Qu’est-ce que la Mars Society Switzerland ?

Certains lecteurs de ce blog m’ont demandé ce qu’est la Mars Society Switzerland (MSS), l’association que je préside. Je réponds :

La Mars Society dont la MSS est l’entité suisse, est une organisation internationale à but non lucratif, ayant pour objectif de promouvoir l’exploration et la colonisation de Mars, planète la plus semblable à la Terre la moins difficile d’accès. Elle a été fondée, aux Etats-Unis en août 1998, par Robert Zubrin, ingénieur en astronautique qui travaillait alors chez Lockheed Martin Space Systems Cy. Cette société est une des toutes premières entreprises d’ingénierie astronautique aux Etats-Unis. Robert Zubrin a un Master en aéronautique et astronautique et un doctorat (PhD) en ingénierie nucléaire.

La référence de base de l’association américaine et de toutes les associations sœurs, dont bien sûr la suisse, est le livre écrit par ce même Robert Zubrin, avec la contribution de Richard Wagner, The Case for Mars. Richard Wagner était, lui, le rédacteur en chef d’Ad Astra (créée en 1987), l’organe d’expression de la National Space Society, première (et plus importante en nombre de membres) des associations « pro-space » américaines.

L’idée de la Mars Society est née chez Robert Zubrin d’une double frustration suivant (1) le refus des dirigeants politiques américains d’aller sur Mars après avoir été sur la Lune parce qu’ils préféraient développer un moyen « sûr » d’aller dans l’espace, la Navette-spatiale (« Shuttle »), puis (2) de préférer construire la Station Spatiale Internationale (l’« ISS ») au lieu d’aller sur Mars.

Le président Nixon avait pris la première décision dès janvier 1972 (la dernière mission habitée sur la Lune, Apollo XVII, date de décembre 1972). Selon ses mots : “The Space Shuttle will give us routine access to space by sharply reducing costs in dollars and preparation time. The resulting changes in modes of flight and re-entry will make the ride safer and less demanding for the passengers so that men and women with work to do in space can “commute” aloft”. On sait ce qu’il advint de la simplicité (les tuiles thermiques) et de la sécurité (les mêmes tuiles…sans nier le succès de très belles missions, dont celles de Hubble).

Le 20 juillet 1989, le Président HW Bush avait relancé le projet Mars à l’occasion des 20 ans de l’atterrissage de la première capsule Apollo sur la Lune. Malheureusement, répondant à sa demande d’évaluation du coût, la NASA saisie par l’hubris et prise par le temps (« 90 days study »), présenta en octobre 1989, un devis de 259 milliards de dollars (de l’époque, soit 611 milliards d’aujourd’hui) qui était évidemment totalement inacceptable. Cette proposition était en même temps stupide car l’architecture de mission, dans la ligne de celle de Wernher Von Braun, était hyper-complexe, les masses à emporter (1000 tonnes !) disproportionnées par rapport aux capacités de transport et reposait sur un moteur utilisant l’énergie nucléaire qui n’existait pas encore (développement du moteur NERVA arrété en 1971). On aurait pu faire beaucoup mieux et beaucoup moins cher (une cinquantaine de milliards d’aujourd’hui) si on avait réfléchi davantage et si on avait été plus réaliste.

Dès avril 1981, en même temps qu’était lancée la première Navette, des universitaires qui constataient avec désespoir que l’exploration de Mars par vols habités était repoussée aux calendes grecques, s’organisèrent dans le premier lobby pro-Mars, le « Mars Underground » (on était encore à l’époque de la guerre froide et le mot « underground » avait le sens particulier de monde-de-la-résistance) autour des astrogéophysiciens Chris McKay et Carole Stocker. Ils furent rejoints en avril 1990 par les ingénieurs David Baker et Robert Zubrin qui avaient travaillé chez Lockheed Martin à la mission Mars selon une alternative crédible, en réaction à l’échec du catastrophique rapport des 90 jours.

On avait donc dans ce Mars Underground l’alliance de scientifiques et d’ingénieurs, combinaison idéale, nécessaire et (presque) suffisante (sauf finance !) pour rendre le projet de la mission Mars non seulement utile (l’exploration scientifique) mais possible techniquement.

