Les Îles Kerguelen, un « analogue » qui permet d’envisager une vie humaine continue sur Mars

Je viens de relire « L’arche des Kerguelen, voyage aux îles de la Désolation » de Jean-Paul Kauffmann (1992). Cet archipel étant sans doute le plus isolé de notre monde terrestre et « jouissant » de conditions environnementales extrêmement difficiles, je m’interrogeais en même temps sur ce que l’on pourrait en déduire pour l’installation de l’homme sur Mars.

Tout d’abord on comprend que le journaliste Jean-Paul Kauffmann, après trois ans de captivité au Liban dans des conditions très dures, ait eu besoin d’air frais et d’autant de liberté d’aller et venir que possible. Dans ce contexte, un séjour aux Kerguelen était effectivement une excellente idée, surtout pour quelqu’un comme lui qui en avait rêvé, enfant, comme ce que l’on pouvait imaginer comme le lieu parfait de l’aventure ultime.

Les Kerguelen ce sont en effet ces îles fabuleuses qui, entre 49° et 50° de latitude Sud, à 3250 km au Sud de la Réunion, 3900 km de l’Afrique et autant de l’Australie, accessibles seulement après dix jours de mer, ont ce rare privilège de l’isolement vrai, un peu comme l’Île de Pâques mais en beaucoup moins hospitalières.

Les Kerguelen ce sont les îles du vent, de la pluie ou de la neige, du froid et de la tempête. Le vent y est tellement présent et souverain qu’aucune plante ne parvient à s’élever à plus de 50 cm du sol. Les précipitations frappent souvent à l’horizontale et le temps change plusieurs fois dans la même journée, sans préavis. La température oscille entre -5°C et +5°C. Le pays est si dur qu’aucun peuplement pérenne n’y a été encore possible, les cent et quelques personnes « résidentes » n’y restant qu’au plus une année, pour mener à bien des recherches scientifiques diverses ou fournir les services annexes indispensables aux chercheurs. Les élevages commerciaux à grande échelle, ovins, saumons, cervidés, ont tous échoué, principalement pour des raisons de coût…de transport, même si les animaux importés et redevenus sauvages (en y ajoutant les lapins dont on n’a jamais fait l’élevage mais que l’on a introduits) permettent de varier la nourriture locale. Les espèces de plantes comestibles sont extrêmement rares, en fait il n’y a rien d’indigène sauf le fameux chou des Kerguelen, très amer. Quelques légumes cultivés sous serre donnent la variété et la fraicheur indispensables à une bonne santé.

En fait les Kerguelen c’est un peu Mars sur Terre.

Elles ont été découvertes le 13 février 1772, il y a donc 250 ans cette année, pour le Roi Louis XV par le Chevalier Yves-Joseph de Kerguelen qui pensait avoir trouvé un nouveau continent, l’« Australasie », équilibrant sur le globe-terrestre la masse des autres continents. Il dut déchanter lors d’un second voyage, en 1774, quand après une exploration un peu plus sérieuse, il réalisa (et malheureusement pour lui, le Roi également) que son continent n’avait que la surface d’une île un peu plus petite que la Corse et que les conditions climatiques y étaient véritablement épouvantables, à tel point qu’on pouvait à juste titre les appeler « Îles de la Désolation » comme les nomma James Cook qui y aborda en 1776.

La France semble ensuite avoir totalement oublié son « continent perdu » pour se réveiller et n’y revenir qu’au début du XXème siècle. Quelques excentriques, Raymond Rallier du Baty, les frères Henry et René Bossière tentèrent de s’y installer et échouèrent. Un Franco-Genevois, Edgar Aubert de la Rüe, fils du conservateur de la bibliothèque de Genève et de sa femme, française, ingénieur diplômé en géologie de l’ENSG (Ecole Nationale Supérieure de Géologie), y mena en plusieurs campagnes à partir de l’été 1928, des études très sérieuses dans sa spécialité. L’installation permanente ne date que de 1950, par la décision de François Mitterrand, alors ministre responsable de l’Outre-mer, de fonder « Port-au-Français » (« PAF »), lieu de vie et centre administratif des « TAAF », Terres Australes et Antarctiques Françaises. En fait l’administration centrale des TAAF demeura sous les cieux plus cléments de La Réunion, les îles Kerguelen ne bénéficiant sur place que d’une petite antenne dirigée par un chef de district (« dis-Ker »).

Depuis, les missions se succèdent, au rythme des rotations trimestrielles d’un seul bateau, le Marion Dufresne II, à partir de La Réunion. Il n’y a toujours pas de résidents permanents même s’il y a des personnes qui ayant attrapé le virus du rêve et de la déception, reviennent sur l’île pour y faire quelque(s) autre(s) séjour(s) après leur première expérience. Comme il n’y a en période d’affluence qu’un peu moins de 150 personnes (y compris aujourd’hui quelques femmes !) dans l’archipel tout entier (en hiver plutôt une quarantaine) et que les déplacements terrestres y sont très difficiles (climat mais aussi, boue, tourbières, lacs, rochers, montagnes), les manchots, les éléphants de mer, les pingouins ou les stukas, ont de beaux jours tranquilles devant eux.

La vie humaine sur Mars sera-t-elle similaire à ce qu’elle est sur ces îles, sans continuité véritable car sans établissement permanent pour quelques milliers ou au moins quelques centaines de personnes ? Vu sur un plan plus « terre à terre », les Îles Kerguelen pourraient-elles être les Îles Malouines (3000 habitants permanents) ? Mais gardons nos distances interplanétaires et voyons les différences entre Kerguelen et Mars.

Tout d’abord il faut remarquer que la durée des missions sur Mars ne pourra être inférieure à 18 mois, ce qui est nettement plus long que les séjours aux Kerguelen. Un habitat spartiate s’accepte pour quelques mois mais est beaucoup moins supportable sur plus d’une année.

Ensuite toute installation nécessitera très vite (dès la troisième mission habitée ?) l’équivalent d’un « hivernage » c’est-à-dire une jonction entre deux missions. Les personnes qui ne veulent pas rester deux « saisons » de suite sur Mars devront impérativement (contrainte synodique) repartir à n+6+18 (« n » étant la date de départ de la Terre) alors que leurs successeurs remplaçants ne pourront arriver sur Mars qu’à n+26+6. Cela veut dire que pendant 8 mois la base sera vide s’il n’y a pas de « permanence ». Cela ne semble évidemment pas souhaitable car il faudra (1) entretenir base et réseaux (réparation des impacts de micrométéorites, contrôle de la prolifération des bactéries ou des champignons dans les milieux viabilisés, continuité de la circulation d’un air respirable dans les mêmes milieux), (2) maintenir en fonction les équipements et (3) assurer la continuité des soins indispensables aux organismes vivants (bacs à spiruline ou à poissons, serres, petits animaux).

