Les météores, porteurs de menaces ou de rêves et in fine…de données scientifiques

De tout temps les météores ont beaucoup impressionné les hommes. Ils les ont vus, soit s’il s’agissait de « bolides », comme des manifestations de la colère des dieux, soit s’il s’agissait de comètes, comme des messagers porteurs de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Ils étaient et sont toujours des passeurs, une sorte de vecteur de communication du « lointain » jusqu’à nous mais évidemment, à notre regard rationnel, ils portent de nos jours un autre message, celui de la géographie et même de l’histoire de notre système solaire.

Un astéroïde ou éventuellement une comète devient un météore s’il pénètre dans l’atmosphère terrestre. On dit aussi que ce sont de « petites-planètes » puisqu’ils orbitent autour du Soleil et non d’une autre planète. Mais ce qui les distingue des « vraies » planètes et des planètes-naines (du type de Pluton ou de Cérès) ou encore des plus grosses lunes (Ganymède ou Titan) c’est leur taille. Les astéroïdes ou comètes sont tout simplement plus petits (en volume et en masse). Je préfère donc les appeler des « petits corps » pour mieux les caractériser. La différence fondamentale avec les planètes et les plus grosses lunes est que leur masse, trop petite, ne leur a pas permis d’acquérir du fait de leur gravité, de leur pression et de leur échauffement internes (qui en résultent), une forme approximativement sphérique (on parle d’« équilibre hydrostatique »). Si on va plus loin, tout se complique mais on sait (aujourd’hui) très bien ordonner ou classifier leur complexité.

Il faut d’abord distinguer les astéroïdes et les comètes. Les secondes sont beaucoup plus riches en gaz (à l’origine gelés) et en eau, on dit en « éléments volatiles ». Elles génèrent de ce fait une chevelure et une « queue » opposée au Soleil quand ils entrent dans la région du système solaire où l’irradiance est suffisamment élevée pour que ces éléments, à l’origine solides, passent en phase gazeuse. La chevelure et la queue étant une diffusion dans l’espace d’une partie de la masse de la comète, elle va s’épuiser par perte de matière et désagrégation au cours de ses passages successifs à proximité du Soleil (pour être plus précis, dans une région plus proche du Soleil que celle de leur origine où l’irradiance solaire est telle que les éléments volatiles puissent se sublimer). Les autres caractéristiques de la comète sont la longueur de leur période par rapport à celle des astéroïdes, leur vitesse et la diversité de l’inclinaison de leur trajectoire sur le plan de l’écliptique. Ce sont ces caractéristiques qui ont fait penser à l’existence d’une source lointaine (Ceinture de Kuiper et Nuages de Oort). La première, la longueur de la période (le temps mis pour passer et revenir) est évidemment le signe de la distance du lieu d’origine ; la vitesse permet de savoir si l’astre a pu l’acquérir du fait de la distance et si in fine il va être renvoyé par le Soleil vers son aphélie après avoir passé son périhélie (certains astéroïdes récemment observés ont été considérés de ce fait comme provenant d’un autre système stellaire); l’inclinaison sur l’écliptique va nous dire s’il vient d’une zone suffisamment lointaine pour que l’attraction du Soleil soit suffisamment faible et la vitesse suffisamment faible pour qu’elles ne contraignent pas les astres de cette région à se concentrer dans un disque mais à subsister comme une sphère (ou une « coque »).

Les astéroïdes, astres « secs » , proviennent d’une région beaucoup plus proche du Soleil, en principe la nôtre, c’est-à-dire celle qui s’étend de Mercure (en fait plutôt de Vénus) jusqu’à la Ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. C’est une zone de laquelle l’irradiance du jeune Soleil, au rayonnement très actif, a rejeté la « plus grande partie » des éléments volatiles. A l’origine cette zone s’étendait jusqu’à la « ligne de glace » (d’eau évidemment ; il y a d’autres distances en fonction des différents matières susceptibles de s’évaporer ou de se sublimer) qui se situait au milieu de la Ceinture d’astéroïdes (à environ 3 UA, correspondant à une température de 130 K) mais les « chamboulements » occasionnés par les changements d’orbite de Jupiter et de Saturne, ont perturbé fortement la Ceinture d’Astéroïdes au point de mélanger les astres riches en eau avec les astres secs, même si les premiers sont plus nombreux au-delà de la ligne de glace.