Cette « alternative crédible » c’était le projet astronautique « Mars Direct » développé par Robert Zubrin. Le concept, révolutionnaire mais réaliste, comprenait plusieurs propositions : 1) vol direct vers Mars, sans stationnement en orbite martienne (ou lunaire, ou autre) ; 2) production sur Mars des ergols* (méthane brulant dans l’oxygène) nécessaires au retour (ce qui divisait par deux la masse à emporter de la Terre) ; 3) mission en deux voyages, le premier robotique pour apporter sur Mars les équipements nécessaires à la production des ergols de retour et le second, dans la fenêtre suivante, pour apporter les hommes avec leur véhicule de retour sur Terre (ERV), après vérification que les ergols avaient bien été produits et stockés ; 4) création d’une gravité artificielle par force centrifuge pendant le voyage pour pallier un trop grand affaiblissement des astronautes à leur arrivée sur Mars après six mois en apesanteur.

*pour être réalistes, les proposants en restaient à la propulsion chimique.

Les scientifiques furent ravis de cet appui et en même temps beaucoup d’ingénieurs furent convaincus de la solidité du projet, y compris à la NASA (Michael Griffin qui en 1991 avait été nommé Associate Administrator for Exploration de cette institution, en devint administrateur en 2005 après avoir été l’un des membres fondateurs de la Mars Society). Mais il fallait aussi convaincre les dirigeants politiques et ce n’était pas gagné car ils étaient « partis » sur le projet de Station Spatiale en orbite terrestre qui avait l’énorme avantage politique de pouvoir être mené en coopération avec les Russes qui avaient l’expérience de la station MIR, qui étaient en discussion avec les Américains et qui furent invités à s’y associer en 1993 pour construire sa version modernisée et agrandie que l’on appela l’ISS.

Robert Zubrin ne se découragea pas et écrivit son livre fondateur (publié en 1996) qui reprenait ses concepts, qu’il avait développés au cours de nombreuses conférences à partir de 1990 sous le même titre :  The Case for Mars, (« The Plan to Settle the Red Planet and Why We Must »). Le livre avait une préface d’Arthur C. Clarke ce qui était très « vendeur ».

C’est ainsi que je découvris moi-même le projet…dans une librairie de Singapour où j’étais en poste pour ma banque (analyse des risques de contreparties de la région Asie). J’appréciais beaucoup l’aspect pratique fondé sur les meilleures connaissances scientifiques que l’on pouvait avoir à l’époque sur la planète Mars et la meilleure connaissance des technologies astronautiques. J’écrivis à Robert Zubrin, nous échangeâmes plusieurs courriers (papier !), nous devinrent amis et je rejoignis le Mars Underground.

Il lança en 1998 sa « Mars Society » au cours d’une « founding convention » à l’Université de Boulder, Colorado, très remarquée par le monde de l’astronautique et de la science planétologique. Dans son sillage, des Mars Societies se créèrent comme une trainée de poudre un peu partout aux Etats-Unis et dans le monde, l’une d’entre elles en Suisse avec le microbiologiste, Gabriel Borruat, de l’EPFL à l’époque). Je ne pus participer à la founding Convention (j’étais alors dans le Sud de l’Amérique latine, en Uruguay) mais je devins néanmoins membre-fondateur. Fin septembre 2001 je pus, par contre, participer à la première convention du membre français de la famille, l’Association planète Mars, dans le cadre prestigieux du Palais de la Découverte à Paris et j’en devins membre également. A cette occasion je me souviens avec fierté que Robert Zubrin déclara lors de son discours phare (« key-note speech ») qu’il avait pris la décision de fonder la Mars Society après qu’un banquier français en poste à Singapour l’ait eu contacté pour lui dire tout le bien qu’il pensait de son projet (sous-entendu l’intérêt du projet devait être compris et apprécié par l’opinion publique en général).

L’Association Planète Mars était centrée autour de Richard Heidmann et d’Alain Souchier, deux ingénieurs de haut niveau ayant eu une très belle carrière chez SNECMA, le concepteur et producteur des moteurs des fusées Ariane. Nous sommes restés très proches. Alain est malheureusement décédé en décembre 2017.

