Conférence sur Mars le 12 février à Neuchâtel

Mars, les dernières observations de l’instrument CaSSIS et les motivations de la Mars Society.

J’ai organisé avec la Société Neuchâteloise de Sciences Naturelles (SNSN) une soirée martienne le 12 février à 20h00 au Musée d’Histoire Naturelle de Neuchâtel (MHNN). Elle consistera en une présentation, avec commentaires, par Antoine Pommerol, chercheur à l’Uni Berne, des dernières images de la planète, prises par l’instrument CaSSIS (Colour and Stereo Surface Imaging System) embarqué sur l’orbiteur TGO (Trace Gas Orbiter) de l’ESA. Ce sera l’occasion de faire le point sur nos connaissances de la planète Mars. Je compléterai par un court exposé sur les motivations de la Mars Society.

Le programme ExoMars de l’Agence Spatiale Européenne cherche à comprendre l’habitabilité ancienne et actuelle de Mars et l’éventuelle apparition de la vie. Il comprend deux parties. La première, « en l’air », est menée avec le TGO, lancé en 2016 (par l’agence russe Roscosmos) et qui est devenu scientifiquement opérationnel en avril 2018 (voyage de 9 mois suivi d’une longue circularisation de l’orbite par aérofreinage). La seconde étape, « au sol », sera menée avec l’atterrisseur qui avec son rover Rosalind Franklin, doit partir de la Terre en juillet prochain.

À bord du TGO qui circule à 400 km d’altitude (la même altitude que l’ISS autour de la Terre), le système d’imagerie CaSSIS développé par l’Université de Berne, a déjà obtenu plusieurs milliers d’images de la surface à haute résolution (4,6 mètres/pixel) et de grande qualité (vues stéréoscopiques et très grand nombre de nuances de couleurs qui permet de bien distinguer les différences de relief et de minéralogie ainsi que les nuages ou la glace). La caméra est montée sur un cardan avec un degré de liberté qui permet de maintenir son axe optique perpendiculaire à la surface mais la plus grande nouveauté qu’apporte l’instrument est son mécanisme de rotation qui permet de faire pivoter la caméra de 180°. Jusqu’à présent les photos du sol n’étaient prises qu’à la verticale et les vues « inclinées » étaient déduites de ces photos grâce aux altimètres embarqués. Combiné à sa forte résolution (dépassée seulement par la caméra HiRISE de l’orbiteur MRO), cela permet à CaSSIS de réaliser des photos en relief d’une résolution verticale de seulement 5 mètres. Ces images doivent permettre de préciser les nombreux mécanismes géologiques qui ont contribué, et dont certains contribuent toujours, à façonner la surface de Mars. Plus précisément, puisque cela répond à la justification de la mission ExoMars, elles sont utilisées pour rechercher et identifier les sources mais aussi les puits d’absorption potentiels des gaz libérés dans l’atmosphère martienne et détectés par les instruments également embarqués sur TGO, que sont les spectromètres infrarouges et ultraviolet NOMAD (Nadir and Occultation for MArs Discovery) et ACS (Atmospheric Chemistry Suite). Elles permettent de ce fait d’étudier aussi les processus dynamiques à l’œuvre à la surface de Mars – sublimation, érosion, volcanisme – susceptibles d’être à l’origine de la libération de ces gaz.

L’orbite de TGO est inclinée de 74° par rapport à l’équateur, ce qui permet d’observer presque la totalité de la surface de la planète (sauf bien sûr au-dessus des latitudes 74° Nord et Sud).

Le Dr Pommerol est “Co-Investigator” pour l’instrument CaSSIS au sein du Département « Space Research & Planetary Sciences » de l’Institut de Physique de l’Université de Berne. Il est docteur en planétologie, diplômé en 2009 de l’Université de Grenoble, et travaille actuellement dans l’équipe du Professeur Nicolas Thomas (chef de l’Institut et “Principal Investigator” de CaSSIS). Sa thèse portait sur l’ « étude expérimentale des signatures spectrales de minéraux hydratés et implications pour l’interprétation des données OMEGA/MEx* de la surface martienne ».

