Demain, l’homme vivra-t-il ou non sur Mars ? Le débat sur Swissinfo

Le 15 avril, de 16h30 à 17h30, Swissinfo nous a invités, Sylvia Ekström et moi-même, à débattre sur la possibilité pour l’homme de vivre sur Mars. Il y aura ensuite (17h30 à 18h00) un échange entre nous et les auditeurs / téléspectateurs. Mes lecteurs sont invités à participer, en se rendant sur le site de Swissinfo.ch (voir liens ci-dessous).

Ce sont vraiment deux philosophies de la vie qui vont s’affronter. D’un côté celle de Mme Ekström, exposée dans son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs », bien ancrée dans le sol terrestre et dont la réalité est strictement limitée à ce qui existe ou qui a été prouvée comme possible. De l’autre côté la mienne, développée depuis cinq ans au fil des 300 articles de ce blog, qui s’autorise à regarder vers l’horizon, au-delà de ce que l’on peut toucher ou observer, en tentant d’anticiper les « TRL* » futurs pour toutes les technologies nécessaires. Pour moi, il n’est pas, au point où nous en sommes aujourd’hui, nécessaire d’attendre que toutes ces technologies aient atteint leur niveau « 9 » pour estimer que la probabilité que l’homme puisse vivre « sur Mars et ailleurs » est très élevée.

*TRL : Technology Readyness Level, échelle de mesure (de 1 à 9) employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie.

Je crois à la Science et au Progrès et à la capacité infinie de l’homme à contrôler son environnement et à s’y adapter. La progression n’est pas linéaire. Il y a des essais et des échecs, des tentatives et des abandons mais il y a surtout des succès et des avancées éblouissantes. Maintenant je ne suis pas naïf et je sais que certains « moments » sont difficiles, notamment le nôtre qui se situe à la fin d’une période d’explosion démographique et de développement industriel rapide qui créent de fortes tensions sur l’environnement. Mais, contrairement à ce qu’affirment certains scientifiques qui « ont le nez sur le guidon » ou les écologistes-radicaux, de plus en plus bruyants de nos jours, je crois l’homme, être conscient et intelligent, capable d’évoluer, capable de savoir jusqu’où il peut aller, capable de sauvegarder ce qui lui permet de vivre car il est désireux, ardemment, comme toute espèce vivante, de perpétuer sa propre vie. En fait, pour moi, tout est question d’inertie et de temps. Lorsqu’un déséquilibre se crée, une synchronisation avec l’environnement devient indispensable et inévitable mais, en attendant que cette synchronisation s’effectue, le déséquilibre persiste. Dans ces conditions, la question qui se pose à nous est la suivante : les espèces vivantes, dont l’homme armé de sa capacité technologique, auront-elles le temps de s’adapter (pour l’homme, d’ajuster sa croissance démographique et ses capacités technologiques à son profit) ? J’ai confiance en nos capacités technologiques et en notre intelligence.

Comme je l’ai écrit, je pense que le rôle de la Science et de l’Ingénierie qui l’accompagne et qui la permet, n’est pas seulement d’utiliser l’existant, mais de construire à partir de lui ce qui n’existe pas encore. Il peut s’agir de continuité, faire mieux ce qu’on faisait avant, ou il peut s’agir de rupture, faire quelque chose de différent mais qui puise quand même ses éléments dans l’existant. La spectroscopie est une rupture mais elle a utilisé à partir de la seconde partie du 19ème siècle (Pietro Angelo Secchi) la découverte qu’avait fait Newton (dans la seconde partie du 17ème siècle) de la décomposition de la lumière par le prisme. La théorie des fusées de Constantin Tsiolkovski est aussi une rupture mais elle fait suite aux travaux du mathématicien Williams Moore, eux-mêmes fondés sur ceux, du grand Newton (encore lui !), dont la troisième loi exprime le principe d’action/réaction.

Je pense que dans le domaine de l’astronautique (et donc de la conquête de Mars) nous nous trouvons actuellement dans une situation comparable. D’un côté certains voient toujours cette science comme celle qui permet de se déplacer dans l’espace avec retour nécessaire sur Terre, d’autres comme un instrument qui permet d’aller ailleurs, non pas seulement pour y séjourner mais pour y demeurer. Grâce à l’évolution de notre technologie, la Terre n’a plus vocation à rester le « centre du monde » mais certains, demeurés dans l’ancienne logique déterminée par les anciennes contraintes, ne s’en sont pas encore aperçus ou plutôt pensent que ce changement copernicien est impossible puisqu’il n’en était pas question jusqu’à présent et qu’ils se trouvent bien dans le confort (relatif) de leur environnement actuel ou se tournent avec nostalgie vers le passé impossible à retrouver.

Alors bien sûr, tout n’est pas déjà complètement opérationnel. Le Starship d’Elon Musk ne fonctionne pas encore (mais tout a commencé en 2017 !). Mais une fois qu’il fonctionnera ou que le Nautilus des ingénieurs Mark Holderman et Edward Anderson (proposé en 2011, dans le cadre de la NASA) fonctionnera, l’homme ira sur Mars et une fois sur Mars, il y restera. Il y restera parce que ce sera plus facile et agréable pour y vivre de construire des abris confortables que de rester sous la coiffe d’une fusée et parce que de toute façon les séjours seront longs (18 mois, quoi qu’il arrive). Il y restera parce que les investissements nécessaires pour faire fonctionner le support vie, justifieront qu’une petite équipe le maintienne opérationnel d’un cycle de mission à l’autre. Il y restera parce qu’il y aura toujours plus à faire sur ce nouveau monde et que les hommes qui iront sur Mars auront de moins en moins envie de revenir sur Terre.

Et un jour il naîtra des enfants sur Mars. Alors l’homme aura prouvé qu’il aura réussi sa synchronisation avec ce Nouveau Monde que certains appellent, moins joliment et le plus souvent pour le dénigrer, notre « Planète-B ».

https://www.swissinfo.ch/fre/des-humains-sur-mars–parlons-en-avec-vous—et-avec-des-experts/46440388

N’oubliez pas de vous inscrire pour participer via ZOOM :

https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_IuEU2t7BS0a2i1AuHRlE5Q

Illustration de titre :

Hommes contemplant le Soleil se lever au-dessus de Valles Marineris. Illustration de l’artiste portugais Tiago da Silva. Crédit Tiago da Silva.

PS: en ce soixantième anniversaire du vol de Youri Gagarine (12 avril 1961), je voudrais souligner le contraste entre l’enthousiasme de l’époque pour les vols spatiaux et les dénigrements dont certains (qu’on entend hélas beaucoup!) les accablent aujourd’hui. Je regrette évidemment cette évolution et j’espère que la peur du risque et le refus des grands espaces qui à la fois habitent et inhibent une partie importante de nos contemporains, n’est que temporaire. Il en va de notre avenir. La peur et le repli sur soi sont les précurseurs du dépérissement et de la mort.

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Index L’appel de Mars 21 04 08