Chaque entité de la Mars Society est née spontanément dans son environnement, sans investissement ni directives de ce qu’on pourrait appeler une « maison-mère ». Les diverses associations ont un but commun mais emploie les chemins qu’elles privilégient et cultivent les sujets qui les intéressent. Nulle contrainte si ce n’est l’agrément de Robert Zubrin qui le donne généreusement à toute bonne volonté, sans discuter des sujets de prédilection choisis par les uns et les autres.

Ainsi lorsque j’arrivais en Suisse, depuis l’Amérique Latine en 2009, pour y jouir de ma retraite, je décidais de me consacrer à ma passion et comme la Mars Society locale avait disparu par attrition vers 2005, je repris les rênes avec une nouvelle association, autour de moi-même et de Sebastian Gautsch. J’avais contacté ce dernier en arrivant parce que j’avais vu qu’il avait écrit sa thèse de doctorat à l’Université de Neuchâtel (avant absorption de sa partie technologique par l’EPFL) sur FAMARS, le microscope à force atomique embarqué sur la sonde Phoenix qui s’était posée dans le Nord de la Planète Rouge en 2008. J’informais Robert Zubrin et j’enchainais une série de conférences et d’articles de presse ou d’émissions de radio et télévision jusqu’à ce jour.

Grâce à Sebastian, que je remercie encore mille fois, j’eus mes entrées à l’EPFL et en particulier chez eSpace, où je garde de très bonnes relations, notamment celle de Claude Nicollier qui nous a fait l’honneur de nous rejoindre comme membre (très) actif.

Comme toutes les Mars Societies, notre but, en Suisse, est de diffuser la « bonne parole » sur l’intérêt de l’exploration de la planète Mars, par voie robotique et, le moment venu, par vols habités. Pour la suite les avis sont un peu partagés, certains, comme Claude Nicollier, doutant de la faisabilité de l’installation sur Mars à grande échelle. Mais nous verrons bien après la première mission habitée !  En attendant, je m’efforce de faire progresser la maîtrise des sujets d’intérêts, pour l’exploration robotique et dans la perspective de ces missions habitées.

Ainsi nous soutenons plusieurs travaux d’étudiants Master à l’EPFL : avec Claude Nicollier et deux jeunes femmes ingénieures de WoMars, la faisabilité d’un dirigeable en dépit d’une atmosphère très ténue ; avec le groupe d’étudiants Xplore, la conception et la réalisation d’un rover robotique d’exploration ; avec la petite équipe du Gruyere Space Program, la conception et la réalisation d’une fusée réutilisable. L’enthousiasme des étudiants impliqués dans ces projets est extraordinaire, la qualité de leur travail remarquable. Cela est très stimulant et extrêmement porteurs de belles réalisations dans l’avenir. Au-delà de ceux mentionnés, nous avons bien d’autres projets d’études qui pourraient être lancées (sur les exosquelettes, par exemple, qui seront nécessaires à l’arrivée du premier vol sans « comité d’accueil ») et de groupes de jeunes qui pourraient s’en saisir. Un seul problème, l’argent. Malheureusement à un moment ou l’autre, les études débouchent sur quelques besoins financiers. Les montants ne sont pas énormes mais notre association est petite et la difficulté relative de leur collecte freine notre action. Nous avons dû, hélas, abandonner le groupe Asclepios qui fait des simulations avec toutes sortes d’expériences intéressantes dans le Centre de tests du Grimsel, pour cette raison.

Je fais donc appel ici à toutes les bonnes volontés. Si vous êtes intéressés par la perspective de l’exploration de Mars et des missions habitées sur Mars, et si vous voulez participer activement à l’accession de l’homme à ce monde, rejoignez-nous*. Rendez visite à notre site web : Mars Society Switzerland, vous y trouverez une page « adhésion ».

*NB : nous demandons à chacun ses motivations. Nous ne voulons parmi nous ni complotiste, ni quelqu’un qui aurait déjà vu des petits hommes verts.

