Aller sur Mars ne sera pas une épreuve mais un plaisir ! Le nouvel administrateur de la NASA est un partisan des vols habités

Les adversaires de l’implantation de l’homme sur Mars, comme Madame Ekström dans son livre « Nous ne vivrons pas sur Mars, ni ailleurs », sont dans une situation facile. Ils déclarent impossible quelque chose qui n’existe pas encore et qui n’a pas été tentée. Je ne nie pas que le projet de vivre ailleurs que sur Terre soit difficile à mener à bien, puisque l’environnement terrestre est celui dont nous sommes le fruit et que nous devrons transporter avec nous ou recréer ailleurs ce qui dans cet environnement est vital pour nous. Mais je pense qu’on ne peut affirmer qu’il soit impossible de mener à bien ce projet car ce ne serait pas la première fois que l’homme aurait quitté son milieu pour s’adapter à un autre. La difficulté n’est pas une raison pour renoncer car nos avancées technologiques sont tout près de nous permettre de réussir.

Mes contradicteurs (Sylvia Ekström et son mari, Javier Nombela) invoquent d’abord le risque astronautique. Je réponds.

Mon premier point concernera les statistiques. Les voyages jusqu’à Mars ne sont certes pas des voyages de routine et « faciles » mais dire qu’un pourcentage très élevé sont des échecs n’est pas vrai. Tout dépend de la période à laquelle on se réfère et des équipes d’ingénieurs qui en sont chargés. On ne peut mettre dans la même statistique, comme le font mes contradicteurs, les premiers vols et les plus récents, ni les essais de ceux qui visiblement ne maîtrisent pas la technologie et les réussites de ceux qui la maîtrisent, c’est-à-dire les Etats-Unis, comme le prouve leur « track-record » : depuis 2001, onze succès, aucun échec. C’est sur cette base qu’il aurait fallu considérer l’avenir, du moins en ce qui concerne les missions robotiques impliquant les mêmes masses que les plus récentes (Perseverance) et qui seraient transportées par les mêmes vecteurs.

Par ailleurs la statistique n’a vraiment plus aucun sens si on considère la dépose sur Mars non plus de la charge utile d’une tonne (cas de Perseverance ou de Curiosity) mais d’une charge utile de 100 tonnes comme veut le faire Elon Musk avec son entreprise SpaceX, charge utile complétée par son vaisseau Starship, lui-même d’une masse (à sec) de 180 tonnes, puisqu’il veut le faire atterrir sur Mars pour ensuite pouvoir en repartir avec des passagers. Il est indispensable d’évoquer ce projet d’Elon Musk car je crois que si l’on va sur Mars en vol habité, on utilisera son Starship plutôt que n’importe quel autre vecteur (SLS, Chang-Zheng-9 ou Blue-Origin). Or, avec ce vaisseau, on aura une véritable rupture technologique puisque l’EDL ne sera plus une simple chute freinée par un bouclier largable puis par un parachute, mais un vol freiné par le corps même du vaisseau, donc une portance avec une certaine trainée, et un certain contrôle de la direction donné par des ailerons (99% de l’énergie sera absorbée par ce freinage aérodynamique). Enfin il y aura beaucoup plus de contrôle à l’atterrissage parce que le vaisseau disposera de davantage d’ergols en fin de descente et surtout d’une présence humaine à bord. Quand on prend en compte que la commande en direct depuis la Terre est impossible puisqu’il y a un décalage de temps de 3 à 22 minutes entre la Terre et Mars, cela est très important. Donc une nouvelle série statistique sera à ouvrir lors de la mise en service de ce Starship. Ce qu’on peut mentionner quand même comme acquis des Américains, c’est qu’avec la technologie des missions robotiques antérieures, ils ont appris à gérer les fluctuations de l’atmosphère martienne et ils devront toujours utiliser leur savoir-faire dans ce domaine.

Lors de l’atterrissage, mes contradicteurs évoquent un choc comparable à « un accident de voiture à vitesse modérée, supportable mais pas agréable à subir ». Il résulterait du freinage brutal par airbags et par parachute précédant, au dernier moment, une phase, violente, de rétropropulsion. C’est un « doux mélange » de techniques qui ne sont pas employées ensemble. Quand les astronautes descendent de l’ISS avec une capsule Soyouz, ils n’utilisent pas de rétropropulsion mais seulement des parachutes, d’où sans doute le choc mentionné. Par ailleurs lorsque le rover Perseverance comme le Rover Curiosity ont touché le sol, ils y étaient déposés en douceur par la grue volante embarquée rétropropulsée, sans choc (il n’y a qu’à voir le film de l’atterrissage de Perseverance et l’état du véhicule après pour constater qu’il n’y a pas eu « d’accident de voiture »). Lorsque les passagers d’un Starhip se poseront sur le sol de Mars, ils seront également rétropropulsés et ils le seront bien plus tôt que dans le cas d’un EDL  (Entry, Descent, Landing) actuel puisqu’il n’y aura pas de phase parachute. Même si tout au long de l’EDL la décélération sera très forte (de toute façon on partira de 27.000 km/h en haut de l’atmosphère) l’atterrissage se fera sans changement brusque de vitesse, donc « en douceur » (du fait des possibilités de propulsion et rétropropulsion, l’EDL pourrait durer un peu plus que les fameuses « 7 minutes de terreur »). De toute façon cet EDL sera un événement exceptionnel (deux pour un voyage et au plus deux ou trois voyages dans une vie).

