Le BioPod d’Interstellar Lab peut nourrir plus d’êtres humains avec un impact moindre sur l’environnement

Je passe aujourd’hui la parole à Barbara Belvisi fondatrice et CEO d’Interstellar lab, une entreprise américano-française qui veut préparer l’implantation de l’homme sur Mars dans le domaine du support vie, par la recherche et l’expérimentation sur Terre. Une première réalisation, le BioPod, créé par toute une équipe de spécialistes, doit permettre à l’homme de se nourrir avec un maximum d’efficacité et un maximum d’économie. Cela peut aussi servir sur Terre. Cela veut dire encore que la solution à nos problèmes environnementaux n’est pas la décroissance mais une croissance intelligente, respectueuse et consciente de son impact sur l’environnement. 

BioPod fermé. Crédit Interstellar Lab. Admirez la pureté et l’élégance du volume et des lignes (conçu avec Dassault Systèmes).

Traduction du texte publié le 14 mai 2021 par Interstellar-lab sur son site Internet sous le titre « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (des précisions obtenues par l’interview de Barbara Belvisi suivent cette traduction):

Un quart des émissions de gaz à effet de serre provient de l’utilisation de méthodes agricoles traditionnelles inefficaces. Le changement climatique lui-même conduit à une détérioration du rendement des cultures et même à une diminution de leurs qualités nutritionnelles, obligeant les agriculteurs à se tourner vers une utilisation accrue des engrais, ce qui est une cause de pollution, et pour compenser, à accentuer la déforestation.

Ce cercle vicieux non seulement augmente le taux de réchauffement climatique mais il entraîne aussi la destruction d’habitat d’innombrables espèces animales et de plantes menacées d’extinction, y compris de plantes aromatiques comme la vanille et autres utilisées dans les parfums et les cosmétiques. Il est angoissant de constater que dans la liste-rouge de l’UICN* la destruction de l’environnement est considérée comme la principale menace pour 85% des espèces menacées. Le monde a besoin de toute urgence d’une solution qui puisse casser ce cycle et résoudre le plus grand nombre possible de ces problèmes.

* L’Union internationale pour la conservation de la nature

Le BioPod est la solution d’agriculture durable proposée par Interstellar-Lab

Interstellar Lab veut accélérer la transition vers des solutions de régénération environnementale sur Terre en créant des systèmes intégrés hautement efficaces, de production alimentaire et de recyclage de l’eau et des déchets.

C’est avec cet objectif en vue que nous avons conçu le BioPod, un système de serre à la pointe de la technologie, utilisant l’aéroponie. Le BioPod est composé d’un dôme porté par la pression atmosphérique interne, avec des systèmes automatisés de traitement de l’atmosphère, de l’eau, de l’éclairage et du dosage des nutriments. Sa fonction est de faire pousser des plantes en utilisant le moins possible d’eau, de nutriments et d’espace. Le climat intérieur du BioPod est entièrement contrôlé et protégé des contaminants extérieurs tels que les insectes nuisibles ou la pollution, ce qui permet de produire des aliments de la plus haute qualité dans n’importe quel environnement.

L’agriculture conventionnelle a des effets secondaires importants sur l’environnement : l’utilisation élevée et inefficace de l’eau, la consommation de grandes quantités d’engrais, la dégradation des sols et le besoin de vastes étendues de terres sur lesquelles faire pousser les cultures.

Le BioPod réduit efficacement la consommation d’eau, de plus de 98%

Les deux tiers de l’eau douce mondiale actuellement disponible sont utilisés dans l’agriculture et les estimations pour 2050 prévoient une augmentation de 15% de sa consommation. Le mois dernier, nous avons lancé un outil de précision pour la planification de l’agriculture que nous appelons Crop Selector1. Pour l’analyse qui suit, nous l’avons utilisé pour recommander un plan d’agriculture qui réponde aux besoins nutritionnels d’une personne pour une année. En nous référant aux données d’un article de recherche fondateur, sur l’impact climatique de l’agriculture2, nous avons constaté que l’agriculture conventionnelle avait besoin de 337.000 litres d’eau pour obtenir les produits recommandés.

