SUSIE le nouveau concept de vaisseau spatial de l’ESA, court après les innovations de SpaceX

A l’IAC 2022 le Congrès Astronautique International qui s’est tenu du 18 au 22 septembre, Porte de Versailles à Paris, l’ESA* a présenté son concept de SUSIE (Smart Upper Stage for Innovative Exploration) qui doit permettre de partir du sol de la Terre et d’y revenir après avoir mené une mission habitée dans l’espace. C’est une révolution pour l’ESA mais simplement une tentative de rattrapage, par rapport aux véritables innovations engagées il y a plusieurs années par SpaceX avec son Falcon 9 et son Starship.

*Quand je parle de l’ESA, je parle aussi, pour simplifier, d’ArianeGroup et de sa filiale Arianespace qui est le principal constructeur des lanceurs et véhicules de l’ESA. A l’IAC 2022, SUSIE a été présentée par son concepteur Marco Prampolini, ingénieur (« System Architect for Advanced Concept ») d’ArianeGroup.

SUSIE serait le dernier étage emporté par l’Ariane 64, une version améliorée (à 4 « boosters ») du lanceur Ariane 6 qui doit faire son premier vol en 2023 (après plus de deux ans de retard !)*. Il aurait 12 mètres de long, 5 mètres de diamètre, un volume utile de 43 m3 et pourrait placer en orbite basse terrestre (« LEO ») une charge utile de 11,5 tonnes. Il prendrait la place de la coiffe d’Ariane 6 avec le même diamètre. C’est en quelque sorte un petit Starship qui, lui, a un volume utile de 1100 m3, une hauteur de 50 mètres (dont 30 de « second étage » intégré) et un diamètre de 9 mètres. SUSIE serait lancé par l’équivalent d’un petit Falcon puisque la charge utile d’un Falcon 9 en LEO est de 22,8 tonnes contre 20,6 pour l’Ariane 64. Mais le vecteur actuellement le plus puissant de SpaceX, le Falcon Heavy, peut mettre 63,8 tonnes en LEO et il est bien réel comparé à l’Ariane 6.

Ce retard est d’autant plus « ennuyeux » que du fait du conflit qui oppose l’Europe à la Russie, l’ESA ne dispose plus des lancements de Soyouz depuis Kourou et qu’elle a des contrats à assumer qui supposent une capacité plus importante que celle dont elle dispose avec les Ariane 5 (ou évidemment les petits lanceurs Vega).

Avant de continuer la lecture de cet article, il est essentiel de bien noter que SUSIE n’intègre pas le second étage du lanceur comme le fait le Starship. Il a cependant besoin d’un second étage pour atteindre son objectif, second étage qui aujourd’hui ne va pas l’accompagner plus loin que l’injection vers une cible en orbite terrestre ou dans l’espace profond. Ses moteurs et réservoirs embarqués seront ceux d’un troisième étage et ne lui permettront que des contrôles d’attitude et un freinage dans l’atmosphère, complétant celui du corps portant, pour revenir se poser sur Terre (à la verticale). Il serait donc incapable de revenir seul après s’être posé sur la Lune ou sur Mars.

Certes la comparaison SUSIE/Starship n’est pas tout à fait exacte puisque le lanceur du Starship, le SuperHeavy n’est pas encore opérationnel. Cependant le Starship SN15 a volé et le SuperHeavy qui reprend les principes du Falcon 9, est à un stade assez avancé de sa mise au point puisque ses premières mises à feu statiques ont réussi (on attend toutefois l’ignition de ses 29 ou 31 moteurs ensemble, ce qui n’est pas évident) et qu’on parle déjà (sans doute avec un peu d’optimisme) d’une mise sur orbite en octobre de cette année. Par ailleurs, le Falcon 9 fonctionne parfaitement puisque 180 vols ont été effectués depuis 2012 (31 en 2021 et 43 en 2022) et que 2 seulement ont échoué, ce qui a fait s’écrouler la part de marché de l’Ariane 5 puisque le vol sans récupération et sans réutilisation de ces lanceurs européens est devenu totalement non compétitif. Il y a eu 113 vols d’Ariane 5 depuis 1996 (dont 5 échecs) dont seulement 3 en 2021 et 2 en 2022 !

