Me voici parvenu à mon centième article sur ce blog et je salue particulièrement ceux de mes lecteurs qui m’ont suivi depuis le début, tout en me réjouissant que de nombreux autres les aient rejoints ! Sur le thème du temps qui passe et dans une perspective d’essaimage en dehors de la Terre, je vais vous parler aujourd’hui de l’évolution de la vie et de ce que je pense être notre devoir en tant qu’êtres humains vis-à-vis de cette aventure.
Je pars du principe que, compte tenu des circonstances extraordinaires qui ont été nécessaires à son émergence sur Terre, la vie même la plus simple, de type procaryote (cellule vivante sans noyau), est probablement très rare dans l’univers. Je considère ensuite que les circonstances tout aussi extraordinaires qui ont conduit par endosymbiose à l’hybridation d’archées par des bactéries jusqu’aux eucaryotes (cellules vivantes avec noyau) puis, toujours par symbiose, à la vie multicellulaire et, très longtemps après, à l’apparition de l’homme, sont probablement extrêmement difficiles à reproduire. Nous sommes le résultat d’une histoire c’est-à-dire d’une succession d’événements dans des circonstances qui ne se sont jamais reproduites sur Terre, en partie parce que ces événements eux-mêmes ont modifié les circonstances. Enfin, une fois cette merveille qu’est l’homme avec sa conscience et sa capacité d’agir, formée par cette histoire, il a fallu beaucoup d’efforts et de volonté, d’échecs et de réussites, pour arriver jusqu’au niveau de capacités technologiques dont nous sommes aujourd’hui armés, pour être en mesure (et pouvoir envisager) de sortir de notre berceau. Pour résumer, « les choses ne vont pas de soi », la marche du progrès n’est pas inéluctable. On le voit bien d’ailleurs dans de multiples exemples historiques comme le retour des anciens Mayas dans la forêt ou le haut Moyen Age européen succédant à l’Empire romain. Il n’est « écrit » nulle part que nous irons un jour dans les étoiles ou que nous trouverons de la vie ailleurs que sur Terre, même sous la forme la plus primitive.
Lorsque l’on recherche les traces de vie les plus anciennes sur Terre, on trouve celles de microbialithes, en particulier des stromatolithes, non les fossiles des microbes eux-mêmes mais ce qu’ils ont créés par leurs rejets métaboliques comme aujourd’hui le font, d’une autre manière, les coraux. Cette expression de la vie qui dominait le monde il y a plus de 3 milliards d’années est devenue une curiosité biologique extrêmement rare aujourd’hui. Dans un nombre d’années indéterminé c’est peut-être tout ce qu’il restera de nous après quelque épidémie, guerre, dégénérescence, chute d’astéroïde ou les quatre à la fois. Il y a tellement eu d’extinctions massives dans notre histoire biologique ! Pourquoi sortirions-nous indemne de la prochaine, d’autant que ce sont toujours les êtres vivants dominants qui souffrent le plus ? Seules des concentrations de minéraux ou de métaux pourront témoigner de notre présence ici aujourd’hui. Tout ce qui fait notre chair et nos os aura totalement disparu mais encore plus grave, l’expression même de notre histoire et de notre pensée, tout ce que nous aurons créé de beau par la force de notre esprit se sera perdu, dissous par les interactions de la matière et le passage du temps.
A moins que !
A moins que nous entreprenions dès aujourd’hui ce que nous avons la possibilité d’entreprendre, planter sur un autre astre la bouture de la quintessence de notre évolution terrestre. Le substrat ne peut être que Mars, parce que c’est sur Mars que nous pouvons aller aujourd’hui et trouver les conditions les moins hostiles à notre redéploiement. Ce ne sera pas facile et ce sera long car le milieu est indéniablement très hostile mais notre niveau technologique nous permet de le considérer sérieusement. On commencera par une exploration, par des repérages (gisements de glace d’eau, de minerais). On continuera par la construction d’infrastructures pour l’extraction des matières, pour leur transport, puis par la transformation des matières, la construction d’habitats, leur viabilisation de plus en plus sure, le contrôle de plus en plus poussé de leur microbiome, la production de nourriture, la production d’outils et d’objets pour le travail et pour la vie. Au début, il y aura de petites équipes restant sur place le temps d’une révolution des planètes autour du soleil (les fameux 26* mois nécessaires au repositionnement de Mars par rapport à la Terre), puis deux révolutions et plus. Il y aura des échecs, des reculs puis des reprises et des avancées. Enfin, un jour, des enfants naîtront sur Mars, y seront éduqués et la vie y fleurira comme jamais.
*en fait environ 18 mois sur place, 6 mois de voyage aller et 6 mois de voyage retour, compte tenu des vitesses relatives des planètes sur leur orbite.