Limiter l’exposition aux radiations plaide pour une limitation du nombre des voyages interplanétaires. L’intensité et la quantité de radiations seront beaucoup plus fortes pendant le voyage que pendant le séjour puisque (1) la masse de la planète elle-même fait obstacle aux radiations provenant de « l’autre côté » (par nature, la moitié) ; (2) l’atmosphère de Mars n’est pas nulle et constitue une petite protection (l’équivalent d’une colonne de 20 cm d’eau contre une colonne de 100 cm sur Terre) et (3) bien sûr on peut vivre sur Mars aussi bien protégé que sur Terre, sous un bouclier de régolithe ou de glace d’eau. On pourra faire trois ou quatre voyages allers et retours Terre/Mars mais pas plus, sous peine d’encourir un risque de cancer trop important. Les personnes qui veulent vivre sur Mars plutôt que sur Terre auront donc intérêt à y rester.

Le coût du voyage sera aussi un obstacle pour en faire plusieurs. On ne peut imaginer dans un futur proche, même en étant très optimiste, que les voyages coûtent moins de quelques 200.000 dollars d’aujourd’hui, aller et retour (sans compter le séjour). C’est incontestablement une barrière beaucoup plus importante que de se payer une rotation au Kerguelen (17.340 euros pour un couple en 2019, sans le séjour). Une fois sur Mars on aura aussi intérêt, de ce point de vue, à y rester.

L’apport de masse et de volume aux Kerguelen, est possible quatre fois par an grâce au Marion Dufresne qui a une capacité d’emport de 4300 m3 en plus des 114 passagers, contre 1100 m3 pour un Starship y compris les passagers. Le navire est le seul lien logistique avec le monde civilisé mais on peut imaginer qu’à son défaut, un autre navire pourrait venir ravitailler les personnes restées sur l’île. Techniquement rien ne s’y oppose. Ce ne serait pas le cas pour les personnes restées sur Mars puisqu’aucune liaison n’est possible entre les fenêtres de départ de l’une ou l’autre planète. La conséquence est que, si une autonomie très faible est possible pour vivre aux Kerguelen (quelques cultures vivrières, un peu d’élevage, déjà mentionnés, et du bricolage pour réparer plomberie et électricité), il n’en est pas du tout de même sur Mars où les êtres humains devront compter sur leurs seules capacités pendant des périodes beaucoup plus longues et avec des possibilités d’importation beaucoup plus faibles. Il faudra donc sur Mars développer au plus vite un maximum d’autonomie ce qui encouragera la continuité et donc les séjours longs (pour ne pas dire « l’enracinement »).

Il y a une autre dimension que je voudrais mettre en évidence parce que je pense qu’elle devrait être aussi importante que possible sur Mars, comme condition non seulement de la pérennité de l’établissement humain mais aussi de sa permanence, et parce qu’elle manque totalement aux Kerguelen où, je pense, c’est l’un des facteurs qui empêchent cette permanence. Cette dimension c’est celle du principe de liberté d’activité et, « allant avec », celle du principe de privatisation de ces activités. Actuellement, ne montent à bord du Marion Dufresne que les scientifiques qui y sont autorisés par l’administration des TAAF parce qu’ils ont une activité évidemment scientifique à mener sur Kerguelen, et quelques employés dont la fonction est de rendre les services vitaux nécessaires à ces scientifiques (et bien sûr aussi aux administrateurs). Ces restrictions sont dues au fait que les Kerguelen sont un centre de coût et non un centre de profits économiques ; les dépenses sont fortement limitées pour cette raison. Je pense que l’administration des TAAF devrait être beaucoup plus ouverte et encourager les initiatives d’activités privées donc payantes, sources de revenus pour les résidents et pour l’état. Certes dans le passé, il y a eu de telles initiatives dans le domaine de l’élevage (mouton, saumon, cervidés, déjà cités) mais elles ont toutes échoué sauf pour les besoins locaux. Si elles ont échoué c’est parce que les marchés étaient trop éloignés, parce que les conditions de vie étaient trop dures pour les exploitants et parce qu’ils n’avaient pas les moyens techniques de les mener correctement à bien. Aujourd’hui, à l’âge de l’informatique, de l’intelligence artificielle, de l’internet, et des possibilités de transport rapide, il faudrait revoir cette position restrictive de principe et tenter à nouveau la liberté. Il est possible de congeler la viande ou les poissons (la Nouvelle Zélande vend bien sa viande en Europe). Il est possible de communiquer par les ondes à partir de n’importe où vers n’importe où. Il serait sans doute possible et rentable de construire un aéroport près de Port-aux-Français (en prenant des précautions particulières en raison du vent). C’est un peu l’œuf et la poule, l’un ou l’autre doit commencer. Certaines personnes seraient heureuses de vivre dans le désert martien tout comme dans le vent et la fraicheur des Kerguelen plutôt que de vivre dans des villes surpeuplées, polluées, trop chaudes ou trop froides du monde terrestre « civilisé » actuel, même si elles n’ont pas de tâche prévue d’avance à y accomplir, pourvu qu’elles s’assument financièrement ! Sur Mars, il faudra laisser cette liberté et cette créativité s’exprimer (sous réserve d’un contrôle de l’affectation des ressources rares comme l’air respirable, l’eau ou l’énergie) comme je l’ai développé récemment dans ce blog. Sans privatisation, la présence de l’homme restera dans les deux cas, sur Mars comme aux Kerguelen, sans imprévu car sans imagination, donc pauvre, sèche et stérile. Et si on permet les activités privées sur Mars, une personne en ayant entrepris une à son compte, aura intérêt à y rester.

Et bien sûr il faudra des couples et des naissances. Il y a trop d’hommes aux Kerguelen (tradition de la Marine ?). Pas de pérennité sans amour pour être persuadé que ce qu’il y a de plus beau c’est le regard de l’autre et que l’extérieur on s’en moque, sans le contact charnel qui fait que rien d’autre n’est plus important où que l’on soit, sans le renouvellement de la vie qui en résulte. Il faut ajouter que Mars, de par son éloignement, impose un décalage dans le temps qui rendra l’éloignement physique encore plus difficile à supporter. On peut rester un trimestre ou deux quelque part en vivant comme un moine (Kerguelen); il serait beaucoup plus difficile de le faire pendant 30 mois (Mars). Beaucoup de gens partiront donc en couple ou bien des couples se formeront sur Mars. A mon avis, l’amour, la naissance, la vie sont inhérents à l’établissement de l’homme sur Mars, pourvu bien sûr que des femmes y partent avec des hommes. Ce serait folie de ne pas favoriser cette mixité.

