Après EMC18, l’objectif reste Mars, plus que jamais

La 18ème Conférence européenne sur la planète Mars (EMC18) qui s’est tenue au Musée International d’Horlogerie (MIH) de La Chaux-de-Fonds du 26 au 28 octobre, s’est terminée après un programme dense et brillant tant au point de vue des orateurs que des sujets traités. Elle se déroulait dans la magnifique salle de conférence du musée horloger le plus riche et le plus beau du monde, comme les participants ont pu le réaliser lors de la visite guidée. Toute l’histoire de la mesure du temps est là, expliquée, illustrée par des objets rarissimes et souvent magnifiques dans une muséographie impeccable. Dans la grande salle, d’une fonctionnalité irréprochable, on se trouve au milieu des fresques de Hans Erni, exécutées en 1958 pour l’exposition universelle de Bruxelles. A elles seules, elles méritaient le voyage des participants venus des quatre coins du monde.

Sur le thème de la connaissance de la planète, les présentations de Michel Cabane (molécules organiques), Antoine Pommerol (instrument d’observation CaSSIS), Tomaso Bontognali (formes possibles de vie martienne), Philippe Lognonné (sismographie) ont été éblouissantes. Avec le premier, on a pu comprendre jusqu’où la chromatographie en phase gazeuse a pu conduire l’analyse de la composition du sol martien et percevoir que l’environnement planétaire martien a très probablement généré au fil du long temps où l’eau a été liquide, des molécules beaucoup plus complexes et plus longues que l’espace environnant avec les astéroïdes qu’on y trouve. On bute maintenant sur le fait qu’on doive chauffer et donc détruire ces molécules pour les étudier puisque les réactifs à froid (liquides) n’ont pas été encore utilisés (ils sont contenus dans quelques six coupelles seulement, que l’on garde précieusement pour le terrain le plus propice à la préservation de traces de vie, les fameuses argiles du Mont Sharp, maintenant en vue). Avec Antoine Pommerol, on a pu admirer les premières photos prises par CaSSIS à partir de l’orbiter TGO, des nuances de couleurs et une précision jamais égalée, des angles de vue jamais utilisés, permettant de voir le même endroit sous différents éclairages mettant en valeur les changements au cour de la journée donc des compositions de sol et des effets atmosphériques différents. On revient déjà, pour certains « gullies » sur le rôle qu’a pu jouer l’eau dans leur formation (il y aurait plusieurs types de gullies). Avec Tomaso Bontognali, on devrait être prêt à reconnaître visuellement la vie ou plutôt les traces qu’elle a laissées, si elle s’est jamais exprimée sur Mars. La « caméra » CLUPI à bord du rover de la mission ExoMars doit y être déposée début 2021 et les travaux du Dr. Bontognali nous donneront la possibilité de comprendre ce que nous verrons, sur le plan exobiologique. La précision ne pourra dépasser 35 µm alors que les fossiles de cellules primitives devraient être beaucoup plus petits (sur Terre les bactéries ont une taille de l’ordre du micromètre). Cependant on doit pouvoir compter sur un comportement sans doute universel de la vie, son grégarisme et son aptitude à la symbiose, donc à la vie en communauté, ce qui aurait dû générer des tapis microbiens. Avec Philippe Lognonné on a pu admirer l’ingéniosité du sismomètre embarqué à bord d’InSight (qui doit arriver sur Mars le 26 Novembre). Cet appareil extraordinaire disposera d’une sensibilité telle que tout mouvement interne de la planète tant soit peu significatif, pourra être détecté, et ce à partir d’un seul instrument déposé (en utilisant les ondes de surface). Nous pourrons ainsi savoir jusqu’à quelle point la planète s’est refroidie et quelle est l’épaisseur de sa croûte. De là on pourra faire toute sorte de déductions sur son histoire et son potentiel d’activité résiduelle.

