Le BioPod d’Interstellar Lab peut nourrir plus d’êtres humains avec un impact moindre sur l’environnement

Je passe aujourd’hui la parole à Barbara Belvisi fondatrice et CEO d’Interstellar lab, une entreprise américano-française qui veut préparer l’implantation de l’homme sur Mars dans le domaine du support vie, par la recherche et l’expérimentation sur Terre. Une première réalisation, le BioPod, créé par toute une équipe de spécialistes, doit permettre à l’homme de se nourrir avec un maximum d’efficacité et un maximum d’économie. Cela peut aussi servir sur Terre. Cela veut dire encore que la solution à nos problèmes environnementaux n’est pas la décroissance mais une croissance intelligente, respectueuse et consciente de son impact sur l’environnement. 

BioPod fermé. Crédit Interstellar Lab. Admirez la pureté et l’élégance du volume et des lignes (conçu avec Dassault Systèmes).

Traduction du texte publié le 14 mai 2021 par Interstellar-lab sur son site Internet sous le titre « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (des précisions obtenues par l’interview de Barbara Belvisi suivent cette traduction):

Un quart des émissions de gaz à effet de serre provient de l’utilisation de méthodes agricoles traditionnelles inefficaces. Le changement climatique lui-même conduit à une détérioration du rendement des cultures et même à une diminution de leurs qualités nutritionnelles, obligeant les agriculteurs à se tourner vers une utilisation accrue des engrais, ce qui est une cause de pollution, et pour compenser, à accentuer la déforestation.

Ce cercle vicieux non seulement augmente le taux de réchauffement climatique mais il entraîne aussi la destruction d’habitat d’innombrables espèces animales et de plantes menacées d’extinction, y compris de plantes aromatiques comme la vanille et autres utilisées dans les parfums et les cosmétiques. Il est angoissant de constater que dans la liste-rouge de l’UICN* la destruction de l’environnement est considérée comme la principale menace pour 85% des espèces menacées. Le monde a besoin de toute urgence d’une solution qui puisse casser ce cycle et résoudre le plus grand nombre possible de ces problèmes.

* L’Union internationale pour la conservation de la nature

Le BioPod est la solution d’agriculture durable proposée par Interstellar-Lab

Interstellar Lab veut accélérer la transition vers des solutions de régénération environnementale sur Terre en créant des systèmes intégrés hautement efficaces, de production alimentaire et de recyclage de l’eau et des déchets.

C’est avec cet objectif en vue que nous avons conçu le BioPod, un système de serre à la pointe de la technologie, utilisant l’aéroponie. Le BioPod est composé d’un dôme porté par la pression atmosphérique interne, avec des systèmes automatisés de traitement de l’atmosphère, de l’eau, de l’éclairage et du dosage des nutriments. Sa fonction est de faire pousser des plantes en utilisant le moins possible d’eau, de nutriments et d’espace. Le climat intérieur du BioPod est entièrement contrôlé et protégé des contaminants extérieurs tels que les insectes nuisibles ou la pollution, ce qui permet de produire des aliments de la plus haute qualité dans n’importe quel environnement.

L’agriculture conventionnelle a des effets secondaires importants sur l’environnement : l’utilisation élevée et inefficace de l’eau, la consommation de grandes quantités d’engrais, la dégradation des sols et le besoin de vastes étendues de terres sur lesquelles faire pousser les cultures.

Le BioPod réduit efficacement la consommation d’eau, de plus de 98%

Les deux tiers de l’eau douce mondiale actuellement disponible sont utilisés dans l’agriculture et les estimations pour 2050 prévoient une augmentation de 15% de sa consommation. Le mois dernier, nous avons lancé un outil de précision pour la planification de l’agriculture que nous appelons Crop Selector1. Pour l’analyse qui suit, nous l’avons utilisé pour recommander un plan d’agriculture qui réponde aux besoins nutritionnels d’une personne pour une année. En nous référant aux données d’un article de recherche fondateur, sur l’impact climatique de l’agriculture2, nous avons constaté que l’agriculture conventionnelle avait besoin de 337.000 litres d’eau pour obtenir les produits recommandés.

Grâce à notre système en boucle fermée équipé d’une tour d’aéroponie, un BioPod produit les mêmes cultures dans les mêmes quantités pour une fraction seulement de cette quantité d’eau : 5.040 litres. Pour atteindre ce résultat, nous nous assurons que chaque goutte d’eau est utilisée par nos plantes et que rien n’est gaspillé. Nous recyclons même l’humidité de l’air et la renvoyons aux racines de ces plantes. En outre, BioPod contient des unités de désinfection par UV, un système d’ajustement de pH et des réservoirs de nutriments pour assurer la qualité de l’eau.

