Vivre, recycler, transformer, découvrir

Depuis que la vie est présente sur Terre, la planète évolue en interaction avec elle. La vie est une des forces de la Terre et elle la transforme continuellement. En même temps la Terre recycle les éléments constitutifs des êtres vivants ; elle les récupère tous et les remet, plus ou moins transformés, à disposition de la vie.

Il ne faut pas s’illusionner, il y a co-évolution, transformation permanente, depuis toujours. La Terre sans la vie ne serait pas la même planète, physiquement, même au niveau de sa minéralogie (pensez au calcaire ou au charbon). La Terre de demain ne pourra être celle d’hier. La seule chose dont la vie ait besoin de la part de son environnement changeant, c’est de pouvoir continuer son processus (pour ne pas dire sa programmation) en gagnant des territoires et en se reproduisant dans une succession de générations. Pour ce faire elle s’adapte, continument, par évolution darwinienne de ses codes génétiques. Cette pulsion irrépressible est celle de l’homéostasie qu’Antonio Damasio développe de façon claire et convaincante dans son excellent livre L’ordre étrange des choses. C’est vrai pour les bactéries, c’est vrai pour les hommes. La seule différence est que les bactéries utilisent leur faculté de mutations et d’échanges de gênes et que l’homme utilise ses aptitudes technologiques.

Nous sommes arrivés, pour l’homme, au point où le processus commencé sur Terre peut continuer ailleurs du fait de l’évolution de ses technologies. La prochaine étape sera sur Mars et sera ensuite dans des îles-de-l’espace, partout dans le système solaire, avec les astéroïdes où « nous » (c’est-à-dire « Elle », la Vie que nous portons) trouverons notre matière, grâce au Soleil qui nous fournira toute l’énergie dont nous aurons besoin.

Ainsi dans notre environnement proche les terres vierges seront réduites à des ilots: des parcs, des réserves, des conservatoires, des jardins de méditation, pour étudier et profiter esthétiquement de la « Nature ». La Lune ou Mars dont la poussière et le régolithe sont aujourd’hui intacts, porteront des traces de pieds bottés et de roues. Des carrières ou des sites de forage marqueront leur sol, des routes, des antennes ou des poteaux de communication, des habitats, des usines, des astroports seront les cicatrices de ces nouveaux mondes occupés par l’homme.

Faut-il le regretter ? Autant regretter le temps qui passe, sur lequel nous n’avons aucune prise. Mais nous n’avons pas besoin de saccager. Il faut être respectueux de l’environnement comme nous sommes respectueux des animaux dont nous nous nourrissons. On pourrait dire qu’il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or mais lui permettre au contraire de prospérer, dans notre intérêt qui est aussi le sien.

Ceci dit le monde civilisé peut être beau quelle que soit l’époque considérée. Découvrir un château en se promenant en forêt, enrichit à nos yeux la nature par son contraste avec elle et justifie d’avoir marché jusque-là. Atteindre le monastère de Sainte Catherine après avoir cheminé longuement dans l’aridité presque absolue du désert du Sinaï et découvrir la quintessence de ce que peut faire l’homme habité par la transcendance, est une des plus grandes joies de l’esprit.

Les constructions de l’homme moderne peuvent être belles, même si leur objet premier n’est pas l’expression artistique gratuite. Pensez à un pont très long au-dessus du vide comme le viaduc de Millau. Pensez à l’Autoroute des Titans qui près de Nantua est une succession d’ouvrages d’art, tunnels creusés, ponts suspendus. Pensez à ces antennes d’Alma qui tournées vers le ciel occupent le plateau glacé de Chajnantor.

Le monde que créeront les hommes de demain, « dans les étoiles », sera beau aussi. Pensez au magnifique tore géant de 2001 Odyssée de l’Espace. Imaginez l’astroport martien, « Robert Zubrin » sur lequel se dresseront dans trente ans une dizaine de Starships avec leur tour de services, en attente du retour cyclique sur Terre. Imaginez les pointillés de taches vertes sur fond ocre des multiples serres entourant les dômes des habitats martiens. Pensez à l’antenne géante utilisée pour les communications vers la Terre. Pensez au télescope de 100 mètres, bénéficiant de la faible gravité martienne, construit sur un haut sommet, au-dessus des nuages et de la poussière pour observer l’Univers sous un angle nouveau et complémentaire de celui de la Terre.

Ceci dit, l’Univers est vaste et il restera toujours des terres vierges au fur et à mesure que nous progresserons dans sa découverte, un peu comme la route sur laquelle nous avançons nous dévoile au fur et à mesure des paysages et des perspectives nouveaux.

Nos véhicules sur ces routes ce seront les cylindres des îles-de-l’Espace. A partir d’eux nous « grignoterons » les astéroïdes pour en tirer notre substantifique moëlle et nous pourrons aller contempler de plus près Europe et Encelade, Titan et Triton, puis d’autres lunes et planètes dont les noms n’existent pas encore.

Il restera toujours des terres vierges et tout comme l’horizon elles seront toujours devant nous, des mirages ou des appels pour que, un jour, peut-être, nous y mettions la main.

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Illustration de titre : le monastère de Sainte Catherine dans le désert du Sinaï est construit autour du tombeau de Sainte Catherine d’Alexandrie, là où le corps de la vierge, réputée pour sa science et sa force de conviction, fut déposée par les anges après son martyr. Ce sanctuaire, un temple pour nourrir l’esprit et un verger pour nourrir le corps, peut évoquer une base martienne. Rien d’inutile ; ce qui suffit.

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