Les étoiles les plus proches sont très loin et leurs planètes ne sont pas forcément habitables

Aujourd’hui je vais vous parler de nos étoiles les plus proches parce que ce sont les seules qu’on puisse raisonnablement espérer pouvoir atteindre un jour par des moyens astronautiques. Il serait évidemment passionnant de le faire pour trois raisons : la satisfaction pure de connaître et de comparer ; la possibilité d’étudier de près un éventuel processus de complexification géochimique vers la vie différent du nôtre ; enfin, permettre d’envisager la possibilité d’une installation de l’homme dans un autre système planétaire. Les deux dernières raisons peuvent être résumées par l’expression « rechercher une nouvelle-Terre ».

La seule préparation possible à cette progression astronautique dans l’espace, qui viendra bien sûr avec la progression de nos technologies dans ce domaine et d’autres (support vie!), est évidemment d’utiliser nos moyens astronomiques et astrophysiques. Il vaudra mieux, en effet, bien choisir sa destination avant de partir car le voyage sera très long, à l’extrême limite de nos possibilités humaines.

Le cadre

Une trentaine de systèmes stellaires se trouvent dans le rayon d’une douzaine d’années-lumière (AL) de notre Soleil. Cette distance est à comparer aux quelques 100.000 AL de diamètre de notre galaxie. Ces systèmes proches ne sont pas pour autant facilement accessibles par des moyens astronautiques. Disons qu’avec les plus rapides, dont nous ne disposons pas encore mais qu’on peut imaginer*, ce sont les seuls que nous pourrions physiquement atteindre sur une durée compatible avec celle d’une vie humaine. Cependant, à première vue, l’espoir de trouver parmi eux une nouvelle-Terre s’annonce extrêmement ténu.

*Propulsion photonique, propulsion nucléaire, que je ne développerai pas ici.

Le fait est que parmi les étoiles des trente-trois systèmes stellaires concernés, vingt-six sont des « naines-rouges », comme le sont 80% des étoiles de l’Univers actuel ; deux, Sirius A (type spectral « A0 ») et Procyon A (type « F5 ») sont des « étoiles blanches de la séquence principale » accompagnées d’une partenaire « naine-blanche » ; quatre, Alpha Centauri B, 61 Cigni A et B, Epsilon Indi, sont des « naines-orangées » (type « K ») ; trois seulement, Alpha Centauri A, Epsilon Eridani et Tau Ceti sont des « naines-jaunes », donc de type solaire (« G »).

Il faut, à mon avis, pour avoir quelques chances de trouver une nouvelle-Terre, privilégier les naines-jaunes et les naines-orangées, évoluant seules, sans compagne. Je vous donne ci-après les raisons d’exclure en premier lieu les étoiles d’un autre type spectral.

Naines-rouges

Voyons d’abord le cas des naines-rouges (de 0,07 à 0,5 masses solaires, « MS »).

Il n’est pas exclu que nous trouvions de nombreuses planètes telluriques (rocheuses) dans la « zone habitable » des 26 étoiles mentionnées de cette catégorie. En fait nous en avons déjà trouvé plusieurs, la plus facile d’accès étant Proxima-Centauri-b qui orbite autour de Proxima-Centauri (4,24 UA), l’étoile actuellement la plus proche du système solaire. Cependant nous devons ne pas nous hâter d’en tirer des conclusions erronées. Cette « habitabilité » qui n’est fondée que sur une température qui permettrait à l’eau d’être liquide est un leurre pour deux raisons.

La première c’est que la combustion interne (fusion hydrogène => deutérium) des naines-rouges est erratique. Leurs tâches solaires peuvent atténuer la lumière émise jusqu’à 40% pendant plusieurs mois et, à d’autres périodes, des éruptions gigantesques, proportionnellement à leur diamètre, peuvent doubler leur luminosité en quelques minutes.

La seconde c’est qu’en raison de la faiblesse relative du rayonnement d’une naine-rouge, la zone habitable est très proche de l’astre, si proche que, par effet de marée, la planète qui pourrait s’y trouver serait bloquée dans sa rotation, présentant toujours la même face à l’étoile. Les conséquences me semblent tout à fait incompatibles avec une véritable habitabilité. D’abord le flux radiatif extrêmement fort tout en étant irrégulier risque d’empêcher toute évolution suffisamment longue d’organismes en surface. Ensuite l’absence totale de fluctuation des marées, d’alternances périodiques de luminosité et même de déplacements d’ombre et de lumière est une particularité très différente de notre environnement terrestre dont il est difficile d’apprécier les conséquences mais qui me semble peu favorable à une vie native ou “importée”. Les seuls mouvements à la surface de ces planètes pourraient être (1) un mouvement de convection dans l’atmosphère provoqué par l’existence d’un pôle froid (l’atmosphère au-dessus de la face froide) et d’un pôle chaud (l’atmosphère d’autant plus chaude qu’elle se trouve à la verticale du rayonnement de l’étoile), donc certainement du vent ; (2) les mouvements liés à la gravité (évaporation, pluie, écoulement de l’eau) ; (3) de temps en temps un cataclysme radiatif lié à une éruption de type “white-light-flare”, riche en rayons X, de l’étoile*.