Sur le thème du voyage, les présentations de Pierre-André Haldi (critique constructive de la BFR d’Elon Musk), de Jean-Marc Salotti (possibilité de missions habitées avec une Ariane Super Heavy), Angelo Genovese (modes de propulsion avancés), de Jürgen Herholz (historique des projets de l’ESA en termes de vols habités), de Maxime Lenormand et Anne-Marlène Rüede (EDL des masses lourdes) et aussi de Claude Nicollier, nous ont montré que les missions habitées étaient bien possibles en termes de propulsion, de configuration des lanceurs et d’architecture de missions, avec plusieurs variantes envisageables. Avec Pierre-André Haldi, on a bien vu les imperfections du projet BFR, Elon Musk ayant à ce stade un peu trop cédé à l’esprit Star-Treck (fenêtres, panneaux solaires, non traitement de l’apesanteur) mais le Dr. Haldi reconnaît la valeur de quelques excellentes idées, notamment la réutilisation de divers éléments du lanceur, le ravitaillement en ergols en orbite basse terrestre avant l’impulsion vers Mars et l’utilisation du méthane comme carburant (en attendant mieux). Il propose par ailleurs un système de génération de gravité artificielle, une modularité qui apporterait de multiples avantages (notamment la possibilité de changement de mode de propulsion) et la descente en surface de Mars limitée à des véhicules légers annexes (ce qui représenterait d’importantes économies d’énergie). Avec Jean-Marc Salotti on voit qu’on pourrait utiliser un lanceur existant, de performance moyenne, Ariane Super Heavy, pour mener à bien des missions habitées sur Mars. Avec Jürgen Herholz on voit encore mieux que si l’ESA n’a pas réussi à égaler la NASA sur le plan des vols habités c’est tout simplement qu’elle ne l’a pas voulu (ce qui génère une certaine frustration). Les étudiants, Maxime Lenormand* et Anne-Marlène Rüede qui se sont exprimés, ont choisi de parler de la phase difficile de l’EDL (« Entry, Descent, Landing ») et ils ont présentés des solutions très sérieuses qui montrent qu’avec les technologies d’aujourd’hui, on peut descendre en surface de Mars les masses nécessaires à un séjour sur cette planète, suffisantes pour y vivre dans des conditions acceptables le temps d’un cycle synodique. Claude Nicollier a montré que, s’il était très important que le voyage ne se fasse pas en condition d’apesanteur, il était néanmoins encore difficile d’envisager la création de gravité artificielle au sein de deux masses en rotation liées entre elles par un filin. Le déploiement des filins et le maintien d’une tension adéquate (il faut surtout éviter le filin « mou » – slack, en Anglais – a souligné Claude Nicollier) apparait extrêmement délicat. C’est un des sujets dont il faudrait poursuivre sérieusement l’étude (ce qui n’est malheureusement pas prévu). Angelo Genovese a ouvert la porte des technologies nouvelles de propulsion qui, n’en doutons pas, pourront un jour, pas si lointain, réduire considérablement le temps des voyages ce qui rendrait un peu moins grave ce problème d’apesanteur (et également de dose de radiations reçues) et cela à une époque où un « comité d’accueil » pourrait prendre en charge les voyageurs affaiblis à leur arrivée sur Mars.

*accompagné d’Anaïs Sabadie et de Léopold Comby.

