Notre environnement stellaire n’est pas statique. Il évolue continument en dépit des apparences car l’échelle de temps du mouvement des astres qui nous entourent est dans une autre dimension que celle de notre très courte vie. Les étoiles dont nous observons les lumières que l’on dit immuables dans le ciel, sont, comme notre Soleil, entrainées dans une ronde sans fin autour du centre de notre Voie Lactée distant de quelques 25.754 années-lumière, « AL » (mesure du télescope Gaïa). Et quoique prises dans un mouvement général irrésistible, elles ont chacune une variante de trajectoire en fonction de leur histoire.
Au sein de notre système-solaire, nous sommes ainsi à bord d’une sorte de vaisseau spatial qui « toutes voiles déployées » fonce sur son orbite à la vitesse de 239 +/- 9 km/s (mesure Gaïa) et se retrouvera à peu près au même endroit dans une année galactique, soit 230 millions de nos années terrestres. Nous aurons alors perdu de vue depuis très longtemps les systèmes stellaires aujourd’hui voisins. Ces autres vaisseaux, que nous commençons à connaître relativement bien puisque nous naviguons de concert, auront suivi leur propre route, chacun ayant sa vitesse propre (le Soleil va un peu plus vite que la moyenne que l’on appelle le « Local Standard of Rest », « LSR ») et sa trajectoire propre, plus ou moins sinusoïdale, en dessus, au milieu ou en dessous du très fin disque galactique (2.500 AL d’épaisseur sur, au moins, 100.000 AL de diamètre).
C’est dans cette perception dynamique que je veux vous entrainer cette semaine.
Actuellement nos plus proches voisines sont, dans l’ordre d’éloignement du Soleil : Proxima-Centauri (4,24 années-lumière, AL), naine-rouge ; Alpha-Centauri A et B (4,3 AL) naine-jaune et naine-rouge ; l’Etoile de Barnard (5,96 AL), naine-rouge ; Wolf 359 (7,79 AL), naine-rouge ; Lalande 21185 (8,3 AL), naine-rouge ; Luyten 726-8 (8,4 AL), naine-rouge ; Sirius A et B (8,6 AL), étoile-blanche-de-la-Séquence-principale et naine-blanche ; Ross 154 (9,4 AL), naine-rouge ; Ross 248 (10,33 AL), naine-rouge ; Epsilon-Eridani (10,8 AL), naine-jaune de type solaire, sans doute très jeune (disques de poussière, gaz, astéroïdes, abondants en orbite).
Regardez le graphe en illustration de titre. Pendant encore 33.000 ans, le triple système d’Alpha-Centauri restera le système stellaire le plus proche du nôtre et il continuera à se rapprocher. Dans 25.000 ans, au plus près, il sera à seulement 3,2 AL (mais on ne va pas attendre aussi longtemps pour y aller…du moins je l’espère !). Vous remarquerez la ligne horizontale en bas du graphe qui indique la distance du Soleil à l’extrémité de la sphère du Nuage de Oort extérieur, 1,6 AL. Le volume (et la masse !) de cette sphère étant supposé immuable jusqu’à ce qu’une étoile vienne le frôler et en arracher une partie (ce qui s’est sans doute déjà passé et se passera encore), cette ligne ne change pas sur toute la durée de la période considérée (100.000 ans). A noter que le graphe montre l’évolution des distances, non les trajectoires. Toutes ces dernières ont entre elles et avec la nôtre des angles d’incidence différents.
Ensuite, dans 33.000 ans, une autre étoile, Ross 248, s’approchera encore plus. Ce sera celle qui viendra au plus près de nous pendant cette période de 100.000 ans, jusqu’à 3,024 AL, avant de repartir au-delà de Proxima et d’Alpha du Centaure, qui auront commencé à s’éloigner et seront alors à quelques 3,5 AL. Nous serons en 40.000 après JC. Puis une autre étoile, Gliese 445, viendra nous faire une petite visite. Elle s’approchera à 3,4 AL et repartira très vite, un tout petit peu après l’an de grâce 50.000 après JC.
Vers 54.000 ans le système d’Alpha Centauri sera retourné un peu plus loin de nous, à la distance où il se trouve aujourd’hui, avant de nous quitter pour toujours. Mais pendant cette période, l’Etoile de Barnard, Ross 248 et Gliese 445 se seront approchées à moins de la distance actuelle de Proxima Centauri (4,24 AL) et Lalande 21185 n’en aura pas été loin (4,7 AL).