Références :

https://www.washingtonpost.com/outlook/2018/12/05/want-honor-george-hw-bush-send-astronauts-mars/

http://www.astronautix.com/9/90daystudy.html

https://www.imdb.com/title/tt0437325/

Site de l’association MSS:

https://planete-mars-suisse.space/fr/

Les Français peuvent aussi s’inscrire à l’Association Planète Mars, directement ou par l’intermédiaire de la MSS.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur: 

 Index L’appel de Mars 22 06 10

La Mars Society, une organisation transversale à une multitude de disciplines scientifiques et ingénieuriales

Ceux qui lisent mon blog depuis le début (175 articles publiés depuis le 4 septembre 2015) peuvent aisément réaliser que notre organisation, la Mars Society, couvre un spectre extrêmement étendu d’intérêts, principalement scientifiques et ingénieuriaux. Cela est logique car notre but est de promouvoir et d’accélérer l’exploration d’un monde nouveau et l’implantation d’une nouvelle bouture de l’humanité sur ce monde alors qu’il évolue à une distance allant de 56 à 400 millions de km, que ses conditions d’habitabilité sont extrêmement exigeantes et que les infrastructures nécessaires à toute vie y sont inexistantes. Il faut donc tout prévoir et rechercher les meilleures solutions à la pointe des différentes disciplines concernées, avec toujours en tête l’efficacité, la fiabilité et ses corollaires la redondance et la réparabilité, la réutilisabilité, le recyclage.

Pour commencer nous pensons au voyage par vol habité et cela implique la recherche du meilleur lanceur, c’est-à-dire celui qui emportera autant de passagers que possible dans des conditions sanitaires (hygiène, nourriture, radiations) et de sécurité (fiabilité du lancement, fiabilité des trajectoires, résistance aux épreuves de l’EDL -Entry, Descent, Landing) aussi bonnes que possible et dans un délai aussi court que possible (pour limiter les doses de radiations) mais en préservant un trajet de libre-retour en cas d’échec de l’approche ou de l’atterrissage, tout ceci à un coût aussi faible que possible. Pour le moment le BFR d’Elon Musk « tient la corde ». C’est celui qui est le plus adapté au projet car voulu et conçu pour lui, et c’est pour cela que nous en soutenons la réalisation.

Ensuite nous pensons à la survie des hommes que ce lanceur emportera et cela implique de prévoir les conditions physiques et psychologiques auxquelles ils seront soumis pendant le voyage et le séjour, 30 mois minimum d’éloignement (avant de parler d’établissement permanent), durée correspondant aux exigences de la mécanique planétaire qui dicte les dates de nos fenêtres de tirs aussi bien à partir de Mars que de la Terre. C’est nos connaissances et nos ressources médicales qu’il faut adapter à ces situations d’isolement et de confinement ; les locaux habitables seront exigus et les ressources en air et en eau devront être recyclées au maximum ; la circulation microbienne (interaction des microbiotes au sein de microbiomes contigus et souvent interpénétrés) pose des problèmes de contrôle et de « pilotage » d’autant plus délicats que l’espace viabilisé sera réduit et qu’il y aura d’autant moins d’effet tampon. Des médecins s’occuperont de leur co-voyageurs mais ils auront peu d’instruments, peu de médicaments et ils seront peu nombreux. Il faudra faire des choix entre les ressources à emporter, très vite engager une production locale de médicaments et d’instruments (ceux qu’il sera possible de produire avec des moyens limités mais avec les espoirs ouverts par l’impression 3D), utiliser les conseils à distance de la communauté médicale internationale et accepter quand même plus de risques que ceux encourus par une population restée sur Terre.

Une préoccupation voisine est celle de la nutrition et de l’alimentation. Compte tenu des contraintes des fenêtres de tir, c’est-à-dire de la durée minimum des missions, l’approvisionnement alimentaire représente des masses / volumes importants à transporter et la conservation sur cette durée est possible mais difficile. Il faut donc prévoir de pouvoir utiliser aussi vite que possible l’eau martienne et produire en surface de Mars une « nourriture » satisfaisante tant au point de vue qualitatif que quantitatif (diététique). Cela pose des problèmes de volumes viabilisés pour la culture des plantes (serres), d’accès à l’eau et de recyclage de l’eau, d’énergie (l’ensoleillement peut être un peu faible et il peut y avoir des tempêtes de poussière planétaires qui l’occulte pendant plusieurs semaines). C’est aussi un problème d’équilibre phytosanitaire, d’agriculture/horticulture, d’aquaculture (d’élevage, un jour), de préservation des récoltes, de recyclage des déchets (et du contrôle bactérien de ce recyclage) et un problème de ressources à y consacrer (travail humain et robotique, temps passé).