En fait SUSIE serait un progrès par rapport à la capsule Dragon de SpaceX qui ne revient au sol que sous parachute et qui n’a pas un volume utile (pressurisé) aussi important (9,3 m3 pour le Crew Dragon). Mais le Crew Dragon existe et il ne manque que le SuperHeavy pour que la concurrence du Starship écrase SUSIE, surtout bien sûr pour les vols habités dans l’espace profond que d’ailleurs SUSIE ne vise pas car son but est de mener des missions dans l’espace proche, c’est-à-dire LEO et sans doute l’orbite géostationnaire. SUSIE est plutôt un successeur de l’Hermès, la navette européenne qui a failli voler à la fin des années 1980. Pour plus tard, on peut envisager de lui ajouter un complément, type ESM (European Service Module) que l’Europe a conçu et réalisé pour la capsule Orion du programme Artemis de la NASA et qui lui permettrait aussi d’aller jusqu’à la Lune, sans oublier bien sûr un deuxième étage propulsif l’accompagnant jusqu’au bout dans ce type de mission (ou un « Space Train » qui resterait en orbite et qui serait susceptible d’être réalimenté en ergols en orbite de parking comme cela a été évoqué lors de la présentation à l’IAC).

Parallèlement les Européens travaillent avec Prometheus à un moteur réutilisable que l’on espère pour 2025 (il doit être près de 10 fois moins cher que les moteurs actuels…ce qui en dit long sur la compétitivité de ces moteurs actuels !) qui pourrait propulser le premier et le second étages, et à un lanceur réutilisable, le « IXV » (programme Themis), pour un horizon encore vague. IXV est l’acronyme pour « Intermediate eXperimental Vehicle » et ce ne sera qu’un « démonstrateur ».

On ne peut pas reprocher à l’ESA de vouloir sortir de l’ornière où elle s’est progressivement volontairement enfoncée et on ne peut que féliciter son nouveau directeur général, l’Autrichien Joseph Aschbacher, d’avoir orienté son institution vers une évolution drastique ou, comme on dit, dans « un projet de rupture » : davantage de volume utile et surtout la récupération suivie de la réutilisation des éléments. Il faut aussi rendre hommage à Daniel Neuenschwander, directeur du transport spatial à l’ESA et ancien chef du Swiss Space Office, qui défend ce projet depuis le sommet spatial de Toulouse en février 2022, projet qui était à l’étude depuis environ un an par ArianeGroup. Mais on doit aussi dire que l’ESA est contrainte de le faire car les véhicules spatiaux d’Arianespace ne sont absolument pas compétitifs et ne bénéficient que de commandes forcées par des considérations politiques, la situation étant aggravée par le fait que le faible nombre de lancements ne permet aucune économie d’échelle.

On a bien l’impression que l’ESA court désespérément après un rétablissement de sa situation mais on n’a aucune assurance qu’elle réussira. Ce n’est pas qu’une question d’argent (budget 2022 de 7,15 Milliards d’euros contre 24,4 pour celui de la NASA pour la même année). C’est aussi une question de capacité ingénieuriale. On ne répare pas en une année ni même en une décennie les conséquences de l’obstination à considérer pendant 15 ans le réutilisable comme une ineptie de cow-boy inculte (soit, plus clairement désigné, Elon Musk). SpaceX ne va pas attendre qu’on la rattrape. Ceci étant sans mentionner la Chine, la Russie et bientôt l’Inde, pays qui, à des degrés divers, ne sont pas aussi avancées que SpaceX mais qui n’en sont pas moins extrêmement déterminés à être concurrents bien réels des leaders, puisque n’étant pas du tout soumis aux mêmes contraintes de coût que les « Occidentaux ».

Ceci dit il faut encore que les états membres acceptent le projet SUSIE (qui se chiffre sans doute à peut-être quatre milliards d’euros). On verra ce qui se passera à la conférence interministérielle de l’ESA en Novembre puis au prochain sommet spatial en février 2023, à Toulouse. La simplicité et la souplesse du système de décision n’est pas ce qui caractérise l’ESA, d’où une grande partie de ses problèmes.

Illustration de titre :

SUSIE juste après avoir été larguée par le second étage de son lanceur. Vue d’artiste. Crédit ESA.

