Breakthrough Starshot une organisation d’aujourd’hui pour relever le défi du futur

Breakthrough Starshot me semble être, un peu comme MELiSSA, un modèle de ce que devrait être toute entreprise de recherche à notre époque.  Elle rassemble en son cœur une équipe de spécialistes reconnus ; elle définit clairement et ouvertement son projet et sollicite toutes contributions sur les points précis qui lui semblent poser problème ; elle s’adresse au monde entier ; elle est largement informelle ; elle soigne sa communication.

Les membres du « Board » et du « Management & Advisory Committee » sont pour la plupart des personnalités connues et incontestables, surtout des Américains mais pas seulement. Au « Board », Youri Milner et Marc Zuckerberg sont deux hommes d’affaires qui ont réussi, Stephen Hawking est un des grands astrophysiciens de notre époque et un passionné de l’exploration spatiale. Les 26 membres du « Management & Advisory Committee » sont presque tous des scientifiques de premier plan dans les domaines concernés par le projet. On remarque le Chairman Avi Loeb, astronome de Harvard; le Directeur exécutif, Pete Worden, ancien directeur du Centre de Recherche Ames de la NASA, le mathématicien Freeman Dyson (les sphères de Dyson), les prix Nobel, Saul Perlmutter (astronome) et Steven Chu (physicien), l’astronome royal britannique, Martin Rees, le président de Microwave Sciences, Jim Benford. A côté de ce « Committee », l’équipe de 13 “postdocs” et d’étudiants de Harvard, de tous niveaux (même un undergraduate, Henry Lin, lauréat de l’« Intel young scientist award » !) mais forcément brillants, prépare l’avenir. Compte tenu de la durée de sa mise au point et de sa réalisation, on se trouve en présence d’un projet multigénérationnel et tous ces jeunes seront motivés mais aussi formés au contact de leurs anciens pour aller jusqu’à la réalisation (sans compter qu’ils développent des connaissances propres qu’ils pourront appliquer en fonction des besoins). L’aspect communication est aussi soigné comme le montre la présence de Marc Zuckerberg, celle de Stephen Hawking, celle d’Ann Druyan, productrice du film « Contact » (d’après le roman de Carl Sagan) ou celle de deux prix Nobel ou encore du président de la Planetary Society, Lou Friedman.

L’aspect le plus original du projet est qu’il est totalement coopératif. Il est présenté sur un site Internet accessible à tous, aussi bien pour préciser son objectif et son sens que pour poser les problèmes qui doivent être résolus. Toutes les sources sont citées ; la communauté des personnes intéressées et capables d’apporter des solutions est sollicitée pour les soumettre ; si elles sont trouvées pertinentes, le Management & Advisory Committee les publiera et y joindra ses commentaires. Les avancées seront publiées en ligne sur le site ; un dialogue peut ainsi s’engager avec le monde entier pour faire progresser le projet.

Alors, cher lecteur, si vous avez des compétences utiles dans cette perspective, allez sur le site, réfléchissez aux problèmes, soumettez vos idées. Pour vous inciter à le faire, voici quelques-uns des sujets que l’équipe scientifique de Breakthrough Starshot considère comme importants et améliorables (outre ceux déjà vus de l’énergie nécessaire à la propulsion et de la puissance de l’accélération) :

L’approvisionnement en énergie : pour le fonctionnement du vaisseau après impulsion, il faut trouver la ressource la plus compacte possible, produisant le maximum d’énergie sur 20 ans, et aussi modulable que possible (pour l’économiser et disposer d’une puissance variable correspondant à des besoins différents selon l’avancement du voyage). La solution se trouve d’une part dans un matériau radioactif et dans la maniabilité du dispositif qui permettra de stocker l’énergie de ce matériau et de la relâcher lorsque le besoin surviendra; d’autre part dans l’utilisation par la voile de l’énergie de l’étoile voisine (revêtement photovoltaïque de la voile sur sa face orientée en direction du déplacement), et enfin dans l’utilisation possible de l’échauffement générée par l’interaction entre la voile et le milieu interstellaire.

La miniaturisation des instruments d’observation : toute avancée dans la miniaturisation sera la bienvenue mais aussi dans l’adaptation des appareils à la vitesse du vaisseau spatial. Il traversera le système d’Alpha Centauris à la vitesse de 216 millions de km/h et il faudra que les appareils suivent la cible dont ils doivent collecter les données (problème de pointage et de focus).

L’orientation des voiles vers les lasers : Le problème se pose à deux moments : (1) lors du largage des vaisseaux en orbite haute terrestre afin que les voiles soient parfaitement ouvertes vers les lasers et (2) pour maintenir l’orientation lors de la phase d’impulsion qui en dix minutes donnera une accélération de 0 à 216 millions de km/h. Le problème apparenté est celui de l’envoi de l’information sur la trajectoire du vaisseau vers la Terre lorsqu’il se trouvera à environ une Unité Astronomique de la Terre et du renvoi quasi immédiat d’un correctif de trajectoire si nécessaire.

La protection des équipements contre les agressions du milieu interstellaire, notamment du fait de la vitesse de déplacement des vaisseaux. Il s’agit de trouver le bouclier le plus efficace tout en étant le plus léger. Le bronze au béryllium est proposé mais sa masse est élevée.

A noter que tout développement positif de la propulsion photonique par lasers pourra être utilisé pour les transports urgents et de très faible masse sur des distances plus courtes, par exemple entre la Terre et Mars (et réciproquement). Il est évident que tout accroissement de masse réduira la vitesse et qu’il faudra aussi mettre au point un dispositif de freinage (autre laser au point d’arrivée?) pour permettre la capture par la planète, sous cette réserve on peut imaginer le transport en urgence de quelques molécules extrêmement précieuses c’est-à-dire non fabricables localement (par exemple un médicament ou un circuit intégré).

Image à la Une (crédit NASA): du Soleil à Alpha Centauri, le premier voyage de Breakthrough Starshot. L’échelle des distances est logarithmique.

Liens:

Leaders : https://breakthroughinitiatives.org/Leaders/3

Recherche : https://breakthroughinitiatives.org/Research/3

Soumettez vos idées: https://breakthroughinitiatives.org/Challenges/3

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.