Quels gaz le JWST doit-il rechercher dans l’atmosphère des exoplanètes ?

Les astrophysiciens qui vont utiliser le télescope Webb (JWST) veulent étudier l’atmosphère des exoplanètes de taille terrestre, éventuelles porteuses de vie. Que doivent-ils rechercher pour trouver une planète qui aurait sur ce plan, atmosphérique, les capacités de la Terre ?

La première réponse, évidente au-delà des considérations de température et de pression qui doivent permettre l’eau liquide, c’est de rechercher l’oxygène moléculaire et un gaz neutre comme l’azote, dans des proportions qui permettent le fonctionnement d’organismes aussi puissants que les nôtres (animaux dont êtres humains). Nous savons en effet que seul l’oxygène est un oxydant suffisamment fort pour générer l’énergie nécessaire à la vie des organismes complexes. Nous savons aussi que l’oxygène est extraordinairement inflammable du fait de sa puissance oxydante et que donc, il doit être accompagné d’un gaz neutre pour éviter les combustions spontanées et ne pas provoquer d’hyperoxie (au-dessus de 0,5 bar environ) c’est-à-dire de brulures de l’organisme qui le respire.  La combinaison des deux gaz semble indispensable, quelle que soit la forme vivante qui les utiliserait et quel que soit son environnement.

La deuxième réponse c’est qu’il faut aussi rechercher d’autres gaz, même en proportions plus faible, car la vie n’est pas un processus simple. Il ne consiste pas qu’à bruler n’importe quel oxydant dans n’importe quel réducteur. Dans ce processus il y a des êtres vivants, composés de matière organique, et qui utilisent toute une chaîne de ressources (à partir de ce que peut offrir la planète et son étoile). Ces êtres sont en symbiose tout autant avec la planète qu’avec les autres êtes vivants avec lesquels ils cohabitent (et éventuellement qu’ils tuent et consomment), les rejets métaboliques des uns pouvant être « respirés » par les autres (comme d’ailleurs l’oxygène) et une partie au moins des ressources et des rejets étant en phase gazeuse. C’est ce « mix » de gaz qui va donner à l’atmosphère de la planète sa signature biologique, reflet tout autant de la présence de vie, que du type de vie qu’elle abrite.

Parmi ces gaz, il devrait y avoir de la vapeur d’eau et du CO2 car sans eau pas de vie possible et nous savons bien par ailleurs que nos plantes et certaines bactéries ont autant besoin de gaz carbonique que de lumière pour leur photosynthèse. Le carbone contenu dans ce gaz (qui est autant une ressource qu’un rejet) sera toujours au centre des composants de la matière organique des êtres vivants, non seulement de ceux qui l’utilisent pour cette photosynthèse mais aussi de ceux qui se nourrissent de ces êtres vivants photosynthétiques. Certains auteurs de science-fiction ont certes imaginé des vies à la chimie exotique sans ces éléments, mais il faut être réaliste, la vie ne peut très probablement pas se passer de carbone, d’oxygène, d’eau et d’azote (sans compter le phosphore, le soufre et quelques autres éléments).

La troisième réponse c’est qu’il faut bien voir que nous nous trouvons à un certain moment de notre histoire bio-géologique et qu’au cours de cette histoire, la composition de l’atmosphère a beaucoup changé (et qu’elle continuera après nous à changer), en fonction en particulier de la vie qui l’anime et qui a une interaction non-nulle avec elle. En conséquence, en étudiant les exoplanètes porteuses d’atmosphère, il ne faut pas se contenter de rechercher celles qui contiennent les mêmes gaz que la nôtre aujourd’hui mais aussi celles qui auraient des atmosphères semblables à celles qui dans le passé, à diverses époques, ont entouré la Terre, ou celles qui dans le futur pourraient logiquement la remplacer (avec, pour un certain temps, plus de gaz carbonique, par exemple).

Sur Terre, nous avons eu plusieurs périodes.

Durant la plus primitive, l’atmosphère était composée comme celle des autres planètes rocheuses, d’hydrogène et d’hydrures résultant des contacts de ce gaz avec la roche, de méthane et d’ammoniac.

La période suivante, résultant du volcanisme et du bombardement intense de gros astéroïdes, nous apporta l’azote, l’oxyde de carbone, l’eau, les composés sulfureux et les gaz inertes. L’azote était devenu dominant vers -3,4 milliards (époque des premières formes de vie). En même temps, une densité atmosphérique élevée, couplée à une forte teneur en CO2, permis de maintenir en surface un effet de serre absolument indispensable pour renforcer le rayonnement du jeune Soleil dont l’irradiance était 30% inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. C’est ainsi que l’eau pu se condenser et se maintenir au sol, liquide, dès que la température de la planète eut suffisamment baissé (vers -4,1 ou -4,2 milliards d’années).

Vers -3,5 milliards d’années, les cyanobactéries qui respirent le gaz carbonique en utilisant l’énergie lumineuse du Soleil et rejettent de l’oxygène, furent devenues suffisamment abondantes pendant suffisamment longtemps, pour commencer à répandre cet oxygène dans l’atmosphère après avoir oxydé en fer ferrique, le fer ferreux contenu dans l’eau des océans.