S’il y a des couples, il y aura des nids et ce sera l’occasion sur Mars comme cela aurait pu être le cas aux Kerguelen si des familles s’y étaient créées ou installées, de se préoccuper d’esthétique. Les baraquements de Kerguelen sont affreux sauf la bibliothèque, l’église Notre Dame des Vents (du moins elle a du caractère ; je n’aime pas la dureté du style des années 1950) et l’intérieur du bar. Je suis certain que les femmes entrainant les hommes, se soucieraient davantage de l’agrément des choses. Il serait possible de construire des habitats beaucoup plus confortables et esthétiquement satisfaisants sur Kerguelen, tout comme il sera possible d’en construire sur Mars.

Je dirais donc la même chose de Mars et des Kerguelen en ajoutant que pour Mars l’incitation à rester sera beaucoup plus forte parce que c’est juste un peu plus difficile d’y vivre et surtout d’y accéder. Le « tipping point » est juste entre les deux.

https://taaf.fr/acceder-aux-territoires/tourisme-a-bord-du-marion-dufresne/participer-a-une-rotation/

https://taaf.fr/collectivites/le-marion-dufresne/

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Eles_Kerguelen

https://fr.wikipedia.org/wiki/Port-aux-Fran%C3%A7ais

Ecouter : France Bleue, Sidonie Bonnec, 30 Mars 2022 : https://www.francebleu.fr/emissions/minute-papillon/les-iles-kerguelen-un-archipel-francais-perdu-au-sud-de-l-ocean-indien

Lectures :

L’arche des Kerguelen, voyage aux îles de la Désolation, par Jean-Paul Kauffmann, publié chez Flammarion en 1993.

Au vent des Kerguelen, Un séjour solitaire dans les îles de la désolation, par Christophe Houdaille, publié chez Transboréal en 1999. L’auteur a parcouru, seul, pendant 16 mois l’archipel, à bord de son voilier, “Saturnin”, ou à pied. Son aventure rend bien compte de la rudesse des conditions de vie sur ces Terres, en raison d’un climat particulièrement difficile pour l’homme.

Illustration de titre : vue de Port-aux-Français devant le Golfe du Morbihan. Il n’y a pas d’autre implantation humaine permanente aux Kerguelen. Crédit Daniel Delille.

Ci-dessous, carte des Îles Kerguelen : le point rouge localise Port aux Français (sur les eaux relativement calmes du Golfe du Morbihan).

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 22 08 30

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

45 réponses à “Les Îles Kerguelen, un « analogue » qui permet d’envisager une vie humaine continue sur Mars

  1. “l’amour, la naissance, la vie sont inhérents à l’établissement de l’homme sur Mars”, cela pose quand même un problème; du fait des conditions martiennes très différentes de l’environnement terrestre, la gravité significativement plus faible en particulier, des enfants nés et élevés sur Mars verront certainement leurs caractéristiques physiques et physiologiques modifiées par rapport aux enfants “terrestres”. On peut penser à une taille plus grande, des os plus chétifs, un coeur et un système circulatoire moins développés, de moins bonnes défenses immunologiques (car vivant dans un milieu plus aseptisé), etc. Au point que ces “Martiens” pourraient ne plus être adaptés, ou en tout cas très difficilement, aux conditions de vie terrestre. Est-ce acceptable d’un point de vue éthique (ces enfant n’auront pas eu leur mot à dire sur la question)? C’est en tout cas une question à se poser et à débattre.

    1. Certes les hommes nés sur Mars auront des difficultés à s’adapter à la pesanteur terrestre. Ce sera comme si des Terriens voulaient aller vivre sur une super-terre (planète semblable sur le plan géologique mais de masse bien supérieure à la nôtre). Cependant ce sera le prix à payer pour nous installer durablement sur Mars et je ne pense pas que quelque soit les règles éthiques en vigueur, on puisse empêcher un couple de concevoir et une mère d’enfanter.
      Si l’on va sur Mars, il y aura tôt ou tard des Martiens.

      1. On ne peut évacuer ce problème éthique aussi légèrement. Peut-on imposer à des enfants, qui n’auront par définition pas eu la possibilité de s’exprimer sur la question, de subir des modifications importantes par rapport à ce qui est la norme pour des “Terriens”? D’autant plus que cela pourrait les empêcher de retourner s’établir un jour sur une Terre qui pourrait bien leur apparaître comme un endroit paradisiaque comparé aux conditions de vie sur Mars. C’est au minimum des questions qu’il convient de se poser et discuter, et ce n’est pas à des personnes particulières de décider seules des réponses à y apporter.

        1. On peut se poser la question mais je ne vois pas une autorité quelconque empêcher une femme de donner naissance sur Mars (je rappelle qu’on y restera 18 mois au minimum). La contraception peut ne pas être efficace et on ne pourra jamais forcer une femme à avorter. Du moins je l’espère.
          Par ailleurs, comme vous l’écrivez, les enfants s’expriment rarement sur le désir de leurs parents. Dans ce monde, malheureusement, beaucoup naissent exposés à des conditions épouvantables du fait de l’incurie de leurs parents. Les conditions imposées par l’environnement aux enfants martiens pourraient ne pas être aussi terribles que celles que connaissent beaucoup d’enfants de parents sans ressources ou persécutés pour diverses raisons.

          1. On ne peut pas prendre le prétexte qu’il existe des exemples déplorables sur Terre pour ne pas au moins se poser certaines questions éthiques en relation avec une éventuelle future colonisation martienne et en discuter. Et il y a une grande différence entre des être humains nés sur terre dans des conditions difficiles, mais dont le sort peut s’améliorer (il y a heureusement des exemples), et des enfants élevés dans des conditions qui pourraient à jamais les empêcher de revenir un jour sur la Terre de leurs aïeux qui, comme je l’ai déjà mentionné, pourrait en outre à tort ou à raison leur paraître paradisiaque par rapport à leur monde de naissance. Il se pourrait que pour cette raison, mais aussi en raison du risque posé par la longue exposition à un taux de radiation élevé, on en arrive à ne pas autoriser les voyages vers Mars à des femmes encore en âge de procréer. De nouveau, ce sont des questions sociétales grave et sérieuses à débattre, et ni vous ni moi n’avons une quelconque légitimité pour décider seuls des réponses à y apporter.

