Ajustement concernant le livre de Mme Ekström

A mes lecteurs,

Je viens de recevoir, ce midi, le livre de Mme Ekström et M. Nombela. Je l’ai parcouru et je constate qu’effectivement ma réaction à l’annonce de la publication de leur livre a été un peu trop brutale. Je prie les auteurs et mes lecteurs de m’en excuser. Je reviendrai sur le sujet à l’occasion d’un autre article que j’y consacrerai. Pour le moment disons que je considère que les auteurs, s’ils ont fait leur travail honnêtement, sont quand même trop pessimistes.

Je vois comme eux des difficultés dans le premier et sans doute le second voyages, principalement du fait de l’absence de comité d’accueil sur Mars. Mais je reste confiant sur (1) l’acceptabilité des conditions du voyage ; (2) la faiblesse du risque de manquer l’objectif et l’atterrissage sur Mars ; (3) la possibilité de survie en surface de Mars ; (4) la possibilité de « faire avec » la poussière martienne.

Je crois à la très forte interdépendance de l’homme et du milieu dans lequel il est apparu (j’ai écrit plusieurs articles dans ce blog sur le sujet de la coévolution, non reproductible, avec l’environnement terrestre) mais je pense que le développement de nos technologies peut lui permettre aujourd’hui de s’en distancer pour pouvoir vivre dans un autre environnement planétaire, celui de Mars, parce que les différences avec le nôtre ne sont pas insurmontables (et sous réserve bien entendu d’un approvisionnement en produits essentiels tous les 26 mois tant que l’on ne sera pas capable de les produire sur Mars).

Je ne crois pas que l’apport de microbes terrestres sur Mars empêcherait l’identification de possibles microbes martiens (au moins une partie de leur génome garderait la trace de leur origine différente).

Comme je l’ai toujours dit, je pense que l’installation de l’homme sur Mars sera difficile mais qu’on peut la tenter. Je ne crois pas à la faisabilité de la terraformation et j’ai beaucoup de mal à envisager une colonie importante sur Mars. Je pense que de toute façon elle grandira très progressivement (comme image : l’Antarctique puis l’Islande). J’ai accepté de participer au concours de la Mars Society pour imaginer une ville de 1000 habitants mais refusé de participer à celui portant sur un établissement d’un million d’habitants.

Je pense que l’exploration par vols habités, qui à mon avis se fera, conduira inévitablement à l’installation d’un petit établissement qui ensuite devrait pouvoir grandir. Je prends l’ouvrage de Mme Ekström et M. Nombela comme une stimulation pour prouver que leur pessimisme est injustifié.

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

13 réponses à “Ajustement concernant le livre de Mme Ekström

  1. bonjour,

    c’est normal d’avoir des doutes : marcherons nous un jour sur la Lune ? c’est une grand sujet … cela doit représenter des milliers d’impossibilités et de techniques sur lesquelles l’humanité doit travailler …
    sans être pessimiste … je ne pense que nous avons peu de chances d’y arriver … 🙂

    pour Mars il me semble que c’est déjà fait : Matt y est allé il y quelques années y faire pousser des patates …

    et je ne crois pas dire de bêtises si je dis que la NASA finance actuellement un projet consacré à la logistique des voyages sur Mars avec d’anciens étudiants du M.I.T…
    donc qui vivra verra … mais c’est une “affaire qui marche” …

  2. Comme vous je compte lire ce livre, que je n’ai pas encore reçu. Mais comme vous je suis optimiste sur le futur du spatial. En effet les premiers pas de l’Homme sur Mars se feront un jour. Peut-être que nous mettrons un certains temps avant que l’Homme ne s’y installe vraiment. Je pense que les bases d’Antarctique ne se sont pas fait en un jour et qu’elles ont grandi progressivement. Il en sera de même sur Mars. Et avant qu’une “colonie” pérenne ne vienne si installer cela dépendra avant tout des moyens utilisés et surtout de nos capacités d’innovations. Souvenons nous ce que nous a apporté Apollo et tous les progrès techniques dont tous, nous utilisons encore aujourd’hui. L’Homo Sapiens est ainsi, aller toujours plus loin que la colline pour voir derrière. A présent nous avons eu la Lune en objectif (visiblement, nous pensons y retourner pour y installer des bases cette fois-ci) et nous avons Mars à présent en ligne de mire, qui je suis sûr sera une autre “Terre” malgré les difficultés d’y aller, malgré le CO2 et l’absence d’eau liquide, malgré le froid, malgré la moindre pesanteur que sur Terre, nous irons. Peut-être serais je poussière d’étoile lorsque les Hommes y vivront, mais nous irons. Peut-être qu’Elon Musk va gagner sont pari et réussir avec son Starship, en tout cas il y aura d’autres E. Musk si lui n’y arrive pas avec sa société SpaceX . Pour l’instant en tout cas il me semble bien parti. Nous verrons bien si l’avenir lui donne raison. Pour les pessimistes, je comprends leurs réticences face aux défis qui sont devant nous pour y aller… J’allais oublier les radiations… et le manque de gravité lors du voyage. Demain sera un autre jour, mais nous y arriverons.

