De la pertinence pour l’humanité de bénéficier d’un établissement sur Mars dans le contexte d’une pandémie

Projetez-vous un siècle dans le futur et imaginez qu’une autre pandémie se propage sur Terre. Le virus, nouveau, est plus contagieux que le covid-19, sa létalité est beaucoup plus forte, le taux de reproduction très élevé, l’intervalle de générations très court. Les plus jeunes comme les plus vieux sont vulnérables et le pourcentage de décès atteint plus de 10% de la population. Il n’y a aucun vaccin pour prévenir la gravité de l’infection ni aucun médicament pour la traiter et le corps médical n’a pas plus d’armes qu’en 2020 pour la combattre.

A cette époque, tirant les leçons de la pandémie de 2020, tous les pays du monde se sont prémunis avec des stocks de masques FFP2 et de gel hydroalcoolique mais le nouveau microbe peut être aéroporté aussi bien que manuporté et sa viabilité en dehors de l’être-humain contaminé est de plusieurs heures. Il est donc beaucoup plus difficile de se protéger d’autant que, du fait du réchauffement climatique, le temps est sec et chaud sur la plupart des terres émergées et peuplées et, en cette saison, le vent est fort. Dans les habitations, il faut « tout fermer » et porter son masque constamment mais le virus s’insinue par tous les interstices, d’autant qu’en raison de la chaleur et puisqu’il n’y a plus de climatisations artificielle, interdite car facteur aggravant du réchauffement, se calfeutrer chez soi est mortel.

Après deux mois d’évolution depuis la déclaration de pandémie par l’OMS, les Etats sont totalement désorganisés et discrédités. La barbarie revient un peu partout et avec la cruauté, la bêtise. Les « datacenters » considérés par certains illuminés régressistes comme des centres de propagation de la maladie, sont détruits. Les robots s’arrêtent, les télécommunications ne fonctionnent plus. La nourriture et l’eau potable manquent. Plus rien ne « marche » et on entre dans une spirale infernale.

Une colonie a été créée sur Mars à la fin des années 2030. Elle compte maintenant plusieurs centaines de milliers d’habitants. Compte tenu du coût des transports interplanétaires et de leurs limitations en masse et en volume, elle a acquis une bonne autonomie sur le plan matériel. Elle produit ses générateurs d’énergie, ses machines de transformation de matière première et ses biens de consommation usuels. Elle subvient à ses besoins alimentaires. Sur le plan intellectuel, elle est un centre de production de haut niveau tant en nombre de brevets enregistrés qu’en publications de ses chercheurs organisés au sein de l’Université virtuelle Robert Zubrin.

L’épidémie a éclaté dans un des derniers pays où subsistent des lambeaux de forêt tropicale, à l’occasion de la capture puis de la consommation d’un des derniers singes en liberté, sacrifié à prix d’or sur ordre d’un magnat d’un pays nouvellement économiquement « développé » qui voulait manger sa cervelle pour acquérir ses vertus (on disait toujours et on dit encore « malin comme un singe »). Elle s’est propagée comme une traînée de poudre. On soupçonne même en Europe qu’elle a franchi la Méditerranée portée par le vent du désert. Lors du dernier départ vers Mars, juste avant la pandémie, la situation était encore bonne sur Terre et donc les passagers des vaisseaux spatiaux en cours de vol n’ont pu être contaminés.

Les Martiens vaquent à leurs occupations sans inquiétude particulière pour eux-mêmes mais ils sont évidemment très affectés moralement et affectivement de savoir que leurs partenaires terrestres, avec lesquels ils avaient l’habitude d’être en contact à distance, sont dans une situation désespérée.

