Demain, pour commencer votre retraite, vous irez faire du tourisme sur Mars !

Dans l’étude que nous avons menée Richard Heidmann* et moi-même sur l’économie martienne, le tourisme a été évoqué comme l’une des ressources sur lesquelles on pouvait compter pour rentabiliser un établissement martien. Les « marso-sceptiques », qui sont très nombreux, au moins dans le monde francophone (beaucoup moins aux Etats-Unis), se sont moqués de nous.

*Richard Heidmann, ingénieur en aéronautique et diplômé de l’Ecole Polytechnique de Paris a été le fondateur de l’Association Planète Mars (branche française de la Mars Society) après avoir été cadre supérieur chez Safran, le concepteur et producteur des moteurs de la fusée Ariane.

Je voudrais qu’ils regardent aujourd’hui attentivement ce magnifique paysage de Mars capturé par le rover Perseverance et qu’ils me disent honnêtement s’ils pensent qu’il ne tentera pas quelques Terriens de tout âge en suscitant chez eux un désir de voyage.

Je sais que ce voyage n’est pas encore possible mais imaginez quelque chose qui n’est pas impossible du tout. Imaginez qu’Elon Musk réussisse à faire voler son Starship et que d’autres sociétés autour de SpaceX et avec SpaceX puissent alors construire une base sur Mars permettant d’y faire vivre des hommes. Croyez-vous que les seules personnes intéressées à y aller, seront des chercheurs en géologie et en exobiologie ? Personnellement je ne le crois pas.

Je « sens » (sans avoir fait à ce stade d’étude de marché, qui n’aurait pas beaucoup de sens puisque le vecteur de transport n’existe pas encore) qu’il y aurait au contraire beaucoup de gens intéressés par un séjour alors qu’ils n’ont a priori aucune qualification particulière pour se décider à le faire. Certes ce séjour sera cher et long. Pour la durée, tout le monde sait qu’elle sera de trente mois (6+18+6). On ne peut pas faire autrement compte tenu de l’évolution des planètes sur leur orbite (elles ne vont pas à la même vitesse et parcourent des distances différentes), de la distance à la Terre et d’un mode de propulsion réaliste. Pour le prix, Elon Musk (puisque c’est lui le promoteur du seul vaisseau spatial possible, le Starship) nous parle d’un ticket de 200.000 dollars, pour le vol seul (aller et retour tout de même), auquel il faudra ajouter « quelques » frais pour le séjour. Le prix exact dépendra très largement de l’économie d’échelle à laquelle parviendra SpaceX (plus il y aura de vols de Starship, autour de la Terre, vers la Lune et vers Mars, le moins cher sera le coût unitaire vers Mars…et retour) et bien sûr de la demande (mais ce sera surtout le coût qui comptera). Disons pour être « raisonnable » ou « prudent », que l’on puisse offrir un forfait de 2 millions de dollars pour les trente mois (on pourrait faire un tarif « couple » à 3 millions, étant donné que les deux partenaires occuperaient la même cabine). C’est beaucoup d’argent mais je crois qu’on pourrait trouver dans l’ensemble de la population de notre planète et par période de 26 mois, une quarantaine de personnes qui seraient prêtes à se l’offrir.

Mais qui donc pourraient partir, tout quitter (physiquement) pour 30 mois ? Et bien je pense d’abord à certains cadres supérieurs (j’en ai connu !) qui viennent de prendre leur retraite et qui se trouvent coupés de leur multiples contacts habituels (les successeurs sont ingrats et « occupés »), qui ont retrouvé leur femme et leurs enfants après ne les avoir vus que quelques heures de temps en temps pendant quarante ans (et ils s’aperçoivent qu’ils ont « leur vie », séparée de la sienne). Laissez-les « mariner » six mois (maximum) et proposez-leur une aventure extraordinaire, le voyage et le séjour sur Mars. Cela vaut bien une croisière autour du monde, non ? Pourvu que le confort soit acceptable et la sécurité correcte, je suis certain que vous aurez plus de candidats que de places disponibles, même à ce prix (on peut toujours étaler un peu le paiement ou obtenir un crédit selon les revenus probables). Ce n’est qu’un exemple. A part les retraités, vous aurez aussi des peintres, des romanciers, pourquoi pas des musiciens, des artistes conceptuels, « et autres »…qui voudront chercher l’inspiration, tenter une expérience, « faire un break » après un divorce « ou autre »…dans un endroit étrange, stimulant et lointain.