Liens :

https://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=57201.0

https://www.lecho.be/entreprises/defense-aeronautique/arianegroup-devoile-un-projet-de-vehicule-spatial-reutilisable/10414570.html?openGallery=0-0

https://www.youtube.com/watch?v=__NGg_nNoMo

https://www.usinenouvelle.com/article/le-premier-vol-d-ariane-reporte-en-2023-suite-aux-difficultes-lors-des-ultimes-tests-de-mise-au-point.N2016132

https://fr.wikipedia.org/wiki/Falcon_9

https://time.news/ariane-6-the-susie-project-a-turning-point-for-europe-in-space/

https://www.youtube.com/watch?v=B1viQWRn2dg

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/acces-espace-ariane-6-grand-entretien-daniel-neuenschwander-directeur-transport-spatial-esa-100756/

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Index L’appel de Mars 22 09 30

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

18 réponses à “SUSIE le nouveau concept de vaisseau spatial de l’ESA, court après les innovations de SpaceX

  1. On ne peut que se réjouir que l’Europe, qui semblait un peu se reposer sur ses
    lauriers “commerciaux” passés (lanceurs ARIANE), relance ses ambitions dans le domaine spatial et se dote enfin des moyens d’envoyer des Européens en orbite, voire au-delà, par ses propres moyens (surtout dans les circonstances actuelles où les coopérations “externes” deviennent difficiles et aléatoires!). Espérons seulement que cette fois le projet n’avortera pas en route comme celui de la navette Hermès. D’autant plus que je crois plus à l’approche plus modulaire que paraît vouloir suivre l’ESA qu’à “l’outil à tout faire” monolithique du Starship qui pourrait bien conduire à de sérieuses désillusions. Dans l’optique d’un transporteur spatial à destination de Mars, j’avais présenté il y a quelques années à une convention des Mars Societies européennes le concept d’un vaisseau, modulaire précisément, dans lequel je verrais bien une adaptation de SUSIE servir pour les navettes que j’avais imaginées entre le vaisseau principal (composés de différents modules: habitation, propulsion, alimentation en énergie) restant en orbite martienne et le sol de la planète. Un des avantages de l’approche modulaire est de laisser une beaucoup plus grande flexibilité pour adapter les différents composants à différents types de missions et de permettre au système d’évoluer au cours du temps au fur et à mesure des avancées technologiques devenant disponibles (passer par exemple pour le vaisseau principal de la propulsion chimique initialement à la propulsion nucléaire ultérieurement).

    1. Je suis bien d’accord avec P.A Haldi pour dire que l’approche modulaire est excellente et que le concept SUSIE témoigne d’une excellente évolution (une “rupture”); on peut dire aussi d’une nécessité.
      .
      Le principe des trois étages était celui de Robert Zubrin, (point sur lequel il divergeait avec Musk). Dans cet esprit ne pas descendre le deuxième étage du lanceur sur Mars serait une bonne solution si avec seulement le troisième étage le vaisseau spatial pourrait rejoindre l’orbite martienne à partir du sol de Mars. Pour le moment le projet SUSIE est plus que vague sur ce point car ce n’est pas ce qui intéresse l’ESA qui pense presque exclusivement à la desserte de l’espace terrestre proche.
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      Je me désole toujours des précautions et lenteurs de l’ESA et de son peu d’intérêt pour l’espace profond et l’exploration planétaire.

  2. Pour qu’un jeune européen veuille travailler dans le spatial qui fait rêver, qui permet tout un mouvement d’exploitation de l’espace habité, il devrait émigrer aux USA et travailler dans une des sociétés spatiales.

    Ou alors, lorsqu’une de ces sociétés aura prouvé être capable de lancer une charge utile dépassant 10 tonnes au moyen d’un lanceur entièrement réutilisable, une société privée européenne pourra acheter quelques-uns de ces lanceurs pour les lancer depuis le sol européen. Cela sera tout à l’avantage de la société vendeuse et au détriment de lanceurs européens bien moins innovants. Peut-être que le choc sera tel qu’on verra qu’il faut procéder comme eux, comme l’aéronautique d’il y a 100 ans..

  3. SUSIE risque de prendre le même chemin que la navette Hermes, abandonnée en 1992 !
    La question politique est centrale en Europe : Les Américains n’ont jamais vu d’un bon œil que les Européens les concurrencent dans ce domaine et ont tout fait pour bloquer l’Allemagne dans ce domaine, même après la chute du mur de Berlin .
    Les Allemands sont donc restés dans une posture de vassal face aux Américains et ont rechigné d’investir dans cette technologie, surtout des fusées, bien que pionniers, puisque leur technologie a permis aux Américains de conquérir la Lune !!!