Sur le thème du séjour en surface, nous avons eu d’excellentes présentations de Théodore Besson, d’Anne Marlène Rüede, d’Olivia Haider, de Richard Heidmann. J’ai moi-même pris la parole sur le thème de la dualité nécessaire de la mesure du temps prenant en compte l’environnement martien et les relations des Martiens avec les Terriens, et Mitko Tanevski a mis en évidence la complexité des communications tout en mettant en évidence la contrainte que je trouve la plus dérangeante. Avec Théodore Besson et son projet Scorpius-1, nous sortons des simulations « faiblardes » faîtes par les Russes (« Mars 500 ») qui ne traitaient vraiment que du problème psychologique d’un voyage de longue durée en situation de confinement, pour entrer dans la problématique des tests du support vie. Je ne crois pas à la gravité des soi-disant problèmes psychologiques car je suis convaincu que les personnes partant pour Mars seront suffisamment motivées pour supporter le voyage, et imaginer que les conditions sur Mars seront pratiquement identiques à celles vécues pendant le voyage n’a pratiquement pas de sens. Par contre l’alimentation des astronautes, le recyclage de l’air et de l’eau, le contrôle microbien, sont de vrais problèmes. Ils sont « adressés » par MELiSSA mais il faudra bien un jour les tester avec des « équipages » humains. Olivia Haider a montré le niveau sophistiqué qu’ont atteint les simulations d’EVA sur Terre. Avec AMEDEE 18, on est très loin des caricatures de ballades en faux scaphandres présentées il y a quelques années. Comme quoi il faut persévérer et on arrive à des résultats qui seront utiles pour la vraie exploration. Avec Anne-Marlène Rüede, on voit bien les ressources qu’apportent la planète Mars pour envisager de s’y établir. Il y a de l’eau sur Mars et pas qu’un peu (ne parlons pas des misérables ressources lunaires !). Grace à l’eau et à l’atmosphère on peut envisager un établissement pérenne sur Mars et Anne-Marlène Rüede en a bien vu, et démontré, le potentiel. Avec Richard Heidmann, on part beaucoup plus loin dans le futur. On voit les possibilités d’une colonie (1000 habitants), au-delà d’un premier établissement mais on voit aussi les difficultés et on en déduit donc que la progression (l’augmentation du nombre des habitants) ne pourra être que lente (il faut tout construire, à partir d’une énergie difficile à capter). La dépendance à la Terre sera durable, mais elle sera positive (créativité résultant des défis posés) et les Martiens auront de ce fait des ressources pour offrir en échange aux importations de la Terre, des services qui seront précieux aux deux parties, gage de pérennité pour les colonies martiennes. Le plan économique sans la prise en compte duquel rien ne se fera, a été traité par Antonio del Mastro. Il ne s’agit pas en effet d’attendre que les impôts résolvent tous les problèmes. L’économie tournée vers le spatiale doit se prendre en charge dès maintenant. Il ne faut pas oublier que travailler pour Mars c’est déjà travailler sur Terre, concevoir, acheter, vendre sur Terre. Le constater est une excellente façon de ne pas désespérer.

Ces différents thèmes étaient considérés « sous le regard du temps ». Pour mieux comprendre l’importance de ce facteur, nous avons eu deux exposés sur les fondamentaux de sa mesure. Gaetano Mileti et Pascal Rochat nous ont expliqué où nous en étions de la sensibilité et de la précision. Ce n’est ni anodin, ni anecdotique puisque toute navigation (toute prévision de déplacement à une certaine vitesse) se fait à partir de la mesure du temps et cela est d’autant plus important que sur Mars on n’aura que très peu de moyens de communication physique et que la plupart des interventions à distance se feront par l’intermédiaire de robots par des commandes en direct impulsées depuis la base habitée où seront concentrés les moyens de vie. De ce point de vue, il était passionnant de voir que des progrès considérables sont fait dans la définition de la seconde (unité de base de toute mesure du temps). Alain Sandoz a présenté une complication appliquée à la mesure du temps en apesanteur, ce qui peut évidemment servir dans le cadre d’une navigation vers Mars avec des phases plus ou moins longues dans cet état. Pour terminer, Mitko Tanevski a abordé le problème très complexe des communications interplanétaires. On parvient à les maîtriser comme le prouve le succès des missions robotiques récentes mais il faut rendre hommage aux spécialistes qui maîtrisent le sujet, véritable illustration du concept de complexité. Pour conclure Mitko Tanevski a fait une remarque que je trouve très troublante car elle pose problème pour les futures colonies : lorsqu’une population quelconque vivra sur Mars elle ne pourra pas avoir accès immédiat aux bases de données terrestres. La vitesse de la lumière est en effet incontournable et la distance de Mars fera toujours qu’une question posée à la Terre (personnes physiques ou base de données) n’aura de réponses qu’après une durée de 5 à 45 minutes. Que faire ? Copier les bases de données existantes, puis procéder continûment à leurs mises à jour ? Est-ce possible aujourd’hui et encore plus demain quand elles auront atteint une taille gigantesque ? L’effort ne sera-t-il pas néanmoins utile pour simple conservation de ces bases de données au cas où un problème leur portant atteinte se produirait sur Terre ? La discussion est ouverte.