Grâce à notre système en boucle fermée équipé d’une tour d’aéroponie, un BioPod produit les mêmes cultures dans les mêmes quantités pour une fraction seulement de cette quantité d’eau : 5.040 litres. Pour atteindre ce résultat, nous nous assurons que chaque goutte d’eau est utilisée par nos plantes et que rien n’est gaspillé. Nous recyclons même l’humidité de l’air et la renvoyons aux racines de ces plantes. En outre, BioPod contient des unités de désinfection par UV, un système d’ajustement de pH et des réservoirs de nutriments pour assurer la qualité de l’eau.

De plus, le BioPod peut réduire l’impact des cultures en croissance sur la rareté de l’eau. Dans les régions sèches où l’eau est limitée, comme les déserts, notre serre à haut rendement peut avoir un effet multiplicateur positif qui profite aux aquifères et aux écosystèmes locaux.

Le BioPod traite les impacts environnementaux des méthodes agricoles traditionnelles

Bien que le BioPod n’occupe qu’un espace de 54 mètres carrés, il peut produire en un an autant de produits qu’une ferme conventionnelle de près de 260 hectares. Une étude de la NASA3 sur les systèmes aéroponiques les a comparés à la culture hydroponique et aux alternatives agricoles traditionnelles. Elle a conclu qu’un système d’aéroponie standard réduit le coût de la main-d’œuvre, l’utilisation d’engrais de 60%, l’utilisation de pesticides et d’herbicides de 100%, consomme 98% moins d’eau et maximise jusqu’à 75% le rendement des plantes.

En combinant des technologies d’agriculture sous serre éprouvées telles que les systèmes de dosage de nutriments et l’éclairage LED avec des innovations en aéroponie de gestion intelligente des cultures, des systèmes de contrôle climatique et des matériaux isolants infusés d’aérogel, le BioPod est en mesure d’atteindre une efficacité et un rendement de récoltes sans précédent.

On peut installer 99 BioPods sur un terrain de football et cultiver l’équivalent de 260 hectares de terres agricoles. C’est près de 5 Manhattans!

Normalement, la terre est soustraite de l’écosystème naturel et transformée afin de produire de la nourriture pour les hommes. Ce procédé génère l’équivalent de 250 kg de CO2 par an et par personne, pour un régime végétalien. En revanche, en n’occupant que 54 m2, un BioPod redonne de la terre à l’écosystème naturel et produit la même nourriture tout en réduisant jusqu’à 98,4% les émissions de CO2. Ce faisant, un seul BioPod peut réduire considérablement la pression d’expansion exercée sur les habitats naturels entourant les fermes, en diminuant la quantité de terres et d’engrais nécessaires pour faire pousser les cultures. Ce changement n’a pas d’externalité négative. BioPod travaille pour aider à préserver la biodiversité sur Terre.

Le BioPod est un outil efficace pour cultiver et protéger les espèces végétales menacées

Selon une étude récente de Nielsen Massey, environ 80% de la vanille mondiale est produite à Madagascar, un endroit aux conditions climatiques parfaites pour la culture de la fleur du vanillier. Cependant, les plantes sont constamment exposées aux catastrophes naturelles ou causées par l’homme. En 2017, près d’un tiers de la récolte de l’île a été endommagée par la tempête tropicale Enawo. Le changement climatique, les troubles sociaux politiques internes et une agriculture inefficace mettent en jeu l’avenir de la culture de la vanille.

De nombreuses régions du monde se réchauffent et les scientifiques pensent que la sélection transgénique pourrait conduire à des améliorations de la résistance à la chaleur pour certaines cultures, mais d’autres, comme celle des pommes de terre, risquent de connaître une baisse de la production en raison de la hausse des températures. Le déploiement de BioPods dans de telles régions pourrait être un moyen de garantir qu’une partie des cultures soit à l’abri d’un changement climatique.

BioPod peut également être utilisé pour préserver les plantes en dehors de leurs habitats naturels. En conséquence, nous travaillons activement avec les banques de gènes et les jardins botaniques pour protéger la biodiversité agricole et les espèces sauvages apparentées aux espèces cultivées.

Notre mission

Chez Interstellar Lab, nous relevons les défis immédiats qui se posent ici sur Terre : le changement climatique, la protection de la biodiversité, l’agriculture durable et la gestion responsable des ressources.