    1. Un certain Mark Wild évoquait ce problème dans un blog précédent intitulé ”Magellan, 500 ans après, plus que jamais un modèle pour nous” de Pierre Brisson. Il parlait aussi du projet Otrag.

    2. Je ne crois pas un instant à la possibilité d’un diktat “américain” (pourquoi n’y a-t-il pas d’adjectif spécifique pour qualifier ce qui vient des Etats-Unis, ni les habitants de ce pays d’ailleurs!) qui empêcherait les Européens de développer leur propre programme spatial si tel est leur ferme volonté, que cela plaise ou non Outre-Atlantique. Sinon, il n’y aurait jamais eu de lanceurs “Ariane”! Les Européens se sont seulement trop longtemps satisfaits de la solution de facilité de se reposer sur les “Américains” (ou les Russes) pour ce qui est des vols habités, parce qu’ils ne voyaient pas autant de retombées économiques à attendre qu’avec les lanceurs purement commerciaux. Cette mentalité semble maintenant évaluer vers de plus grandes ambitions pour l’ESA; espérons que ce soit “pour de bon”!

    3. Il faut dire quand même que le passé nazi de l’histoire allemande ne facilitait pas la reprise après la seconde guerre mondiale, de la construction de fusées en Allemagne. Ceci me semble d’autant plus vrai que les spécialistes allemands des fusées, compromis à Peenemünde, avaient tous été exfiltrés et blanchis par les Américains (récupération de Werner von Braun), les Russes et les Français, chacun des pays vainqueurs étant déterminé à monter sa propre industrie astronautique (sauf apparemment la Grande Bretagne).

      1. C’est juste, mais on ne parle pas ici de ce qui s’est passé dans l’immédiate après-guerre (20ème siècle) mais du 21ème siècle, dans lequel ces considérations sur l’Allemagne nazie n’ont plus de signification pour l’Europe spatiale d’aujourd’hui. Nous avons tout-à-fait les capacités qu’il faut sur notre continent pour jouer d’égal à égal avec les autres puissances spatiales si nous en avons la volonté et l’ambition.

        1. D’accord avec vous, l’Europe peut repartir du bon pied! Le problème est bien la volonté et l’ambition mais aussi l’organisation. Le processus de décision au sein de l’ESA me semble particulièrement inefficace.

  4. Le problème va être ArianeGroup qui est un entreprise politisée. On va plus discuter de la distribution des centres de production à travers l’Europe que de faire des choix technologiques et de faire des essais audacieux.

    Il faudrait que le concept soit ouvert à toute entreprise européenne, avec un contrat de x vols garantis après preuve d’un vol réussi.

    Il faut faire un appel d’offre choisir 2 ou 3 consortiums, leur financer une première étude via un mandat à quelque dizaines de millions d’euros pour enfin choisir le meilleur prototype et le financer via un contrat à prix fixe et une garantie de x vols sur y années. Sans entrer en matière sur le choix du lieux de production ou de la nationalité du directeur.

    1. Vous avez certainement raison! Cela rejoint ce que j’écrivais sur la prise de décision au sein de l’ESA. La France détient 64% du capital d’Arianespace mais dans le contexte de l’Union Européenne et/ou de l’ESA, elle ne peut certainement pas traiter à la légère l’opinion de ses partenaires* qui chacun veulent faire travailler leur industrie spatiale.
      *Allemagne, Italie, Belgique, Suisse, Suède, Espagne, Pays-Bas, Norvège.

    2. Vous avez raison, … mais ça n’est pas fondamentalement différent aux Etats-Unis pour ce qui est de la NASA. Là aussi les influences politiques jouent à plein pour que soient “distribués” les contrats entre les Etats en fonction du poids politique de tel ou tel sénateur ou représentant. Pourquoi croyez-vous par exemple qu’il y a un centre spatial d’importance au Texas, le JOHNSON Space Center comme par hasard?!

