Les explorateurs de l’espace seront confinés dans une bulle

Exiguïté (1/3)

Les astronautes partant pour Mars se lanceront dans un espace immense mais ils devront le faire à l’intérieur d’un cocon protecteur qui maintiendra leurs fonctions vitales et qui ne sera qu’une petite bulle de leur environnement natal. Ce cocon sera forcément exigu. Cette situation pose problèmes, d’autant que les voyages seront longs (6 mois de vol !) et que, compte tenu de l’évolution des planètes sur leur orbite respective, les réapprovisionnements seront impossibles avant 26 mois.

Mais de quels volumes, pressurisés, parle-t-on ?

A l’aller, les astronautes devront « faire avec » quelques 100 m3, soit un cylindre de type « boite de thon » de 8 mètres de diamètre et de 5 mètres de hauteur (cf image ci-dessous, crédit Mars Society). Au retour ils pourront disposer d’un volume plus important, par exemple d’un module gonflable de 330 m3 (volume pressurisable de l’élément gonflable « B330 » de la Societé Bigelow Aerospace, cf “image à la une”). Les deux vaisseaux pourront être emportés chacun par un lanceur SLS lourd de la NASA (130 tonnes en orbite basse terrestre, « LEO ») mais, si l’on veut éviter un assemblage complexe et coûteux en LEO puis un désassemblage en orbite martienne, il faut prévoir que le véhicule habité utilisé à l’aller, descende sur Mars pour y servir d’habitat de surface. Or, la faible densité de l’atmosphère martienne est telle que l’on ne peut pas envisager un « EDL »(pour « Entry, Descent, Landing ») de plus de 20 tonnes dans un volume compact si l’on veut pouvoir utiliser cette atmosphère pour se freiner un tant soit peu (ou, vu autrement, si l’on veut que le transport de l’énergie nécessaire à la descente ne soit pas trop consommateur de masse et de volume au détriment de la « charge utile »). C’est à cette exigence que répond la « boite de thon ».

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Au retour la situation est différente car on peut parquer le vaisseau spécifique en orbite martienne pendant toute la durée de la mission (sans le faire descendre en surface). Les astronautes le rejoindront, après 18 mois de séjour au sol quand la fenêtre de retour sur Terre sera ouverte. On peut donc se permettre un volume plus grand (les 330 m3 du Bigelow B330 mentionné plus haut) mais pas trop grand (comme le serait celui d’un Bigelow Ba2100 de 2250 m3,) car il faudra pouvoir le freiner pour le positionner sur l’orbite d’attente martienne et que le freinage le plus économique suppose l’utilisation de l’atmosphère. Même s’il s’agit des plus hautes couches de l’atmosphère de Mars, la vitesse rendra quand même sensible l’aérofreinage.

Il faut comparer ces volumes pressurisés à celui de la Station Spatiale Internationale (ISS) qui fait 840 m3.

Le « vaisseau-retour » ne sera donc pas inconfortable mais celui de l’aller (trois fois plus petit) le sera certainement puisqu’on envisage d’envoyer (et de faire revenir!) trois ou quatre astronautes lors des premières missions. Dans le « vaisseau-aller », 25 m3 par personne cela fait l’équivalent d’une chambrette de 10 m2 en supposant un plafond à 2,5 m. De plus, l’espace vraiment disponible dans le véhicule (« aller » mais aussi « retour ») sera plus réduit que le volume total pressurisé car la paroi extérieure sera tapissée (à l’intérieur !) par les réserves d’eau et d’aliments (protectrices des radiations par leur contenu en eau, c’est à dire en hydrogène), par le dispositif d’isolation thermique et de chauffage, enfin par l’équipement de purification et de régénération de l’atmosphère. Par ailleurs le module emportera toutes sortes d’équipements nécessaires à la vie et à l’activité physique et intellectuelle des passagers. A noter qu’une grande partie des équipements nécessaires à l’exploration aura été envoyée par un lancement effectué lors de la fenêtre de tir précédant le vol habité.

Au retour comme à l’aller, le vol devrait plutôt s’effectuer en mode gravité artificielle (rotation du couple du lanceur et de l’habitat reliés par un filin) mais il se pourrait malgré tout qu’il soit effectué en apesanteur (choix ou panne) et dans ce cas il n’y aurait ni plafond ni plancher. Il faut de toute façon imaginer un espace commun, l’équivalent d’un « habitat paysage » (comme on dit « bureau paysage »), avec des niches individuelles privatives.

L’exigüité étant ainsi définie, je vous parlerai des problèmes qu’elle pose dans mes deux prochains billets.

Lien :

http://bigelowaerospace.com/B330/

 Image à la Une: représentation de l’intérieur d’un module Bigelow “« Transhab ». Crédit: Bigelow Aerospace. Un tel module pourrait faire le voyage de Mars vers la Terre (donc vol retour), avec gravité artificielle (le filin le joignant au lanceur partirait vers la droite). A noter qu’il est différent du module “B330” présenté dans mon billet “plan du voyage”. En réalité, le module qui pourrait servir au retour d’une mission habitée sur Mars serait un mixte des deux: un volume égal à celui du B330 et une organisation intérieure du type Transhab. Le cylindre au centre dont les parois seraient renforcées, pourrait servir d’enceinte de protection lors d’un événement solaire ((« SPE »). 

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.