Le développement du BioPod n’est que la première étape d’une mission plus large que nous voulons assumer pour aider les hommes à vivre en harmonie avec tout environnement dans lequel ils choisiront de vivre, à la fois ici sur Terre et dans d’autres mondes de notre voisinage solaire.

Titre original de Barbara Belvisi : « Interstellar Lab’s BioPod reduces climate impacts of farming & preserves biodiversity in critical ecosystems » (Le BioPod d’Interstellar Lab peut réduire les impacts climatiques de l’agriculture et préserver la biodiversité dans les écosystèmes critiques).

J’ajoute ci-après quelques précisions après des échanges que j’ai eu avec Barbara Belvisi :

1) Pierre Brisson (PB) : Comment tient la structure du Supernova BioPod (gonflage de l’enveloppe ou pressurisation du volume intérieur) ?

Barbara Belvisi (BB) : C’est une structure gonflable qui s’autoporte grâce à une surpression à l’intérieur du dôme.  La membrane est elle-aussi gonflée d’air ce qui crée des coussins d’air qui renforcent l’isolation thermique

2) PB : Le toit est-il mobile pour recouvrir une partie variable de la surface intérieure ?

BB : Sur cette première version du BioPod, la membrane n’est pas mobile une fois installée. Mais lors de sa fabrication nous pouvons ajuster la partie translucide et la partie transparente en fonction des objectifs de captation de lumière du soleil.

3) PB : Les plantes poussent-elles dans des bacs ?

BB : Les plantes poussent soit dans des systèmes d’aéroponie à haute pression soit dans des bacs composés de substrats non-organiques avec un système d’irrigation goutte-à-goutte et de brumisation ultrafine.

4) PB : La composition atmosphérique en gaz carbonique est-elle contrôlée et éventuellement un peu forcée et jusqu’à quel niveau ? Cela dépend-il des cultures ?

BB : l’atmosphère à l’intérieur du BioPod est totalement contrôlée : les niveaux de CO2 sont boostés jusqu’à 2000 ppm en fonction des besoins des plantes et de leur cycle de croissance. Tout est entièrement automatisée : dès que nos algorithmes de prédiction nous indiquent qu’il faut monter les niveaux de CO2, le CO2 « scrubber » s’active et vient aspirer le CO2 de l’atmosphère ambiant à l’extérieur du BioPod, pour l’envoyer à l’intérieur. Pour l’oxygène, nous avons un générateur qui vient le capturer à l’intérieur pour le renvoyer vers l’extérieur. Nous n’utilisons aucun réservoir, toutes les ressources d’air sont in-situ.

5) PB : Un éclairage variable selon les longueurs d’onde est-il prévu (plus de rouge ou plus de bleu)?

BB : oui, nous utilisons un système de LED avec variateur d’ondes qui évoluent en fonction des besoins des plantes dans la journée. Nous recréons les conditions lumineuses d’une journée idéale pour la plante, en fonction de ses besoins : typiquement avec des lumières plus bleues le matin et le soir.

6) PB : Utilisez-vous des mélanges de cultures (la présence de certaines espèces étant favorisée par la croissance d’autres espèces) ?

BB : oui, il est possible d’avoir des BioPod mono-cultures et multi-cultures. Dans les BioPods multi-cultures, les plantes sont sélectionnées par nos algorithmes qui analysent les conditions climatiques (température, humidité, lumière) et organisent le calendrier et la mise en place des plantes en fonction de leurs affinités.

7) PB : Le volume est-il utilisé autant que la surface (étagement des bacs de culture) ?

BB : tout à fait, nous pouvons multiplier la surface de culture jusqu’à 6 fois grâce a un étagement ou à des systèmes de croissance verticaux.

8) La cueillette est-elle robotisée ?

BB : non pas encore. Les technologies ne sont pas encore prêtes pour des systèmes en multi-cultures. De plus, pour les missions spatiales, cette activité est fortement conseillée pour permettre aux hommes de passer du temps proche de la nature.

9) PB : Pourquoi ne pas avoir prévu de bacs pour la culture des spirulines ?

BB : pour l’instant nous nous concentrons sur la culture des légumes, fruits, fleurs et plantes médicinales. La spiruline viendra dans un second temps.

10) PB : Le BioPod semble totalement clos, y compris au sol. Cela est-il fait pour éviter les fuites de substances des cultures vers la profondeur du sol ? Pour mieux contrôler l’intérieur ?

