Les premières photos du télescope Webb nous ouvrent une perspective splendide sur une nouvelle perception de l’espace

Ce 12 juillet, la NASA avait organisé une présentation, à Greenbelt, Maryland, au siège de la STC (voir plus bas), de cinq des premières images prises par le nouveau télescope spatial James Webb, « JWST ». Le jour est historique comme le fut celui où furent présentées les photos du télescope Hubble après qu’on ait eu corrigé sa myopie initiale (1990). La différence entre la « production » des deux télescopes est spectaculaire. On ne peut pas dire seulement qu’on voit plus loin. On devrait dire qu’on voit plus loin car on voit mieux, ce qui sous-entend (1) que les astres et formations stellaires proches sont perçus beaucoup plus nets et précis et (2) que l’on voit effectivement beaucoup plus loin.

La différence est due à la taille des miroirs mais aussi au fait que les télescopent exploitent des longueurs d’ondes différentes, les deux étant liés.

D’abord le diamètre du miroir primaire du JWST est de 6,5 mètres contre 2,4 mètres pour celui de Hubble. Ensuite le traitement des rayonnements reçus n’est plus centré sur les ondes visibles (avec franges dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge) comme l’est celui de Hubble, mais sur les ondes infrarouges, jusqu’à 29 microns (contre 1,7 microns pour Hubble) avec toujours une frange dans le visible. Cela permet de voir les sources de rayonnements plus froids que celles émettant dans le spectre visible et aussi de les percevoir au-travers des nuages de poussière qui les brouillent ou les cachent en visible.

La dimension plus grande du miroir de Webb, outre qu’elle permet de recevoir davantage de rayonnements, est en partie justifiée par la longueur des ondes que l’on veut capter. En effet les ondes infrarouges étant plus longues que les ondes visibles, on a besoin d’une surface plus grande pour que l’image qu’elles nous communiquent soit suffisamment fine. Dit autrement, la surface de collecte renforce l’acuité du télescope donc son pouvoir de résolution qui autrement aurait été plus faible. Ce dernier sera comme celui de Hubble, de 0,1 seconde d’arc, mais pour des ondes beaucoup plus longues (donc des lumières beaucoup plus faibles).

Les cinq images choisies par la NASA pour sa présentation illustrent les domaines différents dans lesquels JWST sera actif. NB : toutes ces images ont les mêmes crédits photos, NASA, ESA, ASC – Agence Spatiale Canadienne, et STScI – la Space Telescope Science Institute, Institution fondée par la NASA qui gère et dirige, avec participation de l’ESA, la recherche effectuée par Hubble et maintenant par Webb.

La première photo est celle du « Premier champ profond de Webb »

(cf illustration de titre pour comparaison avec ce que voit Hubble)

Cette photo est centrée sur l’amas de galaxies « SMACS 0723 » et nous permet d’accéder à des lumières provenant d’au-delà de 13,5 milliards d’années (pour mémoire l’Univers est âgé de 13,8 milliards d’années). On serait, à cette distance, à l’époque des toutes premières galaxies, celles qui ont commencé à luire à la sortie des « Ages-sombres » (il a fallu que la matière se reconcentre après la libération de la lumière, 380.000 ans après le Big-bang). On ne les voit pas en direct mais grâce à l’effet de lentille gravitationnelle (en l’occurrence l’amas de galaxies, au centre de la photo, SMACS 0723) qui nous rapproche comme une loupe le ferait, de ce qui est derrière lui et qui de ce fait, apparaît autour de lui. Les galaxies les plus rouges sont les plus lointaines puisque ce sont celles pour lesquelles l’expansion de l’Univers génère la vitesse d’éloignement la plus élevée (effet Doppler). Sur la voûte céleste l’image aurait la taille d’un grain de sable. NB : les étoiles rayonnantes sont au premier plan, dans notre voisinage galactique.