Le temps passe, la situation se dégrade sur Terre, mais pas du tout sur Mars puisque toute communication physique a été coupée avant la propagation de l’épidémie et qu’elle aurait été de toute façon impossible puisqu’aucune liaison spatiale ne peut être réalisée physiquement en dehors des fenêtres de tir qui se présentent lors du bouclement de chaque cycle synodal, tous les 26 mois. Lors de l’ouverture de la fenêtre synodique suivant l’éclatement de la pandémie, on attend un vaisseau qui a annoncé son départ mais aucune nouvelle n’a été reçue depuis plusieurs mois et notamment aucun signal informant l’un des astroports, « Elon Musk » ou « Constantin Tsiolkovski » de l’autre côté du globe (redondance, toujours!), de son atterrissage prochain. Les messages qui parviennent de la Terre sont de très mauvaises qualités, le plus souvent incohérents et de plus en plus rares. Il semble cependant que quelques Terriens aient survécu dans des conditions plus ou moins acceptables et aient gardé la capacité de raisonner de façon rationnelle. Malheureusement leurs moyens technologiques sont très dégradés, sabotés ou simplement « ils manquent de moyens ». On a fini par apprendre par ces survivants d’une civilisation à la dérive, qu’effectivement le seul vaisseau dont le départ avait été annoncé est bien parti lors de la dernière conjonction favorable mais qu’il a été piraté par une bande de « racailles » drogués qui ont délogé au dernier moment la plupart des passagers soigneusement triés sur le plan sanitaire et qui étaient déjà à bord, dont le pilote (tué parce qu’il s’opposait au piratage) et l’ingénieure radio, chargée des télécommunications (toujours la même méfiance des « ondes maléfiques »). Il n’y avait donc plus suffisamment de personnes compétentes à bord et la maladie s’est propagée à une vitesse effrayante dans ce milieu clos. La plupart des passagers était sans doute mort quelques semaines après le départ et le vaisseau est peut-être passé près de Mars dans les délais prévus mais comme un vaisseau fantôme.

Sur Mars la vie s’organise pour qu’elle puisse continuer sans la Terre. Et effectivement elle continue. Il était déjà prévu par redondance et par sécurité vitale, que la Terre puisse ne pas exporter quoi que ce soit vers Mars pendant trois périodes synodiques*. Il faut maintenant que les Martiens prévoient encore plus loin. L’humanité civilisée est, du fait de la pandémie terrestre, devenue de fait martienne plus que terrienne mais elle est toujours l’humanité, le petit rameau martien étant porteur de son histoire, de sa culture et de ses capacités intellectuelles. Elle reprend le flambeau. Un jour peut-être, comme les moines irlandais du 6ème siècle étaient revenus en Grande Bretagne et en Europe continentale avec les trésors de la culture antique qu’ils avaient préservés pour ensemencer une première Renaissance, les Martiens pourront revenir sur Terre pour ranimer ce qui pourra l’être.

NB*: Sur Mars, par ailleurs, la surveillance de l’équilibre microbien dans l’air, les liquides et sur les surfaces continue avec le même sérieux. Elle était pratiquée depuis le début de l’arrivée de l’homme puisque la dissémination rapide d’une épidémie microbienne ou virale a toujours été un risque majeur dans les espaces confinés. En effet il est évidemment impossible de vivre dans un espace totalement stérile puisqu’il faudrait se stériliser soi-même. Certains microbes (les nôtres comme ceux d’autrui) nous sont nocifs ou le deviennent par processus évolutif, d’autres nous sont utiles mais encore faut-il qu’ils ne soient pas plus nombreux que nécessaire. L’équilibre est clef et il est instable. C’est le délicat problème du pilotage des microbiomes individuels et du microbiome collectif, aux différentes échelles de vie isolée ou en commun, sans oublier la nécessité d’un nettoyage périodique mais fréquents des espaces viabilisés et de leur meubles et objets. Sur Mars donc les habitudes ont été prises. Elles sont de ce fait pleinement acceptées et il est en fin de compte moins difficile d’éviter les catastrophes sanitaires.

Image de titre: les Skellig Michael, refuge monastique du Haut Moyen-Age au large de la pointe la plus occidentale de l’Irlande. Je vous encourage après la pandémie à visiter ce site extraordinaire, suspendu entre ciel et mer et vous comprendrez pourquoi il a été choisi comme refuge et comme oratoire par cette petite population à la recherche d’absolu et de lumière, et pourquoi la force spirituelle qu’elle y a acquis leur a permis ensuite de reconquérir le monde.

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Index L’appel de Mars 20 04 08

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