BB : le BioPod est totalement clos et scellé : pas d’échange gazeux ou d’eau avec l’extérieur. L’objectif est d’être en environnement totalement fermé pour mieux contrôler l’atmosphère, obtenir de meilleure performance et limiter les contaminations par les pathogènes. L’entrée du BioPod se fait par « airlock » avec sas de décontamination.

11) PB : Enfin quand on fait le calcul des surfaces cultivées selon les familles de culture (champignons, herbes, serres tropicales, aéroponie), on n’obtient pas la surface interne du BioPod. Il manque 1000m2. Pourquoi ?

BB : Nos algorithmes calculent le nombre de plants dont nous avons besoin pour couvrir des besoins nutritionnels spécifiques. Puis, en fonction de l’espace dont la plante a besoin et des prévisions de sa croissance, nous rapportons cela à l’espace de croissance disponible dans les systèmes d’aéroponie ou les bacs de serres a substrat. Il en découle ensuite le nombre de BioPod nécessaire pour atteindre les objectifs nutritionnels journaliers.

12) : Quand et où allez vous présenter un BioPod aux Terriens que nous sommes?

BB : La réalisation du Désert des Mojaves (Californie) a été décalée pour la fin de l’année 2021 ou le début de 2022 mais nous construirons un prototype à côté de Paris cet automne. Il sera réalisé en partenariat avec Soliquid, un spécialiste de l’impression 3D dont le cofondateur Jim Rhoné est devenu CPO (Chief Product Officer) d’Interstellar Lab. A noter que le design du BioPod a été obtenu en utilisant les moyens technologiques de Dassault Systems 3DExperience.

BioPod vu de côté. Crédit Interstellar Lab. Vous remarquerez que le module est totalement clos. La couverture par le toit est ajustable pour laisser rentrer “juste ce qu’il faut” de lumière “naturelle”.

Liens :

1) https://www.interstellarlab.com/

2) https://crop-selector.interstellarlab.earth/

3) https://science.sciencemag.org/content/360/6392/987

4) https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17429145.2018.1472308

5) https://www.maddyness.com/2021/06/17/interstellar-lab-soliquid-biopod-agriculture/

6) https://www.frenchweb.fr/interstellar-lab-et-soliquid-unissent-leurs-forces-pour-construire-des-habitats-futuristes-sur-terre-et-dans-lespace/424448

7) mon premier article sur Interstellar Lab : https://blogs.letemps.ch/pierre-brisson/2019/12/07/pour-rendre-possible-la-vie-sur-mars-interstellar-lab-va-nous-apprendre-a-mieux-vivre-sur-terre/

BioPod vu de dessus. Crédit Interstellar Lab. Bien entendu le toit est ajustable au cultivar et aux besoins variables de lumière solaire.

Pour (re)trouver dans ce blog un autre article sur un sujet qui vous intéresse, cliquez sur :

Index L’appel de Mars 21 06 25

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

26 réponses à “Le BioPod d’Interstellar Lab peut nourrir plus d’êtres humains avec un impact moindre sur l’environnement

  1. “C’est une structure gonflable qui s’autoporte grâce à une surpression à l’intérieur du dôme. La membrane est elle-aussi gonflée d’air ce qui crée des coussins d’air qui renforcent l’isolation thermique”. Je suppose que cela concerne le cas terrestre, mais sur Mars, avec une atmosphère extérieure extrêmement ténue, la structure serait-elle assez solide pour supporter la forte pression exercée sur sa surface?

    1. Oui effectivement cela concerne le cas terrestre. Sur Mars l’enveloppe externe devra être peut-être plus résistante. Mais quoi qu’il en soit, il s’agit maintenant de développer sur Terre le maximum de ce que l’on peut faire sur Terre, c’est à dire la culture des végétaux avec le maximum d’efficacité et le minimum de gâchis. Pour ce qui est de la structure proprement dite, disons que le design en “œuf”, sans angle susceptible de céder plus facilement que le reste de l’enveloppe à la pression, avec une “semelle” pour permettre l’isolation thermique et chimique avec le sol, avec un sas pour passer de l’extérieur à l’intérieur, avec une visière (éventuellement mobile) permettant de contrôler l’arrivée de la lumière naturelle et des radiations, est adaptable sur Mars (et sur la Lune) avec “simplement” des matériaux aussi cohésifs et résistants qu’il conviendra. L’adaptation se fera (épaisseur des membranes) et ne posera pas de problème particulièrement difficile (d’autant que chaque unité a un volume relativement petit).