La deuxième photo montre le « Quintette de Stéphane », cinq galaxies apparemment rassemblées

C’est la plus grande image de Webb en rapport à la surface de voûte céleste (1/5ème du diamètre de la Lune). Les deux galaxies en haut à droite sont en contact ce qui provoque d’énormes ondes de choc en leur sein, bien visibles ici dans la distorsion de leurs courbes, l’une d’entre elles (celle du dessous) est déjà le résultat d’une fusion puisqu’on en voit encore les deux noyaux ; un trou noir puissant se trouve au centre de la galaxie en haut. La troisième galaxie, à gauche, est plus proche de nous.

La troisième photo est une vue de la « Nébuleuse de la Carène » (NGC 3324)

La photo met bien en évidence le processus de formation d’étoiles dans cette nébuleuse située à quelques à quelques 7600 années-lumière. Au centre (au-dessus, en dehors de la photo), une étoile extrêmement massive a explosé et a repoussé la poussière galactique et stellaire qui l’entourait. On voit bien (en bleu) le gaz ultra-chaud résultant de l’explosion (en haut) et (en ocre) le nuage de poussière qui l’entoure (en bas). La pression du gaz sur la poussière génère par gravité des concentrations de matière d’où naissent des étoiles, que l’on voit ici à tous les stades de leur formation.

La quatrième photo montre la « Nébuleuse de l’anneau austral » (NGC 3132)

Cette nébuleuse est située à 2300 années-lumière. Le principe est le même que pour l’image précédente mais les étoiles sont différentes en masse et le processus d’évolution est moins avancé. On a ici deux photos prises avec deux caméras différentes à bord du Webb, la caméra en infrarouge proche (NIRCam) à gauche et la caméra en infrarouge moyen qui capte des longueurs d’ondes plus longues (MIRI), à droite. La seconde photo montre pour la première fois que l’étoile au centre est en fait double. La seconde est entourée de poussière, l’autre ne l’est pas ce qui implique que c’est la première qui est la cause de la nébuleuse, pas l’étoile de droite…qui malgré tout connaîtra un jour le sort de sa compagne.

La cinquième photo est le spectrogramme d’une planète massive proche de son étoile répertoriée « WASP-96 »

C’est l’une des quelques 5000 exoplanètes identifiées à ce jour. C’est un « Jupiter-chaud » c’est-à-dire une très grosse planète (la moitié de la masse de Jupiter) et d’autant plus volumineuse qu’elle est très peu dense (diamètre 1,2 fois celui de Jupiter). Distante de seulement 1/9ème de la distance de Mercure au Soleil, elle fait le tour de son étoile en 3,5 jours ; comme l’étoile est de type solaire, la planète est, de ce fait, très chaude. On ne peut toujours pas « voir » une telle planète puisqu’elle n’émet pas de rayonnement visible et qu’elle est trop petite pour nos instruments (elle se trouve à 1500 années-lumière de nous) mais on peut saisir son spectre et son volume, par différence avec celui de l’étoile lorsqu’elle passe entre nous et elle (et évaluer sa masse, par le balancement qu’elle cause à cette étoile). La particularité de ce spectre est qu’il est beaucoup plus précis que jamais et montre la présence d’eau (qui ne peut être que sous forme de vapeur du fait de la température) par absorption de la ligne de l’eau. Cette possibilité de précision nous permettra de rechercher l’eau dans l’atmosphère d’autres planètes moins hostiles à la vie (ou plus terrestres).

***

Il a fallu 25 ans de travail extrêmement difficile pour obtenir ces premières photos, c’est-à-dire 25 ans pour concevoir, réaliser, faire entrer en le pliant comme un origami, l’énorme observatoire Webb sous la coiffe de sa fusée (Ariane V de l’ESA). Il a fallu aussi beaucoup d’argent (plus de 10 milliards alors qu’on avait devisé le projet à seulement 2 milliards en 2001 !). Mais c’est un exploit (dont le lancement réussi par Arianespace n’est pas le moindre élément) et cet exploit ouvre une nouvelle ère pour l’astronomie qui va bien durer aussi 25 ans (pour comparaison, Hubble doit fonctionner jusqu’un peu après 2030).

