Outre l’eau et l’atmosphère, Mars dispose des mêmes matières premières que la Terre

Mars a été formée dans la même région du système solaire que la Terre, à partir des mêmes gaz et des mêmes poussières contenant les mêmes éléments chimiques qui devinrent les mêmes roches. Les deux planètes se sont accrétées de la même manière, l’essentiel du fer et des métaux sidérophiles migrant jusqu’au centre de la sphère pour y former un noyau, les roches plus légères (silicates) surnageant dans le manteau et se refroidissant en croûte. Cette croûte fut ensuite, au cours du Grand Bombardement Tardif (LHB), inondée par les averses cométaires venues d’au-delà de la limite des glaces, ces astres apportant également avec eux les métaux plus ou moins lourds qui vinrent se ficher dans la croûte, et des gaz (notamment CO2) pour enrichir en éléments légers l’atmosphère formée dès le début par dégazage interne. Sous cette atmosphère relativement épaisse (plusieurs dizaines de millibars), la température a été suffisamment chaude à cause de la proximité du soleil et de la chaleur interne de la planète (accrétion et désintégration des métaux radioactifs), pour que l’eau soit liquide et hydrate les roches pendant des dizaines de millions d’années tandis que la différence de température entre le manteau et l’extérieur de la croûte provoque un volcanisme intense rejetant périodiquement des quantités énormes de matières transformées par la pression et de gaz, notamment du soufre. Les ruissellements et ce volcanisme ont dû provoquer comme sur Terre les mêmes concentrations de minerais.

On trouvera donc sur Mars toutes les matières premières nécessaires à une industrie locale sauf (1) le charbon et le pétrole, puisqu’il semble bien que la vie, même si elle a pu émerger, n’a pas connu le développement luxuriant qu’elle a connu sur Terre ; (2) le calcaire, car il semble que les océans martiens n’aient pas été suffisamment liquides et pérennes pour que leur eau absorbe le CO2 de l’atmosphère et que son carbone précipite en masse en carbonate de calcium. Est-ce grave ? Pas vraiment. On pourra contourner la difficulté.

Mais avant tout, l’homme sur Mars devra disposer d’énergie. Les sources locales existent et leur développement devra être une priorité. Il n’y aura pas de dépôts carbonés fossiles à brûler, ni d’hydroélectricité, ni d’éolienne (l’atmosphère est trop peu dense malgré le vent) mais il y aura de l’énergie solaire, de l’énergie nucléaire, des piles à combustibles au méthanol et de l’énergie géothermique. Cela devrait suffire. L’énergie solaire fonctionnera tous les jours sauf quand il y aura des tempêtes de poussière, car autrement le ciel est clair et l’irradiance, bien que moitié de celle de la Terre, n’est quand même pas négligeable (entre 492 et 715 W/m2). Pour l’énergie nucléaire, on trouvera les minerais de métaux radioactifs. Pour les piles à combustible, on obtiendra facilement le méthane à partir du gaz carbonique de l’atmosphère et de l’hydrogène de la glace d’eau. Pour l’énergie géothermique, on creusera des puits profonds et on exploitera le différentiel de chaleur existant entre la surface et le sous-sol. Cette énergie sera le levier qui permettra de créer un monde nouveau à l’image de la Terre, une seconde Terre.

On pourra fertiliser la terre stérile de Mars avec les ressources martiennes. On trouvera de l’azote dans l’atmosphère (2%) pour, avec du méthane (provenant du CO2 et de l’hydrogène de l’eau), faire de l’ammoniac et à partir de l’ammoniac, un grand nombre de fertilisants : des nitrates, de l’urée, des engrais azotés. En ajoutant du phosphore et du soufre martiens aux ions ammonium, on obtiendra du phosphate d’ammonium et des superphosphates. Une fois le processus de culture amorcé, la nitrification du sol sera aussi l’œuvre des plantes, en symbiose avec des bactéries capables de fixer l’azote. Et ne vous inquiétez pas pour les bactéries, c’est ce qui sera le moins difficile à importer de la Terre. Evidemment la terre ne pourra pas être cultivée à l’air libre. Comme toutes les autres formes de vie, les cultures devront être protégées sous des dômes construits par l’homme. Mais ne vous inquiétez pas davantage, ces dômes seront de plus en plus vastes, de plus en plus transparents et de plus en plus beaux.

En mouillant et en séchant le sol martien, riche en sels (sulfates de magnésium, chlorure de sodium) et en argiles, on fera du « duricrete », matériau de résistance analogue au béton mais plus susceptible de fracture, défaut qui pourra être corrigé en ajoutant des fibres dans le mélange.

On n’en restera pas à ces matériaux, importants pour la construction, les tarmacs des astroports ou les routes mais lourds et peu maniables. Avec l’hydrogène et le carbone du monoxyde de carbone (notez bien qu’ils sont absents de la Lune), on obtiendra de l’éthylène, base de la production de presque tous les plastiques, polyéthylène, polypropylène, polycarbonate, résines de polyester, et au-delà de toutes sortes de matériaux de construction, de tissus, lubrifiants, isolants, outils divers, emballages, récipients.

Avec l’argile (absent de la Lune) on fera de la céramique, avec la silice, du verre, avec les métaux, notamment le fer (abondant), le cuivre, l’aluminium, tous les produits métalliques que vous pouvez imaginer et tous les alliages dont on peut rêver.

Il ne reste plus qu’à vouloir et à faire !

Image à la Une: Une mine de cuivre au Chili…ou sur Mars?

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.