Rêverie sous la voûte étoilée un soir d’été

Le Soleil s’est dissous « dans son sang qui se fige » après avoir joué de tous les instruments composant l’atmosphère pour y déployer une symphonie splendide de couleurs et de formes.

C’était un prologue avant ouverture. Notre petite Terre venait d’occulter le Soleil et c’était comme si la Nuit ayant subtilisé le rideau de scène, nous avait donné accés subitement au véritable décor.

Profitant de la douceur du temps, je me suis allongé dans l’herbe les yeux tournés vers le ciel comme il y a plus de cinquante ans sur la pelouse de « mon » Université de Virginie. Juste un léger souffle de vent dans les feuilles des arbres et des lumières encore allumées dans quelques appartements faisaient ressentir la vie du monde alentour. Comme alors, mon regard s’est évadé hors de notre cocon planétaire pour tenter d’approcher l’infini de plus en plus profond qui l’aspirait. Comme alors, cette progression vertigineuse, on pourrait dire ce sentiment de projection dans le vide à l’intérieur même de l’Univers, me conduisit vers un lent et profond épanouissement mêlant contemplation, interrogations, philosophie et rêverie, en somme un grand moment de volupté.

Les étoiles sont là comme elles ont toujours été, depuis bien avant ma naissance, et comme elles le seront encore bien après ma mort. Leur stabilité apparente les unes par rapport aux autres astres (à l’exception de nos quelques planètes visibles, de la Lune et des météores!) sur une voûte céleste évoluant selon un cycle majestueux et immuable, est l’illustration la plus parfaite de ce qu’on appelle l’éternité. A notre petite échelle tout est immobile et tranquille. Pourtant l’on sait aujourd’hui qu’à plus grande échelle, que de vitesse, que de puissance, que de violence ! Mais toujours, que de beauté !

Vis-à-vis de ce spectacle, de l’histoire grandiose et merveilleuse qu’il représente par son image à cet instant précis où on le contemple, et de ces potentialités figées mais immanentes, l’homme n’est physiquement « presque rien » mais quand même « quelque chose ». Imperceptible vu des autres planètes proches du même système lui-même imperceptible d’un autre point quelconque de notre propre galaxie, il n’est qu’un passage fugace, une étoile filante par le court temps de vie qui lui est imparti, une trace seulement par les transformations qu’il apporte à son environnement et ses minuscules excursions dans l’espace. Et cependant il est au contrôle d’un esprit capable d’appréhender et de comprendre, de réfléchir, de projeter, d’organiser et de créer dans plusieurs dimensions, aussi bien des constructions mathématiques complexes que des créations esthétiques pouvant satisfaire pleinement ses cinq sens, capable de ressentir une gamme presqu’infinie d’émotions découlant de ce spectacle, de ses créations et de ses relations avec ses semblables, les autres formes de vie et la matière même.

Nous avons la chance d’être l’un de ces êtres extraordinaires mais en sommes-nous bien conscients. Profitons-nous vraiment pleinement de cette chance et nous conduisons nous, chacun d’entre nous, à la hauteur de ce corps et de cet esprit, chacun unique et périssable mais tellement polyvalent et riche des potentialités qui nous ont été données ? Utilisons-nous au mieux ces deux talents comme il est recommandé par le Christ dans l’évangile selon Saint-Matthieu ?

C’est très certainement ce à quoi il faut nous appliquer. Respectez les autres et « profiter de la vie » mais développer au maximum nos potentialités créatrices individuelles, en elles-mêmes et en communion avec celles des autres, pour les rendre plus efficaces collectivement et individuellement.

Alors, continuons à travailler et à créer le jour, à contempler les étoiles la nuit, comme lorsque nous étions enfants, avec dans nos têtes leurs noms qui viennent de la profondeur du temps et qui portent notre imaginaire, la Voie Lactée, Bételgeuse, Antarès, Sirius, les Constellations ou le Nuage de Magellan. Montrons-nous dignes de ce que nous avons reçu des Babyloniens ou des Mayas mais aussi de tous ces astronomes extraordinaires qui se sont succédés depuis Galilée. Ce sont non seulement des noms et des images mais une somme de connaissances prodigieuses que nos ancêtres, les meilleurs d’entre nos contemporains et peut-être nous-mêmes avons accumulées par la raison et par l’effort. En effet, ce que nous voyons est encore plus beau lorsque nous le comprenons; il n’y a pas de « fruit défendu ». Nous avons droit à tout ce à quoi nous pouvons accéder et ce sont simplement les limites de nos capacités qui fixeront les limites de ce que nous pourrons appréhender.

Un jour nous irons dans l’espace profond et depuis le sol de Mars nous contemplerons la Terre dans la lumière bleutée du Soleil couchant.

Illustration de titre: La Voie Lactée vue depuis le Sol de Mars; photo prise par Curiosity. Crédit NASA. Vous ne voyez pas grand chose mais regardez un peu plus et vous verrez davantage.

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Index L’appel de Mars 20 08 05