L’espoir de vie porté par les planètes de l’étoile Trappist-1 est extrêmement ténu

Le 22 février, la NASA a choisi comme à son habitude de dramatiser sa communication pour faire l’annonce d’un fait qui n’en méritait pas tant. Les « nouvelles Terres » découvertes ne sont pour l’instant que des planètes rocheuses d’une taille comparable à la Terre et elles orbitent autour d’une étoile peu lumineuse qu’on devrait autant comparer à Jupiter qu’au Soleil.

Certes la découverte n’est pas inintéressante puisqu’il était jusqu’à présent impossible d’identifier des exoplanètes aussi petites. La raison en était la trop grande luminosité des étoiles de type Soleil observées et la trop faible occultation causée par le passage (« transit ») de ces astres relativement minuscules entre l’étoile et nous-mêmes. La nouvelle approche qui consiste à viser les étoiles à faible luminosité a donc porté ses fruits et l’on a maintenant confirmation que ces petits astres sont communs (ce dont on pouvait quand même se douter). Un autre aspect intéressant de cette découverte, mais il est particulier au système Trappist-1, c’est que la proximité des sept planètes entre elles induit des relations de résonnances qui, combinées au fait qu’elles soient nombreuses et que leur année soit très courte (quelques jours terrestres seulement), augmentent fortement les fréquences d’interactions et a permis beaucoup de déductions en particulier sur les masses et les densités.

Sur le fond, le fait que ces planètes soient rocheuses à une telle distance de leur étoile n’est pas surprenant car l’astre émet comme tout autre un vent stellaire qui au cours du temps arrache forcément, à cette distance, les matières les plus ténues que sont les gaz atmosphériques. Que leur densité soit telle que leur teneur en eau puisse être élevée, est plus intéressant car cela, d’après les résonances qui les lient, pourrait témoigner d’une formation au-delà de la limite des glaces puis d’un rapprochement à l’étoile (par accrétion de la matière du disque protoplanétaire plus proche de l’astre). Que cette eau puisse être liquide sur trois d’entre elles (Trappist-1 « e », « f » et « g ») se déduit logiquement de leur distance qui permettrait la température adéquate, dans la mesure cependant où il subsisterait une atmosphère suffisamment dense pour en éviter la sublimation (>611 pascals).

De là à dire que ces planètes sont habitées ou même habitables, il y a un grand pas qu’il serait très prématuré de franchir.

Les facteurs contraires à cet espoir ne sont en effet pas nuls. L’étoile est une « pauvre petite » naine rouge, si petite en termes de masse (84 fois la masse de Jupiter* mais seulement 8% de la masse du Soleil) qu’elle génère juste assez d’énergie (0,05% de celle du Soleil) pour qu’on ne la classe pas dans la catégorie des naines brunes (qui ont une masse allant de 13 à 75 Jupiter – « Mj » – et qui de ce fait n’ont pu allumer le processus de fusion de leur hydrogène en hélium). Les conséquences « ne sont pas terribles » pour faciliter la vie. En effet, cette faible énergie implique que lors de sa naissance l’étoile a dû connaitre de très fortes irrégularités de fonctionnement (comme un moteur de faible puissance nourri par un fuel peu homogène du fait d’une pression insuffisante). Ces irrégularités ont dû se calmer avec le temps mais la faible distance à laquelle se trouvent les planètes situées en zone « habitable » (quelques 5% de la distance de la Terre au Soleil, soit moins de 10 millions de km (Mercure se trouve à environ 50 millions de km du Soleil !), les a exposées au début et les expose toujours quoique moins fréquemment, à recevoir de plein fouet les projections de radiations et de matières dues au fonctionnement (c’est-à-dire à la vie) de l’étoile. Ces projections sont d’autant plus destructrices que les planètes, trop proches, sont bloquées dans leur rotation par l’effet de marée gravitationnelle généré par l’étoile ; elles lui présentent donc toujours la même face (exposée en permanence à la rudesse du « jour »), l’autre restant dans l’obscurité et le froid d’une nuit éternelle, un peu adouci, éventuellement, par une atmosphère.