Ce n’est que dans 1,35 millions d’années qu’une naine-orangée ordinaire (0,6 MS), « Gliese 710 » (actuellement encore très loin, à 62 AL), nous apportera une perturbation extrême car elle s’approchera à seulement 13.365 unités astronomiques, « UA » (distance terre/Soleil), soit seulement 0,21 AL avec une incertitude (en plus ou en moins) de 6.250 UA. Elle pénétrera donc profondément à l’intérieur de notre Nuage de Oort, en traversant le Nuage-extérieur et en allant jusqu’au milieu du Nuage-intérieur (mais en passant encore très loin de la Ceinture de Kuiper qui, au-delà de Neptune, s’étend entre 30 et 55 UA). C’est la mission Gaïa qui nous a permis de confirmer et de préciser ce risque. Il n’y a pas de précédent « récent » (dans la dernière dizaine de millions d’années) à cet événement. On peut s’attendre à une pluie de comètes, et d’astéroïdes déstabilisés, dans le temps qui suivra ce passage, dans l’environnement de toutes les planètes du système et singulièrement des planètes du système-interne et de la Terre car les géantes-gazeuses ne nous protégeront pas totalement, loin de là. On estime que le nombre de passages de comètes dans notre environnement proche, sera d’une dizaine par an en moyenne et ce, pendant 3 à 4 millions d’années. Bien sûr toutes ne viendront pas percuter la surface de la Terre, ou de Mars. Mais nous serons dans une période de « roulette-russe » qui pourrait bien marquer la fin de notre civilisation…pour autant qu’elle existe encore bien entendu.
On peut faire beaucoup de chose en 1,35 millions d’années, notamment, au-delà d’une civilisation interplanétaire, tenter de créer une civilisation interstellaire. Pour mémoire, il y a 1,35 millions d’années, les ancêtres de l’homme (mais non encore l’homme) s’étaient séparés de ceux du singe depuis longtemps (divergence évaluée à -7 millions d’années). Nous étions en plein paléolithique et l’évolution des hominines n’avait pas encore abouti à Homo Sapiens (premiers fossiles entre -500.000 et -300.000), notre ancêtre étant alors Homo habilis (premier homme-vrai, il remonte à 2,4 millions d’années). Profitons de cet avertissement très en amont si nous ne voulons pas disparaître (sous notre forme actuelle ou plus vraisemblablement sous celles de nos descendants) !
Pour le « moment », soit les quelques dizaines de milliers d’années à venir, les étoiles qui sont donc les plus intéressantes sur le plan dynamique en fonction de leur proximité, actuelle ou prochaine, sont Proxima et Alpha-Centauri A et B, l’Etoile de Barnard, Ross-248, Gliese-445 et peut-être Lalande 21185 qui cependant ne nous approchera pas à plus de 4,5 AL.
Que peut-on dire de ces astres ?
Tous, à part Alpha-Centauri-A, sont des naines-rouges.
Ces naines rouges sont des étoiles à faible luminosité donc à zone habitable très proche, nettement inférieure à la distance Mercure/Soleil. Elles sont anciennes et elles ont donc une faible métallicité ce qui réduit considérablement les chances chimiques d’y trouver la vie ou de pouvoir y survivre. Ce sont des étoiles éruptives avec des explosions radiatives dans une gamme très ouverte de longueurs d’ondes électromagnétiques, y compris rayons X, et irrégulières dans le temps, ce qui est rédhibitoire pour une installation humaine. Nous n’avons observé à ce jour aucune planète intéressante, c’est à dire qui soit de masse terrestre et située dans la zone habitable. La seule exception, notable, est Proxima-Centauri-b. Mais cette planète est sans doute trop massive pour être une nouvelle-Terre (minimum de 1,3 MT).
Le système stellaire triple d’Alpha-Centauri comprend outre Proxima-Centauri, deux étoiles, Alpha-Centauri-A qui est une étoile de type solaire et Alpha-Centauri-B qui est une « grosse » naine-rouge (0,445 MS). Je vous les ai présentées la semaine dernière. « Laissons tomber » Alpha-Centauri-B et concentrons-nous sur Alpha-Centauri-A puisque que c’est la seule étoile qui est de la catégorie de notre Soleil. Par chance elle dispose d’une masse de matière en orbite dans sa zone habitable, « C1 », pour « Candidat-1 » que je préfère appeler « Polyphème » comme David Cameron dans son film Avatar car c’est une masse importante. Nous disposons de 54.000 ans pour accéder à ses éventuels satellites de masse terrestre ou martienne (« Pandora ») dans les conditions de distance d’aujourd’hui. Ne ratons pas cette opportunité !
