En co-évolution avec la Terre, nous avons entrepris d’infléchir notre route commune. Ayons confiance en la technologie !

J’évoquais il y a quinze jours la co-évolution de la vie et de la matière. Je voudrais développer ce thème aujourd’hui dans le contexte des perspectives écologiques qui menacent aussi bien la Terre que notre espèce.

Nous les hommes, tout comme les autres êtres vivants, sommes les fruits de la Terre. Nous en sommes partie intégrante, produits de la co-évolution de sa minéralogie et de sa biologie et agents actifs de cette co-évolution. Il n’y a pas un atome de notre corps qui ne remonte à la nébuleuse protoplanétaire à partir de laquelle est né notre Soleil qui nous donne son énergie et notre planète qui nous prête sa matière. Nous sommes nés poussière et nous retournerons à la poussière, c’est bien connu, mais cette poussière du fait de notre intermédiation biologique et industrielle sera chimiquement légèrement différente de celle à partir de laquelle nous avons été formés et que nous avons utilisée et, avec le temps et l’accumulation des masses impliquées, la minéralogie qui résultera de cette vie, sera, elle aussi, différente. Souvenons-nous, le calcaire ne provient que des coquillages ou organismes à carapace !

Chaque génération d’hommes constitue l’ensemble des grains actifs de cette évolution, du côté de la vie bien sûr, et au point où nous sommes arrivés de notre histoire, nous attendons que le vent de nos fusées emporte notre semence, quelques-uns d’entre nous tel le pollen de nos pins, pour fertiliser une autre Terre. Mais le pollen n’est mobilisable qu’au printemps et tous ses grains ne réalisent pas leur potentialité. Peut-être n’y aura-t-il pas suffisamment de vent (d’ergols pour nos fusées), qu’il ne sera pas suffisamment puissant (si le projet d’Elon Musk n’aboutit pas), que nos fusées ne seront pas suffisamment nombreuses, que leur capacité d’emport sera trop réduite, que le sol sur lequel nous nous poserons ne sera pas suffisamment fertile ou que nous ne parviendrons pas à le rendre fertile en l’aménageant un minimum pour nous permettre d’y prospérer dans la fenêtre temporelle qui nous est aujourd’hui ouverte. Si tel était le cas, nous mourrons comme peut-être d’autres civilisations déjà mortes, dans notre galaxie ou ailleurs, en ce moment ou il y a bien longtemps.

Beaucoup parmi nos contemporains s’indignent de ce que l’homme ait transformé sa planète (qu’ils considèrent égoïstement comme étant à eux seuls) et continue à le faire. Ils voudraient qu’il disparaisse, qu’il s’efface, ou du moins qu’il se fasse le plus discret possible et cesse d’interférer pour créer une Terre différente de celle qu’il a trouvée en accédant à la conscience, afin que la Terre retrouve sa virginité ou sa pureté supposée d’origine. Je pense que cette attitude régressive ou inhibante est tout à fait irréaliste et dangereuse.

Quoi qu’il arrive, la Terre que nous laisserons à notre mort ne sera pas celle que nous avons trouvée à notre naissance. La Terre, comme tout l’Univers, évolue et nous n’y pouvons rien ou plutôt « presque rien ». La seule chose que nous puissions, puisque nous sommes des êtres conscients et capables de réflexion et d’action, c’est moduler notre impact sur notre environnement. Il semble évident que nous devrions le faire puisque les externalités négatives résultant de notre vie deviennent sensibles, visibles, gênantes et qu’elles sont forcément préoccupantes parce qu’elles apparaissent trop rapidement pour que nous ayons le temps de nous y adapter sans « rien » faire  (dans la mesure où comme tout être vivant nous désirons survivre en tant qu’espèce).