Cette situation a deux conséquences, pour une éventuelle activité biotique locale et pour une éventuelle visite humaine (pas tout de suite!).

Pour ce qui est de l’activité biotique locale, on ne peut conjecturer trop loin puisqu’on ne sait si les planètes de la “zone habitable” possèdent une atmosphère et de l’eau mais qu’on sait que l’environnement radiatif est très hostile. Par ailleurs, envisager qu’il suffirait de roches, d’énergie et d’eau liquide pour engendrer la vie est aller un peu (en fait beaucoup trop !) vite pour un phénomène si complexe dont on n’a qu’un seul exemple à ce jour. Pour ce qui est d’une éventuelle visite humaine, on ne peut pour l’instant la considérer sérieusement puisque le système Trappist-1 étant situé à 40 années-lumière, il faudrait parcourir quelques 400.000 milliards de km pour l’atteindre ! C’est dix fois plus que pour rejoindre Proxima Centauri (4 années-lumière). Si on parvenait à propulser une voile solaire à la vitesse de 20% de celle de la lumière (220 millions de km/h) comme veulent le faire les promoteurs du projet Breakthrough Starshot pour aller jusqu’à Proxima Centauri, il faudrait 200 ans de voyage pour aller jusqu’à Trappist-1 ! Autant oublier. Par contre on pourra bientôt voir plus avec les télescopes de dernière génération, notamment le JWST (NASA) qui sera envoyé dans l’espace (point de Lagrange 2) en 2018, pour remplacer Hubble. Enfin « voir » n’est pas vraiment le mot car les planètes sont trop proches de leur étoile mais on pourra détecter si elles possèdent une atmosphère, de l’eau et connaître leur température.

NB :

Premières données recueillies par le télescope belge TRAPPIST (pour TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope, acronyme un peu « forcé » !), réflecteur de 60 cm situé à l’observatoire de La Silla (Chili) qui a fait les premières observations ; complément effectué par plusieurs télescopes dont le télescope spatial Spitzer (NASA) qui exploite le rayonnement infrarouge particulièrement porteur d’informations des objets froids.

Découvreur : Michaël Gillon (astronome de l’Uni. De Liège).

*Du fait de la contraction de la matière causée par la force gravitationnelle plus forte, le diamètre de l’étoile Trappist-1 n’est cependant que très légèrement supérieur à celui de Jupiter (163.000 km contre 140.000 km).

Document de référence : « Seven temperate terrestrial planets around the nearby ultracool dwarf star Trappist-1 », M. Gillon et al. in Nature, Feb. 23rd 2017 (doi :10.1038/nature21360 ; Macmillan Publishers Limited, part of Springer Nature).

Le sujet a été traité par ailleurs par Fabien Goubet dans le journal Le Temps daté du 23 février 2017 (page 10) sous le titre “En quête de la vie sur sept mondes”.

PS (25 février) : Je ne veux pas dans cet article déprécier la recherche menée par de brillants astronomes dans le monde entier et qui aboutit à un très beau résultat, l’identification d’une chaîne de planètes de taille terrestre à 40 années lumières de « chez nous », dans la zone habitable d’une étoile (zone définie seulement par sa température). Mais je veux critiquer la communication de la NASA qui joue sur la facilité et le spectaculaire pour ne pas dire la démagogie. Les observations et les déductions réalisées par les astronomes sont suffisamment remarquables, pour ne pas se sentir obligé « d’en rajouter » en parlant d’une vie hypothétique qu’il est bien prématuré d’envisager.

Image à la Une:

Image d’artiste de la vue qu’aurait un observateur à la surface de l’une des planètes du système de TRAPPIST-1. Crédit Image: ESO/M. Kornmesser/spaceengine.org.

Image ci-dessous : Ce qu’on a « vu » des planètes ; observations photométriques de Spitzer. La quantité de lumière diminue quand une planète passe devant l’étoile. Vous noterez qu’elle passe plus ou moins vite selon qu’elle est proche ou lointaine. Beaucoup d’autres conclusions peuvent être tirées de ces observations. La planète “h” est mal connue car elle n’a parcouru qu’une seule orbite pendant la période de l’étude. Graphe inclus dans le document de recherche mentionné ci-dessus.