De telles considérations n’ont pas empêché Robert Zubrin de donner des perspectives enthousiasmantes à l’exploration spatiale. Il nous a fait remarquer que nous sommes déjà dans l’espace. Il faut en prendre conscience et aller aussi loin de notre Terre que pourra le permettre notre technologie. Il s’agit de vouloir. Nous avions abordé plus tôt dans le cadre de notre débat, la stratégie des vols habités. On a bien vu à cette occasion la divergence de vue, entre certains scientifiques (représentés par Jean-Luc Josset) qui ne souhaitent pas dépenser pour les missions habitées des sommes qui dépassent de beaucoup les missions robotiques, et les tenant de l’établissement de l’homme sur Mars (représentés par Robert Zubrin) qui mettent leur projet devant cette recherche. Nous étions avec Claude Nicollier, au milieu, en demandant les deux. In fine en effet il faut bien voir que les sommes à prendre en compte pour les missions habitées sont très faibles par rapport à toutes les autres dépenses effectuées par les Etats modernes. Le budget actuel de la NASA ne représente que 0,5% des dépenses publiques des Etats-Unis et il ne serait même pas nécessaire de les doubler pour mener à bien un programme d’exploration de Mars par vols habités comprenant cinq ou six missions sur une douzaine d’années. Mais il faudrait le vouloir au niveau des Etats, ce qui n’est pas le cas ! Alors pour débloquer la situation, plutôt que d’attendre une décision des Etats ou l’éventuelle concurrence chinoise susceptible de réveiller les Etats-Unis, peut-être faut-il plutôt compter sur l’initiative et l’action individuelle. Elon Musk ou l’un de ses semblables peut relever le défi, sans rien demander à personne. C’est mon espoir et il a tout notre soutien et nos encouragements.

Image à la une : fresques de Hans Erni dans la grande salle de conférence du MIH. Crédit MIH et Aline Henchoz (photographe, La Chaux-de-Fonds).

NB: il y a eu d’autres présentations remarquables et je ne voudrais pas en minorer l’importance. Jean-Luc Josset a admirablement présenté son instrument CLUPI qui doit naviguer à bord d’ExoMars pour accompagner visuellement les forages à deux mètres que fera le rover de l’ESA. Roland Loos a montré que l’on pouvait espérer faire voler des avions dans le ciel de Mars en s’inspirant de Solarstratos, l’avion qui par la seule puissance de l’énergie solaire doit pouvoir accéder à la stratosphère terrestre (il lui faudra un décollage vertical comme le propose Roland Loos puisqu’il n’y a pas d’aéroport et qu’il faudrait de très longues pistes pour qu’il puisse s’envoler compte tenu de la très faible portance de l’atmosphère).

Sponsors: Space Exploration Institute (Neuchâtel); MIH; Spectratime; BCN; Trax-L

Index du blog :

https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/wp-content/uploads/sites/31/2018/10/Index-Lappel-de-Mars.pdf

Plus que quelques jours pour vous inscrire à EMC18, la 18ème Conférence sur Mars en Europe

La 18ème European Mars Conference se déroulera du 26 au 28 octobre à la Chaux-de-Fonds*. Vous avez encore quelques jours pour vous y inscrire. A défaut il vous faudra attendre plusieurs années pour avoir l’occasion, en Suisse, de vous « nourrir » aussi intensément de connaissances martiennes (l’EMC suisse précédente a eu lieu en 2011 à l’Université de Neuchâtel et la date de la prochaine n’est pas fixée).

*au Musée International d’Horlogerie (MIH). Nos sponsors sont le MIH, Space-X (Neuchâtel), Spectratime, la BCN, Banque Cantonale Neuchâteloise, Trax-L (Sites Internet, Photographie, Graphisme) .

Ceux qui me suivent régulièrement savent bien que la planète Mars n’est pas un astre comme les autres. Vue « de chez nous » elle brille à peu près comme eux (même si lorsque nous nous trouvons en opposition on peut distinguer son disque à l’œil nu, ce qui n’est guère possible que pour le Soleil, la Lune et Vénus) mais ce qui fait son intérêt c’est une série d’« avantages » qui, tous ensemble, la rendent incomparablement plus attractive aujourd’hui que n’importe laquelle de ces lumières qui nous intriguent et nous appellent depuis la nuit des temps. On peut en faire la liste : sa localisation à la limite de la zone d’habitabilité de notre système solaire, la nature rocheuse de sa surface, l’intensité de la force de gravité générée à cette surface par sa masse, la présence d’une atmosphère, la présence d’eau, une histoire géologique à l’origine très semblable à celle de la Terre, des cycles circadien et saisonnier proche du nôtre, la possibilité d’une longue évolution vers la vie de ses molécules organiques et enfin sa proximité relative. Détaillons les :

