deux millions de Polonais non juifs furent tués auxquels s’ajoutent trois millions de juifs polonais. Si quelques 6.600 Polonais ont été reconnus comme Justes pour avoir sauvé environ 30.000 à 35.000 juifs persécutés (les Polonais sont la nationalité la plus représentée parmi les Justes), les historiens relèvent que des Polonais ont aussi tué des milliers de juifs pendant et après la guerre. C’est ici que la loi nouvelle mémorielle pose problème, car elle fait l’impasse sur ce pan de la réalité. C’est ce que critique le musée de l’holocauste de Yad Vashem dans un communiqué sur son site: “Les limites imposées aux universitaires ou à d’autres personnes sur la complicité directe ou indirecte de Polonais s’agissant des crimes commis dans leur pays durant la shoah constituent une sérieuse distorsion (de la vérité historique) ».

Une conception essentialiste est fermée de l’identité nationale

L’idéologie du parti au pouvoir Justice et Démocratie repose sur le retour à des valeurs traditionnelles, en particulier, autour du catholicisme, de la fierté nationale retrouvée, d’un euroscepticisme décomplexé et du rejet de l’homosexualité. Le tout s’appuyant sur une mainmise des médias, de la justice et d’un discours xénophobe anti-migrant.

En rejetant toute lecture historique qui rappellerait les pogroms antisémites pendant et après la 2ème guerre mondiale, la majorité des députés flattent ainsi l’aile la plus nationaliste parmi leurs concitoyens. C’est aussi une manière d’affirmer une conception essentialiste et fermée de l’identité nationale et son rejet du multiculturalisme, et à fortiori des migrants et des réfugiés du Proche-Orient et d’Afrique, que l’Union européenne souhaitait répartir entre les différents Etats membres de l’UE. Le leader du parti Justice et Démocratie, Jaroslaw Kaczynski, ne fait pas mystère de ses opinions. Il avait ainsi lancé en 2015 que les réfugiés musulmans ont déjà amené le choléra et la dysenterie en Europe, ainsi que toutes sortes de parasites ».

Les thèses du parti au pouvoir divisent la société polonaise, mais rencontrent un écho certain. Ainsi, en novembre dernier, quelques 100.000 personnes s’étaient rassemblées à Varsovie pour célébrer « l’indépendance », chantant « Nous voulons Dieu », une expression rappelant un chant catholique interprété parfois aujourd’hui comme un rejet de l’islam, et scandant des slogans tels que « la Pologne pure, la Pologne blanche ».

L’ennemi pour les ultraconservateurs n’est pas seulement extérieur. Il est aussi intérieur, s’en prenant à ceux qui ont négocié la sortie du communisme selon le principe de « l’amnistie oui, l’amnésie, non » au lieu de procéder à une purge radicale. Ainsi, Lech Walesa, qui est passé du statut de héros à celui de « traître » pour le parti au pouvoir, coupable aussi d’avoir contribué à arrimer la Pologne à l’Union européenne et à ses valeurs de démocratie libérale.

C’est dans ce contexte chargé que le 20 décembre dernier, la Commission européenne a déclenché une procédure sans précédent contre le gouvernement polonais, resté sourd aux demandes d’infléchir sa volonté de contrôler le pouvoir judiciaire. Dans un communiqué, l’exécutif européen « a conclu aujourd’hui qu’il y a un risque clair d’une violation grave de l’Etat de droit en Pologne », ajoutant qu’il avait, par conséquent, déclenché l’article 7 du traité de l’UE. « Les réformes judiciaires en Pologne signifient que la justice du pays est désormais sous le contrôle politique de la majorité au pouvoir. En absence d’indépendance judiciaire, de graves questions sont soulevées quant à l’application effective du droit européen. »

Pierre Hazan

Pierre Hazan est conseiller senior en matière de justice de transition auprès du Centre pour le Dialogue Humanitaire, une organisation spécialisée dans la médiation des conflits armés. Il a couvert de nombreux conflits comme journaliste avant de se spécialiser sur les questions de justice dans les sociétés divisées. Il a été chercheur à la Faculté de droit de Harvard et a travaillé au Haut Commissariat aux droits de l’homme. Pierre Hazan est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la justice pénale internationale.