Lors de l’événement d’hier, tous les participants étaient heureux et soulagés que tout ait si bien fonctionné. Le leader est bien sûr la NASA qui a fourni l’essentiel des équipements mais l’ESA et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne) sont aussi participants avec des contributions non négligeables. Autour d’eux de multiples organismes et sociétés, en tout quelques 20.000 personnes au travers du monde !

L’ESA a fourni deux instruments : 1) le spectrographe « NIRSpec », déjà mentionné, fabriqué par Astrium GmbH en Allemagne ; 2) le spectrographe « MIRI », déjà mentionné qui collecte les ondes les plus froides, allant de 5 à 29 microns. Pour réaliser cet instrument 10 pays membres de l’ESA se sont réunis dont la Grande Bretagne, la France et la Suisse. Par ailleurs, comme déjà mentionné, 3) c’est l’ESA qui a effectué le lancement, le 25 décembre dernier, qui a conduit le télescope à orbiter, comme prévu, le point de Lagrange Soleil-Terre L2, à 1,5 millions de km de la Terre, dans la direction opposée au Soleil.

Le Canada de son côté, a fourni un autre spectrographe, « NIrISS », et l’instrument « FGS » (« Fine Guidance Sensor »). Le spectrographe opérera dans les longueurs d’onde allant de 0,8 à 5 microns. Son objet est la détection des exoplanètes et leur caractérisation ainsi que la spectroscopie par transit (analyse de l’atmosphère lors du passage de la planète devant son étoile). FGS est un pointeur pour cibler l’objectif avec la plus grande précision (de l’ordre du millionième de degré). Il a pour cela été qualifié de « volant du Webb ».

Il ne faut cependant pas croire que les Etats-Unis n’ont rien fait. Ce sont eux qui ont conçu et réalisé le télescope proprement dit et son pliage. Par ailleurs ils ont fourni l’instrument « NIRCam », un imageur qui opère dans les longueurs d’onde 0,6 à 5 microns. NIRCam comme FGS sont des auxiliaires à l’observation scientifique effectuée principalement par les deux autres spectrographes.

Pour une fois au moins, tout s’est bien passé et les perspectives sont magnifiques ! « Go Webb, go » comme disent les Américains !

Illustration de titre : Comparaison du même champ profond, vu par Hubble à gauche et vu par Webb, à droite.

Lien : https://www.nasa.gov/webbfirstimages

NB : cet article a été publié le 12/07/2022 dans le journal libéral de référence en France, Contrepoints dont je suis un des contributeurs réguliers.

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Index L’appel de Mars 22 06 10

La merveille technologique qu’est le JWST va nous permettre de faire un saut dans nos capacités d’observation de l’Univers, proche et lointain

Le 22 décembre, l’ESA doit lancer à partir de Kourou le JWST (James Webb Space Telescope), nouveau télescope spatial, conçu et construit en coopération avec la NASA et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne) et la participation de très nombreux contributeurs (voir ci-dessous, en fin d’article).

C’est un moment historique important pour plusieurs raisons. D’abord le JWST va remplacer le vieux Télescope Hubble. Ensuite il aura une puissance décuplée par rapport à son prédécesseur et il va repousser très loin notre horizon tout en nous permettant de voir dans l’espace proche des détails infiniment plus petits que ce que permettait Hubble et, surtout, toutes sortes d’objets peu ou non lumineux. C’est aussi l’achèvement d’une longue histoire qui a failli ne pas aboutir positivement et dont on peut tirer de nombreuses leçons. Enfin nous ne pourrons « vendre la peau de l’ours » que dans plusieurs semaines car, après le lancement, il y aura le déploiement du télescope et ce ne sera pas une mince affaire.

