Pour coloniser Mars, l’homme a besoin du nucléaire et il aura des solutions.

Il ne faut pas rêver, vivre sur Mars ne sera possible qu’avec le nucléaire, les autres sources d’énergie n’offrant pas les mêmes facilités et la même adaptabilité aux besoins. Ce n’est pas un problème car des réacteurs-nucléaires-portables, « PNP » (« portable nuclear powergenerator »), sont déjà proche d’être opérationnels. Par la même occasion, le développement de ces microréacteurs « spatiaux » servira aussi sur Terre et je suis certain qu’ils y seront vendus et utilisés, pour le plus grand bien des Terriens, quels que soient les anathèmes que les sectateurs de la religion écologiste prononceront à leur encontre.

Nous ne sommes plus à l’époque de Tchernobyl comme certains le pensent toujours. Des progrès énormes ont été faits en matière de sécurité et des innovations sont aujourd’hui disponibles pour produire des réacteurs nucléaires plus propres, plus efficaces et plus maniables. Aux Etats-Unis, en France ou au Japon mais aussi en Russie, en Chine et en Inde (trois pays qui n’ont pas les mêmes préventions que les pays où le mouvement écologiste est très fort), beaucoup de PNP sont à l’étude. Les sujets de réflexion, d’études et de tests sont nombreux. Il peut s’agir du mode de transfert de la chaleur du cœur du réacteur à la turbine, du type de combustible, ou encore de l’utilisation de neutrons rapides.

J’ai déjà parlé dans ce blog des PNP Megapower et Kilopower dont le médium caloporteur est le sodium (voir mes articles du 25/05/2019 et du 20/02/2018). Mais une start-up, « Radiant Nuclear », lancée en 2020, propose une technologie qui semble encore plus intéressante. La société a été créée par Doug Bernauer et deux anciens collègues ingénieurs de SpaceX où ils avaient travaillé sur l’approvisionnement en énergie des futures colonies martiennes. A noter que leurs relations avec Elon Musk ne sont pas clairement exposées mais qu’Elon Musk est également favorable à l’industrie nucléaire et s’intéresse aux PNP.

« Kaleidos », le « bébé » de Radiant Nuclear est un PNP de 2,50 m x 6 m x 3 m (hauteur). Il est donc transportable (même s’il est un peu « encombrant »), et il peut être rendu opérationnel en 72 heures. Il pourrait générer une puissance de 1,2 MWe sur 8 ans, sans recharge de combustible. Cela devrait permettre de fournir en énergie un millier de foyers (standard américain). Le générateur repose sur l’utilisation d’innovations qui elles-mêmes sont le fruit de réflexions anciennes : (1) l’hélium comme médium caloporteur ; (2) les « particules enrobées » TRISO (TRI-structural ISOtropic) comme combustible.

 

Vue d’un réacteur Kaleidos de Radiant, hauteur 1 mètre. Crédit Radiant Nuclear

L’hélium présente beaucoup d’avantages. Il évite les risques d’ébullition, de contamination (produits radioactifs mêlés à l’eau ou au métal fondu) et de corrosion. Il est par ailleurs très stable, non inflammable et il a une forte conductivité thermique. Dans Kaleidos il est injecté, à froid, dans les tubes parcourant le cœur du réacteur contenant le combustible, avant d’alimenter une turbine après s’être réchauffé dans l’environnement du combustible siège du processus de fissions. En se réchauffant, il se dilate à l’intérieur des tubes qui le contiennent, ce qui le projette vers la turbine et la fait tourner (et produire de l’électricité). Il est ensuite recyclé, c’est-à-dire détendu, refroidi par un système de refroidissement et réintroduit dans le réacteur pour réutilisation. Il fonctionne donc en circuit fermé. 

Le TRISO est un combustible considéré comme pratiquement non susceptible de fondre au cours de son utilisation (et, liquide en fusion, de se répandre en dehors de son enceinte de confinement !). En effet il peut supporter des températures allant jusqu’à 1800°C, bien au-dessus de ce qu’on peut craindre dans le cœur du réacteur. Les particules enrobées de TRISO ont l’apparence de petites capsules de la taille de graines de pavot. Ces particules peuvent être, pour leur utilisation pratique, rassemblés en boulets de la taille d’une balle de golf (un « compact » qui contient quelques 7000 particules). Elles sont constituées d’un cœur de matière fissible (un carbure d’uranium 235 de type « HALEU » – pour « High Assay*, low enriched Uranium », c’est à dire enrichi entre 5 et 20%) enrobé de couches de graphite (ou équivalent) et de céramique (carbure de silicium). Quand le TRISO chauffe du fait de la fission de l’uranium, son enveloppe de graphite absorbe davantage de neutrons ce qui ralentit la réaction en chaîne et fait baisser la température. Il y a donc auto-régulation. Les barrettes de contrôle absorbeurs de neutrons (généralement en carbure de bore) restent cependant utiles pour moduler le niveau des fissions et le cas échéant les arrêter. La couche de céramique évite l’éventuelle diffusion de produits de fission fondus par la chaleur en dehors de la particule. 