Sur ces bases, on va avoir une véritable géographie de la répartition de ces petits corps, avec des régions maintenant clairement identifiées. Outre la Ceinture d’Astéroïdes et les Nuages de Oort déjà mentionnés et situés, on a ainsi diverses populations occupant divers territoires qui peuvent éventuellement (et c’est le problème) interagir les uns avec les autres. Je citerai d’abord (en commençant par les plus proches) les « géocroiseurs » (qui évoluent à un moment ou un autre de leur trajectoire à proximité de la Terre avec une période relativement courte). Nous avons ensuite les astéroïdes « Troyens ». A l’origine (les premiers observés) ce furent ceux de Jupiter, sur l’orbite de cette planète, à ses points de Lagrange L4 (troyens proprement dits) et L5 (grecs), soit à 60° en avance et en retard de la planète. Par extension ce furent les astéroïdes qui se trouvent dans des positions similaires sur l’orbite des autres planètes. La Terre et Mars comme les autres géantes gazeuses ont, elles aussi des Troyens (mais ni Vénus ni Mercure). Plus loin, les « Centaures » gravitent entre les planètes géantes gazeuses. Maintenant, en dehors de toute ces populations, il reste les blocs de matière qui résultent d’impacts d’autres astéroïdes sur le sol de Mars (« SNC* ») ou des planètes naines de la Ceinture de Kuiper (il faut une surface solide pour les créer et ils ne peuvent provenir des planètes gazeuses, ni des planètes situées en-dessous de la Terre vers le Soleil, quoiqu’on ait maintenant un doute pour Vénus**). Ces astéroïdes d’origine planétaire qui mettent un « certain temps » à parvenir jusqu’à nous n’ont évidemment pas la même composition que les autres puisqu’ils proviennent d’astres qui ont eu une histoire géologique particulière liée à leur masse et à leur position dans le système solaire.

*Shergottites, Nakhlites, Chassignites, selon le lieu où elles ont été trouvées (1865/1911/1815).

**Lunar exploration as a probe of ancient Venus” par Samuel Cabot & Gregory Laughlin in “The Planetary Science Journal”, draft 07/10/2020. 

On dit que le premier astéroïde de la Ceinture d’astéroïdes a été observé en 1801 par Giuseppe Piazzi, directeur de l’observatoire de Palerme. En fait, ce qu’il avait vu était la planète naine Cérès, un astre considéré aujourd’hui comme en dehors de cette catégorie (il est approximativement sphérique compte tenu de sa masse). C’est dans la dizaine d’années suivantes qu’on découvrira les premiers véritables astéroïdes. Le premier des Troyens fut découvert en 1906, le premier des Centaures, en 1977, le premier des objets de la Ceinture de Kuiper (objets transneptuniens ou « TNO ») en 1992 seulement (« 1992QB1 » ou « Albion »), indépendamment des planètes naines de cette zone comme Pluton ou Sedna. Aucun objet des nuages de Oort n’a encore été observé in situ. Il est vrai que c’est très difficile puisqu’ils n’émettent aucune lumière propre et réfléchissent très peu la lumière solaire du fait de leur distance et de leur taille. Mais bien sûr on a déjà vu dans notre environnement des comètes qui doivent en provenir.

Les astéroïdes géocroiseurs comme les comètes sont des objets très particuliers et très intéressants puisqu’ils sont accessibles à notre observation, non seulement par des moyens astronomiques, donc astrophysiques mais aussi par des moyens astronautiques. Ils sont aussi intéressants par les craintes qu’ils suscitent d’une collision avec la Terre (justifiée évidemment sur le long terme). Les Japonais comme les Européens sont les plus en pointe dans les technologies permettant l’observation in situ. Pour mémoire rappelons les missions Rosetta et Hayabusa 1 et 2.

Mais pourquoi aller voir de près ces astéroïdes et en recueillir des échantillons ? Parce qu’ils sont les témoins de l’histoire de notre système solaire et en portent les traces dans les roches qui les constituent. De ce point de vue les petits astres sont plus intéressants que les plus gros (planètes-naines) puisqu’ils ont été les moins transformés par l’évolution résultant de leur masse (force de gravité, pression, chaleur). C’est par eux que l’on pourra le mieux savoir quel était l’état du nuage protoplanétaire dans les premières étapes de sa contraction. Des nuances importantes seront apportées par la distance au Soleil de leur zone de formation. Il est évident que les moins transformés seront trouvés le plus loin du Soleil (comme Arrokhot, le TNO observé par la Sonde New Horizon au-delà de Pluton) et que ceux qui comporteraient le moins de matières volatiles, seront ceux situés en dessous de la Ligne de glace. Dans notre environnement on trouve des météorites différenciées qui proviennent d’un corps-parent plus massif et aussi des météorites indifférenciées qui sont justement le reste des éléments de la nébuleuse protoplanétaire. Ces dernières sont ce qu’on appelle des « chondrites » et il y a, bien sûr, différents types de chondrites (« ordinaires », « carbonées », « à enstatite »).

Donc si les chondrites nous parlent d’un monde très ancien, les achondrites nous parlent d’un monde plus récent et de nos voisins planétaires. Les chondrites contiennent des « chondres », petites billes surtout formées de silicates (la matière dominante de nos planètes telluriques et première phase de la condensation du nuage protoplanétaire). Avec les microscopes dont nous disposons aujourd’hui, on peut voir des détails extrêmement fins qui nous disent « presque tout ». C’est tout l’intérêt des missions de retour d’échantillons qui permettent d’utiliser les laboratoires terrestres quand même beaucoup plus performants que les spectrographes embarqués à bord des sondes. C’est ainsi qu’au cours du siècle passé les météorites sont devenus non plus des objets mystérieux mais des livres de notre histoire.

Illustration de titre : passage de la comète Siding Spring dans le ciel de Mars le 19 octobre 2014, vue d’artiste, crédit NASA.

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