Il faut d’abord préciser que le JWST n’est quand même pas tout à fait Hubble. En effet il ne verra pas l’espace de la même manière que nos yeux (comme Hubble) puisqu’il ne sera sensible que marginalement à la lumière visible et bien davantage aux ondes juste un peu plus longues du spectre électromagnétique, celles qui vont de l’orange (à la limite du jaune) à l’infrarouge moyen, de 0,66 à 28 microns. A noter que la caméra WFC3 montée sur Hubble en 2009 permet seulement de descendre jusqu’à 1,7 microns. L’avantage c’est que la frange de visible permet de repérer les sources comme les télescopes ordinaires et que l’utilisation de l’infrarouge permet l’accès aux sources de très faible luminosité comme les exoplanètes, les étoiles naines-brunes, ou encore les objets très lointains dont la longueur d’onde du signal a été étirée par l’expansion de l’Univers et l’effet Doppler en résultant ; elle permet aussi de « voir » au travers de la poussière notamment dans les pépinières d’étoiles. L’avantage enfin c’est que l’accès à l’infrarouge depuis le sol de la planète est très difficile à cause de la lumière diffuse et de la température environnante de l’atmosphère et que le positionnement du JWST dans l’espace nous permettra d’en sortir.

C’est en effet pour cela que non seulement le JWST va être envoyé dans l’espace mais aussi que l’on prend des précautions extraordinaires pour que l’environnement dans lequel on veut collecter les infrarouges, soit aussi froid que possible. Il va donc être positionné en orbite autour de L2, un point de Lagrange d’une certaine stabilité même s’il est considéré comme instable par rapport à L4 et L5 (il faudra des corrections de trajectoire de temps en temps), le « dos » non seulement à la lumière du Soleil mais aussi à la lueur de la Terre, à 1,5 millions de km de celle-ci. L’orientation devra être scrupuleusement maintenue et elle le sera d’autant mieux que son orbite autour de L2 sera perpendiculaire à celle de la Terre). Mais il ne suffit pas que l’environnement du capteur soit froid, il doit être très froid pour que le moins de bruit de fond (la chaleur) possible n’occulte le rayonnement reçu le plus « rouge » possible (un peu comme dans le domaine du visible il nous faut la nuit pour voir les étoiles).

On a donc conçu tout un dispositif compliqué et fragile pour maintenir la plus basse température possible. Le bouclier, en même temps radiateur, est constitué, sur une épaisseur de 1,5 mètres, de cinq couches (14,16 x 22 mètres de surface) séparées, de « kapton », un film polymère stable sur une gamme très ouverte de températures, ultrafin et revêtu d’une fine couche d’aluminium. La face exposée au Soleil est traitée pour être particulièrement réfléchissante. Chaque couche, protégée par la précédente, est plus froide qu’elle et évacue la chaleur vers l’extérieur (effet radiateur) de telle sorte qu’on puisse passer de +125°C sur la face la plus exposée au Soleil à -235°C sur la dernière face avant le télescope (rappelons que le zéro absolu, 0 Kelvin est à -273,15°C).

A l’abri de ce bouclier va se déployer un objet magnifique, le miroir primaire, constitué de 18 segments hexagonaux, d’un diamètre total de 6,5 mètres de diamètre (surface de collecte de 25 m2), à comparer aux 2,4 mètres de Hubble. A noter que cette dimension, outre qu’elle permettra de recevoir davantage de rayonnements, est en partie justifiée par la longueur des ondes les plus longues que l’on veut capter. En effet les ondes infrarouges étant plus longues que les ondes visibles, on a besoin d’une surface plus grande pour que l’image qu’elles nous communiquent soit suffisamment fine. Dit autrement, la surface de collecte renforce l’acuité du télescope donc son pouvoir de résolution. Ce dernier sera comme celui de Hubble, de 0,1 seconde d’arc mais pour des ondes beaucoup plus longues (donc des lumières beaucoup plus faibles). Les segments de miroir sont en béryllium, un métal particulièrement stable et léger, recouvert d’une pellicule d’or, métal choisi pour ses vertus réfléchissantes dans l’infrarouge.