      1. Je ne doute pas que le concept soit adaptable aux conditions martiennes, mais peut-être pas tel quel. Par exemple, la grande verrière et son raccordement au reste de l’enveloppe pourraient poser problème; il serait aussi sans doute préférable d’opter pour une forme sphérique plutôt qu’ovoïde (qui ne l’est pas tant que ça d’ailleurs) et peut-être aussi envisager d’abaisser quelque peu la pression intérieure, etc.

  2. Le tableau présenté m’étonne énormément, du moins pour les surfaces mises en jeu.
    Prenons, pour la comparaison la plus favorable, l’avant-dernière colonne.
    Appliquons le cas à la population suisse, 8,6 millions de personnes. La surface requise serait de 20’795 km^2, c’est là quasiment 50,4% de la surface de la Suisse (41’285 km^2). Et encore il ne s’agit que d’un régime végane ! Je n’ose faire le calcul pour la première colonne : 114’400 km^2, soit 2,77 fois la surface de la Suisse ! Par contre la solution BioPod ne représenterait que 465 km^2, soit 1,12% de la surface de la Suisse, un carré de 21,5 km de côté, c‘est presque miraculeux.

    1. Je n’ai pas vérifié les chiffres et je ne doute pas que vos observations soient justifiées. Cependant ce qui m’intéresse dans ce projet, c’est la possibilité d’obtenir une quantité très importante de nourriture à l’intérieur d’un tout petit volume qui aura un impact extrêmement réduit sur l’environnement.
      Concernant la surface, il faut voir que, comme dit dans les échanges entre Barbara Belvisi et moi en fin d’article, le volume des BioPod peut être utilisé sur plusieurs niveaux (jusqu’à 6). Par ailleurs l’eau non-utilisée par les plantes au cours d’une nutrition, c’est-à-dire incorporée à leurs tissus, est quasi entièrement réutilisée dans une autre nutrition.
      En fait la beauté du BioPod, c’est une productivité maximum en utilisant les technologies les plus nouvelles (apport précis des nutriments requis, aéroponie, composition du mixe atmosphérique le plus favorable, éclairage adapté aux types de plantes et à l’évolution de leur cycle végétatif, association des cultivars, contrôle phytosanitaire). Pour les chiffres précis, on verra plus tard, c’est-à-dire après que le prototype soit construit et fonctionne. J’invite les lecteurs à aller le visiter cet automne près de Paris (en espérant que la pandémie permette les déplacements !).

    2. C’est bien pourquoi, même avec un nouveau “plan Wahlen” (!), il est totalement illusoire de croire que la Suisse pourrait aujourd’hui arriver à l’auto-suffisance alimentaire, … à moins peut-être de multiplier les BioPods, mais est-ce bien réaliste?!

      1. Je pense au contraire que le système BioPod pourrait permettre, techniquement, une auto-suffisance alimentaire de la Suisse ou de tout autre pays. C’est pour cela que le projet est intéressant pour Mars. Le seul vrai problème est celui du coût de la production. Il est certain qu’une unité de BioPod ne serait pas rentable mais un grand nombre de tels modules pourrait apporter des économies d’échelles qui feraient baisser considérablement les prix. Sur Mars le problème ne se posera pas puisqu’il n’y aura pas de concurrence terrienne en raison du coût et de l’intermittence des transports qui constituent une barrière à l’entrée totalement protectrice.

        1. Techniquement, oui, mais pratiquement c’est sans doute une toute autre affaire (sur Terre); il faudrait par exemple évaluer les ressources, autre que terrain et eau, qu’impliquerait la mise en place généralisée de tels systèmes. Sur Terre comme au-delà, la technique aide mais ne peut pas toujours tout résoudre à elle seule. Comme l’écrit Monsieur De Reyff, il ne faut pas trop croire aux miracles!

      2. NB : selon l’OFAG, la surface agricole utilisable de la Suisse est de 1,05 million ha, soit 10’500 km^2, soit le quart de sa superficie. Est-ce suffisant ? Combien importe-t-on de produits agricoles ? Selon la colonne 1, ce serait 11 fois et selon la colonne 3, 2 fois.