    1. Le manque de gravité pendant le voyage n’est qu’une conséquence de notre endormissement technologique après le programme Apollo. Quand je voyais partir une navette avec ses deux boosters à poudre, je ne pouvais m’empêcher de penser à ces fusées que les Chinois ont inventées il y a plus d’un millénaire pour leurs feux d’artifice.

      Nos vaisseaux spatiaux ont toujours un fonctionnement purement balistique. Ce n’est en fait guère mieux que le tir au canon de Jules Vernes dans “De la Terre à la Lune”.

      Nous ne pourrons aller loin et vite qu’en utilisant une poussée raisonnable pour maintenir une accélération pendant la moitié du voyage et une décélération pendant l’autre moitié. Cela suppose l’emploi de l’énergie nucléaire pendant l’étape longue du voyage, le départ et l’arrivée étant confiés à des propulseurs chimiques. Une accélération aussi faible que celle de la gravité terrestre (9.8 m/s²) appliquée à un vaisseau pendant une seule journée terrestre (24 h.) lui fait parcourir 50 millions de km. Ça rapproche drôlement Mars de la Terre. Et en maintenant à bord la même gravité que sur Terre.

      En fait, je ne fais que remplacer Jules Verne par Tintin et Tournesol mais les scientifiques qui ont conseillé Hergé avaient une vue réaliste de la propulsion des vaisseaux spatiaux. Si personne ne les a écoutés c’est parce que leur solution aurait consommé plus de temps de développement alors que, pour des raisons purement politiques, il était urgent d’être sur la Lune avant l’URSS.

      1. Oui, vous avez raison, mais soyons plus concret ! Une poussée continue avec une accélération, puis une décélération de l’ordre de 1 « g » serait idéale, permettant aux astronautes de garder une gravité et, surtout, de raccourcir considérablement la durée de voyage pour ne pas être exposés trop longtemps aux rayons cosmiques pénétrants et aux éventuelles tempêtes solaires fatales. Un voyage de 100 millions de km serait ainsi parcouru en 56 heures, soit en 2 jours et 8 h ! À mi parcours (28 heures), la vitesse atteinte à la fin de cette première phase d’accélération serait de 992 km/s, soit plus de 88 fois la vitesse de libération de l’attraction terrestre (11,2 km/s) !
        Mais il y a immédiatement quelques objections imparables : en cas d’un éventuel pépin de fonctionnement du moteur qui ne pourrait plus freiner ensuite tout à fait comme prévu, avec cette énorme vitesse acquise, la sonde quitterait irrémédiablement le Système solaire pour toujours ; ensuite, l’énergie cinétique maximale acquise à mi-course pour une sonde du genre Orion de, disons, 21,25 tonnes, serait de 10 PJ, soit 10^16 J, (ce qui, avec la formule E = mc², correspond certes à une modeste masse annihilée de 0,116 kg par réaction nucléaire) ; cependant, arriver à fournir cette énergie en 28 heures demanderait une puissance soutenue de 104 GW. Cette énorme puissance, équivalant à une centaine de réacteurs nucléaires, est évidemment bien au-dessus des possibilités physiques.
        On pourrait se contenter d’une accélération 10 fois (voire 100 fois) moindre durant près de 3 jours et demi (respectivement, 11 jours et demi). Le voyage total durerait 7 jours (respectivement, 23 jours). La vitesse maximale atteinte serait alors de 314 kms/s (respectivement, 99,2 km/s), l’énergie cinétique acquise serait de 1 PJ, soit 10^15 J (respectivement, 0,1 PJ , soit 10^14 J), correspondant à seulement 11,6 g (respectivement, 1,16 g) de matière annihilée ! La puissance nécessaire tomberait à 3,3 GW (respectivement, 0,104 GW), c’est 32 fois, respectivement, 1000 fois moins.