    2. Le débat est intéressant. Considérerons-nous les bébés martiens avec un statut d'”handicapés” au retour sur Terre avec le même droit à la vie que ceux présentement avec le syndrôme de Down? Je suis sûr que l’on trouvera pour eux les soins nécessaires (exosquelette semi-permanent, physiothérapie, vaccins, etc.) mais ils devront êtee planifiés, budgétés et mise en oeuvre de manière à réduire le “stress” psychologique du nécessaire (à cause des radiations) retour sur Terre pour les enfants “martiens” et leurs parents! Finalement, pour répondre à M. Giot, l’entrée des volcans actifs est très INHOSPITALIER mais pourrait être une bonne préparation pour vivre dans les nuages de… Vénus!

  2. « L’administration des TAAF (Terres Australes & Antarctiques Françaises) devrait être beaucoup plus ouverte et encourager les initiatives d’activités privées, sources de revenus. Dans le passé, elles ont toutes échoué. Aujourd’hui, à l’âge de l’informatique (…) il faudrait revoir cette position restrictive de principe et tenter à nouveau la liberté ».

    Avons-nous effectivement connaissance de projets (sérieux) qui pourraient rentabiliser les Kerguelen mieux qu’on ne le fait jusqu’ici, et de témoignages selon lesquels l’administration des TAAF y ferait obstruction ? Si oui, il serait intéressant de les citer. Si non, sur quoi s’appuient ces affirmations ?

    Dans les pays soumis aux exigences de l’Union européenne, les administrations se sont beaucoup ouvertes depuis 20 ans. Je ne connais pas celle des TAAF, mais elle ne devrait pas faire exception. Et en occident nous vivons dans un monde basé sur la liberté d’entreprise. S’il existait vraiment de nouveaux moyens d’exploiter ces îles, et acceptables aux normes actuelles (notamment écologiques), des entrepreneurs les auraient trouvés, ils l’auraient fait savoir, et plus d’un aurait trouvé l’art et la manière de débloquer les supposés verrous de l’administration.

    Mais si on n’a pas entendu parler de ces projets, la vérité la plus probable est qu’ils n’existent pas. C.à.d. que 250 ans après leur découverte, intelligence artificielle ou pas, ces îles restent malheureusement incompatibles d’une présence humaine autre que marginale. Comme du reste la plus grande partie du globe terrestre.

    Un constat à aussi prendre en compte dans une comparaison avec Mars.

    1. On a tenté plusieurs expériences d’élevage aux Kerguelen, après avoir “exploité” les baleines et les éléphants de mer pour leur graisse (de façon évidemment inacceptable aujourd’hui).
      Pour savoir si nous pourrions recommencer et réussir compte tenu des progrès technologiques, il faudrait essayer. Pourquoi pas du saumon fumé des Kerguelen, garanti moins pollué que tout autre (compte tenu de l’environnement)? Pourquoi pas de la viande de renne congelée? Pourquoi pas des crevettes et des langoustes? Nous avons des moyens de conservation bien supérieurs à ceux dont nous disposions il y a une cinquantaine d’années.
      Bien sûr que la présence humaine dans l’environnement des Kerguelen devrait rester “marginale” mais c’est aussi le cas de l’Islande, ou des Falklands. Compte tenu de l’environnement des Kerguelen, il n’y aura jamais beaucoup d’habitants mais il pourrait y en avoir davantage. Les expériences (celle de Christophe Houdaille, en solitaire, mais aussi celle des quelques résidents d’aujourd’hui) montrent que la nourriture carnée y est abondante et la culture sous serre pourrait être développée. C’est l’éloignement qui pose problème, plus que toute autre difficulté environnementale. Mais la vie devenant de plus en plus difficile ailleurs (réchauffement climatique, pollution, violence) il ne me semble pas invraisemblable que des hommes aient envie de vivre dans un environnement humide, venteux et frais, loin du tumulte du monde.

  3. Bonjour,
    La grande différence c’est la valeur de la pesanteur.
    La vie terrestre est adaptée à notre pesanteur, avant de penser à établir des être humains sur Mars, au point d’y fonder des foyers il serait nécessaire d’y élever des rongeurs, sur plusieurs generations, afin de voir ce qui pourrait advenir de nos colons martiens, et leur éviter quelques soucis de santé. Ou peut être que la gravité y est juste suffisante pour avoir un développement correct de nos organismes, et qui sait, peut être que la durée de vie y serait accrue, bien sûr en restant à l’abri des radiations.

    Compliments pour la tenue et le contenu de ce blog.

    1. Merci de ce commentaire.
      Bien sûr on pourrait tenter l’étude sur plusieurs générations de mammifères de durée de vie beaucoup plus courte que celle des hommes. On le fera sans doute (souris, comme toujours!) si le voyage peut s’effectuer dans une gravité minimum (autrement les pauvres animaux mourraient étouffés par leurs déjections).
      Mais si l’on va sur Mars, je pense que la deuxième mission devrait laisser une petite équipe sur place pour maintenir fonctionnels les équipements déjà apportés sur Mars. Je ne parle pas d’un pont entre la première et la deuxième mission habitée car la première ne devrait être qu’une expérience et qu’il faudra sérieusement en étudier les conséquences médicales (voyage + séjour) sur les astronautes qui y auront participé.
      PS: Pour les souris, j’ai quand même un doute. Compte tenu de leur petite taille, l’effet des radiations pourraient être catastrophique…sujet à étudier!

  4. N’importe quel point du globe terrestre est infiniment plus accueillant que le meilleur emplacement martien…
    La vie terrestre a été conçue génétiquement pour vivre sur Terre qui apporte en plus des caractéristiques physiques la protégeant contre les rayons cosmiques, une véritable plaie qui limitera la présence humaine à quelques années.
    Alors seul un renouvellement régulier des équipages permettra de rendre une présence permanente sur la planète rouge , mais qui ne signifiera pas une colonisation au sens où on le connaît sur Terre …
    Le financement astronomique marquera la fin de cette aventure sans lendemain…, sans intérêt sur le long terme …. On se contentera d’y laisser des robots, éventuellement…
    Même Elon Musk ne pourra pas réaliser son projet mégalomane…
    Arrêtez de rêver …

    1. “N’IMPORTE QUEL POINT du globe terrestre est INFINIMENT plus accueillant que le meilleur emplacement martien”, vraiment? Personnellement, je préfèrerais nettement vivre “sous cloche” sur Mars qu’au fond de la fosse des Mariannes par exemple! En fait, une fraction importante de la surface de notre globe nous est pratiquement inaccessible, en tout cas sans moyens techniques très lourds (pressions énormes), … encore plus que sur Mars!

    2. Egal à vous-même Monsieur Giot! Je sais bien que vous êtes par principe opposé à ce projet martien. Ce n’est pas grave. Bien d’autres personnes sont comme vous. Ce que je voudrais simplement c’est qu’on essaye.
      Concernant le “financement astronomique” je vous répète que c’est inexact. Nous verrons lorsque le Starship sera prêt. Actuellement les “static fire” avec multiples moteurs allumés du SuperHeavy, montent en puissance. Les premiers vols coûteront cher mais le coût unitaire des lancements s’amortira ensuite avec la multiplication des vols et la réutilisation des éléments (lanceurs et vaisseaux spatiaux).