*embarqué à bord de Mars Express, orbiteur de l’ESA toujours en fonction autour de Mars.

Je parlerai quant à moi des motivations de la Mars Society.

Nous soutenons sans réserve la recherche robotique du Dr Pommerol, de l’Université de Berne et de l’ESA, puisque nous encourageons les scientifiques à parvenir à une connaissance aussi parfaite que possible de cet autre monde qu’est la planète Mars.

Ce dernier nous intéresse pour pouvoir mieux comprendre ce que sont les planètes autres que la Terre situées dans un contexte spatial assez semblable (ressemblances et différences). Mars a certes une masse plus faible (0,107) que la Terre, elle est située juste à la limite de notre zone d’habitabilité de notre système solaire et elle ne génère plus de magnétosphère depuis bien longtemps. Mais l’irradiance au niveau de son orbite est encore assez élevée (un peu moins de la moitié de celle existant au niveau de l’orbite terrestre), c’est une planète tellurique et elle a bénéficié pendant la première partie de son histoire géologique, d’une atmosphère épaisse et d’une abondance d’eau liquide comparable à celle de la Terre.

Elle nous intéresse aussi comme base possible d’un établissement humain. Cet établissement pourrait mener au sol une recherche géologique et planétologique beaucoup plus efficace que les robots que nous avons envoyés jusqu’à présent puisque des robots commandés en direct à partir de cet établissement n’importe où à la surface de la planète, pourraient agir et réagir en temps réel, ce qui est impossible aujourd’hui compte tenu de la vitesse de la lumière et de la distance entre les deux planètes (de 56 à 400 millions de km).

Par ailleurs nous pensons que l’humanité aurait tout à gagner d’un établissement en dehors de de la Terre. Cet établissement pourrait tester toutes sortes de technologies adaptées aux environnements extrêmes et ces technologies pourraient ensuite être transposées sur Terre pour moins dépenser d’énergie ou mieux recycler nos ressources rares. Cet établissement serait aussi une nouvelle bouture pour l’humanité « en dehors de son berceau » et, dans la mesure où il gagnerait de plus en plus d’autonomie en utilisant les ressources locales (comparables à celles de la Terre), il pourrait nous offrir un jour en tant qu’espèce, la possibilité d’échapper aux vicissitudes de notre évolution sur Terre. Ceci n’est pas négligeable dans la période très difficile qui s’annonce en raison de l’explosion démographique toujours en cours et qui va peser très lourdement sur nos ressources et donc sur nos relations sociales et politiques.

Illustration de titre :

Photo du cratère Korolev, empli de glace permanente. Crédit : ESA/Roscosmos/CaSSIS/UniBE. Korolev est un cratère de 81 km de diamètre situé à 73° de Latitude Nord dont la particularité est d’être rempli de glace d’eau sur toute sa surface et sur une profondeur atteignant 1,8 km au centre (résolution de 5,08 mètres).

Image ci-dessous :

Relief riche en couches stratifiées dans le chasme Juventae (un peu au Nord du centre de Valles Marineris). Crédit : ESA/Roscosmos/CaSSIS/UniBE

Photo de l’instrument CaSSIS avant sa mise à bord du TGO (Crédit : ESA/Roscosmos/CaSSIS/UniBE):

Liens :

Interview du Professeur N. Thomas sur le site de l’ESA,:

https://exploration.esa.int/web/mars/-/56788-an-interview-with-nicolas-thomas-principal-investigator-of-cassis

SNSN : http://www.unine.ch/snsn

Antoine Pommerol :

https://www.space.unibe.ch/about_us/personen/dr_pommerol_antoine/index_eng.html

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Index L’appel de Mars 20 01 29