        1. Je l’ai déjà plusieurs fois écrit ici, je crois en effet que si l’on veut sérieusement envisager des voyages interplanétaires, le recours à la propulsion nucléaire s’imposera. Cela dit, la densité énergétique des combustibles nucléaires est certes élevée, et donc la consommation de ceux-ci faibles, … mais un moteur-fusée nucléaire n’utilise ce combustible que pour échauffer des gaz (idéalement, d’hydrogène, la poussée étant proportionnelle à la racine carrée de l’inverse de la masse moléculaire des gaz éjectés) et ces ergols ne peuvent être réalistiquement stockés en quantités qui permettraient une propulsion continue (accélération d’abord, puis décélération) sur la totalité du voyage Terre-Mars. Les calculs ci-dessus n’en tiennent pas comptent et sont donc totalement hypothétiques!

          1. Tout à fait d’accord avec vous ! Je voulais me concentrer uniquement sur le besoin en énergie et surtout illustrer les puissances mise en jeu, en n’envisageant que l’accélération de la seule masse utile, ici celle du vaisseau spatial Orion. Ce dernier aspect est un argument assez impressionnant pour ne pas dire dirimant.

    1. Certes un “au revoir” mais on ne peut que constater que la la NASA a beaucoup de difficultés à réaliser son SLS. Rappelons qu’elle travaille dessus depuis 2011 et depuis beaucoup plus longtemps si l’on considère que le SLS est la suite de l’ARES du programme Constellation (lancé en 2006). Le SuperHeavy d’Elon Musk a commencé beaucoup plus tard (2017). Je ne dis pas qu’il est aussi avancé que le SLS mais en tout cas son développement coûte beaucoup moins cher.

  3. Je pense qu’en matière d’exploration humaine de la planète Mars, il faut se garder d’un pessimisme exagéré (en ne se focalisant que sur les difficultés et les dangers) comme d’un excès d’optimisme. L’entreprise est incontestablement difficile il est vrai, mais “viser la Lune”, comme Kennedy l’a fait, au début des années 60 l’était encore bien plus si on se rappelle l’état des techniques spatiales à cette époque. Aujourd’hui nous avons potentiellement les moyens et l’expérience qui nous permettent d’envisager ce nouveau “saut dans l’espace”, … à condition d’en avoir la ferme volonté. En l’absence néanmoins (en attendant la Chine?) de l’aiguillon d’une compétition entre deux système idéologiques opposés, la motivation est moindre que dans la deuxième partie du siècle passé, mais des entrepreneurs privés (Elon Musk en particulier) prennent aujourd’hui le relais de gouvernements devenus plus “frileux” dans ce domaine.
    Cela dit, il ne faut pas se leurrer non plus sur les difficultés à surmonter. Il n’est pas par ailleurs forcément souhaitable de chercher à trop “brûler les étapes”, au risque d’aboutir à une catastrophe qui détruirait pour longtemps, si ce n’est définitivement, toute perspective de voir des hommes/femmes fouler un jour le sol martien. Si Apollo XI s’était conclu par un échec, on attendrait sans doute encore un débarquement humain sur la Lune (comme l’échec de la N1 soviétique a mis un terme aux ambitions soviétiques en la matière). De ce point de vue, la précipitation d’Elon Musk m’inquiète parfois, même si ce diable d’entrepreneur nous a habitués à réussir là où beaucoup pensait qu’il échouerait.

  4. Cher M. Brisson,

    Nous apprécions à sa juste valeur votre « ajustement » du 16 janvier dernier et vous en remercions.

    Malgré nos divergences sur la question martienne, nous restons persuadés qu’un dialogue serein et constructif reste possible entre personnes passionnées par leur sujet.

    Avec nos sincères salutations,
    Javier G. Nombela et Sylvia Ekström

  5. Monsieur Brisson,
    Votre article ci-dessus « d’ajustement concernant le livre de Madame Eckström » a retenu mon attention.
    On y constate la présentation de vos excuses pour votre réaction « un peu trop brutale » de votre critique du 9 janvier 2021. Je constate aussi, ci-dessus, que les auteurs du livre acceptent vos excuses, ce qui les honore. Cela d’autant plus qu’au fond, vous n’avez pas présenté d’excuse pour avoir tenté de discréditer un livre, que vous avez ensuite reconnu ne pas avoir lu.