*assay = dosage 

Une particule de TRISO, en coupe, environ 2 millimètres de diamètre. Crédit Idaho National Laboratory. La couche céramique (jaune) est prise en sandwich par l’absorbeur de neutrons (bleu).

Kaleidos est en test à l’ANL (Argonne National Laboratory) du DoE (Department of Energy) en Idaho. Il pourra bientôt équiper les petites villes ou les sites isolés (les missions militaires par exemple), partout où les hommes auront besoin d’énergie loin des réseaux de distribution (mise sur le marché prévue pour 2028). Parmi ces sites, on pense à Mars, bien sûr. Mais force est de réaliser aussitôt que ce réacteur n’y serait pas durablement adaptable car la planète est pauvre en hélium et qu’on ne peut pas prendre le risque qu’une fuite, même improbable, mette le réacteur hors d’état de fonctionner. Malheureusement l’argon, gaz relativement abondant dans l’atmosphère de Mars (environ 2%), a une faible conductivité thermique. Cependant les vaisseaux partant pour Mars pourraient très bien s’équiper de Kaleidos pour fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement des instruments et du support vie pendant le voyage, plutôt que des panneaux solaires très encombrants à l’extérieur du vaisseau et de moins en moins efficaces au fur et à mesure qu’on s’éloigne du Soleil. Au début de l’exploration, on pourrait aussi utiliser Kaleidos en prenant soin d’avoir toujours de l’hélium disponible en cas de fuite. 

Sur Terre comme sur Mars, à côté des éoliennes qui ne marchent que lorsqu’il y a du vent et des panneaux solaires que lorsqu’il y a du soleil, les centrales nucléaires, qui produisent continument de l’énergie, n’ont pas dit leur dernier mot.

Capture d’écran article “Ex-SpaceX Engineers Are Developing A Mini Nuclear Reactor” par Will Lockett (https://bit.ly/2Yr3q6H) in Predict (04/11/2021)

Illustration de titre : Un réacteur Megapower (10 MWe) du Los Alamos National Laboratory (LANL) apporté par camion dans un village d’une région pauvre sans réseau de distribution d’électricité. Crédit LANL (DoE). Le medium caloporteur du Megapower est le sodium, à la différence du Kaleidos qui utilise l’hélium.

NB: Ce texte a été soumis à la relecture du Dr. Pierre-André Haldi, Ing.-physicien EPFL retraité, spécialiste en énergie. Il y a apporté quelques corrections techniques.

Liens :

https://www.youtube.com/watch?v=CXsZPrTAAm0

https://www.cea.fr/Documents/monographies/Combustibles-nucl%C3%A9aires-r%C3%A9acteurs-gaz.pdf

https://www.marketwatch.com/story/former-spacex-engineers-founded-a-company-to-build-climate-friendly-cost-effective-portable-nuclear-reactors-11635536253

https://www.energy.gov/ne/articles/triso-particles-most-robust-nuclear-fuel-earth

https://medium.com/predict/ex-spacex-engineers-are-developing-a-mini-nuclear-reactor-27fae3450209

https://www.youtube.com/watch?v=7ijrp2CEOOo

https://www.marketwatch.com/story/former-spacex-engineers-founded-a-company-to-build-climate-friendly-cost-effective-portable-nuclear-reactors-11635536253?mod=mw_NBF

https://medium.com/prime-movers-lab/whats-hot-in-nuclear-b26ee1caadd6

https://www.world-nuclear.org/information-library/current-and-future-generation/fast-neutron-reactors.aspx

https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_rapide_refroidi_au_sodium

Meilleurs voeux à tous pour l’année 2022!

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 12 31

N’hésitez pas; c’est mon cadeau de Nouvel An ! Vous pouvez remonter jusqu’au 04 septembre 2015.