Les datacenters: une obligation, un avantage et une contrainte pour les futurs Martiens

Imaginons une population humaine installée sur Mars. Elle sera constituée, au moins tant que ses éléments viendront de la planète Terre, de personnes extrêmement éduquées et performantes dans les diverses technologies nécessaires au fonctionnement de la colonie. Elle aura de plus, besoin du support de technologies certes éprouvées mais les plus performantes possibles et elle s’efforcera d’améliorer continûment cette technologie pour bénéficier d’une sécurité, d’un confort toujours plus grand avec une consommation d’énergie toujours plus faible permettant d’entreprendre toujours plus dans tous les domaines envisageables pour leur développement et la rentabilisation de ce développement.

N.B. Étant donné le coût des transports interplanétaires, la production que les Martiens pourront échanger avec la Terre en contrepartie d’équipements manufacturés impossibles à fabriquer sur place, sera de nature intellectuelle et forcément digitalisée.

Cette population aura donc besoin d’un accès aux bases de données constituées par les hommes restés sur Terre. Ce sera l’accès aux logiciels élaborés par la Terre, l’accès aux informations qui y auront été accumulées et qui pourraient être utilisées pour des travaux de tous ordres ; ce sera aussi les échanges avec les spécialistes ou les « proches » restés sur Terre; ce sera l’accès aux productions intellectuelles diverses y compris artistiques. Par ailleurs les Martiens accumuleront eux-mêmes des données dans le cadre de leurs propres activités, y compris la recherche scientifique ou technologique, leur activité industrielle et commerciale ou encore la création artistique. Or, Mars évolue à une distance allant de 3 à 22 minutes-lumière de la Terre. Cela compliquera beaucoup l’utilisation des ressources digitalisées et restées sur Terre et exclura a priori l’envoi des données martiennes dans des serveurs terrestres pour utilisation sur Mars. Imaginez vous travaillant sur votre ordinateur, recherchant une information dans une base de données et obligé d’attendre de 6 à 44 minutes avant d’obtenir réponse à votre question ! Certes, cette réactivité aurait été considérée comme extrêmement rapide avant l’apparition d’Internet, encore que, en cas d’intérêt, une conversation pouvait être engagée par téléphone avec échanges immédiats ou une réunion organisée et se tenir en quelques heures ou en quelques jours avec des participants venus « du bout du monde ». Quand « nous » serons sur Mars, rien de tel ne sera possible. Les échanges immatériels seront soumis au « time-lag » imposé par la vitesse de la lumière, quoi qu’il arrive et quels que soient les moyens qu’on utilisera, et les échanges matériels, au rythme des cycles synodiques selon lesquels les départs d’une planète vers l’autre ne seront possibles que tous les deux ans environ. On peut à la rigueur accepter les délais pour les seconds, pas pour les premiers. C’est en fait le plus gros handicap qui sera imposé aux nouveaux Martiens.

Que faire pour le pallier ou au moins l’atténuer ? On peut imaginer une première solution, très coûteuse en énergie et en moyens financiers, la copie en continu sur Mars de toutes les données créées sur Terre. On peut imaginer que les grandes « fermes de serveurs » ou « datacenters », qui stockent actuellement ces données sur Terre, les rayonnent vers Mars au fur et à mesure qu’ils les reçoivent après avoir transféré le stock existant. Ces données seraient, à réception sur Mars, stockées dans d’autres datacenters qui les tiendraient à disposition des résidents martiens. Cela présenterait l’avantage annexe pour tout le monde de la duplication et donc donnerait à l’humanité du fait de la redondance, une sécurité évidemment très appréciable en cas de catastrophes survenant sur Terre ayant pour conséquence (entre autres !) la destruction de ses datacenters. Par ailleurs la température en surface étant très basse (négative sauf quelques heures de la journée en été dans les régions intertropicales), ces serveurs pourraient constituer des sources de chaleur appréciables, énergie qui pourrait être utilisée sous une autre forme et qui serait sans danger pour l’environnement martien (dans la mesure où l’on souhaiterait plutôt le réchauffer que le refroidir).