      1. Je ne crois pas que c’est attendant que le Starship soit prêt que “nous verrons” mieux les prix d’une mission sur Mars. D’abord parce que son développement s’accompagne nécessairement d’une analyse prévisionnelle simultanée de coût, donc déjà disponible : libre à Space X de la diffuser ou non. Et ensuite parce qu’on n’y verra en tout de cause que la situation économique du cas particulier Starship, ce qui n’est pas la même chose que celle d’un projet martien.

        A propos du Starship, il a été écrit récemment sur ce même blog (20 août 2022), : « On ne peut évoquer que très vaguement aujourd’hui le coût (…) Le point d’interrogation de la navigabilité du Starship est tel que ces calculs de détails apparaissent aujourd’hui futiles et surtout prématurés. »
        S’il on a besoin d’estimations économiques, il faut donc pour l’instant s’appuyer sur celles d’autres sources (industrielles, scientifiques …) qu’E. Musk. Le fait est qu’elles sont en moyenne d’un montant « astronomique ». Il n’est donc pas totalement abusif d’utiliser ce terme.

        Certes, tout prix unitaire baisse en effet avec les quantités. Mais cette règle universelle ne conduit pas pour autant à un prix nécessairement acceptable in fine.

        1. Tant que quelqu’un (en l’occurrence Elon Musk) est disposé à dépenser son argent pour un projet martien, personne ne peut l’empêcher de le faire.
          .
          Les personnes qui disent que le coût sera astronomique se basent sur leurs hypothèses (sinon sur leurs préjugés) qui ne reflètent pas forcément ce que sera la réalité.

          Le coût final et donc le prix peuvent varier énormément en fonction des essais menés actuellement et des premiers tests de vol orbital.
          .
          Si la faisabilité du (Starship + SuperHeavy) est démontrée, je vois mal le projet tomber aux oubliettes. A défaut d’Elon Musk (rendu incapable de le poursuivre pour une raison ou pour une autre) je ne pense pas qu’il puisse être abandonné car pour moi c’est cela (cette faisabilité) qui sera déterminant.

          1. Je n’ai pas connaissance qu’E. Musk dépense de l’argent pour un projet martien, à part des présentations powerpoint et des vidéos numériques de quelques minutes. Il dépense son argent pour développer le système Starship, ce qui est autre chose.

            Et pour cette dépense, il mérite notre admiration et notre gratitude. Cet investissement personnel et les résultats obtenus sont, à ce jour, remarquables. C’est sur lui que reposent aujourd’hui tous les espoirs d’un lanceur lourd en occident : le SLS est clairement le lanceur d’hier.

            Donc bien sûr le Starship ne doit pas tomber aux oubliettes. Mais à ce jour, en matière de vols habités, sur la base des caractéristiques annoncées, c’est un lanceur pour l’espace proche (Lune comprise). Je suis désolé, mais il n’a pas celles requises pour un vol interplanétaire habité, notamment en vitesse et énergie interne, ou alors pas avant une refonte complète aujourd’hui non expliquée. Mars semble servir de miroir médiatique aux alouettes.

          2. J’ai rencontré personnellement pendant deux heures, Paul Wooster, le directeur de la préparation du voyage pour Mars, au siège de SpaceX à San Francisco, fin 2019. Désolé, Monsieur Baland, vous ne savez pas tout.
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            Les réservoirs du Starship seront remplis d’ergols en orbite terrestre avant de partir pour Mars.
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            L’objectif est bien Mars. Il n’y a aucun doute.

          3. @ Pierre Balland: “Mais à ce jour, en matière de vols habités, sur la base des caractéristiques annoncées, c’est un lanceur pour l’espace proche (Lune comprise). Je suis désolé, mais il n’a pas celles requises pour un vol interplanétaire habité”. Je suis assez d’accord avec ce commentaire. Dans sa configuration actuelle (ou SES configurations actuelles, il y en a déjà au moins six, très différentes les unes des autres; un peu paradoxal pour un engin censé être”universel”, et qui pourrait ne par permettre de réaliser l’économie d’échelle escomptée) le Starship peut être envisagé pour des expéditions lunaires, mais pas à destination de Mars. Je serai d’ailleurs très curieux de savoir comment SpaceX entend produire l’énergie nécessaire à bord pendant les trajets Terre-Mars et retour (6 mois à chaque fois, sans ravitaillement intermédiaire possible évidemment); bizarrement, on ne trouve aucune information un peu sérieuse et documentée sur cette question pourtant cruciale sur Internet.

  5. Ce qui rend le voyage vers Mars absolument vital et nécessaire, c’est d’y établir une toute petite colonie destinée à assurer à notre espèce un recommencement après une catastrophe absolue, imprévue et d’assez courte durée. Le reste sera donné par surcroît. Et je ne doute pas qu’il y aura d’autres bénéfices même si les conditions sur cette planète sont terribles. La gravité à l’arrivée là-bas sera un problème, au retour encore plus. Mais c’est moins inquiétant que les rayons cosmiques, dans l’état actuel de nos connaissances. Cela se fera mais on ne peut prédire dans quel délai.

  6. En rapport du commentaire de M. Pierre-André Haldi / 10.09.2022 19:44.

    Les enfants qui naîtront sur Mars découvriront un monde qui sera le leur, la Terre sera « l’autre monde » qu’ils ne connaissent pas réellement mais qui leur sera raconté : « celui d’où nous sommes venus », mais pour ces enfants (ou adolescents, puis adultes), aller sur Terre ne serait pas réellement un retour, même si cette Terre a une pesanteur, une atmosphère, un climat (hem-hem) « adapté » à leur corps. Adapté est entre guillemets parce que l’être humain à la peau nue et sans griffes a inventé des armes, des outils, les vêtements… Sur Mars les armes seront peut-être des composants biochimiques pour combattre la possible apparition de bactéries (liée à la présence de structures vivantes nutritives), mais vraisemblablement pas pour défendre son territoire ou imposer sa religion ! Comme vous le dites, la Terre pourra apparaître comme étant l’endroit paradisiaque, mais sur Mars aussi il y aura une part de paradis, et pas des moindres pour favoriser le bon développement d’un enfant : de meilleurs rapports humains. Sur Terre le SPJ s’efforce de trouver des parents sains psychologiquement pour y placer un enfant et lui donner ainsi toutes ses chances, en direction de Mars on choisira des personnes présentant ces mêmes qualités de départ positives pour leur propre enfant.