Vers -2,4 milliards, l’oxygène était devenu suffisamment abondant dans l’atmosphère, pour réduire l’effet de serre alors que le Soleil n’était toujours pas assez fort pour que la Terre puisse s’en passer pour conserver une température permettant à l’océan de ne pas geler. Ce fut la Grande-oxydation (Great Oxydation Event) qui provoqua le premier épisode de Terre-boule-de-neige (Snowball Earth).

Après la restauration d’une atmosphère plus riche en CO2 et H2S grâce au volcanisme, l’oxygène remonta grâce encore aux cyanobactéries, surtout à partir de -0,8 milliards d’années, puis fluctua entre 15 et 35% pour plus ou moins se stabiliser autour de 21% (aujourd’hui mais pour combien de temps ?). Au début de la lente montée de l’oxygène dans l’atmosphère, les conditions permirent la prolifération des eucaryotes mais pas l’apparition des métazoaires, organismes consommateurs d’énormément d’énergie (et donc d’oxygène), nonobstant le fait que l’évolution devait aussi trouver son chemin. Il ne suffit pas en effet que des conditions soient remplies pour qu’un phénomène se développe (conditions nécessaires mais certainement non suffisantes).

Avec l’oxygène, apparu au contact du vent solaire, l’ozone, ce qui créa une enveloppe protectrice des rayons UV solaires, favorable au développement de la vie « aérienne » (en contact avec l’atmosphère de la Terre). Et avec la vie aérienne apparurent de nouveaux gaz, méthane, protoxyde d’azote, chlorométhane, phosphine…On peut les retrouver dans notre atmosphère et leur présence en même temps que l’oxygène serait pour tous les éventuels observateurs extérieurs, des témoins de notre vie terrienne.

La conclusion de cette histoire, c’est qu’au début de la vie d’une planète « terrestre », pendant au moins deux milliards d’années, il n’y a pas d’oxygène moléculaire dans l’atmosphère mais que la planète n’en a pas moins un potentiel pour le développement de la vie. Pour la suite, il est incontestable que la présence d’une quantité non négligeable d’oxygène moléculaire couplée avec un peu de gaz carbonique et d’autres gaz cités ci-dessus, serait la preuve très probable de la présence de vie. Il faut ajouter le bémol que plus d’oxygène n’est pas automatiquement le signe de plus de vie intelligente. Quand l’oxygène occupait 35% de notre atmosphère, cela permettait la vie de gros organismes, comme ceux des amphibiens géants, des fougères géantes ou des araignées géantes mais il n’y avait pas d’homme sur la Terre, l’évolution darwinienne ne l’avait pas encore permis et il n’y a sans doute nul automatisme qui y conduise. Par ailleurs, les gaz marqueurs de vie comme la phosphine seraient très difficiles à détecter dans l’atmosphère des exoplanètes du fait de leurs très faibles quantités. Du fait de la distance, nous ne pourrons malheureusement identifier que les gaz dont les volumes sont les plus importants.

Souhaitons bonne chance au JWST. Il nous fera progresser dans nos technologies et nous permettra plus tard, avec d’autres instruments encore plus performants, de mieux connaître nos exoplanètes voisines.

Illustration de titre : Crédit NASA. NB : le télescope représenté est Hubble (qui a aussi une capacité, beaucoup plus faible que le JWST, de collecte du rayonnement infra rouge).

Illustration ci-dessous : l’atmosphère terrestre prébiotique et l’atmosphère aujourd’hui (Encyclopedia Britannica) :

Illustration ci-dessous, évolution du gaz carbonique, de l’oxygène et du méthane dans l’atmosphère terrestre. Adapté de Scientific American, « When Methane Made Climate » par James Kastings, diagramme original de Johnny Johnson. En abscisse le temps terrestre en milliards d’années depuis l’origine de la Terre, en ordonnée la concentration relative, en orange courbe du gaz carbonique, en argenté courbe du méthane, en bleu courbe de l’oxygène.

Liens :

https://www.nasa.gov/content/core-capability-3-exoplanet-characterization-enabling-nasa-s-search-for-life

https://cral.univ-lyon1.fr/spip.php?article165

Spectre de la planète HIP65426b pris par SPHERE ; HIP65426b, entre 6 et 12 fois la masse de Jupiter, est située à 385 AL de la Terre et sa température de 1000 à 1400°C.

https://exoplanets.nasa.gov/news/129/detecting-biomarkers-on-faraway-exoplanets/#:~:text=Microbes%20emit%20methane%20and%20nitrous,are%20known%20as%20atmospheric%20biomarkers.

https://en.wikipedia.org/wiki/Biosignature

https://www.swissinfo.ch/fre/berne–l-apparition-de-l-oxyg%C3%A8ne-sur-terre-expliqu%C3%A9e/43531082#:~:text=Des%20chercheurs%20bernois%20et%20canadiens,%2C4%20milliards%20d’ann%C3%A9es.&text=Cela%20a%20chang%C3%A9%20de%20mani%C3%A8re,%2C%20puis%20dans%20l’atmosph%C3%A8re.

https://en.wikipedia.org/wiki/Atmosphere_of_Earth

https://en.wikipedia.org/wiki/Paleoclimatology

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Index L’appel de Mars 22 01 15