Le problème est que si les datacenters produisent beaucoup de chaleur « fatale » (du fait de l’effet joule résultant du passage continu de l’électricité dans des matériaux conducteurs), c’est qu’ils ont besoin de beaucoup d’énergie pour fonctionner et maintenir le système utilisable. En 2017, la consommation des datacenters terrestres s’est élevée à 200 TWh (un réacteur nucléaire de 900 MW produit en moyenne moins de 10 TWh). Si on adopte la solution du transfert intégral et continu des données terrestres sur Mars, le besoin en énergie ne sera probablement pas aussi important (moindre utilisation des données sur Mars que sur Terre du fait d’une moindre population) mais il sera quand même énorme (mises à jour et transmissions constantes de et vers la Terre). Or sur Mars, la production d’énergie sera un problème pour plusieurs raisons. Ce n’est pas l’objet de cet article de les détailler mais pour être suffisante et régulière, sa source devrait être nucléaire et avant qu’une industrie nucléaire soit développée sur Mars, « il coulera beaucoup d’eau sous les ponts »…dans les rivières martiennes qui sont à sec depuis des centaines de millions d’années. Les combustibles des centrales nucléaires tout comme les équipements pouvant les utiliser devront donc être pendant très longtemps importés de la Terre parce que l’industrie qui peut les procurer sera très longue à développer sur Mars.

Une solution non optimale au point de vue des besoins mais plus réaliste serait de rayonner à partir de la Terre un sous-ensemble des données de la totalité des datacenters. Il me semble en effet qu’une partie importante de la totalité des données ne sera pas indispensable au fonctionnement d’une base martienne ou à la recherche effectuée dans une telle base et, en cas de besoin, un chercheur ou un développeur d’une nouveauté technologique ou culturelle, pourrait se faire envoyer de la Terre ce dont il aurait besoin en lançant des requêtes utilisant des mots-clés (et les données reçues seraient ensuite conservées dans le datacenter martien). Cependant, même dans ce cas, la consommation d’énergie sera très importante. Il faudra entretenir la base de données martienne, pour conserver les données stockées et pour en permettre l’utilisation (consultation, modification, enrichissement, transmission à la Terre), c’est-à-dire continuer à l’alimenter en énergie. Par ailleurs, même dans ce cas, le volume des équipements servant de relais ou de stockage posera problème. Ils sont encore aujourd’hui très importants. Les datacenters de Facebook ou de Google s’étendent chacun sur plusieurs hectares. Il faudra toujours plus compresser les données. Le progrès technologique le permettra certainement mais jusqu’où? Peut-on imaginer un jour atteindre une densité qui permette de rassembler toutes nos connaissances et nos capacités informatiques dans un « objet » tel que le fameux monolithe d’Arthur Clarke et de Stanley Kubrick? En tout cas ce ne sera pas « demain ». 

La chaleur fatale (même relativement faible puisqu’elle devrait se situer entre 25°C et 50°C) posera un problème non pas à l’environnement (comme dit plus haut, on ne peut craindre de réchauffer l’atmosphère martienne) mais au datacenter lui-même car il faut pouvoir le maintenir à une température à peu près constante (de l’ordre de 20°C), c’est à dire conditionner l’atmosphère, c’est à dire ventiler la chaleur. Par chance il y a une source froide sur Mars qui est le sol naturellement gelé de la planète (pas de fleuve, pas de mer). Cependant cette source est peu active car non fluide . Elle ne peut emporter suffisamment rapidement la chaleur loin de sa source, et l’atmosphère au-dessus du sol, bien que froide elle aussi, est trop ténue pour assurer efficacement un rôle de radiateur. En plus la dissipation de la chaleur dans le sol serait un gaspillage inacceptable sur une planète si froide et si pauvre en énergie alors que nous aurons besoin de nous chauffer. Il faudra donc imaginer des systèmes caloporteurs qui permettent l’évacuation et la récupération de la chaleur c’est à dire créer un environnement fluide autour des générateurs de chaleur. Ce peut être soit un atmosphère dense ventilée, soit une circulation d’eau. Dans les deux cas, on peut envisager d’installer le datacenter au centre de la base habitée, sur le sol martien ou plutôt en dessous du sol, au-dessus d’un faux-plancher permettant une meilleure diffusion/régulation de la température, baignant dans l’atmosphère de cette base qui serait évidemment d’une densité proche de celle de l’atmosphère terrestre et on compléterait l’effet radiateur du sol et de l’atmosphère (accentué par des ventilateurs plus ou moins naturels – courants-d’air) par un système de tuyauterie transportant en circuit fermé de l’eau provenant de la fonte de glace, qui ensuite serait répartie par pompes dans la base habitée pour la chauffer.