    Ainsi je pense qu’une gravité terrestre naturelle pour l’enfant qui en est privé sur Mars n’est pas la plus importante des conditions qui lui assurent une « bonne vie ». Le « retour » rêvé par ces enfants (ou même ensuite adultes) peut amener à réfléchir à d’autres voyages vers un monde où espérer mieux, d’un lieu à l’autre déjà sur notre planète. Des enfants nés dans des conditions trop pauvres pour subvenir à leur croissance ont eu la chance d’être pris en charge par « Terre des hommes », placés dans des familles où ils pouvaient avoir « tout ce qu’il leur fallait » : le paradis, pourrait-on dire relativement à ce qu’ils vivaient auparavant. Durant la fin des années septante, une fraction importante de ces enfants, sains psychologiquement à leur arrivée, ont ensuite manifesté de grandes difficultés dans leurs familles d’adoption, sans comparable mesure avec ce qui pouvait être constaté lors de placements d’enfants « de chez nous ». Un psychiatre concerné m’avait donné son avis : « Ce sont des situations malheureuses, les familles ne sont pour la plupart pas à critiquer, elles ont été sérieusement sélectionnées. Dans mes analyses et investigations, dont des thérapies de famille, il apparaissait que ces enfants étaient bien entourés, écoutés, bénéficiaient de ce qu’on peut souhaiter de mieux, mais malgré cela rien ne pouvait aller. Ils ont été sortis de leur monde différent du nôtre, ceux qui sont arrivés dans une famille avant l’âge de cinq-six ans ont pu y faire leurs racines, pour les autres c’était trop tard… »

    La vie pourra être aussi heureuse sur Mars que sur Terre, le paradis ne changera pas d’adresse, ses racines plongent dans notre imagination.

        1. @ Dominic

          Si le 20ème siècle nous a enseigné quelque chose, c’est de nous méfier des promesses d’avenir radieux faisant table rase du passé.

          C’est pour cela que je me demandais si vous croyez réellement à des prédictions comme “sur Mars il y aura de meilleurs rapports humains”, “les armes [n’y] seront vraisemblablement pas pour défendre son territoire ou imposer sa religion” ou “la Terre sera ‘l’autre monde’ qu’ils ne connaissent pas mais qui leur sera raconté”, qui semblent directement jaillies du “Meilleur des mondes”, de “1984” ou d’un programme idéologique à la Pol-Pot.

          1. Je ne vois pas que Dominic ait souhaité un régime comme celui de Pol Pot ou du Meilleur-des-mondes. Il ne recommande pas la violence, ni l’endoctrinement.
            Il faut faire attention à ce que l’on écrit.

          2. Très juste remarque de M. Brisson (11h44). Le parallèle est partiel, et il faut supprimer la mention de Pol Pot qui promettait l’avenir radieux mais pratiquait la violence.

          3. Vous êtes le joueur d’échecs qui cherche une voie lui permettant de s’imposer, c’est ainsi que vous concevez une discussion. Posez-vous la question de savoir pourquoi les échanges avec vous se terminent en queue de poisson…

    1. En 1968, une petite équipe de Terre des Hommes (TDH), dont son fondateur Edmond Kaiser et votre serviteur, qui l’accompagnait comme secouriste volontaire et journaliste indépendant, a évacué quelques mille cinq cent enfants affamés et mourants de ce qui était alors l’ex-province du sud-est nigérian soumis au blocus militaire de Lagos après avoir fait sécession l’année d’avant sous le nom de République du Biafra.

      La famine provoquée par ce blocus a été la première filmée en direct, reléguant au second rang le reste de l’actualité quand les premières images en sont parvenues sur les écrans des ménages occidentaux, le plus souvent au repas du soir, heure de plus grand écoute médiatique, alors que nul ne parlait encore du Biafra dix mois plus tôt. Une certaine presse en avait même fait un spectacle au point qu’on parlait de “marketing de la charité”, d’instrumentalisation de la famine et de voyeurisme de la faim. Pour avoir été parmi les premiers à le dénoncer, je puis en témoigner.

      Les enfants que TDH a été autorisée à transporter à Libreville et à Sao Tomé, où ils étaient aussitôt pris en charge par les organisations de secours, quittaient le Biafra dans un état de délabrement physique extrême, mais récupéraient de manière spectaculaire dans un délai assez court. Deux semaines après leur arrivée à Sao Tomé, certains avaient même organisé, devinez quoi: une grève de la faim.

      Je n’ai aucune compétence pour me prononcer sur leur état mental, mais celui de celles et ceux qui n’ont vécu une telle famine qu’assis(e)s devant leur télévision et se permettent de porter des jugements a priori sur l’action des organisations de secours, accusées à tort ou à raison d’avoir inutilement contribué à prolonger le conflit par leur action, se passe de commentaire, à mon avis.

    2. Il est vrai qu’après un certain âge les greffes ne prennent plus. C’est comme les plantes. On ne peut pas faire n’importe quoi, n’importe quand.

        1. Vous rapportez des faits où vous avez agi dans la première étape de la prise en charge de ces enfants, et dans mon commentaire je parle des personnes non moins expérimentées dans leur domaine que vous, et qui se sont cassé les dents malgré toute leur bonne volonté. La conclusion que vous apportez s’éloigne totalement du sujet de la faculté d’adaptation de l’être humain, sociale et psychique dans les cas que j’ai évoqué. Nous pouvons maintenant retourner nous asseoir chacun dans notre fauteuil, prenez soin de vos racines qui vous donnent la force de bien vivre pour vous et vos semblables, ce ne sont effectivement pas des racines de légume.

          1. Si j’ai évoqué ces vrais déracinés qu’étaient les enfants biafrais, comme votre psychiatre, dont je serais bien le dernier à contester les compétences, a étudié les problèmes d’adaptation d’enfants accueillis dans les familles d’un monde qui n’est pas le leur (plutôt que de voir leur monde comme n’étant pas le nôtre), c’est parce qu’à la lecture de l’article de Monsieur Brisson je me suis aussitôt demandé – question futile sans doute – quel serait le statut juridique des enfants qui naîtront sur Mars.

            Les enfants que TDH a évacués du Biafra en 1968 n’avaient aucun statut juridique, car nés et élevés dans un pays inexistant, non reconnu par la communauté internationale, ni par l’ONU, à l’exception de quatre pays africains, de la Chine communiste et de la France. De ce point de vue leur problème était très différent de celui des enfants que vous évoquez et, à cet égard, nos conclusions divergent, en effet.