        1. A noter que la Suisse perd régulièrement des surfaces agricoles: 1097 km^2 entre 1985 et 2018 (14’571 km^2) d’après les statistiques OFS, soit env. 7 % en 33 ans.

    3. Comme le BioPod est à la phase pilote, on verra les vrais résultats en l’usage, en comparaison par exemple avec l’agroécologie, hydroponie, production directe de protéines, etc. Toutes les voies d’améliorations alimentaires vs le mode actuel doivent être explorées, y compris l’impression de nourriture en 3D !

      Quant à la population mondiale, une étude intéressante de la fondation Gates qui contredit celle de l’ONU pour 2100. La décroissance est principalement due à l’émancipation de la femme des modèles traditionnels et de la politique anti-nataliste de certains pays dont la Chine …
      https://ici.radio-canada.ca/amp/1719804/humain-population-onu-ihme-fecondite-demographie

      1. Je précise que l’aéroponie est une version améliorée de l’hydroponie. On consomme moins d’eau pour une hydratation meilleure.
        Par ailleurs le BioPod regroupe dans un même espace toutes les technologies de pointe pour produire la plus grande masse d’aliments possible de la meilleure qualité nutritive possible.
        Quant aux prévisions d’augmentation de population, nous devrions être prudents par rapport aux estimations optimistes. Il ne vous aura pas échappé que le gouvernement chinois a mis fin à la politique de l’enfant unique.

        1. Indépendamment si l’on sera 9 ou 11 milliards en 2100 vs presque 8 milliards maintenant, ce qui est un saut QUANTITATIF moins important au 21ème siècle qu’au 20ème siècle, le vrai débat est de concilier développement économique et social QUALITATIF avec environnement, due à l’aspiration légitime des pays pauvres à joindre notre niveau de vie. Nous devons donc nous focaliser sur 4 axes : l’éco-efficience (produire les bonnes choses), l’éco-efficacité (produire plus avec moins de matières, énergie, eau…), l’économie circulaire (recycler le maximum de flux de matières et d’énergies) et finalement l’écologie régénerative (planter des arbres 🌳avec souches adaptées différentes pour créer un écosystème varié, établir des ruches, etc.). Ces 4 axes sont fondamentaux pour préserver la Terre mais cela sera aussi vrai pour un établissement martien réellement autonome.

  3. Autant la première colonne du tableau me paraît fortement exagérée, autant la quatrième me paraît invraisemblable. Pourrait-on vraiment avoir en Suisse autant de subsistances avec seulement 465 km^2 qu’avec nos 10’500 km^2 actuels ? Est-on si inefficient ?

    1. Ce n’est pas qu’on est inefficient, c’est qu’il n’est pas immédiatement économique d’être aussi efficient. Si on adoptait la production par BioPod en Suisse, il y aurait une période de transition coûteuse qu’il faudrait subventionner pour que les produits obtenus avec la nouvelle technologie restent compétitifs. Au début il faudrait produire des coques de biopods, des installations d’hydroponie, des dispositifs pour recueillir et traiter les eaux usées avant de les réutiliser. En fin de compte la productivité serait meilleure et les coûts de production bien plus bas mais il aurait fallu supporter la période de conversion ou de transition (donc les investissements relatifs) sur une période difficile à définir car il faudrait que les producteurs en voient l’intérêt pour eux mêmes. Pourquoi changer quand on vend quand même ses produits avec une marge, en utilisant des techniques éprouvées et bien maitrisées, puisqu’on a l’avantage de bénéficier d’une protection douanière?

  4. Juste une remarque à propos de décroissance.
    Même si nous trouvons des moyens comme celui-ci, pour nourrir tout le monde, je pense qu’un bon coup de frein sur la croissance, démographique en particulier, ne ferait pas de mal.
    A part ça, je trouve que les fermes verticales sont un excellent moyen de rendre des espaces à la biodiversité. Je suis complètement en accord avec le concept de nourrir un maximum de personnes avec le moins de surface possible.
    Il faudrait étendre ce raisonnement aux logements et à l’industrie.