Par ailleurs l’étendue même des datacenters posera problème (ou imposera des choix) car il faudra trouver ou creuser des cavités suffisamment vastes pour abriter les rangées d’armoires et les circuits, et faciliter la vie humaine autour. Construire une énorme bulle en surface pour les abriter est exclu car les risques de destruction de circuits hyper-fins par radiations, sont non négligeables et parce que la pressurisation de grands volumes est encore techniquement impossible (dômes d’une vingtaine de mètres de diamètre au maximum). Il faut plutôt envisager de couvrir l’ouverture étroite d’un gouffre volcanique profond et de disposer les armoires en étages (ou de trouver d’autres cavités naturelles, ce qui n’est pas encore le cas) ou de disséminer de petits datacenters dans le sous-sol de chaque bulle viabilisée (peut-être une sécurité mais il faudra penser aux liaisons entre datacenters). De toute façon les volumes habitables seront limités et il faudra toujours faire un choix entre l’information indispensable et l’information accessoire.

Tout cela revient à dire que l’expansion des datacenters et de l’activité humaine sur Mars ne sera possible qu’avec beaucoup de temps, d’investissements (qui toujours devront être faits sur la base de la prévision d’un retour sur investissement) et progressivement avec l’évolution des structures de la colonie. Mais on peut et il faut commencer « demain ».

Ainsi on ne parviendra jamais à réduire le time-gap entre la Terre et Mars mais on peut envisager grâce à des datacenters martiens (petits puis plus grands), de vivre avec des éléments informatiques suffisants pour travailler dans la base, pour utiliser les logiciels nécessaires, pour commander en direct les différents robots travaillant en surface partout autour de la planète et pour communiquer et échanger avec la Terre.

Si nous nous installons sur Mars, nous devrons effectuer un retournement copernicien. La Terre ne sera plus le centre du monde au point de vue de la population humaine et de sa création de richesses (intellectuelles et autres) mais « simplement » son origine (et longtemps son « site » le plus riche). S’ils veulent se développer, les Martiens devront s’assumer et avoir leurs propres datacenters. Il faudra déterminer quelle devra être l’importance de ces centres et comment les cordonner aux autres installés sur Terre. Cela sera fonction de la capacité des Martiens à les entretenir et les faire fonctionner, et aux Terriens ainsi qu’aux Martiens d’innover pour parvenir à en réduire la taille et la consommation en énergie. La recherche et les progrès de ces derniers sur ce sujet (du fait d’une stimulation plus forte que sur Terre) pourront faire l’objet d’exportations de logiciels et de know-how martiens vers la Terre.

Image à la Une: une vue du datacenter de Facebook à Lulea (Nord de la Suède): des rangées d’armoires de stockage de données, connectées à toutes sortes d’équipements informatiques et irriguées d’énergie électrique (crédit Facebook).

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 Index L’appel de Mars 11 12 18

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

15 réponses à “Les datacenters: une obligation, un avantage et une contrainte pour les futurs Martiens

  1. Sincèrement, je pense que les “Martiens” n’auront que faire de la totalité des données accumulées sur Terre. Ils se contenteront de dupliquer celles qui leur sont immédiatement utiles.

    C’est données seront d’une part du domaine technologique, ingénierie, médicale, biologie, psycho-sociologiques, … plus un solide socle de connaissances scientifiques de base et d’autre part, des données liées au loisirs, des films, de la musique, des livres, … et un peu d’histoire mais les Martiens seront probablement rapidement plus intéressé par la leur.
    Quant à la sauvegarde des données Terriennes, je pense qu’ils ne s’en préoccuperont que si la Terre paye grassement pour cela.

    Le problème des data-centers martiens ne se posera peut-être pas. En effet, sur Terre, ils sont essentiellement destinés à fournir une réponse instantanée à n’importe quelle requête. Cette performance se paye en puissance de traitement et donc en énergie.
    Les Martiens accepteront certainement que la réponse à leur requêtes prenne parfois quelques minutes. Ils admettront que des données moins souvent utilisées soient archivées et ne soient donc pas immédiatement accessible. Par conséquent quelques serveurs de moyennes puissances feront parfaitement l’affaire.