Mars n’est pas bien loin de la Terre au regard des distances spatiales. Que sont 56 à 400 millions de km par rapport aux 4,4 à 7,4 milliards de km qui nous séparent de Pluton, aux 43 mille milliards de km de Proxima Centauri ou aux 400 mille milliards de km de Trappist-1 ?! Certes, catastrophe « majeure », une étoile géante rouge voisine comme Antarès explosant en supernova pourrait nous anéantir tout aussi bien sur Mars ou dans le système d’Alpha Centauri (étoile plus grosse que Proxima et donc plus « convenable » comme soleil de substitution). Nous ne serons jamais vraiment « à l’abri ». Mais enfin, si nous n’entreprenons pas aujourd’hui de sortir de notre berceau et de diversifier nos atouts pour survivre en tant qu’espèce, quand le ferons-nous ? Comment pourrions-nous aller un jour encore plus loin? Attendrons-nous pour nous décider la catastrophe « moyenne » survenant sur notre unique monde, fragile « point bleu », toujours possible ?! Il ne sera plus temps ! La réponse positive en faveur de Mars s’impose donc, maintenant. Soyons à la hauteur de notre responsabilité vis-à-vis des générations passées qui nous ont élevés jusqu’à nous mettre « en situation », et vis-à-vis des générations futures dont nous sommes le passage obligé. C’est vous qui décidez.
Image à la Une : Stromatolithes dans la région de Pilbara (Shark Bay), Ouest de l’Australie; très rares vestiges encore actifs d’une époque biologique depuis longtemps disparue.
Image ci-dessous : possibles restes de stromatolithes martiens (la structure de cercles concentriques à droite de la photo, Cratère Gusev, mission Spirit, sol 105). Crédit NASA.
Image ci-dessous : possibles stromatolithes fossiles (3,77 milliards d’années) découverts au Groenland. Allen P. Nutman et al. in Nature n°537, 22 Sept. 2016, doi :10.1038/nature19355
La première étape consistera probablement à construire une “banlieue” satellite de la Terre de manière à éviter les conséquences fâcheuses de chutes d’astéroïdes . Il faudra stoker les matériaux de base servant à la production de tout ce permet à l’homme de vivre, l’énergie solaire étant bien sur plus disponible qu’au niveau de la mer. Cette plate forme deviendra le point de départ de toute aventure inter planétaire, mais nous ne savons pas encore quelle destination lointaine représentera l’étape suivante. Mars ne constitue pas de mon point de vue un point de chute permanent , tout juste une escapade touristique.
Je ne pense pas que la construction d’une plateforme dans la banlieue de la Terre puisse être la première étape d’un établissement de l’homme hors de son berceau. En effet, la première difficulté du voyage spatial est la nécessité de s’arracher à la gravité terrestre. C’est ce qui consomme 95% de l’énergie d’un voyage vers Mars ou vers la Lune ou 99% de celui nécessaire à atteindre l’ISS. Ensuite, si on s’affranchit de la gravité terrestre et qu’on reste dans l’espace, on n’aura rien accompli en matière de construction. Il n’y a par définition aucune matière disponible dans le vide spatial ; il n’y a que de l’énergie (solaire). Au contraire, sur Mars, on aura toutes les matières nécessaires (c’est ce qu’on appelle l’ISRU, « In Situ Resources Utilization »). Il « suffit » donc d’y amener des hommes et quelques machines. Sans compter qu’il est beaucoup plus difficile de travailler en micropesanteur qu’en surface d’une planète générant un minimum de gravité (sur Mars 0,38g) et que dans l’espace on ne dispose d’aucune protection contre les radiations.
Je ne dis pas qu’un jour l’homme ne construira pas « quelque chose » dans l’espace. Je crois au beau rêve des « iles de l’espace » de Hermann Oberth et de Gerard O’Neill. Mais ce sera pour plus tard, lorsque nous serons déjà établis hors de la Terre et que nous n’aurons pas besoin d’arracher de la matière terrestre à notre puits de gravité très profond (et fort cher). Peut-être à partir des astéroïdes ou de la Lune, ou encore de Mars.
Félicitations pour ce centième billet !
Merci pour l’intérêt et la qualité de vos articles. Nous, humains, sommes sur le seuil de nouveaux départs, hors de notre planète et également sur celle-ci. Les thèmes que vous développez sont dans la ligne des questionnements et réflexions qu’il est urgent d’approfondir.
Longue continuation !
Dans ce centième article et dans beaucoup de précédents, on voit que l’univers s’est constitué, non par hasard, mais en une montée par étapes (réfléchies ?) vers l’apparition, puis le développement de la vie, jusqu’à l’homme.
Cette vie, telle que nous la connaissons, peut-être considérée comme un évènement extrêmement rare, voire improbable dans l’évolution de l’univers.
La tendance naturelle de l’univers va vers l’entropie, soit l’usure, la dégradation et le chaos ; pourtant, on constate plutôt un enrichissement, une plus grande complexité, par transmission d’informations, non hasardeuses, surtout dans le domaine du vivant. Cet enrichissement aboutit à l’Homme, conscient, et libre de poursuivre ou non, l’intention créatrice initiale.
Une Création intentionnelle ? La confrontation au réel ne le contredit pas…