La pérennité du « Système de support vie avancé » du vaisseau Terre est en question, nous sommes responsables

Nous sommes tous embarqués dans le vaisseau-spatial « Terre » qui, sous l’emprise gravitationnelle de son étoile, le Soleil, orbite autour du centre de notre galaxie à la vitesse « folle » de 200 km/s. Notre système approche et s’éloigne des systèmes voisins mais les distances aux étoiles proches qui sont emportées comme nous-mêmes dans cette gigantesque ronde, restent énormes puisqu’elles se chiffrent en années-lumière, 4,3 pour Proxima du Centaure notre plus proche voisine aujourd’hui. Il faut environ 27.000 ans à la lumière émise par le Soleil pour parvenir jusqu’au centre de la Voie Lactée dont le diamètre est d’environ 100.000 années-lumière et dont nous ne faisons le tour qu’en 240 millions d’années. La dernière fois que nous étions au même endroit par rapport à ce centre, le Trias de notre histoire géologique commençait et la vie récupérait après l’une des grandes-extinctions les plus terribles connues qui avait marqué la fin du Permien. Les premiers dinosaures ainsi que les thérapsides, nos ancêtres reptiliens qui avaient survécu à un abaissement considérable de la quantité d’oxygène dans l’atmosphère, avaient un boulevard devant eux.

Le temps a passé, les dinosaures ont acquis une position dominante puis ont disparu lors de la grande-extinction suivante qui a laissé le champ libre aux mammifères il y a 65 millions d’années et nous voici, nous les hommes, petits nouveaux en ce monde puisque notre espèce ne remonte qu’à 3 millions d’années (ou 7 si l’on part de la différenciation de nos ancêtres d’avec ceux des grands singes), pleins de capacités extraordinaires mais aussi pleins d’arrogance, en train de provoquer la « sixième » grande-extinction ! Il ne faut en effet pas être « grand-clerc » pour constater la catastrophe écologique dans laquelle nous nous enfonçons, de notre fait. Mais nous avons des œillères et en plus la vue courte.

Où en sommes-nous ? La population humaine de la Terre a dépassé les 7,3 milliards d’individus, elle n’avait pas atteint les 2,5 milliards quand je suis né, avant 1950, et on nous dit qu’elle pourrait dépasser les 9 milliards en 2050 (projection moyenne). Certains s’en réjouissent, d’autres s’en moquent, je m’en effraie. Réfléchissons ! Un quadruplement en cent ans, est-ce bien raisonnable ? Sommes-nous si certains que notre « vaisseau » Terre disposera, demain comme aujourd’hui, des ressources nécessaires et que nous saurons les exploiter de telle sorte qu’elles restent suffisantes et puissent se renouveler pour « la suite » ? Déjà nos frères animaux non-domestiques disparaissent par espèces entières à une vitesse effectivement indicative d’une grande extinction. Notre égoïsme est insondable ; nous ne pensons qu’à nous. Mais au-delà de cet aspect moral, nous faisons comme si nous n’avions pas besoin des autres formes de vie, comme si leur disparition pouvait nous laisser indemnes, comme si nous étions de purs esprits. Nous persévérons dans les comportements suicidaires. Les sacs plastiques envahissent non seulement nos décharges sauvages sur Terre mais aussi nos océans. Le taux de gaz carbonique atteint des niveaux jamais atteints depuis des centaines de millions d’années, les poussières de natures diverses nous empoisonnent littéralement, la température globale monte, les banquises de glace fondent en milliers de km3. Les coraux meurent, les tortues meurent, les poissons meurent, les insectes meurent, les oiseaux meurent, les gros mammifères sauvages ne sont plus que des souvenirs et nous pensons « nous en tirer » !? Qui va polliniser nos fleurs ? Comment contrôler notre équilibre climatique et celui, biochimique, de nos sols ? Qui va contrôler l’équilibre biologique de notre environnement, y compris microbien ? J’ai été très choqué d’apprendre récemment que la forêt avait quasiment disparu de Côte-d’Ivoire ; les média en ont vaguement parlé à l’occasion des problèmes que cela posait pour la pousse des cacaoyers ! Et le reste ? Ce pays était à 90 % couvert de forêt quand j’étais jeune. En Amazonie c’est pareil, on fait pousser du soja après avoir brûlé la forêt primaire. En Indonésie, on fait pousser des hévéas sur les cendres des arbres d’essences prodigieusement variées qui poussaient sur ce sol depuis des dizaines de millions d’années et tant pis pour ces espèces végétales et pour les orangs-outans (et les autres animaux) qui meurent par milliers alors qu’ils sont sur le point d’extinction. La forêt c’est la production d’un solde positif d’oxygène pour la planète, c’est la diversité de la vie, toutes sortes de molécules y ont été concoctées depuis plusieurs centaines de millions d’années, nous en avons besoin pour élaborer nos médicaments, pour nous nourrir, pour que les autres formes de vie puissent persister. Sommes-nous si stupides que nous pensions pouvoir nous en passer ?! Certains parmi nous sont conscients. Ils doivent non seulement alerter mais faire prendre conscience aux autres du grand danger et faire appliquer les solutions. Il n’y en pas « trente-six » mais seulement trois. Il y a obligation de résultat et la voie est très étroite.