    1. Là, cher Xavier, je ne suis pas d’accord avec vous, pour les raisons suivantes :
      1) La seule force « productrice » des martiens sera l’informatique. Cela est vital pour les échanges économiques qu’ils auront avec la Terre. Ils auront besoin de pouvoir à tout moment exploiter aussi rapidement que possible les données accumulées sur Terre.
      2) Leurs système d’action et de contrôle à la surface de leur planète seront largement robotisés. En effet ils sortiront peu de leurs bases en raison des dangers et difficultés des EVA (Extra-Véhicular Activities). NB : cela ne réduit en rien l’avantage d’être sur Mars plutôt que sur Terre pour exercer une activité martienne puisque sur Mars, ils pourront commander en direct leurs robots partout en surface de leur planète.
      3) Leurs systèmes de support vie seront extrêmement gourmands en capteurs auxquels il faudra répondre immédiatement, aussi bien pour la production alimentaire (hydroponie ou ultraponie), que pour la climatisation de leurs scaphandres ou de leurs bulles viabilisées, que pour la régulation de leur consommation, le recyclage de leur atmosphère ou des liquides utilisés ou que le contrôle microbien constant dans tous les lieux de vie.
      4) Certaines activités typiquement martiennes, comme l’astronomie à l’aide de grands observatoires disposant d’une gravité planétaire faible, d’un ciel le plus souvent clair, de températures relativement prévisibles et avec peu de perturbations, et d’une accessibilité relativement bonne pour le service et le dépannage, sont génératrices d’énormément de données. Les satellites-observatoires actuels les décharges constamment sur Terre par dizaines de téraoctets.
      5) Accepteriez-vous en tant que Terrien que toutes vos bases de données soient stockées sur Mars ? Probablement pas et vous auriez raison.
      6) Les Terriens auraient tout intérêt à sauvegarder leur mémoire ailleurs que sur Terre (en même temps que sur Terre) d’autant que les supports matériels de cette mémoire seront de plus en plus limités par rapport à leur production intellectuelle. Un soucis de précaution contre le risque de destruction en plus d’un soucis de sauvegarde de leur environnement devrait donc les pousser à recourir à construire des datacenters sur Mars. Ils devraient payer pour cela.
      Je ne dis pas que les Martiens auront besoin de toutes les données stockées et en cours d’échange sur Terre ; je suis moi-même partisan de « l’alternative » mentionnée dans mon article mais je crains que les volumes de serveurs nécessaires ne soient néanmoins très importants à l’échelle des bases viabilisées que l’on entend établir sur Mars.

      1. A propos de: “Certaines activités TYPIQUEMENT martiennes, comme l’astronomie à l’aide de grands observatoires disposant d’une gravité planétaire faible, d’un ciel le plus souvent clair, de températures relativement prévisibles et avec peu de perturbations, et d’une accessibilité relativement bonne pour le service et le dépannage”. A mon avis, ce genre d’activité serait beaucoup plus encore TYPIQUEMENT lunaire, sur la face cachées de notre satellite naturel; sauf pour ce qui est des températures (mais on peut s’en protéger), tous les avantages martiens évoqués (ciel dégagé, gravité, accessibilité) sont encore plus marqués sur la Lune.

        1. Pourquoi pas la Lune en effet et je dirais “également”. La localisation de Mars donnerait un avantage pour la triangulation du fait du plus grand éloignement de cette planète de la Terre.

  2. Attention aux prédictions concernant les “besoins d’ordinateurs” !

    “I think there is a world market for maybe five computers.”
    Thomas Watson, president of IBM, 1943

    At the dawn of the computer industry, nobody really knew where this new technology would take us. But the explosion of desktop computing that put a PC in nearly every American home within 50 years seems to have eluded the imagination of most mid-century futurists.
    After all, when IBM’s Thomas Watson said “computer,” he meant “vacuum-tube-powered adding machine that’s as big as a house.” It’s fair to say that few people ever wanted one of those, regardless of the size of their desk.

    (IBM did stay in the business, of course. For details, see our retrospective, “The IBM Personal Computer’s 25th Anniversary.”)

    1. Il faut certes se méfier des prédictions mais bien qu’on ne puisse prévoir l’avenir avec certitude (c’est une évidence) il faut quand même anticiper ce qu’il pourrait être, autrement aucune prévision ne serait possible ! Ce qu’on peut dire aujourd’hui sans aucun risque se tromper, c’est que l’ordinateur a de belles perspectives devant lui. Je vois mal que l’on continue à couper des forêts entières pour servir de support à l’information et qu’on continue à faire circuler le papier-support par avions ou bateaux entiers alors qu’on peut envoyer instantanément partout dans le monde des messages par les ondes. Pour les communications entre la Terre et Mars, il est inimaginable que l’on n’ait pas recours à l’informatique.
      La seule question qui se pose est donc celle des possibilités de progrès dans les systèmes de stockage et de transmissions. J’espère qu’on arrivera encore à compresser l’info et alléger les systèmes de transmission.