    Dans le fil de discussion de ce blog au sujet de ce livre, j’avais souhaité l’avis de la rédaction du Temps sur cette pratique et le 16 janvier dernier vous écriviez avoir devancé cette demande. Un mois plus tard je ne vois pas trace de cet avis. Peu importe, « Le Temps » m’a tout de même répondu, directement dans ce blog. En effet, ci-dessous figure un lien vers votre « Charte déontologique » et voici ce qu’on peut y lire :
    « Les blogueurs s’engagent à respecter quelques règles fondamentales pour garantir un bon fonctionnement de cette collaboration. Notamment à:
    (…)
    – citer ses sources, autant que possible en utilisant les liens hypertextes ;
    – ne pas(…) copier des textes, extraits de textes sans en indiquer la provenance ;
    – situer de manière exacte les faits et opinions évoqués dans les articles »

    Le 9 janvier dernier, aucun des articles ou annonces de presse constituant vos uniques sources ne sont cités dans ce blog, ni mention qu’il s’agissait d’un livre non lu. Ainsi votre propre charte, par ses “règles fondamentales”, qualifie clairement cette pratique et mes remarques apparaissent fondées.

    S’il y a acharnement, c’est plutôt à ne pas réaliser ce dérapage et mes interventions légitimes de lecteur n’avaient pas d’autre but. Ainsi je ne souhaite pas « vous faire taire », au contraire, j’aimerais passer à un autre sujet plus essentiel, en vous lisant sur les chartes éthiques qui accompagneront… la colonisation martienne.
    Comment le droit et la justice y seront-ils exercés ? Qui détiendra l’autorité sur Mars ? Les propriétaires des expéditions martiennes y seront-ils les donneurs d’ordres ?
    Si l’état chinois s’y installait, le pire serait à craindre pour les droits humains sur Mars.
    Merci de nous éclairer.

    Avec mes cordiales salutations.
    Frédy Thévoz

    1. Monsieur Thévoz,
      Je note que vous souhaitez que j’exprime mon point de vue sur l’éthique qui devrait régir les rapports sociaux sur Mars. J’ai déjà écrit à ce sujet, mais je le referai volontiers (dans un article ultérieur). J’ai en effet quelques idées qui résultent de la situation des personnes qui vivront dans ces conditions si particulières.
      Sur le reste, je regrette que vous donniez tant d’importance à un incident que j’estime mineur et maintenant dépassé. Je regrette, comme déjà dit, de m’être laissé emporter par ma passion et d’avoir trop donné crédit aux articles parus par ailleurs sur ce livre dans la Presse, sans spécifier que je ne l’avais pas lu (commandé à l’époque mais non reçu). Je reconnais que mon article méritait de ce fait des ajustements (que j’ai publiés) mais je ne regrette pas les remarques que j’ai faites sur le fond. Je pense toujours que le point de vue des auteurs est systématiquement trop négatif et non constructif quant aux problèmes, réels, qui se posent et aux solutions que l’on peut y apporter et qui me semblent mal connus ou appréciés.
      Ce qui se passe entre la direction du Temps et moi-même est personnel mais je peux certifier qu’il n’y a aucun différent entre nous. Sur les règles déontologiques, sachez que je note toutes les sources que j’estime pertinentes et que je recueille systématiquement les avis des spécialistes sur les sujets que je maîtrise mal avant de les étudier. En ce qui concerne Mars, j’ai la prétention d’avoir une connaissance pluridisciplinaire qui vaut celle de n’importe quel « spécialiste ». Il n’existe pas de diplôme d’études martiennes et de ce fait, la spécialité « économiste » vaut bien celle d’« astrophysicien », Mars n’étant plus, sauf en ce qui concerne les radiations, un objet astrophysique mais étant devenu bien davantage un objet d’étude ingénieuriale ou économique tout en restant un objet d’étude planétologique c’est-à-dire géologique et exobiologique.
      Cordialement
      Pierre Brisson

      1. Monsieur Brisson,
        À nouveau vous avez pris la peine de me répondre et je vous en remercie.
        Votre dernière prise de position est claire, complète et honnête. Cela clos ce sujet, qui plus est, avec élégance.

        Merci de votre ouverture aux aspects éthiques de l’exercice du droit et de l’autorité prévus pour la colonisation martienne, alors au plaisir de vous lire.

        Avec mes cordiales salutations.
        Frédy Thévoz

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