Une bonne organisation financière, élément essentiel pour lancer une première colonie sur Mars

Le choc-déclencheur que serait la concrétisation du MCT* d’Elon Musk pourrait amener les personnes intéressées par l’aventure d’une colonie sur Mars à s’organiser autour des entités suivantes pour rassembler les sommes nécessaires à l’investissement :

*MCT, Mars Colonization Transport = Big Falcon Rocket (lanceur) + Starship (vaisseau spatial).

– un groupe d’agences spatiales qui, sur la base des disponibilités de leurs budgets pluriannuels, cofinanceraient le développement des vecteurs de transport et des équipements nécessaires à la Colonie, dans le cadre de la société d’exploitation de la Colonie (“la Compagnie”). Elles feraient partie des principaux actionnaires de cette Compagnie.

– une « Fondation de Mars » (la « Fondation ») créée avec les dons de grands entrepreneurs souhaitant que leur réussite permette la colonisation de Mars (Elon Musk, Jeff Bezos, Bigelow, Larry Page?); elle ferait partie des principaux actionnaires de la Compagnie aux côtés des Agences-spatiales;

– Une société d’exploitation (“la Compagnie”), qu’on pourrait appeler la « Compagnie des Nouvelles Indes» (pour faire un petit clin d’œil à l’Histoire !), créée pour exploiter, gérer, entretenir et développer la Colonie. Ses principaux actionnaires (les Agences-spatiales et la Fondation) prendront dès que possible l’initiative de lancer un appel public à l’épargne afin de lever davantage de capital (point d’entrée pour le public souhaitant participer à l’aventure martienne).

En cas de besoin et en fonction de ses perspectives de rentabilité, la Compagnie pourrait également lancer un ou plusieurs emprunts avec différents niveaux de séniorité pour les droits à remboursement, des durées différentes, des délais de grâce différents et donc des taux d’intérêt différents. Ces emprunts pourraient être lancés après que les dépenses initiales aient été faites sur fonds propres, à hauteur d’un pourcentage suffisant pour entraîner la confiance. Ils pourraient bénéficier de la garantie des Agences-spatiales et / ou de la Fondation.

– des fournisseurs industriels qui, motivés par l’intérêt de leur présence sur ce nouveau marché pour démontrer leur savoir-faire, accepteraient de participer au financement de leurs équipements dans le cadre de leurs contrats.

– le public, investisseurs privés du monde entier, en tant qu’actionnaires et prêteurs de la Compagnie.

-une banque, la « Banque de l’Espace », dédiée au financement du projet. Cette Banque pourrait aider à organiser/structurer les financements, ouvrir à la Compagnie un accès direct au marché financier et servir de « faiseur de marché » pour son action. Ses actionnaires seraient d’abord les mêmes que ceux de la Compagnie, des Agences-spatiales et de la Fondation, mais la Banque pourrait également lever des capitaux sur les marchés du monde entier pour elle-même ou pour le projet. Elle pourrait aussi structurer et lancer les emprunts nécessaires à des financements complémentaires (ou participer à des pools de financement organisés par d’autres institutions financières). Elle pourrait enfin préfinancer le coût des voyages et des séjours des candidats au séjour sur Mars ayant obtenu l’agrément de la Compagnie et/ou le soutien de la Fondation, en mobilisant une partie des revenus espérés du fait du séjour financé (ou de la suite de ce séjour).

– une Compagnie d’assurance, la « Compagnie d’assurance spatiale », compte tenu de la nature très particulière des risques encourus. Son expertise du contexte martien permettrait la mobilisation de certains crédits et cela donnerait aux développeurs du projet un accès direct à diverses capacités de réassurance dans le monde. Ses principaux actionnaires pourraient être la Fondation et les Agences spatiales.

Cette structure pourrait permettre de lever les fonds suffisants, comme exposé ci-après :

Dans la continuité de ce qu’on a connu pendant la période de construction de l’ISS (la Station Spatiale Internationale), on peut raisonnablement s’attendre pour la Colonie à des besoins initiaux de 5 à 8 milliards de dollars par an (plus au début, moins vers la fin), sur une période de 8 ans (donc environ 50 milliards de dollars) ce qui est un montant tout à fait réaliste tant au point de vue des capacités d’une telle structure financière, que des besoins pour construire une telle base. La structure pourrait articuler comme suit la contribution des éléments de cette somme :

Agences spatiales: Elles pourraient facilement apporter 5 ou 6 milliards de dollars par an tout en restant très actives dans les autres domaines. Rappelons que le budget de la NASA est actuellement de 20 milliards de dollars par an (dont 10% pour l’exploration planétaire) et que ces 20 milliards ne représentent que 0,5% des dépenses publiques fédérales des Etats-Unis.