  3. Ce problème vient largement après tous ceux qui contribuent à la survie des futurs colons qui sont loin d’être arrivés. Nos smartphones contiendront d’ici peu plus d’un TB et leur puissance de calcul est largement suffisante pour le travail des futurs Martiens. Nul besoin de télécharger tous les exa bytes de rubbish des GAFA, quelques PB embarqués suffiront . En admettant que cette colonie fiction puisse prendre racine (si j’ose dire) elle sera dépendante de l’approvisionnement continuel de la Terre pendant au moins plusieurs générations, ce qui doit faire prendre conscience que ce sont pas que des adultes qui devront y habiter, mais des enfants.
    Le problème des naissances sur Mars n’a jamais été évoqué !

    1. Faux, Monsieur Giot. Sur les naissances, lisez mon article du 5 juillet 2018 : “Naître et vieillir sur Mars”.

  4. Et vous prévoyez combien de temps pour amener tout le barda nécessaire, centrale atomique comprise ? Et éventuellement la main d’oeuvre pour le montage, parce que les martiens ne seront pas très productifs pendant la phase de construction.
    Quand au “retour sur investissement”, vous devriez essayer de chiffrer un peu vos visions, ça nous éclairerait. Si possible en tenant compte du fait que, comme toute colonie dans la vision capitaliste qui est la vôtre, mars n’appartiendra pas plus au martiens, que l’Afrique aux africains.

    1. Merci Monsieur pour votre aimable commentaire !
      Il est certain que ce n’est pas demain que l’on installera une centrale nucléaire de plusieurs centaines de MW sur Mars ! Mais on peut commencer par importer de petits réacteurs du type KRUSTY (pour quelques petites dizaines de personnes) sur lesquels a travaillé la NASA et qui sont très prometteurs (voir mon article à ce sujet).
      Ensuite il faut voir l’installation de l’homme sur Mars comme un processus et que ce processus prendra du temps. On ne va pas créer ex-nihilo une ville martienne de 1000 habitants (ou a fortiori plus) et on ne va pas non plus consacrer toutes les masses d’une mission habitée à la construction d’infrastructures inutiles par rapport aux nombres de personnes pouvant vivre et produire sur Mars.
      D’ailleurs, puisque vous abordez le sujet, la leçon du capitalisme par rapport à l’étatisme est que le premier est toujours réaliste alors que le second l’est rarement car il n’est pas soumis aux mêmes contraintes : un capitaliste n’engage que ce qu’il peut assumer, que ce qu’il a « les moyens » de faire. Il investit et parfois il gagne ou parfois il perd son investissement, c’est-à-dire qu’il en retire un profit ou qu’il subit une perte. C’est l’espoir du gain (proportionnel au risque), pour disposer de plus de capital ou au moins pour couvrir ses pertes, qui justifie l’investissement. C’est pour cela que le capitaliste demande une rémunération sur les sommes investies et que les sommes engagées par un capitaliste sont toujours proportionnelles aux pertes qu’il peut assumer. Sinon, évidemment, il s’arrête puisqu’il n’a pas les moyens de continuer ou parce qu’il n’obtient pas suffisamment de retour pour prendre à nouveau un risque.
      C’est pour cela que si l’on applique le modèle capitaliste, l’installation de l’homme sur Mars sera progressive et qu’on recherchera à tout moment à en retirer un profit pour pouvoir continuer, ce qui n’exclut pas d’envisager ce profit sur le long terme (le maximum que l’on puisse accepter se situant à un horizon de trente ans). NB : le différé de retour sur investissement à un prix (taux d’intérêt plus élevé).
      Si on considère la première phase, l’envoi de missions habitées se terminant au bout de 30 mois par un retour sur Terre, on peut dès maintenant l’envisager sur fonds privés (disons quelques dizaines de milliards à dépenser sur une quinzaine d’années). Il faudra construire à partir de là, petit à petit, les infrastructures nécessaires au séjour de plus en plus de personnes qui, éventuellement, resteront sur Mars.
      Quand à votre considération sur « Mars aux Martiens » je n’en vois pas l’intérêt. Disons que l’investissement sur Mars profitera aux personnes qui auront pris du risque sur Mars (c’est-à-dire qui y auront investi) mais ces personnes pourront aussi bien vivre sur Mars que sur la Terre…ou changer de domicile. Maintenant pour ceux qui n’auront pas investi mais qui seront parti comme salariés, ne vous inquiétez pas ils seront très bien payés (on ne va forcer personne à partir sur Mars!).

