TESS va détecter par la méthode des transits les petites planètes de nos voisines stellaires

Entre le 16 avril et fin juin 2018, la NASA doit lancer le satellite TESS (« Transit Exoplanet Survey Satellite ») portant un assemblage de quatre télescopes pour détecter un maximum d’exoplanètes de type terrestre dans le « voisinage » de notre système solaire. L’objectif est de contribuer à améliorer nos connaissances sur une fraction de l’étrange bestiaire planétaire qui nous entoure.

PS: TESS a été lancé le 18/04/18. Il est toujours en activité (extension de 2020 à 2022).

La mission TESS a été conçue par le « Kavli Institute for Astrophysics and Space Research » du MIT avec pour « Principal Investigator » le Dr. George Ricker, astrophysicien. Ses partenaires sont un consortium américain constitué par le Goddard Space Flight Center de la NASA, le Lincoln Laboratory du MIT (centre de recherche du Département fédéral de la Défense), Orbital ATK (spécialiste de la construction de satellites), l’Ames Research Center de la NASA, le Harvard Smithsonian Center for Astrophysics, and le Space Telescope Science Institute (STScI) qui dirigera la recherche faite avec le futur James Webb Space Telescope (« JWST »), successeur de Hubble (et qui lui intégrera la recherche de TESS). Le lancement sera effectué par Space X à partir de Cap Canaveral avec une fusée Falcon 9. La mission primaire durera deux ans (il pourra y avoir extension). L’investissement d’ensemble (hors lancement) est de 337 millions de dollars, ce qui est « modeste » (la mission est classée « SMEX » pour « Small Explorer Mission » c’est-à-dire mission scientifique à coût modéré). TESS est vu comme un successeur de Kepler (lancé en 2009 et maintenant dans l’extension de sa mission, “K2”, jusqu’en 2019), un précurseur du JWST (qui sera lancé l’an prochain) et un complément de WFIRST (qui pourrait être abandonné, à la demande du gouvernement américain).

Image ci-dessous (crédit NASA), insertion de TESS dans le programme d’exploration des exoplanètes:

La méthode utilisée sera, comme avec Kepler, celle de la « détection des transits » c’est-à-dire de la diminution de la luminosité de l’étoile du fait du passage devant elle (c’est-à-dire entre elle et nous) d’une planète (cela donne le diamètre de cette dernière si on combine les données d’occultation avec celles du déplacement radial et la fréquence des transits). Les cibles sont (1) dans une sphère de 300 années-lumière de rayon, les planètes telluriques orbitant quelques 15.000 étoiles sélectionnées sur un potentiel de 200.000, soit de type « naines orange » (classées « K » dans le diagramme de Hertzprung-Russel), soit de type « naines jaunes » jusqu’à la taille du Soleil (classées « G ») ; ainsi que (2) dans un rayon de 100 années-lumière, les planètes telluriques orbitant environ un millier d’étoiles de type naines rouges (classées « M »). L’observation couvrira 85% de la voûte céleste. On peut constater tout de suite une différence essentielle avec Kepler qui, comme un crayon lumineux, explore un tout petit secteur du ciel (0,28%) mais sur une beaucoup plus grande profondeur (3000 années-lumière). Kepler ne peut de ce fait distinguer le transit que d’une population de planètes assez hétérogène (du fait que plus on s’éloigne, plus les planètes doivent être grosses pour, de notre point de vue, avoir un effet perceptible sur la lumière de leur étoile). Kepler est aussi beaucoup plus limité dans sa sensibilité. TESS pourra « traiter » des étoiles beaucoup plus lumineuses (30 à 100 fois plus), gérant donc un différentiel de lumière beaucoup plus important entre la planète et l’étoile (il est moins difficile de noter l’effet d’une même planète sur la lumière d’une naine rouge que sur celle d’une naine jaune).

TESS collectera la lumière avec quatre télescopes, complété chacun par une caméra CCD avec des éléments optiques qui créeront ensemble un champs de vision de 24° par 24° (quatre images juxtaposées en carré). En cas d’intérêt particulier, elles pourront être focalisées sur une seule étoile. L’instrument visera pour chaque hémisphère une succession de 13 bandes de 24°, constituées chacune de 4 carrés de 24° par 24° et couvrant l’ensemble du ciel du pôle à l’écliptique (en fait un peu plus, 96°). Il restera en opération 27 jours sur chaque bande. Kepler est sur une orbite héliocentrique, il suit la Terre sur son orbite, en s’en éloignant lentement. TESS sera positionné sur une orbite terrestre stable, très excentrique (jusqu’à l’orbite lunaire). Cette orbite tout en maintenant le satellite à proximité de la Terre sur la durée, permettra de maximiser la quantité de ciel qu’il pourra imager sans interruption pendant le temps donné pour l’observation de chaque bande. Cela permettra aussi d’optimiser les conditions de températures et de radiations (en sortant des ceintures de Van Allen).

