Oïkosmos clef de voûte de MELiSSA

Le programme Oïkosmos est mené à l’UniL par Théodore Besson, doctorant, sous la direction du Professeur Suren Erkman, au sein de son groupe Ecologie industrielle (Institut des dynamiques de la surface terrestre, Faculté des Géosciences et de l’Environnement). Théodore va défendre sa thèse sur le sujet en Octobre.

Le principe d’Oïkosmos est de déterminer et de faire progresser / évoluer un agenda de recherches micro-écologiques ayant pour objectifs la préparation d’un habitat spatial autonome opérationnel mais aussi, en parallèle, l’exploitation systématique des résultats pour une meilleure gestion de notre environnement terrestre. Ces recherches devront être menées / testées sur Terre dans un démonstrateur technologique, un « ECA » (pour « Ecosystème Clos Artificiel », ou « ACE » en Anglais), qui simulera les contraintes des habitats spatiaux.

Pour être efficace et coller aux exigences de la réalité visée (vie humaine dans une bulle autonome, dans l’espace ou sur une autre planète), l’approche doit être synergétique et systémique. Elle devra regrouper tous les programmes scientifiques et technologiques évoluant à la frontière des domaines de recherche concernés. Il s’agit d’abord de l’écologie industrielle (gestion durable des ressources, bio-monitoring de la boucle matières organiques, éco-toxicologie, valorisation du gaz carbonique, bio-raffinage). Il s’agit ensuite de la biologie des systèmes (sciences biologiques dites « omiques » : bio-monitoring de la santé, génomique, protéomique –protéines-, métabolomique –métabolisme-, nutrigénomique –nutrition-, science des outils microbiens). Il s’agit enfin des technologies de l’information et de la communication (interactions homme/machine, technologies embarquées, objets connectés, systèmes de contrôle intelligent, télémédecine). La combinaison de ces domaines de recherche est cruciale pour parvenir à fournir le monitoring quasiment en temps réel (si le centre intelligent et réactif se trouve dans l’habitat Martien !), la régulation fine et le contrôle des processus de santé des organismes vivants et des conditions environnementales dans un habitat clos.

On voit bien ainsi qu’Oïkosmos sera la mise en situation des recherches MELiSSA (suite logique des travaux menée jusqu’à présent) et le moyen d’étudier toutes leurs interactions. Pour les applications terrestres, on voit bien également qu’elles viseront la « soutenabilité » écologique des activités terrestres (dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles), la lutte contre la diffusion des polluants dans les écosystèmes naturels ou encore l’impact environnemental de la construction.

L’ECA dont MELiSSA a besoin pourrait être une version actualisée du projet FIPES (« Facility for Integrated Planetary Simulations ») étudié en 2006 par le Liquifer System Group (« LGS », Vienne) à la demande de l’ESA/ESTEC. Ce FIPES pourrait être implanté à l’UniL. Il testerait, avec des équipages humains, les technologies MELiSSA au fur et à mesure de leur évolution. Il constituerait un outil beaucoup plus sérieux que l’expérience « Mars 500 » dont les media ont beaucoup parlé. En effet Mars-500 ne pouvait tester que les conséquences psychologiques d’une vie en commun en espace clos sur une longue période. Or la véritable difficulté d’une mission habitée dans l’espace profond, ou plutôt la difficulté première, n’est pas là. Elle réside, d’abord, dans la possibilité pour l’équipage de préserver ses fonctions vitales et ses fonctions opérationnels physiques, pendant le voyage et une fois arrivé à destination. Il s’agit de permettre à l’équipage de survivre sans aucun apport matériel extérieur pendant une longue période (mission sur Mars : deux fois six mois de voyage encadrant un séjour de 18 mois en surface d’une planète stérile) compte tenu du fait que les possibilités d’emport de matières sont, avec les technologies actuelles, extrêmement limitées. Rappelons qu’on ne peut prendre à bord en orbite basse terrestre que 130 tonnes, ne déposer sur Mars qu’une vingtaine de tonnes à la fois et qu’il est irréaliste (coût) d’envisager des missions comprenant de trop nombreux lancements (plutôt deux ou trois lancements par fenêtre de tirs, espacées de 26 mois).

Après cette courte présentation, que j’espère objective et exacte d’Oïkosmos, j’insiste pour dire que ces recherches ne doivent pas être utilisées comme alibi pour reculer l’envoi d’équipages humains dans l’espace profond jusqu’à ce qu’on soit parvenu à faire fonctionner un système MELiSSA parfait, c’est à dire assurant une autonomie complète. Je pense au contraire que nous devrions entreprendre ces vols dès à présent (c’est d’ailleurs l’intention d’Elon Musk) avec des systèmes de support vie (« ECLSS ») hybrides : autant régénératifs que possibles mais également artificiels dans la mesure où le régénératif n’est pas encore suffisamment capable ou fiable. La première conséquence de l’imperfection actuelle de MELiSSA ce sera le fait que nous devrons embarquer plus (mais de moins en moins) de « produits » (agents « nettoyants » d’une part, réserves d’eau, d’oxygène et nourriture d’autre part) et de dispositifs physiques (émetteurs d’UV par exemple) nécessaires au rétablissement des équilibres écologiques déstabilisés. La seconde conséquence c’est (comme déjà dit) qu’il est trop tôt pour envisager des vols plus longs que ceux qui sont nécessaires pour atteindre et revenir de Mars (mais la surface planétaire de Mars doit nous permettre de nous organiser pour y séjourner les 18 mois requis par la mécanique céleste).

A suivre! (“MELiSSA” 6/7)

Image à la Une: Projet d’installation FIPES; Crédit image ESA

lecture: “Vers une écologie industrielle” de Suren Erkman, chez éditions Charles Leopold Mayer (2004).

https://www.letemps.ch/sciences/2014/10/23/aventure-un-voyage-vers-mars-commencait-suisse-romande

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.