De plus, le BioPod peut réduire l’impact des cultures en croissance sur la rareté de l’eau. Dans les régions sèches où l’eau est limitée, comme les déserts, notre serre à haut rendement peut avoir un effet multiplicateur positif qui profite aux aquifères et aux écosystèmes locaux.

Le BioPod traite les impacts environnementaux des méthodes agricoles traditionnelles

Bien que le BioPod n’occupe qu’un espace de 54 mètres carrés, il peut produire en un an autant de produits qu’une ferme conventionnelle de près de 260 hectares. Une étude de la NASA3 sur les systèmes aéroponiques les a comparés à la culture hydroponique et aux alternatives agricoles traditionnelles. Elle a conclu qu’un système d’aéroponie standard réduit le coût de la main-d’œuvre, l’utilisation d’engrais de 60%, l’utilisation de pesticides et d’herbicides de 100%, consomme 98% moins d’eau et maximise jusqu’à 75% le rendement des plantes.

En combinant des technologies d’agriculture sous serre éprouvées telles que les systèmes de dosage de nutriments et l’éclairage LED avec des innovations en aéroponie de gestion intelligente des cultures, des systèmes de contrôle climatique et des matériaux isolants infusés d’aérogel, le BioPod est en mesure d’atteindre une efficacité et un rendement de récoltes sans précédent.

On peut installer 99 BioPods sur un terrain de football et cultiver l’équivalent de 260 hectares de terres agricoles. C’est près de 5 Manhattans!

Normalement, la terre est soustraite de l’écosystème naturel et transformée afin de produire de la nourriture pour les hommes. Ce procédé génère l’équivalent de 250 kg de CO2 par an et par personne, pour un régime végétalien. En revanche, en n’occupant que 54 m2, un BioPod redonne de la terre à l’écosystème naturel et produit la même nourriture tout en réduisant jusqu’à 98,4% les émissions de CO2. Ce faisant, un seul BioPod peut réduire considérablement la pression d’expansion exercée sur les habitats naturels entourant les fermes, en diminuant la quantité de terres et d’engrais nécessaires pour faire pousser les cultures. Ce changement n’a pas d’externalité négative. BioPod travaille pour aider à préserver la biodiversité sur Terre.

Le BioPod est un outil efficace pour cultiver et protéger les espèces végétales menacées

Selon une étude récente de Nielsen Massey, environ 80% de la vanille mondiale est produite à Madagascar, un endroit aux conditions climatiques parfaites pour la culture de la fleur du vanillier. Cependant, les plantes sont constamment exposées aux catastrophes naturelles ou causées par l’homme. En 2017, près d’un tiers de la récolte de l’île a été endommagée par la tempête tropicale Enawo. Le changement climatique, les troubles sociaux politiques internes et une agriculture inefficace mettent en jeu l’avenir de la culture de la vanille.

De nombreuses régions du monde se réchauffent et les scientifiques pensent que la sélection transgénique pourrait conduire à des améliorations de la résistance à la chaleur pour certaines cultures, mais d’autres, comme celle des pommes de terre, risquent de connaître une baisse de la production en raison de la hausse des températures. Le déploiement de BioPods dans de telles régions pourrait être un moyen de garantir qu’une partie des cultures soit à l’abri d’un changement climatique.

BioPod peut également être utilisé pour préserver les plantes en dehors de leurs habitats naturels. En conséquence, nous travaillons activement avec les banques de gènes et les jardins botaniques pour protéger la biodiversité agricole et les espèces sauvages apparentées aux espèces cultivées.

Notre mission

Chez Interstellar Lab, nous relevons les défis immédiats qui se posent ici sur Terre : le changement climatique, la protection de la biodiversité, l’agriculture durable et la gestion responsable des ressources.

Le développement du BioPod n’est que la première étape d’une mission plus large que nous voulons assumer pour aider les hommes à vivre en harmonie avec tout environnement dans lequel ils choisiront de vivre, à la fois ici sur Terre et dans d’autres mondes de notre voisinage solaire.

Titre original de Barbara Belvisi : « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (Le BioPod d’Interstellar Lab peut réduire les impacts climatiques de l’agriculture et préserver la biodiversité dans les écosystèmes critiques).