Sa localisation à la limite de la zone d’habitabilité signifie qu’en fonction de la température et de la pression atmosphérique, l’eau peut y être liquide et l’on sait que dans le passé lointain puis au cours d’épisodes volcaniques encore relativement récents, de changements périodiques d’obliquité ou de variations dans l’excentricité de l’orbite, elle l’a bien été. Les traces évidentes d’écoulements fluviaux, surtout en zone intertropicale, en sont la preuve indiscutable.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il y a donc eu de l’eau sur Mars comme sur la Terre et, malgré la perte d’une forte proportion d’éléments volatiles dans l’espace, il en reste encore beaucoup, sous forme de glace, un tout petit peu dans l’atmosphère et surtout en grandes quantités en surface du sol (aux pôles) et dans le sous-sol immédiat (un peu partout ailleurs).

La planète tourne sur elle-même en 24h39. Comparez à la Lune qui tourne sur elle-même en 28 jours, vous réaliserez tout de suite les conséquences ! Sur Mars les écarts de températures sont quelque peu lissés par l’alternance rapide des jours et des nuits. Il est possible d’envisager la croissance des plantes sous serre en lumière naturelle (même s’il faudra probablement un peu l’aider). Imaginez la culture des fraises en lumière naturelle avec des nuits de 14 jours (et la différence en consommation d’énergie) !

L’atmosphère n’est pas épaisse (6 millibar en moyenne) et à 95% constituée de COmais elle a « le mérite d’exister », c’est-à-dire qu’elle procure un certain écran contre les radiations solaires et galactiques et qu’elle peut être exploitée relativement facilement pour son carbone et son oxygène (presque tout brûle dans le comburant oxygène, notamment le méthane, carburant que l’on peut obtenir à partir du carbone de l’air et de l’hydrogène de l’eau !). Elle peut également être utilisée pour freiner les véhicules venus de la Terre (d’où des économies d’énergie et de masse, importantes) et, dans les régions basses, pour la portance de drones ultralégers, transportant quelques petits équipements ou de ballons d’exploration. Rien de comparable ailleurs dans notre univers proche, sauf autour de Vénus mais évoluer dans la zone habitable de la haute atmosphère de cette planète serait extrêmement périlleux compte tenu du risque d’atterrissage catastrophique sur une surface ou règnent des conditions environnementales infernales.

Toute vie sur Terre est le fruit de matière, d’eau et d’énergie du Soleil. On a constaté dans les météorites des molécules organiques simples mais variées. Nul doute qu’un environnement planétaire relativement comparable au nôtre (minéraux, eau liquide, énergie) a conduit beaucoup plus loin l’évolution de ces molécules et Mars est la planète accessible dont l’évolution planétologique a été la plus semblable à la nôtre. Jusqu’où la complexification organique a-t-elle été poussée reste la grande question posée à notre génération et elle mérite d’être étudiée !

La proximité relative des deux planètes est très importante puisque nos lanceurs modernes nous permettent d’accéder à Mars dans un délai raisonnable. Ce délai est cependant à la limite de nos possibilités et on ne peut pas envisager de vols habités sensiblement plus longs. Six mois c’est déjà beaucoup pour rester enfermé dans quelque lieu confiné que ce soit mais, surtout, les doses de radiations de GCR (Galactic Cosmic Rays) deviendraient problématiques au-delà. Non pas que l’on ne pourrait faire le voyage Terre-planète « x » (distante au mieux de trois ans comme Jupiter, par exemple) aller et retour, mais parce que notre « capital d’irradiation » serait quand même sérieusement entamé et que les possibilités de plusieurs de ces voyage seraient trop limitées (on peut envisager deux ou trois voyages vers Mars au cours d’une vie sans risques majeurs pourvu qu’on évite ou se protège d’une éventuelle tempête solaire).

A côté de Mars, la Lune, astre mort-né, fait très pâle figure. Il n’y a pas d’atmosphère, très peu d’eau, (si peu qu’il vaut mieux la garder pour étudier l’histoire de notre environnement spatial proche qui s’est inscrite dans sa glace) ; la gravité est si faible (moitié moins que celle de Mars) que les problèmes de santé pouvant en résulter pour l’homme qui y séjournerait longtemps, seraient presqu’aussi graves que ceux qui sont la conséquence de long séjours en apesanteur dans l’espace. Vénus comme mentionné plus haut, présente trop de danger, Mercure difficilement accessible est trop près du Soleil, les lunes de Jupiter ou de Saturne sont très inhospitalières (radiations de Jupiter) et/ou trop lointaines, les exoplanètes « proches » sont, pour encore longtemps, inaccessibles à nos fusées (Proxima Centauri est à 4,3 années-lumière !).