Nous devons penser aux sources d’énergie, à leur captation, à leur stockage et à leur transport/distribution (sous forme de chaleur ou d’électricité). Nous utiliserons l’énergie solaire autant que possible et la géothermie si nous trouvons des différentiels de température exploitables mais aussi ou plutôt surtout, l’énergie nucléaire et l’énergie chimique (méthane/oxygène) puisqu’elles sont indépendantes des conditions environnementales.

Nous devons penser à l’architecture et à l’ingénierie des constructions. Compte tenu de la ténuité de l’atmosphère, de son irrespirabilité, des températures très basses la nuit, de la possibilité de tempêtes de poussière et aussi des radiations, les habitats, les lieux de travail et de production, les lieux de convivialité et de loisir devront être construits avec des caractéristiques particulières, un soin maximum et la prise en compte des nécessités d’entretien, d’intervention et de réparabilité (modularité). Il est évidemment exclu pour des raisons de volume et de masse, d’importer des matériaux de construction, sauf éléments peu pondéreux/volumineux et très difficile à produire (par exemple panneaux solaires du fait de l’exigence de pureté du silicium !). Nous devons donc penser à la chimie et à la physique des matériaux, à la mécanique pour les structures ou les revêtements ; nous pensons à la plomberie, aux réseaux électriques et informatiques, à la climatisation. Nous pensons encore ici à l’impression 3D.

Nous devons penser à la mobilité en surface d’une planète dépourvue de routes, de rivières ou de mers, et dans la mesure du possible, dans l’atmosphère (possibilité évidemment très réduite pour les véhicules utilisant la portance atmosphérique mais possibilité « normale » des déplacements par propulsion) et nous pensons aux télécommunications en atmosphère raréfiée (importance donc des systèmes satellitaires) ainsi qu’aux véhicules robotisés effectuant les sorties des bases viabilisées à la place des hommes qui resteront au maximum dans un environnement protégé pour les commander en direct.

Nous devons penser à la protection du corps humain, aux vêtements d’intérieur, aux combinaisons de sortie, aux casques, aux chaussures, à leur conception adaptée aux conditions extérieures, à leur étanchéité, à leur climatisation, à leur résistance à l’usure et aux déchirures, à leurs qualités protectrices contre les radiations, à la visibilité à partir du casque, de nuit comme de jour, à leur confort (jointures, souplesse et mobilité, inaccessibilité de l’intérieur pour les bras et les mains pendant les sorties, impossibilité d’uriner et de déféquer à l’extérieur du vêtement, extraction en sas à la fin des sorties), à leur nettoyage (poussière, électricité statique), donc à leurs matériaux et à leur assemblages, à leur aspect esthétique et à leur recyclage.

Nous devons penser au traitement des déchets, au gaspillage que nous devons éviter absolument, au recyclage maximum, toute production, toute transformation devant être pensée comme un processus ayant coûté de l’énergie, du temps, des efforts qui doivent être économisés et réutilisés, et toute molécule organique comme élément utile à notre survie et à l’amélioration de nos conditions de vie, dans le cadre de la protection planétaire que nous devons à cet astre, notre hôte, pour lui-même et dans notre intérêt propre.

Nous pensons en effet à l’écologie et au-delà à l’exobiologie puisque la recherche d’une « autre » forme de vie est l’une des motivations scientifiques principales pour aller sur Mars. Nous nous doutons que cette planète a permis une évolution poussée des molécules organiques et cela suscite inévitablement au delà d’un intérêt scientifique évident, des soucis de contamination dans les deux sens (Terre vers Mars et réciproquement). Nous pensons aussi à la géologie et à la planétologie puisque l’application de nos capacités d’observation, de réflexion et de déduction dans ces domaines est l’autre objet scientifique principal de notre installation envisagée sur cette planète. Nous pensons à l’astronomie, à l’astrophysique, à la cosmologie puisque cette nouvelle base de notre activité et de notre réflexion pourra être utilisée comme la Terre, pour observer l’univers, mais avec les avantages d’une pesanteur moindre et d’une atmosphère plus transparente, et que nous pourrons peut-être le faire en interférométrie ou au moins en complément avec d’autres installations dans l’espace et sur Terre.