Imaginez ! Nous pénétrons ce système, nous l’ensemençons de notre vie et de notre civilisation, et nous nous séparons le moment venu quand nos trajectoire divergent, chacun emportant nos richesses communes et les développant selon son génie propre une fois que les communications étirées par le temps ne seront plus possibles du tout, comme jadis les Polynésiens, génération après génération, quittaient une île pour aller en féconder une autre.
A noter, pour ceux qui sont soucieux de respecter les vies indigènes, que nous observons ces systèmes planétaires proches depuis des années et que nous n’en avons jamais reçu une émission électromagnétique maitrisée, radio ou autre.
Illustration de titre : « Near stars, past and future », https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Near-stars-past-future-fr.svg Evolution des distances entre le Soleil et ses étoiles les plus proches sur une période 100.000 ans (-20.000 à + 80.000).
Référence : perspective d’intrusion de Gliese 710 dans le système solaire : Gliese 710 aa29835-16.pdf
Avec cet article, je suis entré dans la septième année de ce blog. J’ai oublié d’en signaler l’anniversaire la semaine dernière! Le 4 septembre 2015, je publiais en effet mon “ouverture”. Je vous invite à la lire ou relire : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2015/09/04/bonjour-tout-le-monde/
PS: En ce 11 septembre 2021 j’ai une pensée émue pour les victimes du 11 septembre 2001, date à laquelle notre siècle est entré dans l’environnement de la barbarie islamique. Vingt ans déjà!
N’oublions pas ces pauvres victimes innocentes et n’oublions pas que notre civilisation “occidentale” est précieuse et fragile. Il n’y a aucun “accommodement raisonnable” possible avec l’obscurantisme et la cruauté gratuite. Ne cédons rien de nos valeurs fondées sur la raison et l’humanisme…et ne soyons pas naïfs.
Interrogations de base:
Est on en mesure d’expliquer le phénomène “initial” depuis le big bang de la création des nombreuses galaxies, leur mouvement rotatif, parfois leurs amas et grand mystère pour tous, la création des trous noirs.
Pourquoi les “morceaux de l’univers” ne sont pas simplement partis tous en ligne droite, propulsés par cette gigantesque “explosion”?
Je sais, beaucoup de questions… Merci
Serge, je veux bien répondre à vos interrogations mais merci de canaliser un peu votre curiosité car, voyez-vous, l’Univers est vaste et il faudrait plus qu’une vie entière pour le raconter !
Là vous m’interrogez sur la suite du Big-bang et je ne peux répondre sérieusement en quelques mots. Disons qu’au « début » l’Univers est un plasma, ultra-dense et ultra chaud en expansion ultra-rapide. Ce n’est pas un « solide » car il est constitué de particules non encore assemblées mais avec des différences très fines de densité du fait de l’expansion elle-même et des mouvements de convection résultant des nuances de températures (on parle de l’oscillation acoustique des baryons).
La recomposition ne se fait qu’après une certaine phase d’expansion, sous l’effet de la force de gravitation. Pendant des centaines de millions d’années, environ 400, il n’y aura ni étoiles ni galaxies dans l’Univers…nous sommes très, très loin de mon sujet !
ça fait longtemps qu’on a oublié la vision aristotélicienne de l’univers …
Hubble, l’astronome qui a donné son nom au célèbre télescope, nous a ouvert les yeux sur les nombreuses galaxies et leur éloignement relatif …
Notre galaxie va rencontrer Andromède dans quelques milliards d’années …
(…)
Brisson ne fait que réchauffer des informations …
Encore une amabilité, Monsieur Giot. J’ai déjà constaté que vous prenez votre plaisir à être désagréable. On fait ce qu’on peut pour être heureux dans la vie. Vous, vous avez le bonheur triste et je vous plains.
Sur le fond, tout le monde n’est pas aussi savant que vous, qui savez tout, et je pense que parmi mes lecteurs, certains ne sont pas conscients que, à une même distance du Centre galactique, les étoiles n’ont pas toutes la même vitesse et qu’il y a beaucoup d’hétérogénéité dans leurs trajectoires (sans même prendre en compte les éléments de galaxies absorbées par la Voix Lactée qui ne sont pas totalement “rentrées dans le rang”).
juste un mot sur une divergence : nul ne sait si dans deux ans, ou dans mille ou dix mille ans, l’homme ne trouvera pas les clefs d’une nouvelle physique, qui permettra la communication instantanée ( c’est déjà en cours avec l’intrication quantique ) et la maitrise / génération de trous de ver ( ou autre concept) et donc le transport rapide ou instantané sur des années, milliers ou millions d’années lumières
raisonner dans une forme de continuité du savoir actuel, qui fixe des limites infranchissables ( vitesse de la lumière) et que ceci constitue la fin de l’histoire de la physique, d’une certaine manière, c’est comme raisonner au 17e siècle, sur le fait que les bateaux en bois et à voile sont la solution ultime et pour l’éternité ( et donc n’envisager aucun progrès nouveau ni découverte)
Merci de votre commentaire.