Fondation de Mars: la fondation Bill et Melinda Gates, dotée de 27 milliards de dollars en capitaux propres, peut être considérée comme une référence en matière de fondation (la valeur nette personnelle de Bill Gates est d’environ 95 milliards de dollars). Les moyens personnels d’Elon Musk sont plus limités (actuellement « seulement » 22 milliards de dollars) mais s’il parvient à réaliser ses ambitions d’entrepreneur, son potentiel serait évidemment beaucoup plus important. On peut imaginer qu’un ou plusieurs autres méga-entrepreneurs se joignent à lui (Jeff Bezos à une fortune évaluée à 138 milliards). La Fondation de Mars richement dotée par ces grands capitalistes, pourrait mettre à disposition du projet un montant équivalent à celui des Agences. Elle utiliserait une partie de ses fonds sous forme de capital (à injecter dans la société d’exploitation de la Colonie) et à titre de garantie (en faveur des fournisseurs de la Compagnie). Tout ne serait pas dépensé au même moment et le solde, rendu productif en tant qu’actif financier (placé sous le contrôle de gestionnaires compétents), pourrait générer un rendement intéressant (5% ?) en attendant d’être utilisé.

La Compagnie et le public : Ici le montant des capitaux susceptibles d’être levés sur le marché (en plus des actions achetées par les Agences et la Fondation, et des actions acquises par les partenaires industriels) dépendra des premières performances : réalisation des premières infrastructures, progression des ventes de séjours, progression des premières exportations martiennes vers la Terre, progression de la Compagnie vers le seuil de rentabilité, progression ensuite des bénéfices) que les analystes financiers évalueront et mettront en valeur. Si nous parions (raisonnablement) sur l’intérêt du public, les premières réalisations concrètes et les perspectives de développement élevées (bien que risquées), il semble que sans attendre 20 ans après le début de l’installation de la première base, une introduction sur le marché (« IPO », « Initial Public Offering ») des actions de la Compagnie (pari sur la rentabilité prévue) pourrait être tentée quelques années seulement après le début du projet (par exemple dès le début de la construction de la base). On pourrait en espérer sans trop de difficultés 2 à 5 milliards. Nous pouvons également espérer que la Fondation abonde (1 pour 1) le montant des fonds recueillis auprès du public, ce qui serait un moyen de renforcer la confiance et ainsi de faciliter la collecte de fonds.

Partenaires industriels: cette contribution restera à un niveau limité. En effet, même en supposant un total de contrats de 25 milliards de dollars (hors MCT) et une réserve de propriété de 10% sur la totalité, elle n’atteindrait que 2,5 milliards de dollars sur la durée du programme mais ce serait donner un signe de confiance (la réserve de propriété pourrait être payée avec des options d’achat d’actions dans la société exploitante) profitable pour le succès du placement de capital auprès du public. A côté de la réserve de propriété, les partenaires industrielles pourraient aussi vendre leurs équipements (véhicules, imprimantes 3D) en leasing ou les louer.

Si on les additionne, les montants ci-dessus dépassent les besoins. Il vaut mieux évidemment « prévoir plus large » car tous les espoirs peuvent ne pas se réaliser ou se réaliser en même temps, les défaillances sont toujours possibles ou on peut préférer recourir le moment venu à un financement plutôt qu’à un autre. Lorsqu’une entreprise organise ses financements, elle procède toujours ainsi, avec une gamme de possibilités et des back-up. Cette sécurité vaut bien les frais d’organisations ou d’engagements qu’elle génère.

Nous attendons donc le « choc-déclencheur ». Après cela, c’est-à-dire si effectivement Elon Musk réussit son pari technologique de mise en service de MCT, « tout » deviendra possible, c’est-à-dire que nous aurons atteint un nouveau plateau de faisabilité sur la base duquel le projet sera vraiment crédible sur le plan technologique et organisable sur le plan financier. La première étape sera une série de missions habitées utilisant ce vecteur de transport. La suite, le début d’une implantation pérenne, dépendra du désir de suffisamment de personnes riches et d’institutions d’une part, et de l’attractivité de ce que les promoteurs de la Colonie seront capables de leur proposer, d’autre part.

Image à la Une: Mars, Base Alpha, conception Elon Musk (crédit Elon Musk/SpaceX). Des starships sur leur pas de tir, près au retour sur Terre après 18 mois de séjour sur Mars.

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Index L’appel de Mars 16 02 19