La première solution, et ça déplaira aux « bonnes-âmes » mais tant pis, c’est de stopper l’explosion démographique. La population humaine n’est pas sur le point de disparaître faute de naissances, elle est en train d’étouffer sous les naissances. Et n’en déplaise aux mêmes bonnes-âmes c’est dans les pays « en voie de développement » et surtout en Afrique mais aussi en Asie ou en Amérique Latine que le problème se pose. C’est dans ces pays qu’il faut changer les mentalités, éduquer, introduire le planning familial, faire comprendre, car dans les autres les populations se sont stabilisées. Les adultes doivent accepter que les enfants ne soient pas la seule solution pour leur permettre de survivre dans leurs « vieux jours », les œuvres humanitaires, que leur rôle n’est pas de favoriser le plus possible de naissances mais uniquement celles pour lesquelles il y a une issue vers une bonne éducation et une évolution responsable et viable. Il est trop facile de dire qu’il y a suffisamment de richesses pour tous ou que l’on peut facilement en créer, ce n’est pas vrai.

La deuxième, c’est de gérer nos ressources et nos déchets beaucoup plus sérieusement. Une des caractéristiques essentielles de la vie depuis les premiers procaryotes c’est que l’organisme vivant se sépare de ses rejets métaboliques. Nous le faisons individuellement plus ou moins bien mais nous le faisons collectivement de façon toujours catastrophique sans nous soucier suffisamment de la récupération / réutilisation et de la pollution. Si nous ne changeons pas nos pratiques, nous sommes condamnés de ce fait à disparaître. L’« écologie-industrielle » théorisée par le Professeur Süren Erkman (Université de Lausanne) est la voie qu’il faut suivre. Elle consiste à refuser le retour en arrière, vers un âge d’or bucolique qui n’a jamais existé et que l’on ne pourrait plus supporter compte tenu de notre nombre et de nos standards civilisationnels, et à choisir un traitement technologique de la situation. Ne crachons pas sur le progrès, c’est la seule solution pour continuer notre développement économique tout en réduisant notre impact écologique. Cela veut dire qu’il faut être toujours plus économes de nos ressources, utiliser ces ressources en pensant toujours à limiter les dégâts que nous causons, réutiliser tout ce que nous avons déjà extrait du sol de notre planète et se mettre en capacité de le faire dès le début de tout processus industriel, pour éviter les productions trop difficiles à recycler. Pour évoluer au mieux selon cette ligne, il faut voir que les missions spatiales longues et lointaines sont des « analogues » précieux pour étudier et mettre en application la soutenabilité des processus pour la Terre; il faut prendre conscience que le contrôle des systèmes clos étudiés pour l’espace (projet MELiSSA par exemple) introduit des connaissances spécifiques indispensables pour mettre en place une « économie circulaire » sur Terre et qu’il faut donc considérer ces études avec sérieux et les faire progresser très vite (ce qui n’exclut pas, bien au contraire, l’investissement dans les innovations ni la croissance des richesses).

La troisième c’est de partir essaimer ailleurs. Nous savons que pour qu’un système aussi colossal que le système écologique anthropisé terrestre se redresse, il faut prendre en compte une force d’inertie considérable. Tel pays (dont probablement la Suisse) prendra assez facilement des mesures conservatives et dynamiques, d’autres (comme la Chine) ne les prendront que contraints et forcés par les nuisances dont ils souffrent de leur fait* mais les prendront tout de même, d’autres enfin ne le feront que sous la pression de la collectivité mondiale. Dans ces conditions nul ne peut dire aujourd’hui que les conséquences de l’accélération de l’explosion démographique et de la pollution commencée dans les années 1960 pourront être maîtrisées avant le naufrage corps et bien de notre humanité. Il nous faut une solution de rechange à un éventuel échec sur Terre. Il nous faut au moins un canot de sauvetage ou plutôt une nouvelle arche de Noé où nous tenterons de sauver ce que nous avons de plus précieux, nos graines et notre mémoire ; il nous faut très vite une base martienne créée pour durer et nous survivre en cas de besoin.

*L’exploitation des terres-rares, notamment, a conduit à des situations écologiques épouvantables.

Nous sommes responsables de notre destin. Nous avons un devoir vis-à-vis de nos ascendants dont nous portons la mémoire, vis-à-vis de nos descendants auxquels nous préparons un enfer si nous ne faisons rien ou pas assez, et vis-à-vis de l’Univers entier car les êtres conscients et capables de communiquer et de se diriger en fonction de leur volonté y sont sans doute extrêmement rares ; nous sommes peut-être les seuls, un merveilleux accident non reproductible de l’Histoire. Réfléchissez et agissez! Si nous ne faisons rien ou pas assez, le Soleil et le vaisseau Terre qui lui est indissolublement lié continueront certes leur « course folle » autour du centre galactique, mais ses passagers humains, nos descendants directs, ne pourront bientôt plus s’en émerveiller ou en parler car, prisonniers de leur unique planète de naissance, ils seront tous morts étouffés par la masse de leurs enfants et sous leurs propres déjections.

Lecture :

« Vers une écologie industrielle » Par Suren Erkman chez Charles Léopold Mayer (2004).

« La guerre des métaux rares (la face cachée de la transition énergétique et numérique) » par Guillaume Pitron, éditions « Les Liens qui Libèrent » 2018.

Image à la Une: La Terre avec en premier plan la Lune. Photo prise par la sonde japonaise SELENE / “Kaguya” en 2008. Crédit JAXA / NHK. Une planète bleue et chaude dans un univers gris et noir. Toute notre humanité, toute notre histoire sont là dans ce globe précieux. Nous lui devons notre amour et notre respect.