Prenons avec nous notre Feu et partons pour Mars!

Dans la Guerre du Feu de J.H. Rosny aîné, nos très lointains ancêtres s’emparent puis protègent par leur mobilité des braises qu’ils transportent dans une coque de morceaux d’écorce humides tapissée d’éclats de pierre. Ils se sauvent, non pas pour fuir c’est à dire renoncer mais bien au contraire pour temporairement survivre et, un jour, pour s’installer à nouveau et continuer à vivre, grâce au meilleur de ce que la technologie de leur époque pouvait leur offrir.

Il ne faut pas croire, malgré les centaines de milliers d’années écoulées passées en tant qu’Homo-sapiens sur cette Terre qui nous a enfantés, que nous soyons moins fragiles qu’ils l’étaient. Nous avons intérêt à en être conscients, à ne pas oublier qu’il faut rester mobiles et agir en conséquence au bon moment. Nous n’avons pas forcément le temps de nous prélasser dans les palais de Sodome et de Gomorrhe. Nous avons tous intérêt à ce qu’au moins une poignée d’entre nous, portant avec eux leur feu de vie, partent « cette nuit même ».

Les exemples de tels mouvements abondent dans les mythes et dans l’Histoire : ceux des premiers hommes de la Guerre du Feu bien sûr, mais aussi celui de Noé, de Loth et ses filles, de Moïse, des Pilgrims Father, des Mormons…

Aujourd’hui, Mars !

Oui, pour nous aussi l’heure est venue et nous devons partir, trouver un havre de paix ou au moins un abri pour préparer des jours meilleurs ; non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour l’humanité entière. Nous voyons bien autour de nous la dégradation générale de la situation, la surpopulation, la pollution extrême, la hausse des températures, la perte accélérée de la biodiversité, les maladies qui circulent d’un bout à l’autre de la planète à une vitesse de plus en plus rapide, la haine et la violence qui se déchainent en raison des mouvements incontrôlés de population ou du saccage de l’environnement. Nous constatons aussi que malgré l’expérience, la guerre pour toutes sortes de raisons n’est pas qu’un mauvais souvenir mais qu’elle peut toujours revenir sur le devant de la scène avec des armes de plus en plus destructrices.

Certes, tout espoir de correction de cette évolution négative n’est pas à exclure par principe. Nous pouvons nous amender, retrouver un équilibre, être à nouveau heureux sur Terre ; le cœur de l’homme est souvent mauvais mais il est bon aussi. La Technologie donc notre esprit inventif opérant sur un lit de connaissances et de savoir-faire accumulés depuis maintenant plus de deux siècles, peuvent nous permettre d’éviter la catastrophe.

Mais aurons-nous le temps ? Le Titanic sur lequel nous sommes embarqués et sur la barre duquel nous faisons pression pour passer au large de l’Iceberg, va-t-il réagir à temps, l’inertie conjugués des insouciants et des incapables devant l’extrême violence de certains d’entre nous, sera-t-elle trop forte ou bien la barre va-t-elle casser ?

J’entends les gens qui disent que nous ne sommes pas pressés d’aller sur Mars pour cette raison, que la Terre est notre seule possibilité de continuer à vivre et qu’il n’existe pas de Planète-B ou bien qu’on verra, plus tard.

Je ne suis pas d’accord.

Grâce à nos progrès technologiques, Mars devient potentiellement habitable, tout comme l’Europe le (re)devint pour Homo Sapiens après le pic de la dernière Grande-glaciation ou comme l’Amérique devint accessible aux Européens après qu’ils eurent développé des bateaux suffisamment résistants et des armes plus efficaces que leurs lances ou leurs flèches.

« Devenir habitable » ne veut pas dire que ce sera facile de s’y installer. Non, ce sera probablement « juste-possible », tant l’environnement de Mars est hostile. Mais ce sera « quand-même-possible » car outre les rayons du Soleil pour nous éclairer et nous fournir un peu d’énergie, nous aurons les éléments pour le faire, nos connaissances en chimie, mécanique, ingénierie pour les utiliser et les transformer et nos connaissances en biologie et en médecine pour y adapter nos enveloppes charnelles.