J’ajoute ci-après quelques précisions après des échanges que j’ai eu avec Barbara Belvisi :

1) Pierre Brisson (PB) : Comment tient la structure du Supernova BioPod (gonflage de l’enveloppe ou pressurisation du volume intérieur) ?

Barbara Belvisi (BB) : C’est une structure gonflable qui s’autoporte grâce à une surpression à l’intérieur du dôme.  La membrane est elle-aussi gonflée d’air ce qui crée des coussins d’air qui renforcent l’isolation thermique

2) PB : Le toit est-il mobile pour recouvrir une partie variable de la surface intérieure ?

BB : Sur cette première version du BioPod, la membrane n’est pas mobile une fois installée. Mais lors de sa fabrication nous pouvons ajuster la partie translucide et la partie transparente en fonction des objectifs de captation de lumière du soleil.

3) PB : Les plantes poussent-elles dans des bacs ?

BB : Les plantes poussent soit dans des systèmes d’aéroponie à haute pression soit dans des bacs composés de substrats non-organiques avec un système d’irrigation goutte-à-goutte et de brumisation ultrafine.

4) PB : La composition atmosphérique en gaz carbonique est-elle contrôlée et éventuellement un peu forcée et jusqu’à quel niveau ? Cela dépend-il des cultures ?

BB : l’atmosphère à l’intérieur du BioPod est totalement contrôlée : les niveaux de CO2 sont boostés jusqu’à 2000 ppm en fonction des besoins des plantes et de leur cycle de croissance. Tout est entièrement automatisée : dès que nos algorithmes de prédiction nous indiquent qu’il faut monter les niveaux de CO2, le CO2 « scrubber » s’active et vient aspirer le CO2 de l’atmosphère ambiant à l’extérieur du BioPod, pour l’envoyer à l’intérieur. Pour l’oxygène, nous avons un générateur qui vient le capturer à l’intérieur pour le renvoyer vers l’extérieur. Nous n’utilisons aucun réservoir, toutes les ressources d’air sont in-situ.

5) PB : Un éclairage variable selon les longueurs d’onde est-il prévu (plus de rouge ou plus de bleu)?

BB : oui, nous utilisons un système de LED avec variateur d’ondes qui évoluent en fonction des besoins des plantes dans la journée. Nous recréons les conditions lumineuses d’une journée idéale pour la plante, en fonction de ses besoins : typiquement avec des lumières plus bleues le matin et le soir.

6) PB : Utilisez-vous des mélanges de cultures (la présence de certaines espèces étant favorisée par la croissance d’autres espèces) ?

BB : oui, il est possible d’avoir des BioPod mono-cultures et multi-cultures. Dans les BioPods multi-cultures, les plantes sont sélectionnées par nos algorithmes qui analysent les conditions climatiques (température, humidité, lumière) et organisent le calendrier et la mise en place des plantes en fonction de leurs affinités.

7) PB : Le volume est-il utilisé autant que la surface (étagement des bacs de culture) ?

BB : tout à fait, nous pouvons multiplier la surface de culture jusqu’à 6 fois grâce a un étagement ou à des systèmes de croissance verticaux.

8) La cueillette est-elle robotisée ?

BB : non pas encore. Les technologies ne sont pas encore prêtes pour des systèmes en multi-cultures. De plus, pour les missions spatiales, cette activité est fortement conseillée pour permettre aux hommes de passer du temps proche de la nature.

9) PB : Pourquoi ne pas avoir prévu de bacs pour la culture des spirulines ?

BB : pour l’instant nous nous concentrons sur la culture des légumes, fruits, fleurs et plantes médicinales. La spiruline viendra dans un second temps.

10) PB : Le BioPod semble totalement clos, y compris au sol. Cela est-il fait pour éviter les fuites de substances des cultures vers la profondeur du sol ? Pour mieux contrôler l’intérieur ?

BB : le BioPod est totalement clos et scellé : pas d’échange gazeux ou d’eau avec l’extérieur. L’objectif est d’être en environnement totalement fermé pour mieux contrôler l’atmosphère, obtenir de meilleure performance et limiter les contaminations par les pathogènes. L’entrée du BioPod se fait par « airlock » avec sas de décontamination.

11) PB : Enfin quand on fait le calcul des surfaces cultivées selon les familles de culture (champignons, herbes, serres tropicales, aéroponie), on n’obtient pas la surface interne du BioPod. Il manque 1000m2. Pourquoi ?