            Les enfants nés sur Mars ne seront, eux, pas des enfants de la guerre – sauf si leurs parents ont cherché refuge sur Mars pour fuir un état de guerre ici-bas. Ils hériteront sans doute de la nationalité de leurs parents (ils ne vont tout de même pas venir sur Terre munis d’un passeport martien) – mais Monsieur Brisson me corrigera si j’extrapole. Pourtant, comme les déracinés que votre confrère psychiatre évoque, ne seront-ils pas voués à devenir eux aussi des apatrides, des sans-grade, des parias, des “misfits”, des “outcasts” et des cas sociaux?

            Certes, ce ne seront pas des cas sociaux de petite pointure. Car ne viendra pas de Mars qui voudra. Quoi qu’il en soit, que de beaux sujets d’études en perspective pour psychiatres, psychologues et même auteurs de fiction, non?

          2. Merci pour les compléments que vous donnez. Les racines de nos esprits, en tout cas, font grandir les commentaires. Afin de ne pas trop abuser de la place disponible (plus de bouton rouge), je vous propose de nous rendre dans le prochain blog de Madame Sandoz, professeur de droit qui dans les situations particulières défend les droits de l’enfant, pour lui demander quel serait le statut juridique des enfants nés sur Mars. Je suis sûr que personne ne lui a encore posé cette question. Soit elle s’y attaquera, soit elle réagira avec humour.

          3. Je suis certain que Mme Sandoz saura répondre à votre interrogation, d’une manière ou d’une autre, et qu’elle aura des idées pertinentes qui donneront à réfléchir davantage.
            .
            De mon côté je pense, comme le suggère A. Ldn, que les enfants nés sur Mars auront tout simplement la nationalité de leurs parents, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Mais je pense qu’en tant que résidents martiens, pour des raisons de simple bon sens, ils bénéficieront d’adaptations de ces droits et devoirs. Cette adaptation sera le fait des pays dont ils seront ressortissants qui ne pourront pas leur donner tout ce à quoi les autres enfants de même nationalité auront droit, et aussi le fait de l’administration de la colonie martienne qui devra leur imposer des règles de sécurité, d’hygiène et de d’activité particulières résultant de leur situation “géographique” (règles applicables à tous).
            .
            Après un certain temps, en raison de l’éloignement, de leur environnement et de leurs spécificités physiques (nous avons parlé des effets de la gravité!), les enfants nés sur Mars devenus adultes se sentiront eux-mêmes plus Martiens que Terriens. Comme par ailleurs, ils auront dû développer assez rapidement un maximum d’autonomie, ils feront ce qu’ils voudront (quel pays iraient contraindre par la force les habitants d’une colonie martienne et tous les pays seraient-ils d’accord entre eux pour le faire?!).

          4. @DOMINIC

            Très bonne idée. Rendez-vous pris, donc.

            C’est toujours un plaisir de croiser la plume avec vous.

            Cordialement.

  7. À ce jour on n’est pas arrivé à faire revenir sur Terre un échantillon de sol martien (quelques dizaines, éventuellement centaines de grammes). J’aime bien rêver à l’établissement d’une base permanente sur Mars, mais soyons réaliste: je prends le pari que cette base n’existera pas encore quand la comète de Halley reviendra nous dire bonjour (2062). Il n’est même pas certain qu’un être humain aura foulé le sol martien à cette date. J’adore les vues d’artiste d’autres mondes (j’ai le livre du précurseur, Chesley Bonnestel), mais ça reste… des vues d’artiste.

    1. Prenez les paris que vous voudrez.
      Votre pessimisme est un faux réalisme, juste une opinion.
      Je pense que si le Starship peut sortir de l’attraction terrestre et revenir se poser sur Terre, vous aurez perdu.

  8. Quand s’établira-t-on sur Mars? C’est une des questions centrales de ce blog à ce qu’il me semble. En premier, rappelons une citation célèbre de Victor Hugo: “L’avenir est à Dieu”. Ensuite, la compétition est un jeu attrayant, un plaisir parfois mortel. Le désir de savoir, l’attrait de l’inconnu, l’envie de tenter le diable, le manque de place sur terre aussi. Alors que ce soit pour battre les Russes, les Chinois ou les Européens, voire les Japonais, les Qataris, les Américains feront la compétition, la surenchère. Et, c’est une bonne chose. A quel rythme progressera-t-on? Quels niveau de risque acceptera-t-on? Quels miracles ou catastrophes auront lieu? C’est être prétentieux de vouloir prédire. Et encore, peut-être fera-t-on une tentative suicidaire (au niveau de technologie actuel) si une catastrophe globale apparaît imminente: guerre nucléaire, début d’une giga-éruption, approche imparable d’un gros astéroïde, virus impitoyable. Si ces évènements se produisent, aimeriez-vous avoir des compatriotes à l’abri? Oui, on voudrait connaître l’avenir. Mais, malgré nos efforts, il ne nous appartient pas.

    1. Je parierai pour une base permanente sur Mars à partir des années 2040s après la Lune à la fin des années 20s et début des années 30s. Dans ma vision idéale, d’ici là, l’on aura maîtrisé à la fois les crises climatiques, d’énergie et de biodiversité par 1) Le désir de paix entre nations après des guerres absurdes 2) Une nouvelle gouvernance mondiale où l’ONU sera renforcée 3) La mise en place de solutions comportementales et technologiques qui existent ACTUELLEMENT (par exemple: savez-vous que des panneaux solaires peuvent produire de l’électricité la NUIT par 1) la thermodynamique ou 2) le thermoradiatif ?) .

      Dans les années 2040s, on saura peut-être:
      1) lutter contre l’ostéoporose dans l’espace
      2) créer des vaisseaux interplanétaires avec gravité artificielle ajustable selon leurs rotations (musique du “Danube Bleu”)
      3) Créer des exosquelettes pour les enfants nés sur Mars (ou dans le futur éloigné, sur des satellites de Jupiter ou Saturne…)
      4) Utiliser les techniques de volcanologie pour établir une première base temporaire habitée dans les nuages de Vénus…
      5) Maîtriser des systèmes de propulsion de fusées avec des technologies plasmiques, bien plus rapides que notre vision actuelle, si les budgets de recherche et de mise en œuvre suive 6) Chercher dans le système solaire (y compris les astéroïdes) les métaux et minéraux qui manqueront à notre croissance…
      7) Planifier les futurs établissements sur les satellites de Jupiter et Saturne gorgés d’eau afin d’étudier la potentialité de vie…
      8) Capter de l’énergie thermique à partir de Mercure et Vénus de manière rentable pour l’amener sur Terre ou actionner des vaisseaux en couple chaleur-force…

  9. Bonjour Monsieur,

    Je lis avec un réel intérêt votre blog, dont vous –même et les intervenants assurez la qualité et la richesse du contenu.
    Si je trouve passionnante l’idée même de la découverte complète de Mars d’un point de vue scientifique, je confesse ne pas adhérer à l’idée d’une colonisation de cette planète dans un autre but que la recherche.
    Imaginer que notre hubris nous ferait quitter un monde que nous n’avons pas réussi à comprendre intégralement, à stabiliser ,et que nous avons même fragilisé jusqu’à le rendre difficilement habitable ,pour transporter vers un Ailleurs nos petites personnes et l’ensemble de nos failles, croyances et erreurs me laisse songeur.
    Il faut avoir une haute idée de soi pour penser qu’un Ailleurs doit subir nos approximations, sauver ce que nous sommes et , peut-être, se voir imposer une réédition d’un livre que nous n’avons pas su écrire sur Terre.