Donc nous pouvons aller physiquement sur Mars et, dans un avenir prévisible, nous ne pourrons nous établir que sur Mars ; nous pourrons y approfondir nos recherches sur l’origine, la préhistoire de la vie, peut-être ses premiers balbutiements. Nous avons commencé à le faire avec des robots, remarquables produits de l’intelligence humaine, et nous continuerons. Mais il faut faire mieux : nous pouvons aussi y envoyer des astronautes puis des colons ; nous pouvons tenter d’y donner une « seconde chance » à notre espèce, à la vie terrestre et à notre civilisation. S’intéresser à Mars, c’est s’intéresser à ces recherches fondamentales, c’est s’intéresser à des projets dont la réalisation est possible même si elle est difficile ; c’est s’intéresser à demain, se projeter dans un avenir proche, et c’est aussi repousser infiniment plus loin qu’aujourd’hui notre horizon et celui de l’humanité.

Puisque le défi « relevable » de notre époque est donc d’y aller. Ne tergiversons pas d’avantage, allons-y !

En attendant, pour connaître mieux cette planète, les possibilités de voyage et d’établissement temporaire ou permanent, faire le point sur les recherches biologiques, venez nous rejoindre le 26 octobre au Musée International d’horlogerie de la Chaux-de-Fonds! Inscrivez vous.

Image à la Une : affiche d’annonce de la 18ème Conférence sur la Planète Mars en Europe (crédit Mars Society Switzerland, graphisme Trax-L)

Congrès EMC18 ; tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Mars

Du 26 au 28 octobre les Martiens-de-cœur, de Suisse et d’ailleurs, se retrouveront au Musée International d’Horlogerie de la Chaux-de-Fonds, pour dire ce qu’ils ont appris et ce qu’ils espèrent apprendre de leur chère planète, pour écouter des experts parmi les meilleurs mondiaux et leur poser les questions qui leurs brûlent les lèvres, pour échanger à propos des missions robotiques actuelles et prévues sans oublier le rêve de plus en plus prégnant des missions habitées et de l’établissement de l’homme sur cette Nouvelle-Terre et, pour y parvenir, des meilleurs solutions pour mener à bien le voyage au long cours qui permettra de la rallier…et d’en revenir.

Quatre thèmes ont été choisis, la connaissance de la planète, le Temps, le voyage et l’établissement de l’homme sur Mars. Ils feront l’objet de plus de 20 exposés et d’un débat : « Des robots et des hommes sur Mars sous le regard du Temps ».

La connaissance de la planète c’est ce que pourront en dire les scientifiques derrière les commandes des merveilleuses machines déjà sur place ou sur le point de partir, Michel Cabane, responsable scientifique (ou, comme on dit « Principal Investigator » ou « PI ») du chromatographe en phase gazeuse du laboratoire SAM (Sample At Mars) monté sur le rover Curiosity de la NASA, qui a identifié toute une gamme de molécules organiques, certaines étant probablement des éléments de matière kérogène ; Antoine Pommerol de l’équipe de l’Université de Berne qui a conçu la caméra CaSSIS (PI Nick Thomas) à bord de TGO (Trace Gas Orbiter) et va pouvoir en analyser les données (localisation des sources de gaz à l’état de traces dans l’atmosphère, notamment méthane) puisque l’orbiteur de l’ESA est parvenu en avril sur son orbite d’observation ; Jean-Luc Josset, concepteur et PI de la caméra CLUPI et Tomaso Bontognali, géobiologiste, tous les deux de l’Institut d’Exploration Spatiale (« SpaceX », de Neuchâtel), pour cette caméra qui sera mise à bord du rover ExoMars dont le lancement est prévu en 2020 pour mener la seconde mission exobiologique de l’Histoire et étudier des échantillons prélevés dans le sous-sol de la planète, hors d’atteinte de la plupart des radiations ; Philippe Lognonné, concepteur et PI de SEIS, le sismographe embarqué sur la sonde InSIGHT qui doit nous permettre de faire un bon gigantesque dans la compréhension de la structure interne de la planète et de pouvoir répondre aux questions fondamentales sur l’absence de tectonique des plaques et de magnétosphère.