BB : Nos algorithmes calculent le nombre de plants dont nous avons besoin pour couvrir des besoins nutritionnels spécifiques. Puis, en fonction de l’espace dont la plante a besoin et des prévisions de sa croissance, nous rapportons cela à l’espace de croissance disponible dans les systèmes d’aéroponie ou les bacs de serres a substrat. Il en découle ensuite le nombre de BioPod nécessaire pour atteindre les objectifs nutritionnels journaliers.

12) : Quand et où allez vous présenter un BioPod aux Terriens que nous sommes?

BB : La réalisation du Désert des Mojaves (Californie) a été décalée pour la fin de l’année 2021 ou le début de 2022 mais nous construirons un prototype à côté de Paris cet automne. Il sera réalisé en partenariat avec Soliquid, un spécialiste de l’impression 3D dont le cofondateur Jim Rhoné est devenu CPO (Chief Product Officer) d’Interstellar Lab. A noter que le design du BioPod a été obtenu en utilisant les moyens technologiques de Dassault Systems 3DExperience.

BioPod vu de côté. Crédit Interstellar Lab. Vous remarquerez que le module est totalement clos. La couverture par le toit est ajustable pour laisser rentrer “juste ce qu’il faut” de lumière “naturelle”.

Liens :

1) https://www.interstellarlab.com/

2) https://crop-selector.interstellarlab.earth/

3) https://science.sciencemag.org/content/360/6392/987

4) https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17429145.2018.1472308

5) https://www.maddyness.com/2021/06/17/interstellar-lab-soliquid-biopod-agriculture/

6) https://www.frenchweb.fr/interstellar-lab-et-soliquid-unissent-leurs-forces-pour-construire-des-habitats-futuristes-sur-terre-et-dans-lespace/424448

7) mon premier article sur Interstellar Lab : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2019/12/07/pour-rendre-possible-la-vie-sur-mars-interstellar-lab-va-nous-apprendre-a-mieux-vivre-sur-terre/

BioPod vu de dessus. Crédit Interstellar Lab. Bien entendu le toit est ajustable au cultivar et aux besoins variables de lumière solaire.

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Index L’appel de Mars 21 06 25

Pour rendre possible la vie sur Mars, Interstellar Lab va nous apprendre à mieux vivre sur Terre

Une start-up franco-américaine, « Interstellar Lab », a entrepris, sous la conduite de sa fondatrice Barbara Belvisi, de réaliser le premier des rêves de la Mars Society, la réalisation sur Terre d’un établissement humain préfigurant et donc préparant les futurs établissements humains sur Mars. Par la même occasion elle veut démontrer que ces établissements seront très utiles pour l’évolution sur Terre vers des villes économes et autonomes sur le plan écologique car sur Mars elles devront par nécessité fonctionner en boucles bio-régénératives fermées avec un minimum de ressources (difficiles à importer et/ou à produire sur place). Et ce qui me rend, en tant qu’économiste, la start-up encore plus sympathique, c’est qu’elle a compris que pour devenir autonome et perdurer, elle devait rechercher et contrôler un flux de ressources commerciales. Par extraordinaire (mais c’est sans doute simplement la logique imposée par les contraintes résultant du contexte), ces ressources sont les mêmes que celles que j’avais envisagées de mon côté pour les futures communautés martiennes.