Le miroir primaire va renvoyer les ondes reçues vers un miroir secondaire, également en béryllium, tenu en avant du premier, « à bout de bras », par trois tiges de 7,60 mètres de long. Il réfléchira le rayonnement vers un troisième miroir, au centre du premier, qui sera la porte aux instruments qui, protégés au pied du miroir primaire contre les températures extrêmes, vont traiter le rayonnement reçu. Les données seront transmises ensuite par une antenne à grand gain orientée vers la Terre.

Il y a quatre instruments dans le cœur de ce qu’on doit considérer comme un véritable observatoire plutôt qu’un simple télescope, MIRI (Mid Infrared Instrument), FGS/NIrISS (Fine Guidance Sensor & Near Infrared Imager and Stiltless Spectrograph) , NIRSpec et NIRCam (Near Infrared Camera).

MIRI est un instrument (imageur et spectromètre) de l’extrême puisqu’il collecte les rayonnements les plus longs (entre 5 et 29 microns) donc les moins chauds. Il est refroidi en dessous de la température déjà très froide de l’ensemble du télescope, jusqu’à -266°C par un liquide cryogénique, et il est équipé d’un coronographe (par « masque de phase ») qui permet d’éviter que l’image froide soit inondée par la lumière de la source lumineuse la plus proche (le plus souvent l’étoile de la planète visée). L’objet est cosmologique, recherche de la « première lumière » au sortir des « âges sombres », et astrophysique, la formation des étoiles et la formation des systèmes planétaires. C’est une contribution de l’ESA (10 pays dont la Grande Bretagne, la France et la Suisse) et de la NASA.

FGS et NIrISS. FGS est un pointeur pour cibler l’objectif avec la plus grande précision (de l’ordre du millionième de degré). Il a pour cela été qualifié de « volant du Webb ». NIrISS est un spectrographe qui opérera dans les longueurs d’onde allant de 0,8 à 5 microns. Son objet est la détection des exoplanètes et leur caractérisation ainsi que la spectroscopie par transit (analyse de l’atmosphère lors du passage de la planète devant son étoile). En outre il étudiera les lumières les plus faibles de l’univers. FGS et NIrISS sont une contribution de l’ASC.

NIRSpec pourra prendre le spectrogramme de 100 objets simultanément, en moyenne résolution sur les longueurs d’onde de 1 à 5 microns et en résolution plus basse pour les longueurs d’onde allant de 0,6 à 5 microns. Il doit fournir des spectrogrammes de galaxies à très grands décalage vers le rouge, d’exoplanètes en transit, de disques protostellaires ou protoplanétaires. Il a été construit par ASTRIUM, c’est une contribution de l’ESA.

NIRCam est un imageur qui opère dans les longueurs d’onde 0,6 à 5 microns. Son objet est l’étude des premières phases de formation stellaire et galactique, la morphologie et les nuances de couleurs des galaxies à très grand décalage vers le rouge, les courbes de lumière des supernovæ distantes, la détection de matière noire via les effets de lentilles gravitationnelles, l’étude des populations d’étoiles dans les galaxies proches, l’imagerie et la spectroscopie des proto-étoiles, disques protoplanétaires, exoplanètes. Il est fourni par l’Université d’Arizona et le Centre de Technologie de Pointe de Lockheed Martin.

NIRCam est comme FGS un auxiliaire à l’observation pour les autres instruments car il sera également utilisé comme analyseur de front d’ondes pour contrôler l’alignement et le phasage du miroir primaire.

L’humanité va donc disposer très bientôt (6 mois après le lancement) d’un nouveau moyen d’observation qui lui permettra de faire un saut dans sa connaissance de l’Univers aussi bien proche que lointain. Il y aura un « avant » et un « après » JWST comme il y a eu un avant et un après Hubble. Ceci dit l’accouchement a été très pénible.