    1. Bonjour Xavier. Tout à fait d’accord avec vous sur la croissance démographique. Il parait qu’elle va s’infléchir pour commencer à décroître vers 2100. Le problème c’est que, entre-temps, nous risquons de passer par un pic de 11 milliards. Les optimistes (Bill et Melinda Gates) prévoient un pic en 2064 avec 9,7 milliards! Quand on pense que nous en sommes actuellement à 7,7 milliards, que nous en étions à 2,5 milliards vers 1950 et que l’on constate des tensions de plus en plus fortes sur l’environnement, il faut être aveugle pour ne pas voir le danger et ne pas s’en préoccuper pour freiner le plus possible cette évolution.

    2. Population mondiale en 2021: 7 874 966 000. Malheureusement, il n’y guère de moyens réalistes, et même souhaitables (guerre généralisée, pandémie dévastatrice, euthanasie des personnes âgées …), de donner un “bon coup de frein” à la croissance démographique, plus que celui qui existe déjà. En seulement un peu plus d’un demi-siècle, le taux de fécondité dans le monde a été divisé par deux; de 4,7 enfants par femme en 1950, il a chuté à 2,4 en 2017, selon une étude publiée cette année-là dans la revue “The Lancet”. C’est déjà énorme, et la tendance se poursuit et s’accélère même partout dans le monde. A vouloir freiner trop brusquement, on a de grandes chances de “partir dans le mur” (vieillissement massif des populations, le renouvellement des générations ne se faisant plus mais les personnes déjà sur Terre vivant encore longtemps en raison de l’allongement de l’espérance de vie, … sauf à les éliminer évidemment!)! Il faut se rendre compte qu’un taux négatif conduit aussi vite à un effondrement qu’un taux positif à une explosion. Ainsi, si un taux de croissance positif de 3%/an (juste pour illustrer la chose en gardant néanmoins une valeur encore “raisonnable”) conduit à multiplier par 4 environ une population en 50 ans, il la divise presque par 5 si ce même taux devient négatif. Je vous laisse imaginer ce que cela aurait comme conséquences! Je l’ai déjà écrit ici, je suis prêt à parier qu’au siècle prochain, c’est l’effondrement démographique (déjà bien amorcé “en Occident”, donc dans les pays qui de loin consomment et polluent le plus, ce qui, dans cette optique, pourrait être considéré comme une bonne chose) qui deviendra un grave sujet de préoccupation; la descente va s’amorcer, mais où s’arrêtera-t-elle? Et même, s’arrêtera-t-elle avant l’écroulement de tout le système? Pas sûr.

      1. Si l’effondrement démographique, ou plutôt une inversion trop rapide de la courbe du nombre de personnes sur Terre, peut avoir des conséquences dommageables, il n’en reste pas moins que tant qu’on n’aura pas passé le pic de ce nombre et qu’on sera un peu redescendus, on va se trouver dans une situation de difficultés environnementales croissantes et de tous ordres (eau potable, mouvements de populations, tensions ethniques, guerres, disparition d’une multitude d’espèces animales, épuisement des sols, coupes disproportionnées de la forêt, pollutions).
        On paye évidemment l’expansion démographique passée (pour ne pas dire la prolifération désordonnée) qui a suivi l’introduction de la médecine partout à la surface du globe et la chute brutale des décès, notamment d’enfants, alors que le taux de fécondité se maintenait plus longtemps sur les tendances anciennement nécessaires pour que l’équilibre global perdure ou que l’augmentation se fasse à un rythme maitrisable.
        Je ne vois pas pourquoi l’ajustement à un nouvel équilibre en-dessous du niveau actuel ne se ferait pas. Les Japonais qui sont un des peuples les plus éprouvés par le changement démographique, parviennent à en surmonter assez bien les effets négatifs. De toute façon le rééquilibrage va être dur car il sera inégal selon les zones géographiques mais il me semble qu’à terme, une quantité moindre d’êtres humains vivant en même temps serait moins stressant pour la planète qui nous porte et nous fait vivre. Nous ne vivions pas plus mal en 1950 avec 2,5 milliards d’habitants sur Terre, qu’aujourd’hui en 2021 avec près de 8 milliards et nous vivrions mieux réduits à 2,5 milliards avec une technologie plus développée couplée à une conscience nouvelle de notre impact sur l’environnement.
        Pour franchir le cap ou plutôt le pic, il me semble que des technologies du type du BioPod présentée dans cet article (il y en a d’autres dans plusieurs autres domaines) seront très positives et que nous avons intérêt à leur donner le plus de publicité possible pour qu’elles connaissent le plus grand développement possible. La production extensive des aliments doit cesser.