Le Temps c’est la contrainte formidable qui s’impose à nous tous, êtres vivants, dans notre vie quotidienne mais aussi particulièrement dans le cadre de l’exploration spatiale puisqu’il faut s’introduire dans la mécanique céleste, que l’on a depuis toujours comparée à l’horlogerie la plus sophistiquée*, et en jouer au mieux pour obtenir ce que l’on veut : transporter le maximum de masse utile, le plus loin possible dans le minimum de temps et dans des conditions optimales de sécurité. Les règles du Temps nous seront données par les grands spécialistes mondiaux de sa mesure, que sont Gaetano Mileti du Laboratoire Temps-Fréquence de l’Université de Neuchâtel et Pascal Rochat de la société Spectratime qui conçoit et réalise les horloges les plus précises au monde. J’exposerai de ce point de vue également, les conséquences résultant de l’éloignement de Mars de la Terre compte tenu de la vitesse de la lumière, et les conséquences pour les Terriens de la nécessaire prise en compte du temps local martien. Mitko Tanevski de SpaceX Neuchâtel nous amènera, en nous confrontant à la réalité, à nous émerveiller de la complexité des systèmes de télécommunications à maîtriser pour manier l’instrument d’une mission robotique. Alain Sandoz (EPFL) nous présentera une complication horlogère permettant de mesurer exactement, mécaniquement, le temps passé en apesanteur (inévitable même pour de courtes périodes, dans ce type de voyage). C’est aussi le Temps, surtout sous son aspect stratégie, qui sera au cœur de notre débat « Des Robots et des hommes sur Mars sous le regard du Temps ». Il s’agira pour Claude Nicollier, Robert Zubrin, Richard Heidmann, Jean-Luc Josset et moi-même, de dialoguer avec le public pour bien faire comprendre que la problématique de l’exploration spatiale et de l’essaimage de l’homme en dehors de sa planète d’origine est aussi une question de « timing », de maturité technologique et psychologique collective et d’opportunités qu’il convient de saisir lorsqu’elles se présentent faute de les voir disparaître. Rien n’est écrit et nous n’irons sur Mars que si nous le voulons, dans un certain contexte temporel.

*Le Congrès sera aussi l’occasion de visiter avec un guide, le très riche Musée International d’Horlogerie qui nous accueille.

Du Temps on passera logiquement au Voyage puisque le premier impose pour le second, des dates de départ et de retour, des vitesses, des quantités d’énergie et donc des masses d’ergols et de charge utile. Ce voyage est long, de l’ordre de 6 mois. Il faut y faire face notamment pour le corps humain, en prenant des contre-mesures pour lutter contre les effets nocifs débilitants (mais pas seulement) de l’apesanteur. Claude Nicollier nous parlera des solutions de gravité artificielle. Pierre-André Haldi (EPFL) nous fera la critique, constructive, du projet Interplanetary Transport System de SpaceX (Elon Musk). Jean-Marc Salotti (Uni. Bordeaux) nous proposera une architecture de mission fondée sur l’utilisation de lanceurs Ariane super lourds. Jürgen Herholz, ancien de l’ESA, responsable du programme Hermès, nous fera l’historique de ce rêve humain des vols habités, tel qu’il a évolué dans le cadre européen.