5 réponses à “Pologne : le pouvoir s’en prend à l’écriture de l’histoire et à l’indépendance de la justice

  1. Je dirais en bref – C’est un mensonge !! Je ne suis pas d’accord. Moi, qui suis Polonais 100 % et vis en Pologne, plus concretement – a Varsovie, je proteste vivement a tout ce qui a ete constante plus haut.
    Je propose a tous ceux qui souhaitent vraiment elargir leur savoir a propos de la Seconde Guerre Mondiale
    et plus particulierement – sur les Camps de Concentration, de cliquer sur la page Web suivante:
    https://germandeathcampsnotpolish.pl
    Fini enfin le mensoge propoge a travers le monde entier !! Les Polonais n’ont jamais cree aucun camps de
    concentration destine pour les Juifs. Bien au-contraire, plus de 3 mln de Polonais sont morts pendant la
    derniere guerre, y compris ceux-ci qui ont perdu leur vie dans les German Death Camps.

  2. Et les 669 million de victimes des musulmans, pourquoi vous n’en parlez jamais?
    Et les 55 pays volés par les musulmenteurs aux chrétiens et autres non-musulman, pourquoi vous n’en parlez jamais?
    Les 6 millions de juifs, c’est moins de 1 % des 669 millions que vous oubliez systématiquement!
    Googlez: 669 million non-muslim
    Googlez: Allah=Satan
    Googlez: Muhammad=AntiChrist

  3. Je dénonce l’intégrisme de la vérité historique. Ces horribles camps ont été libérés il y a plus de 70 ans. J’ose l’ecrire: Tournons la page. Arrêtons ces querelles qui pinaillent sur des virgules et des %s. Laissons les Polonais prendre leurs décisions, si cela leur permet d’avancer. Et si l’UE n’est pas d’accord, et bien l’UE peut les virer. C’est ok, mais please. Tournons la plus horrible page de l’histoire récente de l’humanité.

  4. L’Histoire est une science (humaine). Elle appartient à chacun, elle accueille en particulier les individus de bonne foi qui cherchent, dans une démarche honnête, à établir les faits et à les recouper. Un gouvernement n’a aucune légitimité à dicter ce qui est juste et ce qui est faux. Cela s’appelle de la réécriture, et c’est le propre de régimes autoritaires et totalitaires à la recherche de vecteurs de propagande sur le dos de la vérité historique. Le gouvernement polonais actuel fait totalement fausse route en cherchant à dicter sa vision de l’Histoire. Et comme gouvernement démocratique issu d’élections libres, il s’abaisse dans une indignité que l’on pensait bannie depuis trois décennies.

    1. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, certaines nations luttaient acharenement pour son independance.
      Tandis que d’autres, beaucoup moins nombreux, en profitaient pour s’enrichir.
      Je connseille a tous de lire le livre suivant:
      JEAN ZIEGLER – “La Suisse, l’or et les morts”. Traduit par: Jeanne Estore et Bernard Lortholary. Nombre de pages: 416.
      Les banquiers suisses ont fourni des milliards de francs suisses a Hitler,lui permettant d’acheter sur le marche mondial les matieres premieres strategiques dont il avait besoin pour poursuivre la guerre. Des
      rapports de services secrets americains, recemment declassifies, revelent la complicite active des banquiers suisses qui ont lave l’or que les SS avaient vole dans les banques centrales,les entreprises ou
      arrache aux victimes des camps.
      Dans le meme temps, le gouvernement suisse refoulait a ses frontieres des dizaines de milliers de refugies juifs, les revoyant parfois directement vers des bourreaux nazis. Les profits astronomiques de la guerre vont ensuite fonder la puissance de la place financiere helvetique.

      JEAN ZIEGLER – Professeur emerite de sociologie a l’universite de Geneve, il est vice- president du comite
      consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Auteur de nombreaux livres.

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