En passant, je veux mentionner aussi le ridicule de choisir le terme « amarsissage » pour dire qu’on atterrit sur Mars. On ne va pas changer de mot à chaque fois qu’on change d’astre où l’on va se poser (qu’aurait-on dû dire en « langage correct » quand Philae s’est posé sur la comète Churyumov-Guerasimenko ?). Les Anglophones utilisent un seul terme, le verbe « to land » et ils ont bien raison. Mais le choix de ce terme restrictif d’« amarsissage », peut aussi avoir un sens plus profond, celui de ne pas vouloir aller se poser ailleurs ou du moins de limiter a priori les possibilités puisqu’on ne veut même pas les considérer.

Pour ce qui est du trajet interplanétaire, Madame Ekström considère que les corrections de trajectoires présentent une difficulté particulière. Ce n’est pas exact. Je ne veux pas dire qu’une correction de trajectoire ne soit pas un exercice délicat, et dangereux si elle échoue, mais je constate qu’aucune des missions robotiques qui ont visé Mars depuis des décennies et quelle que soit l’équipe de quelques pays que ce soit qui ait réussi son injection interplanétaire, n’est allé se perdre dans l’espace. Une sonde japonaise (Nozomi, en 2003) n’a pas pu se mettre en orbite de Mars mais c’est parce qu’elle avait perdu ses ergols, ce qui l’a empêchée d’exécuter la manœuvre commandée (mais elle est quand même parvenue dans l’environnement martien).

Pour ce qui est de la durée, je suis comme mes contradicteurs, dubitatif sur la possibilité de la réduire à un mois. A mon avis, tant qu’on utilisera la propulsion par ergols liquides, on ne descendra pas en-dessous de 5 mois. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il soit souhaitable de descendre en dessous de 6 mois car, par mesure de sécurité, il faut sauvegarder autant que possible une « trajectoire de libre retour », c’est-à-dire une trajectoire qui permette de revenir sur Terre sans dépenses supplémentaires d’énergie, au cas où pour une raison ou une autre l’équipage ou le contrôle mission déciderait que le vaisseau ne doit pas descendre sur Mars. Le voyage de retour serait beaucoup plus long que le voyage aller (les planètes se déplacent et il ne suffit pas de revenir jusqu’à l’orbite terrestre, il faut aussi que la Terre se trouve à l’endroit de l’orbite où le vaisseau accède au moment où il y accède !) mais au moins il serait possible. L’optimum, de ce point de vue, serait un vol propulsé à 5,08 km/s au départ de la Terre qui induirait un voyage aller de 180 jours et un « libre retour » de deux ans. La durée est une contrainte et six mois est sans doute un maximum supportable et souhaitable pour diverses raisons mais il ne faut pas en exagérer le désagrément. Claude Nicollier m’a dit avoir énormément apprécié ses séjours dans l’espace.

Je parlerai dans le prochain article de la vie à bord.

NB : Je ne veux pas omettre de mentionner un autre biais négatif des auteurs que je trouve absolument ridicule, celui de l’écologie poussé à l’absurde. Ils évoquent la « pollution » causée par Elon Musk à l’espace profond par l’envoi de sa voiture Tesla lors du lancement de la première fusée Falcon-Heavy. Parler de pollution dans l’espace profond où se trouve toute la matière de la Terre, et le reste, n’a absolument aucun sens. Il n’y a pollution que s’il y a gêne créé à quelqu’un par corruption de son environnement. La Tesla et son « Starman » ne généreront pas plus de pollution que n’importe quel astéroïde et il y en a des milliards dans notre système solaire.

Illustration de titre : Nous sommes à environ 120 km au dessus de la surface de Mars. Le Starship amorce sa descente dans l’atmosphère. On voit déjà à la surface exposée, la formation d’un plasma qui va devenir ultra-chaud au fur et à mesure que l’atmosphère épaissira et avant que la vitesse se réduise du fait précisément de cette résistance de l’atmosphère. Une double coque en acier inoxydable et des tuiles ablatives, en matériau composite réfractaire, vont dissiper la chaleur la plus forte. Image, crédit SpaceX.

Illustration ci-dessous : l’architecture du vol aller et retour. C’est simple, efficace…et beau. Crédit SpaceX.

PS: Le Sénateur démocrate (centriste) de Floride, Bill Nelson, a été proposé hier par le Président Joe Biden comme nouvel Administrateur de la NASA. cette proposition doit être ratifiée par le Sénat. Bill Nelson, né en 1942, est diplômé des Universités de Yale et de Virginie-Charlottesville (comme moi, pour ce qui est de l’UVa, Virginie-Charlottesville, mais il était étudiant à la Law School et moi en Economie, ce qui aux Etats-Unis est totalement séparé !). Juriste, il a suivie une longue carrière politique. Mais il a été également astronaute à bord de la navette Columbia du 12 au 18 janvier 1986 (dix jours avant l’accident de Challenger). Il était membre du NSC, National Space Council (comité consultatif de la NASA) depuis Mai 2019. Ce comité se prononce sur les grandes questions programmatiques de la NASA.

Il est intéressant de noter qu’il avait été nommé à ce NSC par l’ancien Administrateur Jim Bridenstine qui d’après Wikipedia avait dit de lui :  « Nelson est un véritable champion des vols spatiaux habités et il ajoutera une valeur considérable lorsque nous irons sur la Lune et sur Mars ». Cela augure bien de la suite…n’en déplaise aux adversaires des vols habités qui pensaient que le Président Joe Biden allait les soutenir (et cela constitue une heureuse surprise pour ceux qui, comme moi, pensaient qu’il allait redonner priorité à l’« espace pour la Terre »)!

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