Le projet a commencé au stade de la réflexion en 1989 (il y a 32 ans !) mais ce n’est qu’en 1996 qu’on obtint une première étude de faisabilité. Le miroir primaire, à l’époque devait mesurer 8 mètres de diamètre et couter 500 millions. L’objectif de réalisation était 2007 (il y a 14 ans !). Entre 1997 et 2001, on précisa les spécifications et la NASA lança la collaboration avec l’ESA et l’ASC. Pour réduire le coût, on réduisit le diamètre du miroir primaire à 6 mètres mais le devis monta quand même à près de 2 milliards (un coût qui restait « normal » pour une sonde importante).  Entre 2003 et 2004, une autre avancée dans la préparation conduisit à la sélection des constructeurs et au choix du béryllium pour les segments du miroir primaire. On atteignit les 3 milliards…et le dérapage commença. En 2005 on repartit de zéro. Au fur et à mesure du temps, les problèmes se posèrent (tests, pliage), la date de mise en service s’éloigna et les coûts montèrent : 2010 prévu en 2003 ; 2014 et 5 milliards en 2009 ; 2018 et plus de 8 milliards en 2011. Le Sénat grinça, gronda et tonna puis céda pour augmenter le financement. Le plafond fut finalement irrémédiablement fixé à 10 milliards. On atteignit la somme en 2018 tandis que la date de lancement s’éloignait encore : 2019 en 2017 ; 2020 en 2018 ; Octobre 21 en 2020 et finalement Décembre 2021 en 2021 ! En fait le JWST a été terminé en juin 2016 mais les tests ont été plus difficiles que prévu (rendant notamment nécessaire la reconfiguration de la plus grande chambre à vide cryogénique au monde), il y a eu la covid et un problème avec le lanceur Ariane V, tout, y compris le « pas de chance » (déchirure du pare-soleil et in fine, fin novembre 2021, détachement trop brutal de la sangle liant la sonde à son support fixe au sein du lanceur qui a peut-être causé quelques dégats à la sonde et force le report du lancement du 18 au 22 décembre…au plus tôt) !

Ceci dit même après le lancement (par une fusée Ariane V de l’ESA à Kourou) nous ne serons pas au bout de nos épreuves car compte tenu de sa taille, le JWST a dû être replié à l’extrême (on parle d’un « origami ») et le déploiement sera pour le moins délicat. Voyez l’image ci-dessous et comparez là à l’illustration de titre (vue d’artiste NASA). En même temps, comparez la taille du télescope et comparez là à celle de l’homme qui se trouve en bas à droite. On peut espérer que lorsque le Starship d’Elon Musk sera opérationnel on ne sera plus obligé de faire ces pliages dantesques !

Liens :

https://fr.wikipedia.org/wiki/James-Webb_(t%C3%A9lescope_spatial)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hubble_(t%C3%A9lescope_spatial)

https://jwst.nasa.gov/content/webbLaunch/index.html

https://www.jwst.fr/

https://irfu.cea.fr/dap/Phocea/Vie_des_labos/Ast/ast.php?t=actu&id_ast=2302

http://www.exoplanetes.umontreal.ca/niriss-et-jwst-le-canada-a-lavant-plan-de-letude-des-exoplanetes/

Contributeurs au JWST :

Au nombre de 306 dans le monde dont 153 américains, 14 canadiens et 173 européens dont 8 suisses : Syderal SA, Neuchâtel / Swiss Space Office / Ruag / Physikalisches Institut, Bern / Paul Scherrer Institute, Villigen / Observatoire de Genève / ETH, Institute for Particle Physics and Astrophysics, Zurich / APCO Technologies SA, Aigle / La participation Suisse concerne surtout MIRI, l’instrument le plus délicat du JWST puisque c’est celui qui observera dans l’environnement le plus froid.

https://quanz-group.ethz.ch/research/instrumentation/jwst.html

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