Nous devons penser à la communication sur et à partir de ce nouveau monde vers la Terre car pendant très longtemps il en sera dépendant et il faudra donc maintenir le lien et l’intérêt de façon proactive. Et pour continuer dans le temps, pour que la « bouture » continue à pousser et donne des fruits, pour pérenniser notre implantation, il faudra aussi cultiver/adapter les sciences de l’accompagnement des jeunes, puériculture, éducation, enseignement. Les enfants des nouveaux Martiens ne devront pas être élevés comme des sauvages sinon l’entreprise n’aurait pas de sens.

Nous pensons encore à l’économie car sans production pas d’échanges et sans échanges pas de ressources pour se procurer les biens non productibles sur place. Les Martiens devront toujours se soucier de proposer « quelque chose » (biens et services quasi exclusivement immatériels) en échange de ce qu’ils demanderont et recevront de la Terre, autrement ils devraient abandonner leur installation et retourner sur leur planète d’origine.

Nous pensons enfin à la réflexion qui mène toute entreprise humaine, à la philosophie, au roman, à la poésie, à toute représentation artistique, nous pensons au rêve.

Vous pouvez déduire de ce long examen de tout ce que nous devons prendre en compte (ai-je oublié quelque chose ?), l’éventail extraordinairement ouvert des différents sujets qui nous intéressent et qui animent nos discussions pour élaborer des solutions aux différents défis posés par ce projet martien. Ils sont le plus souvent en interactions les uns avec les autres et leurs combinaisons stimulent l’imagination et l’innovation. S’investir au sein de la Mars Society c’est, pour simplifier, s’investir dans une entreprise passionnante pour une meilleure maîtrise de notre vie demain, sur Mars, dans l’espace et indirectement sur Terre.

Pour être efficace, il faut transformer la pensée en action. Ce n’est évidemment pas notre organisation qui va construire et financer les infrastructures nécessaires à la réalisation de notre rêve. Notre arme est donc l’information, autant que possible l’innovation, la discussion, la persuasion et le rapprochement des réflexions des uns et des autres en vue d’une action. Beaucoup de personnes au sein des grandes agences partagent nos idées. L’un des anciens administrateurs de la NASA, Mike Griffin, a été membre fondateur de la Mars Society aux Etats-Unis, Elon Musk est un proche et a soutenu également notre organisation. Des idées de la Mars Society telles que la production sur Mars des ergols de retour (ISPP) ou plus généralement l’utilisation des ressources locales (ISRU) et l’architecture de mission Mars Direct ont été repris par la NASA. Nous poussons l’expérimentation de la création de conditions de gravité artificielle pendant le voyage (lors de notre prochain Congrès, Claude Nicollier va parler du comportement des filins dans l’espace, son expérience sur le sujet est fondamentale pour la validation de notre concept). Partout où l’on parle raisonnablement* de l’exploration de Mars par vols habités, nous sommes là.

*NB : nous ne soutenons pas l’initiative « Mars One » qui envisage des premiers vols Terre/Mars sans retour.

Image à la Une: Cratère Gusev photographié du haut des Columbia Hills par le rover Spirit (crédit NASA). Incontestablement une terre vierge!

N’oubliez pas notre congrès EMC18 (18th European Mars Convention) au Musée International d’Horlogerie (MIH) de la Chaux-de-Fonds, du vendredi 26 octobre (14h00) au dimanche 28 Octobre (12h00). Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Mars au long de 24 exposés de spécialistes sur (1) la Planète, (2) le Temps, (3) le Voyage interplanétaire et (4) l’installation de l’homme (en Anglais). Nous aurons aussi un débat avec Claude Nicollier et Robert Zubrin sur le thème “Robots and Men on Mars under the Look of Time”. Vous pouvez encore vous inscrire.