  5. Bonjour à tous,
    Merci pour cet article sur SUSIE et le vol habité.
    A l’époque des fusées Diamant on savait réaliser des capsules pour ramener en vie des singes, elles étaient déjà assez volumineuses et équipées.
    Au lieu de continuer et aller jusqu’à une capsule habitée et vols humains, on a préféré passer directement au stade navette, avec Hermès et l’échec qui a suivi.
    C’était un saut technologique trop grand.
    Je crains que pour SUSIE ce soit pareil, “on” ne maîtrise pas les diverses technologies nécessaires à une rentrée atmosphérique (bouclier ou tuiles thermiques, manœuvres orbitales, grands parachutes ou retrofusées ) et créer une mini navette avec tuiles thermiques, rentrée atmosphérique sans parachute avec des retrofusées, plus des panneaux de soute à gérer, ça fait un grand saut en multiples techniques, peut être là encore trop important par rapport à créer une capsule “classique” ?
    Surtout qu’on sait deja faire le module de service pour Orion.
    Faudrait éviter de subir un deuxième Hermès.
    Je remarque que le Dream Chaser, qui est une mini navette, ne vole toujours pas, cela depuis de nombreuses années, et malgré un transfert de technologies et de savoir de la Nasa et de l’Esa.
    Les capsules Dragon et même Starliner ont volé…
    La seule mini navette qui fonctionne c’est celle de l’armée us, elle est une version automatique.

    D’autre part faire un vaisseau comme SUSIE sans envisager les scaphandres c’est un peu étrange, il faut au minimum des scaphandres IVA pour l’équipage, et une véritable indépendance en vol habité n’est réalisable que si on a des scaphandres pour EVA.
    Le dernier scaphandre français a disparu avec le programme Hermès, là aussi on aurait pu au moins continuer la filière scaphandre au lieu de tout jeter ensemble.

    Il est à craindre que SUSIE ne soit même pas considérée aux 2 réunions prochaines de l’Esa et que ce ne soit qu’une sorte de “vitrine” promotionnelle pour ses concepteurs.
    Le choix officiel pour le vol habité est toujours clairement celui du “strapontin” pour spationautes européens à bord d’un engin us.
    Quand nos responsables et élus parlent d’indépendance spatiale ce n’est pas le vol habité leur objectif mais le commerce des satellites, les communications et diverses surveillances de la Terre. Leur intérêt est très “Terro-centré”.
    Ils ne voient pas les retombées politiques, technologiques et societales du vol habité autonome, même seulement orbital.
    L’argument habituel du coût et du temps pour réaliser un programme de vol spatial habité autonome a été démolit par l’exemple des fusées et capsules Space x, la Nasa a déboursé un peu moins de 3 milliards de financement contre 6 vols, cela impliquait de créer ou d’obtenir un lanceur certifié vols humains et la capsule habitable… Elle a d’ailleurs financé le double pour la Starliner.

    Enfin, simple constat: le vol spatial habité indépendant n’intéresse aucun allié proche des usa, ni les pays européens, Canada, Australie, Japon, Corée du Sud…
    Leur participation se résume à des trocs de court terme de participation à des projets (ATV pour ISS, 2 ou 3 modules de service Orion hors propulsion) ou des sous contrats ( cargo Cygnus, elements pour Lunar Gateway)

    On a l’indépendance spatiale qu’on mérite.

    1. Merci pour ce commentaire très pertinent et bien argumenté!
      Il est vrai que l’on peut douter des intentions réelles de l’ESA. Jusqu’à présent, pour cette institution, l’Espace c’est l’espace commercial robotique en orbite basse terrestre et éventuellement en GTO. Les participations aux projets américains de vols habités n’ont été que l’occasion de démonstrations de capacité technique mais sans intention, sans projet sous-jacent d’exploration spatiale par ce mode. Je connais des dirigeants aussi bien de l’ESA que de l’Union Européenne pour qui le spatial habité n’est qu’une fantaisie coûteuse et inutile, bonne pour les Américains. Lors d’une conférence à l’EPFL il y a une dizaine d’années, Monsieur Neuenschwander alors responsable du SSO, répondait à mon impatience de mettre en place un programme européen de vols habités pour Mars: “Mars sera toujours là” (sous-entendu, on verra bien plus tard mais ce n’est pas du tout ma préoccupation du moment).
      Par ailleurs les détails de SUSIE ont été très peu exposés et comme vous le remarquez, il manque beaucoup d’éléments pour comprendre comment ce vaisseau va fonctionner et comment les cinq astronautes que l’on pourra y embarquer au point de vue de la masse, pourront y vivre. La seule chose sur lesquelles les présentateurs ont beaucoup insisté, c’est la modularité de SUSIE, son adaptabilité à beaucoup d’utilisations différentes et bien sûr sa récupérabilité.
      Ceci dit j’ai un espoir. Joseph Aschbacher dès sa nomination à la tête de l’ESA, a exprimé son intention de développer les vols habités, y compris pour l’installation d’une base sur la Lune. De ce fait, l’administration pourrait suivre, y compris Daniel Neuenschwander. Cet espoir n’est-il qu’un rêve? L’avenir nous le dira très vite: on verra si effectivement le projet est développé, accepté dans le principe et financé lors des prochaines réunions de Novembre et Février prochain. Car, au delà des dirigeants, il y a les actionnaires!