Notre humanité, par le nombre de ses composants et par sa masse, est comme un paquebot (pour ne pas parler du Titanic !). Sa force d’inertie rend impossible toute action immédiate ou plutôt l’obtention d’un résultat quelconque à des décisions immédiates. Et les déséquilibres néfastes pour nous, que nous créons, s’aggravent. Cependant vouloir un résultat rapide ne peut être obtenu en cassant le gouvernail en le mettant en position contraire à la route suivie ou en décidant de sauter à la mer et de nager pour continuer le voyage. La bonne approche, en fait la seule réaliste, ne peut être que l’inclinaison de quelques degrés par rapport à la direction initiale à défaut de pouvoir armer suffisamment notre coque pour pouvoir nous permettre de heurter l’iceberg (mais peut être devons nous quand même nous préparer à cette éventualité). Casser le gouvernail ne conduirait qu’à l’anarchie et à un enchainement d’accidents irrémédiables pour notre espèce (pas question de vivre à neuf milliards comme nous vivions il y a deux siècles lorsque nous n’étions qu’un seul milliard ou même comme avant la première guerre mondiale quand nous n’étions que 1,6 milliards). Se jeter à l’eau, en abandonnant toute technologie (notre navire), serait la mort certaine par noyade.

Pour la persistance de la Vie, ce ne serait pas grave. Elle est comme l’eau qui coule. Une fois versée, elle s’insinue partout où elle trouve passage. Si nous disparaissons avec les mammifères, les poissons et les oiseaux que nous avons déjà sérieusement décimés, les arachnéides, les crustacés ou les mollusques survivront sans doute, ou à défaut (si la situation devient plus grave), les champignons, les bactéries et les archées. Mais hélas, même si on leur laisse le temps, je doute que l’une quelconque des diverses formes de vie provenant de l’évolution de ces êtres primitifs devienne un jour lointain aussi intelligente que nous. Il n’y a aucune garantie, aucun automatisme qui nous disent que ce serait possible !

Soyons raisonnables. Nous sommes embarqués ; regardons devant nous et manœuvrons. Ce n’est que l’intelligence et non la panique qui nous sauvera. Et l’expression de notre intelligence, outre notre modération dans l’utilisation de nos ressources rares et dans notre prolifération, c’est notre technologie. Et le meilleur moyen de développer notre technologie c’est notre esprit créateur et notre liberté, co-évoluant avec le désir des consommateurs, autrement dit des autres hommes, s’exprimant sur un marché. L’immense majorité des êtres humains vivants a pris conscience du danger d’un dérèglement environnemental trop rapide et nulle force n’est supérieure à leur puissance économique collective. Ne cédons pas aux sirènes qui voudraient nous forcer de façon autoritaire à suivre la « bonne voie » (la leur, pas forcément la meilleure) pour atteindre l’harmonie dont nous avons besoin.

Cependant il nous faut anticiper le pire, l’arrivée au pouvoir de tous ceux qui veulent empêcher le développement des activités spatiales et autres activités (production d’électricité à partir de centrales nucléaires, par exemple !) décrétées inutiles ou nuisibles au nom de leurs principes et qui pourraient ainsi casser la machine qui nous permet de vivre. Il faut espérer qu’auparavant, le vent aura apporté quelques grains de notre pollen jusqu’à Mars et que ces grains auront eu le temps de se poser sur quelques pistils martiens que nous y aurons préparés (ISRU* !), pour accueillir et développer de nouveaux hommes sur une nouvelle Terre. L’opportunité se présente aujourd’hui. Ne la laissons pas passer !

*l’ISRU (In Situ Resources Utilization) est la théorie conceptualisée par Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society aux Etats-Unis, s’inspirant de la traversée de l’Amérique par Lewis et Clark (1803 – 1806). Selon cette théorie, étant donné que nos capacités d’emport en volume et en masse depuis la Terre sont limitées, nous devons utiliser au maximum les ressources locales, en l’occurence martiennes. Celles-ci sont constituées par son atmosphère (CO2, N2), son eau (y compris H2 et O2), son sol (toutes sortes de minéraux et, sans limitations, tous leurs composants chimiques), dans un contexte où une certaine puissance énergétique solaire reste disponible à cette distance de notre étoile.

Illustration : vu du cratère Gale à partir du site « Glen Torridon » sur le flanc du Mont Sharp. Extrait du panorama pris par la camera Mastcam de Curiosity entre le 24 Novembre et le 1er Décembre 2019. Crédit NASA/JPL-CalTech. Au premier plan vous voyez les traces laissées au sol par les roues du rover. Jusqu’à présent il n’y a eu là aucune coévolution entre vie et matière. On nous attend pour ensemencer ce nouveau monde !

lien vers l’article mentionné en début d’article: Dans notre Univers, tout évolue, tout intéragit et tout change.

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Index L’appel de Mars 20 07 12