Le dernier thème abordé sera celui de l’établissement de l’homme sur Mars. C’est quelque chose que nous tous, les membres de la Mars Society, appelons de nos vœux les plus fervents. Nous avons conscience des difficultés mais nous pensons qu’elles sont aujourd’hui surmontables, sur Mars plus que sur n’importe lequel des autres objets célestes que nous pouvons aujourd’hui atteindre. Nous aborderons donc différents sujets qu’il convient de bien connaître et de technologies qu’il convient de maîtriser. Roland Loos, CEO de Solarstratos nous dira ce qu’on peut retenir de son expérience concernant l’avion stratosphérique solaire pour l’exploration de Mars dans des conditions de densité atmosphérique comparables à celles qu’il veut affronter au-dessus de la Terre. Comme, avant de partir, il nous faut anticiper le mieux possible le maximum de situations qui se présenteront sur place, Olivia Haider de l’ÖWF (Österreichisches Weltraum Forum, Uni. Innsbrück) nous racontera ce qu’il faut retenir de ses simulations menées en scaphandre Aouda (conception ÖWF) dans le désert d’Oman en 2018 et Pierre-Emmanuel Paulis, ce que l’Euro-Space Center, au cœur de l’Ardenne belge, veut démontrer et enseigner au public avec sa base habitat martienne « analogue ». Dans le même registre, Antonio del Mastro, fondateur de Mars-Planet, la Mars Society Italienne, nous dira où en est son entreprise de « réalité-virtuelle » pour mieux appréhender dans le contexte de son « Mars City Project, » cette « réalité-réelle » à laquelle on se trouvera confronté en débarquant sur Mars. Théodore Besson, directeur-général d’ESTEE (Earth Space Technical Ecosystem Enterprises) nous parlera de son projet « Scorpius », un habitat clos intégrant les principales fonctions de support vie bio-régénératifs, sur la base de sa connaissance de MELiSSA, et de sa formation en écologie industrielle avec le Professeur Suren Erkman (UniL). Avec Richard Heidmann, fondateur de l’Association Planète Mars, polytechnicien, ancien directeur « orientation recherche et technologie » de la SNECMA, société qui a conçu et réalisé la fusée Ariane, nous nous transporterons par la pensée sur Mars, après les premières missions d’exploration et l’implantation des premiers éléments d’une base permanente, pour considérer les contraintes de production de masse pour une colonie en développement rapide. Il ne suffit pas de penser aux principes quand on doit manipuler la matière ; l’établissement de l’homme sur Mars suppose des infrastructures, des machines, des matières premières et du temps !

Enfin nous clorons ces trois journées par une « ouverture » de Robert Zubrin, fondateur de la Mars Society. Les hommes débarquant sur Mars auront une « vision » et ce devrait être celle qu’il nous exposera, celle d’une « Révolution spatiale » débouchant sur un futur illimité de ressources, de temps, de développement et de liberté créatrice. Mars est une première étape mais essentielle puisque c’est la sortie de notre berceau et peut-être l’entrée dans la voie d’une sorte d’immortalité pour notre espèce.

Parler du futur sans la participation active de la plus jeune génération éduquée que l’on veut encourager à poursuivre notre objectif serait une entreprise vaine. Nous espérons la venue de beaucoup de jeunes à notre congrès et nous donnerons la parole à deux d’entre eux. Maxime Lenormand (IPSA, Paris) présentera une solution d’EDL (Entry, Descent, Landing), dont tout le monde sait que c’est une des parties les plus difficiles de toute mission : la cargaison pourrait terminer son voyage en suivant un long processus d’aérofreinage alors que l’équipage devrait utiliser un freinage plus classique par rétropropulsion. Anne-Marlène Ruede (EPFL, architecture) nous parlera de son projet d’habitat fait de glace d’eau, relié à l’orbite basse martienne par un  système de « grues » très spécial.

Ce dernier sujet est un bon exemple de l’imagination créatrice qu’induit l’exploration spatiale, comme souligné par Robert Zubrin. Mais l’imagination créatrice n’est pas stimulée que chez les étudiants. Elle l’est (on devrait dire « doit l’être ») chez tous ceux qui sont intéressés à faire avancer le processus d’Exploration, donc également les chercheurs et les ingénieurs expérimentés, car ce cadre où tout est à concevoir est un espace illimité de liberté. Il oblige cependant, ce qui n’est pas contradictoire, à ne pas perdre de vue les fondements solides de la science et de l’ingénierie car la réalité est toujours là et le danger aussi. Nous avons l’esprit tourné vers Mars mais les pieds (encore) sur Terre!

Si vous êtes intéressé, inscrivez vous! https://planete-mars-suisse.space/fr/emc18/inscription-emc18

NB: la langue du Congrès EMC18 sera l’Anglais, compte tenu de la présence de Suisses Alémaniques et d’étrangers ne parlant pas Français.

Nos sponsors sont:

Space-X Neuchâtel,  le Musée International d’Horlogerie,  Trax-L,  Spectratime,  la BCN