Je veux bien envisager d’aller dans votre sens mais, pour le moment, aucun élément serieux ne nous permet de croire que nous pourrions dépasser la vitesse de la lumière. Donc je m’arrête tout de suite et préfère continuer à raisonner dans le réel…sinon on pourrait dire n’importe quoi (ce que certains ne se privent pas de faire!).
Une caractéristique de l’être humain est d’avoir une imagination qui, contrairement semble-t-il (on n’en est pas certain) à l’univers, est, elle, infinie 🙂 ! Si on se projette en plus dans dix mille ans, voire plus, on peut bien, effectivement, tout imaginer: une nouvelle physique (pourquoi pas carrément l’accès à un autre univers tant qu’on y est?!), le passage au travers de trous noirs, etc., etc. Beaucoup d’auteurs de science-fiction le font d’ailleurs couramment, avec talent pour certains d’entre eux (pas tous, loin s’en faut!).
Maintenant, il ne faut pas tout mélanger, le cadre fixé par Monsieur Brisson à ce blog est d’en rester à une présentation de faits connus, éventuellement extrapolés à ce qui paraît envisageable dans un futur prévisible. Si on s’en écarte, alors on peut tout imaginer et tout devient possible, mais je n’en vois guère l’intérêt car ce qui est probable est qu’aucune démonstration de cette “faisabilité” ou non ne sera jamais possible dans la durée de vie que l’on peut prêter à l’espèce humaine! La physique actuelle repose quand même sur des bases solides, fruit de siècle d’analyses et de découvertes. La théorie de la relativité n’a pas “renversé” la théorie newtonienne, mais a seulement étendu le champ d’application de la physique à des domaines où les approximations de la première (suffisantes à l’époque où elle a été formulée pour expliquer tout ce que l’on connaissait alors, et cela le reste dans notre vie quotidienne même encore de nos jours, je doute que vous utilisiez souvent les notions relativistes dans vos activités courantes 🙂 !) n’étaient plus valables. Cela arrivera peut-être aussi dans le futur pour les théories de la relativité et quantiques, mais de même sans pour autant invalider les déductions que l’on peut en tirer aujourd’hui au niveau de précision de la connaissance du monde qui nous entoure qui est le nôtre.
A part la pensée émue que nous avons tous , comme il y a un commentaire déplacé sur le 11 septembre, je vais réagir comme George W Bush.
TOUS les pays du Monde ont condamné le 11 septembre (y compris tous les pays musulmans) à l’exception du régime LAÏC de Saddam Hussein du Parti Baath. George W Bush a démontré dans son discours du 11 septembre 2021 que TOUS les Américains étaient à l’époque unis contre le terrorisme, qu’ils soient musulmans, chrétiens, juifs, non-croyants, etc … Comme l’a décrit George W Bush, le MAL ABSOLU est le terrorisme, qu’il soit extérieur ou INTÉRIEUR, comme les Terroristes Trumpistes du 6 janvier 2021… En Europe, nous avons connu TOUTES les formes de terrorisme, d’extrême-droite, d’extrême-gauche et religieuses fondamentalistes de manière constante depuis les années 60 (rappelez-vous les attentats contre de Gaulle, Aldo Moro, Bande à Baader, Jean-Paul II, contre les Juifs, contre les Arabes, etc…).
Je ne vois pas pourquoi il serait “déplacé” de considérer que les attentats du 11 septembre ont été commis par des islamistes?! C’est bien du 11 septembre 2001 dont on parle, non? A moins que vous connaissiez un autre attentat qui ait été commis à la même date par la secte extrémiste d’une autre religion? Franchement c’est plutôt votre neutralité forcée sur le sujet que je considère déplacée.
Je trouve surtout qu’il est tout-à-fait déplacé de “polluer” un blog à vocation purement “astronautique/astrophysique” pas des considérations qui n’ont absolument rien à y faire. Il y a amplement assez d’autres blogs sur “Le Temps” qui traitent des ces autres questions, où ceux qui le souhaitent peuvent exprimer leurs positions politico-religieuses en particulier et en débattre dans un cadre adéquat, ce qui n’est pas le cas ici.