*NB: tout récemment, il a été constaté sur un très petit échantillon, que ces éruptions proviendraient des hautes latitudes (à partir de 50°) de l’étoile et non de l’équateur, ce qui limiterait les risques pour les planètes orbitant dans ce plan. Cette particularité reste à confirmer. 

Il me semble difficile qu’une vie indigène puisse émerger ou que des hommes puissent s’installer dans ces conditions.

Etoiles blanches de la séquence principale

Les deux étoiles blanches de la séquence principale dans le voisinage considéré, que sont Sirius A (type A0, riche en métaux, masse 2,12 MS) et Procyon A (naine jaune-blanche de type F5, masse 1,5 MS) sont deux astres plus actifs/chauds que le Soleil. De ce fait elles sont sur une trajectoire de vie aujourd’hui courte (estimée à environ 750 millions d’années pour Sirius A et entre 10 et 100 millions pour Procyion A. Cette dernière était auparavant une étoile de type solaire mais elle est aujourd’hui en fin de vie car elle a épuisé son hydrogène). Une courte durée de vie stellaire, comme celle de Sirius A qui au total ne sera pas supérieure à 1 milliard, est, au niveau planétaire, probablement rédhibitoire pour une évolution suffisante pour procurer un socle hospitalier pour des explorateurs. Il n’en est pas de même pour Procyon A qui existe sans doute depuis quelques petits milliards d’années mais la fin de vie d’une étoile ne semble pas propice, du fait de sa violence, à une installation humaine (perspective de transformation prochaine en géante-rouge).

Par ailleurs toutes les deux ont des compagnes naines-blanches qui sont les restes de géantes-rouges ayant explosé, événement qui a dû avoir des conséquences catastrophiques pour toutes planètes se trouvant à proximité et d’abord celles orbitant autour de leur compagne. Or ici les distances sont courtes : entre Procyon A et Procyon B, de 9 à 21 UA, entre Sirius A et Sirius B, de 8 à 31 UA (Neptune évolue à 30 UA du Soleil). Du fait de cette proximité, il y a également peu de chance que des planètes de type terrestre aient pu se former entre les deux et donc que nous puissions nous y poser (imaginez les forces d’attractions gravitationnelles contradictoires exercées par deux étoiles si proches sur la matière entre elles !). Ce serait éventuellement des planètes très massives au plus près de l’étoile (sujet qui sera traité la semaine prochaine).

Etoiles géantes

Si les étoiles-blanches un peu plus massives que le Soleil ne peuvent conduire à maturité des planètes de type terrestre, il est presque inutile de dire que les étoiles encore plus massives (au-delà de 8 masses solaires) et donc de durée de vie beaucoup plus courte, pourraient les accompagner plus loin. Rappelons-nous que sur Terre l’éon Hadéen (prédécesseur de l’Archéen) a duré plusieurs centaines de millions d’années, bien au-delà de la durée de vie de ces géantes. Dans l’environnement hadéen, une planète qui aurait le potentiel de devenir terrestre, évoluerait dans un environnement proprement invivable (sol extrêmement chaud et instable, atmosphère très épaisse et irrespirable, averses d’astéroïdes…). Ce pourrait être une « future-Terre-sans-futur », non une « nouvelle-Terre ».

Je vous parlerai la semaine prochaine des conditions nécessaires pour que, avec le même objectif, celui de trouver de nouvelles-Terres, nous puissions nous intéresser à nos voisines de type solaire.

Illustration de titre : Les systèmes stellaires voisins, limités à une sphère de 12,5 années-lumière. Extrait de « The Atlas of the Universe » par Richard Powell. Lien: http://atunivers.free.fr/12lys.html

D’autres cartes tout aussi instructives sont sur le site. Traduction en Français par Norbert Rumiano.

à lire:

Giant white-light flares on fully convective stars, occur at high latitudes, par Ekaterina Ilin et al. in Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (Oxford), 05/08/2021

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