  5. Et voici déjà, par pure coïncidence, sur le site du jour du Temps, le “Plantcub” proposé par Miele !
    https://www.letemps.ch/lifestyle/un-potager-autonome-maison-revolution-plantcube
    .
    Un cube, cette fois-ci, de 84 cm de haut et de 60 cm x 62 cm de base (0,372 m^2) sur 2 niveaux, soit 0,744 m^2, qui consomme 15 L d’eau en 8 à 12 semaines, soit 65 à 95 L par an, soit aussi 87 à 128 L par m^2 par an, alors que le Biopod demande 5’000 L sur 54 m^2 par an, soit 93 L par m^2 par an.
    La concurrence arrive !

    1. C’est bien! La concurrence est toujours une bonne chose. Je remarque que la consommation d’eau prévue par Interstellar Lab est bien dans la fourchette. Mais je pense aussi que le contrôle du fonctionnement d’un module de volume beaucoup plus important, comme celui du BioPod, doit être assez différent de celui de Miele (même si beaucoup des principes utilisés doivent être les mêmes).

  6. “Je ne vois pas pourquoi l’ajustement à un nouvel équilibre en-dessous du niveau actuel ne se ferait pas.” Comme le disait un de mes anciens professeurs de biologie: “dans la nature rien n’est plus transitoire qu’une situation stationnaire” 🙂 ! Sauf pour des périodes généralement relativement brèves, dans notre monde les populations croissent ou décroissent (souvent pour être remplacées par une autre croissance), elles restent rarement stables sur la durée car maintenir longtemps un équilibre est très difficile, voire impossible.
    Par ailleurs, l’ “ajustement à un nouvel équilibre”, en admettant que celui-ci soit atteignable, risque d’être très douloureux si cette transition se fait trop rapidement et le nouvel équilibre trop éloigné de l’ancien (qui n’était d’ailleurs pas un équilibre!). Comme on le sait en physique, pour qu’un système reste réversible et ne perde pas en qualité il faut que les transitions d’un état à un autre se fassent par pas infinitésimaux.

  7. On nous avait déjà promis la panacée avec les OGM, sensés combler le déficit alimentaire , mais la population augmente après chaque avancée technologique permettant plus de productivité agricole…
    On ne prend pas le problème par le bon bout !
    Sur Mars, les problèmes seront d’un autre ordre que purement agricoles …

    1. Les problèmes ne seront pas seulement agricoles mais ils seront aussi agricoles.
      La beauté du projet martien c’est qu’il met en évidence l’interconnexion entre toutes sortes d’activités vitales, toutes aussi nécessaires les unes que les autres, tout en étant, chacune prise séparément tout à fait insuffisantes…Et qu’il force à mettre tout notre génie humain dans chacune.

  8. Bonjour,

    Je ne suis pas du tout scientifique, mais ces questions m’intéressent beaucoup. Je me demande à quelle énergie le biopod fait appel pour fonctionner Est-ce une énergie électrique classique ?
    Est-il prévu qu’il fonctionne à l’énergie solaire ?

    Merci bien à vous

    1. Merci de votre intérêt.
      Il faut distinguer les biopods que l’on va installer sur Terre et ceux qu’on va installer sur Mars. Les biopods terrestres seront fermés comme des serres et le toit laissera rentrer les rayons du Soleil. L’énergie nécessaire sera donc faible, il s’agira surtout de permettre à l’équipement robotique de fonctionner (contrôle de l’atmosphère, humidité, arrosage) et de réguler la température. La source d’énergie sera vraisemblablement les panneaux solaires.
      Sur Mars où l’ensoleillement peut être insuffisant, la longueur des saisons très différentes, les tempêtes de poussière possibles, il faudra utiliser l’énergie nucléaire (petit réacteur à fission du type kilopower à l’étude au Département fédéral de l’Energie aux USA – DoE). L’isolation du sol et de l’atmosphère sera particulièrement soignée en particulier pour protéger du froid de la nuit (-80°C).
      Le site web d’Interstellar Lab est en cours de remaniement.

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