Que feront-ils ? Les artistes, on l’imagine mais les autres ? Ils auront chacun un passé et le passé on le transporte avec soi, qu’il soit proche ou lointain (j’ai été banquier !). Alors, ce passé ils l’utiliseront sur Mars après s’être promenés ou même en se promenant. La société martienne sera jeune, elle sera aussi complexe qu’il est nécessaire pour qu’une société moderne puisse vivre et elle sera avide de compétence et de capacités car elle sera peu nombreuse (au moins pendant très longtemps). Beaucoup donc de ces visiteurs trouveront des conseils à donner, des tâches à accomplir (et s’ils rendent vraiment service, ils y gagneront peut-être une rémunération qui viendra réduire – un peu – le prix du séjour !). Par ailleurs le milieu martien sera un milieu extraordinaire sur le plan scientifique, puisque vous aurez, réunie sur les quelques km2 de la base, la quintessence de l’intelligence, technologique et scientifique, dont les membres, peut-être un peu esseulés, seront ravis de bavarder, d’échanger, de créer pour que leur environnement soit toujours « mieux » et toujours plus agréable à vivre. Dans ce contexte les non-scientifiques ou ingénieurs seront plus que bienvenus puisqu’ils apporteront la diversité, la couleur en quelque sorte, dans un monde à dominante ocre.

Ils reviendront sur Terre, ils se seront faits de nouveaux amis, ils auront retrouvé une nouvelle jeunesse et ils redoubleront d’activité. Le tourisme, c’est la clef d’une présence pérenne de l’homme sur Mars!

Illustration de titre: Vue du cratère Jezero vers le mur du cratère. Photo prise par le rover Perseverance, crédit NASA/JPL-Caltech/MSSS/ASU. Publication le 24 février 2021.

PS.1 : 19ème festival du Film et Forum International des Droits Humains

Avant de partir pour Mars (et pour pouvoir un jour y partir !) je vous recommande d’assister vendredi 12 mars à 20h00, à l’émission en ligne que propose la FIFDH* sur la pollution de l’espace proche. Un problème grave pour la solution duquel la Suisse est en pointe (startup ClearSpace et société ADRIOS, spin-off de l’EPFL). Le problème de la pollution de l’espace-proche du fait de la multiplicité du lancement des satellites dans une zone située entre 600 et quelques 1500 km d’altitude, est grave et urgent à considérer (lancement en cours de « constellations de satellites »). Il gêne l’observation astronomique et peut nuire au fonctionnement des satellites vraiment utiles à la vie sur Terre ou au lancement des sondes ou vaisseaux spatiaux en dehors de l’orbite terrestre. Il faut agir mais que peut le droit international pour contraindre ? Qui va contrôler l’application du Droit et comment ? Vastes sujets !

*Film et Forum International sur les Droits Humains.

Lien pour participer à l’émission :

https://fifdh.org/rencontres-debats/grands-rendez-vous/lespace-une-zone-de-non-droit

PS.2: Succès de l’essai SN 10 du Starship de SpaceX

Le 4 mars SpaceX nous a fait une magnifique démonstration de la maîtrise en vol de son Serial Number 10.

On a pu admirer la montée du prototype jusqu’à 10 km dans l’atmosphère, avec un contrôle parfait de la combustion des moteurs (trois puis deux puis un seul allumé). Ensuite le vaisseau s’est couché à l’horizontal, comme demandé, en restant complètement stable tout en redescendant vers le sol. Enfin il s’est redressé et il est allé se poser, en vol toujours contrôlé, jusqu’à sa plateforme de lancement. Un “sans faute”.

Il a certes explosé quelques minutes après l’atterrissage mais cet incident, retenu comme essentiel par la plupart des médias, est périphérique à la démonstration de maîtrise en vol et ne ternit absolument pas le succès. Bravo Elon; un pas de plus vers l’atterrissage du premier Starship sur Mars!

lien vers la vidéo: https://www.spacex.com/vehicles/starship/index.html

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 02 26