Image ci-dessous : plan d’opération de TESS (crédit NASA):

Vous remarquerez qu’il y aura chevauchement d’observations pour certaines régions du ciel (au fur et à mesure qu’on s’éloigne de l’écliptique et qu’on va vers les pôles).

Les détections de planète seront transmises aux observatoires terrestres pour examen avec d’autres méthodes pratiquées par ces observatoires, notamment celle des vitesses radiales permettant de connaître la masse des planètes. Elles seront aussi transmises au JWST lorsqu’il entrera en fonction dans un peu plus d’un an, pour l’analyse des atmosphères par spectroscopie. Le Dr. Ricker a très bien défini la mission de TESS. D’après ses propres termes, ce sera un « finder-scope » autant qu’un « télescope ».

L’intérêt de TESS sera de balayer l’ensemble de notre univers proche. Sa limitation viendra du fait qu’il n’utilisera que la méthode des transits. Cela ne permettra pas de voir les planètes des systèmes stellaires dont l’écliptique n’est pas orthogonal à notre visée ou avec un angle s’éloignant trop des 90°. Cela rendra aussi très aléatoire la détection de planètes en zone habitable d’étoiles de type solaire. En effet les planètes de ce type passent moins souvent devant leur étoile, environ une fois par an, car elles doivent en être éloignées d’environ une unité astronomique, comme la Terre, pour bénéficier d’une température permettant l’eau liquide. Par ailleurs, un transit doit être vérifié pour être certain qu’il résulte bien du passage d’une planète (pour Kepler trois transits sont requis) et aussi pour connaitre leur distance à l’étoile (durée de parcours de l’orbite pour un certain rapport de masses). On aura donc de la chance si on les observe passant devant leur étoile juste pendant la courte fenêtre des 27 jours d’observation (avec la réserve que certaines régions du ciel seront observées plus longtemps que d’autres, jusqu’à 351 jours aux pôles, comme expliqué ci-dessus, mais ce ne sera pas suffisant non plus). Et si on les aperçoit, il faudra attendre la fin de la mission primaire pour revenir fixer leur étoile pour essayer de constater d’autres transits de leur part. Les objectifs sur ce point sont d’ailleurs modestes. Les porteurs du projet espèrent observer 5000 transits et identifier 50 planètes de la taille de la Terre (et 500 inférieures à 2 fois la Terre*) sur un total de 20.000 exoplanètes dont 17.000 d’une taille supérieure à Neptune (pour mémoire, à ce jour Kepler a identifié 2342 exoplanètes et en considère 2245 de plus; l’ensemble des télescopes y compris Kepler, 3706). Il faut surtout s’attendre à trouver des planètes jouissant certes de la possibilité d’eau liquide en surface mais orbitant autour de petites étoiles de type naine rouge à une distance très courte les exposant à des forces de marée très forte (rotation synchrone à l’étoile ou « tidal lock ») et à des sursauts radiatifs très impropres au développement d’une forme de vie.

PS: Aucune “Terre” orbitant une étoile de type solaire n’a pu être observée pendant la mission primaire

*NB : au-delà de deux fois la Terre, la masse d’une planète rocheuse génère une pression interne, une chaleur et des réactions qui en changent la nature.

Tess apportera donc sa pierre à la connaissance et à la compréhension de notre environnement mais son lancement ne doit pas faire oublier que la réalisation de son complément WFIRST est aujourd’hui menacée. Rappelons que ce dernier, si son abandon n’est pas confirmé, recueillerait, en direct, le rayonnement infrarouge des planètes et permettrait de déceler beaucoup moins difficilement et avec leur spectre propre, les fameuses planètes de type terrestre orbitant des étoiles de type solaire dans leur zone d’habitabilité.

Image à la Une : vue d’artiste du satellite TESS, vous remarquerez les quatre télescopes. Crédit NASA.

lien vers le site de la NASA: http://nasa.gov/tess

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.

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