      1. “il manque beaucoup d’éléments pour comprendre comment ce vaisseau va fonctionner et comment les cinq astronautes que l’on pourra y embarquer pourront y vivre.” Un peu comme pour le Starship “version martienne” (et même à une toute autre échelle dans ce cas et impliquant des domaines où la firme d’Elon Musk n’a pas encore vraiment d’expérience non plus!) , et pourtant vous mettez peu en doute que SpaceX puisse arriver in fine à mettre son vaisseau interplanétaire au point et réaliser ses objectifs martiens. Laissons donc aussi à ce stade le “bénéfice de l’espoir” aux nouvelles ambitions européennes et soutenons-les!

    2. Vous avez raison que lorsqu’on se donne des objectifs relativement ambitieux, les atteindre peut ne pas être facile! Toutes les acteurs spatiaux ont connu des déboires au début de nouveaux programmes (la NASA avait mêne fait un film sur la longue série d’échecs qu’avaient connus ses premières tentatives de mettre des satellites en orbite, … en concluant à la fin de ce documentaire que c’est ainsi qu’elle était finalement arrivée sur la Lune!). On se souvient aussi pour ce qui est des Européens, des débuts calamiteux de la fusée Europa, débouchant finalement sur le succès des lanceurs Ariane. Il y aura certainement des problèmes, voire même des échecs, dans le développement d’un programme tel que SUSIE, tout est ensuite question de volonté d’aboutir et de persévérance; il n’y a aucune raison que l’Europe y arrive moins bien que ses “concurrents” dans le domaine spatial. SpaceX a connu combien d’échecs avant de mettre au point avec brio ses Falcons (cette firme a d’ailleurs également compilé avec humour tous ses échecs initiaux dans une vidéo)?!

  6. L’Europe a-t-elle réellement le désir d’exister? Au-delà des antagonismes fossiles mais toujours présents (Suisse-reste de l’Europe, France-Allemagne, Angleterre-Allemagne…) n’y a-t-il pas un certain désir d’une nation occidentale comprenant les US+l’Europe? On voit le nombre d’Européens qui émigrent aux US, à côté d’un goût pour l’inertie de la part de certains européens. Perdre une partie de son pouvoir suscite des inquiétudes évidemment et ralentit les actions, relative vanité de quelques nationalismes, mais les choses sont en marche vers la collaboration spatiale obligatoire. En outre, pour se mettre à agir rapidement il faut avoir le couteau sur la gorge… Et cela pourrait bien se produire! Mr Poutine, à force de répéter qu’il possède des armes qui lui brûlent les mains, pourrait bien les utiliser. On répète à l’envie qu’il ne le fera pas comme on répétait qu’il n’envahirait pas l’Ukraine. Combien de morts en Europe et en Russie? Avec cela, l’apparition de nouveaux virus, ça s’intensifie. On en revient à la question qui vous est chère: la conquête de l’espace est-elle nécessaire, urgente? Prise de conscience à faire grandir!

  7. il n’y a pas de place pour l’UE dans l’espace pour ce qui concerne les lanceurs.
    il faut se faire une raison et rediriger tout l’argent et les intellects vers des niches ” rentables”. ( satellites, rovers, etc )
    Ariane 6 n’a pas volé, et on voit qu’elle est complètement dépassée. il y aura peut-etre des vols, mais douloureux pour le contribuable, un point c’est tout .
    n’oublions pas aussi que Iter necessite des subsides, avec un futur plus “compatible” pour les contribuables…

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