Avant de s’investir et d’investir dans le « New Space », Barbara Belvisi avait co-fondé « Hardware Club », un fonds de capital-risque spécialisé dans l’électronique et la robotique et elle avait contribué aux lancements de l’incubateur « The Family » et du « Hello Tomorrow Challenge », un évènement dédié aux « deep-tech ». Elle n’est donc pas novice en matière de technologies et de « business » et c’est important pour ce qu’elle entreprend maintenant avec une petite équipe de 7 personnes dont plusieurs ingénieurs. Le projet d’Interstellar Lab, baptisé « EBIOS » (pour « Experimental BIOregenerative Station »), consiste à construire en Californie, sur 70.000 m2 dans le désert des Mojaves (à 4 heures en voiture du centre de Los Angeles), un petit « village » constitué d’habitats et de serres, permettant à une centaine de personnes de vivre dans une autonomie maximum en recyclant ou régénérant par des processus « bio » tout ce qui peut l’être, à l’intérieur de structures d’un type que l’on pourrait construire sur la Lune ou sur Mars (cf illustration de titre). Pour le moment on ne recyclera pas l’atmosphère (ce n’est pas une priorité sur Terre !) mais on recyclera l’eau en utilisant les plantes, on recyclera également les matières organiques, autant que possible les matières non-organiques et on tentera dans tous les domaines de vivre avec les ressources locales en produisant son énergie (solaire bien sûr !), son alimentation (végétale) à l’issue de boucles bio-régénératives, et en construisant les habitats ou les dômes de vie commune grâce à l’impression 3D. C’est exactement ce qu’on devra faire sur Mars où l’on aura toujours une barrière énorme au transport de masses et de volumes, la capacité d’emport de nos fusées étant limitée et le coût de leur utilisation restant forcément élevé. Le transport n’est en effet nulle part gratuit et il coûtera toujours cher entre les planètes (production et entretien des infrastructures de l’astroport, des lanceurs et des vaisseaux spatiaux, des ergols ; contrôle et remise en état des lanceurs et vaisseaux spatiaux après usage et avant réutilisation ; entretien de l’aménagement intérieur des cabines et espaces communs ; formation et rémunération des personnels affectés au pilotage et aux services pendant le voyage et ce d’autant que personne ne pourra probablement effectuer plus qu’un petit nombre de voyages – 3 ou 4 – en raison des doses de radiations accumulées).

Le concept d’Interstellar Lab est de mettre à disposition une base de recherche sur les systèmes bio-régénératifs et de vie au sein de systèmes fermés (« ECLSS » pour « Environmental Control & Life Support System ») aussi réaliste que possible et, en même temps, de générer des ressources d’une part en hébergeant les scientifiques intéressés par les recherches susmentionnées et d’autre part en louant des résidences à l’intérieur d’EBIOS à toute personne intéressée par l’expérience de la vie dans cet endroit étrange (entre 3000 et 6000 dollars la semaine). Barbara Belvisi a visé juste en choisissant l’emplacement du premier village près de Los Angeles, ville dont la population est importante, les revenus moyens élevés et l’intérêt pour le spatial, très fort. Par ailleurs Los Angeles est un des centres de la NASA et Interstellar Lab compte dans son conseil d’administration, le Dr. Greg Autry, une forte personnalité, qui a été membre du dernier Space Review Team et a servi de liaison entre la NASA et l’exécutif sous cette administration. Il est particulièrement intéressé par l’entrepreneuriat et l’économie « New Space » (qu’il enseigne à l’Université de Southern California). En dehors de l’intérêt pour la préparation à la vie sur Mars, on voit clairement ce que le projet EBIOS peut apporter à la vie sur Terre : l’apprentissage d’une activité normale avec un impact écologique minimum (donc réduit par rapport à aujourd’hui), la démonstration que l’on peut vivre dans les endroits a priori les plus hostiles (les habitants des pays en voie de désertification ou des pays ou la pollution est très forte, apprécieront) et aussi que la remédiation à la détérioration de l’environnement par la technologie n’est pas un vain concept en dépit des doutes clairement affichés par les écologistes extrémistes partisans de la décroissance.

Comme dit précédemment, ce que j’apprécie le plus dans ce projet EBIOS et qui le distingue vraiment (en mieux !) des simulations de la Mars Society c’est que Barbara Belvisi a compris l’intérêt sinon la nécessité de le mener comme une entreprise commerciale. Elle ne cherche pas à le développer et le faire vivre sur des dons privés ou des subventions publiques à fonds perdus, sentant bien que sur ces bases il ne pourrait être durable. Elle veut en faire une entreprise rentable (et je pense que c’est aussi probablement l’esprit des premiers sponsors), c’est-à-dire faire en sorte que son offre fasse l’objet d’une demande solvable suffisante pour dégager une marge positive. Elle l’initie bien sûr avec des sponsors mais ceux-ci sont aussi des investisseurs qui n’espèrent pas seulement une valorisation de leur image mais une aide à leur propre « business ». Ensemble ils veulent gagner de l’argent pour en tirer des bénéfices et pouvoir, outre l’agrément personnel qu’ils pourront en tirer, les réinvestir pour développer le projet et le reproduire ailleurs dans le monde en l’améliorant de plus en plus. Ce principe « basique » d’économie est le meilleur gage de pérennité. Illustrant cet état d’esprit il est intéressant de noter que le principal sponsor d’Interstellar Lab, Bruno Maisonnier, est lui aussi un entrepreneur qui a su réussir aussi bien sur le plan de son concept, en le concrétisant de manière très satisfaisante, que sur le plan financier en le revendant un très bon prix et qui pourra utiliser EBIOS pour son intérêt propre. Rappelons qu’il est le créateur d’Aldébaran, cette société qui a conçu les petits robots humanoïdes qu’Arnaud Montebourg a pris dans ses bras et que le monde entier a pu admirer, et qui a été assez rapidement vendu au japonais Softbank (faute de pouvoir être développé sur capital français). Bruno Maisonnier veut maintenant donner le maximum d’intelligence (artificielle bien sûr) à ses robots et le projet EBIOS « tombe bien » car un des problèmes de Mars (ou de la Lune) sera la faible population et l’étendue des tâches à accomplir avec le maximum d’autonomie, donc l’environnement idéal pour les robots qu’il pourrait concevoir. Sa coopération avec Barbara Belvisi qui lui offrira un remarquable espace d’expérimentation et de démonstration, semble a priori devoir être « gagnante-gagnante ».