  5. Et bien, voici encore un sujet qui provoque des réactions !

    J’avoue que mon premier commentaire était une réaction à chaud et un peu à l’emporte pièce. Bien sûr que les martiens auront besoin de systèmes informatiques performants. Les futures colonies martiennes seront des lieux de très haute technologie, fortement, voir complètement, informatisés et automatisés.

    Cela dit, nous ne pouvons pas prévoir les évolutions ou sauts technologiques que l’informatique aura fait d’ici à une vingtaine d’année. L’IA aura peut-être “explosée” et tous nos PC “personal computers” seront remplacés par de PIA “Personal Intelligent Assistants”. Nous auront peut-être enfin trouvé un moyen de factoriser la connaissance en la stockant sous forme de concepts et d’interactions plutôt que de mots et de schémas. Si ces deux conditions sont réunies, la programmation ne sera alors plus une tâche assignée aux humains mais à des IA spécialisées. Les meilleurs informaticiens ne feront plus que de la spécification ou de la recherche informatique pure.

    Je noterais un derniers point qui découle de ma ressenti face au fonctionnement de la société humaine et de l’économie terrestre :
    En tant que colon martien, j’aurais une méfiance viscérale envers la Terre. Je ne me fierais ni à sa bienveillance sur le long terme ni à l’équité des échanges commerciaux entre la Terre et Mars.
    Mon premier objectif serait donc d’assurer l’autonomie complète de Mars quitte à partiellement sacrifier le confort et les loisirs des premières générations de colons. L’objectif étant de ne pouvoir être pris en otage d’un éventuel embargo sur tel ou tel autre approvisionnement vital en cas de désaccord politique avec la planète mère.

    1. Je n’aurais pas non plus confiance en la Terre. J’imagine bien que lors d’un retournement politique dont nous avons l’habitude, un gouvernement important dans la relation Terre/Mars, décide que “son peuple” n’a rien à faire d’une implantation martienne et invite les quelques résidents, forcément ruineux pour les finances publiques (même s’ils ne le sont pas en réalité), à retourner sur Terre par leurs propres moyens…Ceci dit, acquérir l’autonomie sera difficile et coûteux en travail, en énergie, en financement et cela prendra du temps.

  6. La photo démoralisante du centre de données de Facebook en Suède est trompeuse. Je ne crois pas que ce soit précisément là que se trouve concentré l’authentique « savoir » de l’humanité…
    En effet ce dernier tient certainement dans quelques centaines d’exaoctets (Eo).
    De plusI, on a déjà la preuve expérimentale que l’on peut stocker de l’information artificielle sous forme d’ADN. Les capacités sont renversantes : entre 455 et 2’250 Eo par gramme d’ADN. On est déjà parvenu à stocker 2,2 Po par gramme d’ADN.
    On emportera donc sur Mars une clef USB de ce genre avec tout le savoir actuel cumulé de l’humanité. Les transmissions avec décalage temporel suffiront pour des mises à jour périodiques.

    1. Merci Monsieur de Reyff pour cette intéressante ouverture. Je veux bien espérer avec vous que nous parviendrons à concentrer l’information dans de L’ADN artificielle. Il faudrait savoir à quel horizon de temps on peut l’envisager et si les moyens pour mettre en oeuvre pratiquement ce nouveau mode de stockage ne seront pas trop difficiles à rassembler.
      Pour l’instant les volumes restent énormes et les masse/volume des datacenters restent impressionnantes.J’ai choisi une photo du datacenter de Facebook pour illustrer mon article mais j’aurais pu aussi bien choisir celle d’un datacenter de Google, tout aussi important.
      Par ailleurs je comprends votre remarque selon laquelle on pourrait ne prendre avec soi que la quintessence de la connaissance. Je partage évidemment cette position.Cependant faire le (bon) choix pose quand même une difficulté et puis ce qui est considéré comme “junk” aujourd’hui (par analogie avec le junk DNA) pourrait s’avérer utile demain selon d’autres critères. Ainsi énormément d’informations sociétales du lointain passé étaient dédaignées par les historiens contemporains et nous ne les retrouvons que par bribes ou indirectement aujourd’hui.

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