« Nous », ce sera seulement une toute petite poignée d’entre nous, pas plus nombreux que nos ancêtres quand ils quittèrent l’Afrique, quelques centaines puis quelques milliers de personnes. Certainement des hommes courageux et psychologiquement forts mais aussi capables de transformer leur environnement, adaptables à l’imprévu et à l’épreuve, et créatifs ; des hommes qui sans être du tout asociaux car il leur faudra « vivre ensemble » avec un petit nombre, seront capables de vivre en dehors du cocon physique et humain où ils seront nés ; des hommes exceptionnels donc mais l’humanité devrait être capable de nous les offrir comme on tend une corde à quelqu’un qui se noie, comme elle l’a toujours fait en cas de besoin extrême.

De cette graine, naitra une nouvelle branche de notre espèce, des êtres qui seront adaptés à leur environnement et qui, entre eux, par leur vie même, auront créé des liens particuliers de connaissance, de proximité, d’amitié et d’affection, comme dans toute autre communauté humaine.

Eloignés de nous autant qu’on puisse l’être, ils n’en seront pas moins des membres de notre grande famille, en relations aussi fréquentes que possible, que les autres avec tous, par tous les moyens disponibles, c’est-à-dire essentiellement les ondes. Les télécommunications entre Mars et la Terre seront essentielles pour les Martiens, autant que les contacts physiques intermittents car réalisables seulement tous les 26 mois, une véritable ligne de vie jusqu’à ce que l’autonomie soit possible. Il s’agira de continuer à bénéficier, autant que faire se peut, des progrès techniques et de l’enrichissement culturel terrestre et d’y participer…mais à distance, donc derrière un écran protecteur des troubles ou des maladies. De ce fait les Martiens donneront une nouvelle dimension à la communauté humaine. Pour nous tous, Mars sera le lieu des extrêmes, la « frontière » comme l’était l’Ouest Américain dans la seconde moitié du 19ème siècle et le début du 20ème et peut-être, paradoxalement, le pays de la paix.

Cependant, de plus en plus, les Martiens développeront leurs particularités et la nature les différenciera aussi des autres hommes car on ne vivra pas impunément dans des gravités différentes. Comme les Thibétains se sont adaptés biologiquement aux hauts plateaux d’Asie-Centrale, les Martiens s’adapteront biologiquement, avec le temps, à leur gravité spécifique de 0,38g. Et si les Terriens pourront toujours leur rendre visite physiquement, eux-mêmes auront de plus en plus de mal à reciproquer. Imaginez, si vous deviez vivre dans une gravité de 3g, la fatigue que vous ressentiriez rapidement en vaquant à des activités tout à fait normales !

Mais ce sera ainsi, le prix à payer pour une vie nouvelle et il y a eu bien pire dans l’Histoire. Car de plus en plus nous aurons, dans ce monde nouveau, des échanges en « distanciel ». Certes ces échanges avec la Terre souffriront d’un décalage de temps (les 3 à 22 minutes incompressibles dans un seul sens en raison de la finitude de la vitesse de la lumière) mais ce sera pénible, non insurmontable. On aura le temps de réfléchir avant de parler et on continuera à communiquer par Internet (non plus le www mais le twww pour trans-world-wide-web).

Alors, malgré ces inconvénients et en raison de ces avantages, il ne faut pas hésiter, il faut partir « demain » c’est-à-dire « dès que possible » car l’acclimatation sera longue, l’autonomie absolument nécessaire pour ne pas mourir, et encore plus longue à réaliser totalement. D’un autre côté nous ne pouvons pas nous permettre d’éviter la mort totale de notre Civilisation si par malheur la barre de notre Titanic cédait avant d’avoir contourné l’Iceberg. Demain nous pouvons avoir surmonté l’obstacle ou nous pouvons avoir disparu. C’est maintenant plus que jamais qu’il faut se préparer à partir en emportant notre Feu. Nous pourrons le faire dans la coque d’un Starship, nouvelle version de la coque faite d’écorce humide et de morceaux de pierre de nos lointains prédécesseurs.

NB : La guerre du Feu a été publié en 1909. Depuis, notre connaissance de l”homme préhistorique” a évolué mais la vraisemblance de l’histoire reste acceptable. Le cinéaste Jean-Jacques Annaud en a tiré un film (moins bon que le livre) en 1981. Le livre a été édité une centaine de fois. J’ai moi-même dû le lire vers 1955. L’histoire, épique, se déroule il y a quelques 100.000 ans. Vous pouvez le trouver facilement, chez votre libraire, chez Amazon ou à la FNAC.

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