Il existe déjà des expériences de vie écologiquement autonomes préfigurant les villes que l’on pourrait construire « sur d’autres astres sous d’autres cieux » mais aucune ne semble avoir choisi la voie du réalisme comme veut le faire Interstellar Lab. « Biosphere-2 » avec son projet totalement fermé était trop ambitieux, surtout à son époque (1991-1993 et 1994). De son côté la Mars Society ne recherche que des « utilisateurs » (et non des « clients ») désireux de faire des simulations plus ou moins scientifiques et se prive de l’attrait touristique donc commercial que présentent ses habitats. Ce qui caractérise EBIOS c’est son approche « bottom-up » (ou comme Barbara Belvisi le dit, « from the ground-up ») et ouverte au commerce. Il ne s’agit pas de chercher à réaliser tout de suite le but qu’on envisage mais uniquement ce qu’il est possible de faire aujourd’hui sans oublier l’objectif qui est celui des vrais habitats martiens (ou lunaires). Biosphere-2 a échoué parce qu’il était impossible de contrôler un habitat aussi complexe que celui que ses promoteurs avaient envisagé; les bases de simulation de la Mars Society végètent parce que les candidats aux simulations sont insuffisants par rapport aux coûts de fonctionnement générés par chacune. Il en résulte que leur confort est spartiate, ce qui n’est pas grave, mais aussi, que leur réalisme est moindre que celui qu’envisage Interstellar Lab par rapport aux habitats spatiaux futurs et leurs moyens de recherche devraient être en fin de compte beaucoup plus limités. Cela n’exclut pas pour Interstellar Lab d’avoir l’intention d’adopter des règles très « avancées » vers le futur quand il est possible de le faire. Ainsi dès le début, les plus grandes précautions (segmentations des espaces de vie, de culture, de travail) seront prises afin d’éviter les contaminations microbiennes car ces contaminations dans un milieu écologique clos donc de petit volume, présentent un risque de ce type extrêmement élevé puisqu’il ne peut y avoir l’effet tampon (diffuseur de ce risque) qu’offre les grands volumes (comme la biosphère terrestre par exemple) et les déséquilibres sont extrêmement difficiles à maîtriser ou piloter si on les laisse se développer.

Cette première implantation devrait coûter un maximum de 30 millions de dollars. Barbara Belvisi les obtiendra mais si vous voulez participer vous-même au projet, n’hésitez pas à la contacter, ce ne sera certainement pas « à fonds perdus ». Après il y aura d’autres village, le suivant en Floride mais aussi dans d’autres environnements tout aussi extrêmes que le désert des Mojaves pourvu qu’ils soient également facilement accessibles aux touristes. Comme il en est prévu aussi en Europe, pourquoi ne serait-ce pas en Suisse, en haute montagne, pour remplacer certains refuges, nos « cabanes » comme on dit, vieillissants ou insuffisants en capacité ou en équipements, où les problématiques concernent l’approvisionnement, les déchets et le recyclage, et bientôt la réadaptation à de nouvelles formes de tourisme compte tenu de la fonte des glaces ?

Illustration de titre: EBIOS dans le désert des Mojaves, vue d’artiste (crédit Interstellar Lab).

Liens:

http://interstellarlab.earth/about

https://www.usinenouvelle.com/editorial/l-industrie-c-est-fou-la-start-up-francaise-interstellar-lab-developpe-vraiment-des-villages-autonomes-pour-la-terre-et-l-espace.N905729

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