    Ce qui n’enlève rien, je le répète, au fantastique éventail de découvertes, de recherches et d’inventions, que ce voyage permettra.
    Mais ce voyage est-il motivé au final par une mégalomanie aux contours peu glorieux, par une fuite désespérée pour sauver des modèles auxquels nous nous accrochons imaginant les faire perdurer plus loin ou par un soif de conquêtes ( qui, si elle est le propre de l’homme, ne peut se targuer d’être toujours sa meilleure ambassadrice ) ?

    Vous le dîtes vous-même..
    “Mais la vie devenant de plus en plus difficile ailleurs (réchauffement climatique, pollution, violence)”…

    Ainsi, nous serions capables d’en savoir encore beaucoup trop peu sur notre Terre, de possiblement la rendre invivable et de nous dire, allons sur autre planète et recommençons, et cela sans introspection préalable ?

    Monsieur Brisson, ces questions sont-elles évoquées lors des réflexions de la Mars Society ?
    Considérées comme inutiles?
    Comme réglées ?
    La découverte scientifique est-elle plus à l’ordre du jour que le besoin d’un autre support de vie ?

    Ma interrogation est le fruit d’une curiosité , pas d’une polémique. Je le dis car notre temps va vite aux conclusions et aux jugements catégoriques, et je ne suis partisan d’aucuns de ces chemins réducteurs.
    Je questionne pour en savoir un peu plus, voilà tout. Et souvent je me trompe.

    Vous remerciant pour ce blog et ce que j’y apprends,

    1. Merci de votre commentaire. Mes réponses:
      1) Vouloir aller sur Mars ne signifie pas que l’on veuille quitter notre Terre, c’est simplement se donner une chance de survie en cas de catastrophe planétaire que l’on ne peut prévoir et que nous ne pourrions maitriser. Il s’agit de mettre un œuf dans un autre panier.
      2) Malgré ses défauts notre humanité a accompli de grandes et belles choses et je pense que ces choses justifient que nous voulions continuer et préserver la vie et la prospérité de notre espèce, partout où nous pouvons et pourrons le faire.
      3) Mars (puisqu’actuellement il s’agit de cette seule planète) n’aurait pas à souffrir de notre présence. Elle deviendrait différente mais c’est le résultat de toute colonisation réussie (dont les effets peuvent être aussi bien positifs que négatifs).

      1. Merci pour cette réponse.

        Elle me dit plus de vous qu’elle ne répond aux questions posées sur la Mars Society et son approche de certaines réflexions.
        J’avais depuis longtemps compris vos positions , sur plusieurs sujets. (il serait difficile de ne point les déduire de certains de vos propos.)

        Mais, si je n’en apprends pas plus sur l’état d’esprit de la Mars Society, je vous remercie toutefois pour les vastes et enrichissantes connaissances exposées dans vos billets et interventions. Elles sont toutes grandement dignes d’intérêt.

        Vous souhaitant le bonsoir,

  10. Il y a une énorme différence entre Mars et les Kerguelen. Tel que nous pouvons le voir sur les photos de la NASA, monochrome orangé, sans eau et sans aucune verdure. l’environnement de Mars est affreux alors que, même si le climat y est hostile, la nature des Kerguelen est superbe.

    L’isolement de Mars est du à sa position alors que celui des TAAF est voulu car c’est un sanctuaire naturel unique qui doit absolument être protégé. Même si les TAAF font partie de la France, pour y accoster, même les Français doivent avoir un visa. L’accès à Saint-Paul est même interdit sans accompagnement.

    Jusqu’à présent, il n’a pas encore été question de limiter l’accès à Mars pour éviter d’en faire une Costa Brava 2.

    1. Bien sûr qu’il y a une différence importante entre Mars et les Kerguelen. Ce que je vois de semblable, c’est l’éloignement de toute autre terre habitée et la dureté du climat (le vent surtout pour les Kerguelen).

  11. On est dans la polémique mais c’est un des plaisirs de ce blog, après l’énorme quantité de nouvelles connaissances qu’apporte à chaque fois Monsieur Brisson! Qu’il en soit remercié. D’autres textes se lisent sans que personne ne s’émeuve. Le climat devient inquiétant (disparition d’espèces, réchauffement, sécheresse…) Connaître des conditions pires nous fera imaginer des solutions réutilisables sur terre. Je suis frappé par cette attitude des écologistes qui voudraient nous faire nous serrer la ceinture, presque nous empêcher de voyager, de respirer. Heureusement certaines universités américaines se lancent vers une autre quête: limiter depuis l’espace le rayonnement solaire qui nous atteint… ! Attendre de connaître parfaitement la terre avant de la quitter? Alors l’Amérique serait encore à découvrir. Mars n’offre que des conditions de vie inhumaines? Oui, mais faut-il attendre que celles de la terre le deviennent avant de préparer une survie peut-être douteuse mais pas impossible, d’ajouter une corde à notre arc? Et puis aller vivre dans la fosse des Mariannes offrirait-il autant de nouveaux paysages et richesses? Faut-il attendre une extermination totale avant d’au moins tenter un moyen de défense? (Vous souvenez-vous d’une certaine autruche?). Réserver toute notre énergie à préserver notre planète? On fait déjà presque tout ce qu’on peut et vous n’empêcherez pas les malfaisants de resquiller. Réfléchir à des moteurs pour nous emmener vers les étoiles, à des stations spatiales hébergeant des multitudes de survivants, c’est rendre possible la confiance en l’avenir (Ça n’empêchera pas de continuer à espionner l’intérieur des protons et neutrons, qui est une autre aventure) . Faut-il nier notre nature humaine qui a toujours eu soif de changement, de rêve même s’ils sont incertains? Les hommes du paléolithique arpentaient tous les continents et ne cessaient de regarder le ciel, en espérant que leurs descendants le verraient de plus près. Le goût de l’aventure est inné chez l’homme.

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