Les radiations et la vie

Radiations 4/4.

Implications des radiations pour l’exobiologie et la vie humaine.

Par leur impact et leur effet ionisant, les radiations particulaires spatiales détruisent les liens des molécules impactées notamment ceux des molécules organiques et en particulier des molécules organiques biologiques, longues et complexes. Les rayons ultraviolets (surtout les UV”c”), radiations électromagnétiques à courtes longueurs d’onde, et surtout les rayons gamma résultant du choc des particules spatiales les plus énergétiques (“HZE”), sont également agressifs pour la vie.

Comme on l’a vu dans les billets précédents, la surface de Mars bénéficie d’une protection naturelle contre les radiations (socle planétaire et atmosphère). Cependant cette protection est insuffisante pour qu’on y mène une vie « tranquille », comme sur Terre. Il n’y a pas de couche d’ozone dans l’atmosphère pour filtrer les rayons ultraviolets (la surface de Mars reçoit jusqu’à 600 fois les doses terrestres au niveau de la mer) et la faible densité des gaz composants l’atmosphère laisse passer une grande partie du rayonnement particulaire.

Pour ses missions longues, l’homme pourra se protéger des radiations en utilisant le régolite ou l’eau martienne comme bouclier mais la vie martienne qui a pu naître en surface ou dans le sous-sol immédiat à des époques où l’atmosphère était plus épaisse, n’a très probablement pas pu y subsister, en raison précisément des radiations. En dépit des fantasmes et des craintes, la surface de Mars est très probablement stérile.

On estime ainsi que même les bactéries terrestres résistantes aux radiations comme Deinococcus radiodurans (image à la une), pourraient séjourner quelque temps en surface à l’état de spores, mais qu’elles y seraient assez rapidement tuées. Elles ne pourraient survivre en profondeur sous cette forme, à environ 1 m (selon la densité et la composition de la roche), que si elles ont pu bénéficier de répits à l’issue de périodes n’excédant pas quelques 450.000 ans. Cette périodicité relativement courte sur le plan géologique n’est pas impossible compte tenu des changements d’inclinaison périodiques de l’axe de rotation de la planète à l’occasion desquels les glaces peuvent fondre et l’atmosphère s’épaissir. Cela a été également possible dans le passé à l’occasion des événements volcaniques qui ont enrichi l’atmosphère (de moins en moins fréquemment). On verra bien ce que nous montreront les échantillons de forages à deux mètres que doit effectuer le laboratoire mobile (rover) “Pasteur” de la mission “ExoMars” que l’ESA projette de lancer en mai 2018 (si elle arrive à boucler son financement). De toute façon, on ne pourra trouver aujourd’hui en surface que des fossiles et ces vestiges de vie seront dénaturés par les radiations (et de ce fait difficiles à identifier en termes biochimiques).

Tant que l’on ne creuse pas profondément, on peut être rassurés pour la vie des astronautes et l’on ne devrait pas s’inquiéter du risque qu’ils rapportent sur Terre des germes martiens (« back-contamination »). Une installation permanente (au-delà d’un cycle de mission de 18 mois sur place) pose par contre potentiellement un problème puisqu’elle imposera l’utilisation du sol. C’est lui (régolite ou glace d’eau) qui devra servir de bouclier pour protéger la vie. Auparavant les premiers hommes sur Mars, dans l’intérêt de leur survie (éviter une agression biologique) et pour l’intérêt de la Science, devront impérativement « tirer au clair » l’histoire d’une hypothétique “vie martienne”. A-t-elle abouti, par des chemins parallèles aux nôtres mais forcément différents du fait d’une histoire différente ? A-t-elle échoué mais jusqu’à quel stade le processus prébiologique a-t-il progressé ? Si cette hypothèse se vérifie, l’avancement du processus a-t-il abouti à des molécules complexes, nocives pour la vie terrestre (comme peuvent l’être des prions, même si elles sont moins complexes) du fait de leur « intérêt » pour quelques éléments rares sur Mars dont nous serions porteurs (l’eau, le carbone, par exemple) ?

Le débat reste ouvert jusqu’à ce que l’exploration, robotique et humaine, nous apporte les éléments de réponses. Peut-être les pics de méthane faibles et rares observés par Curiosity dans le cratère Gale et provenants de son sous-sol, sont-ils les premières manifestations de ce danger et/ou phénomène extraordinairement passionnant?

Image à la Une: bactérie Deinococcus radiodurans. l’être vivant (terrestre) le plus résistant aux radiations. Si le processus de vie a abouti sur Mars, des êtres comparables (mais génétiquement différents) pourraient exister dans les profondeurs du sol.

 

Pierre Brisson

Pierre Brisson, président de la Mars Society Switzerland, membre du comité directeur de l'Association Planète Mars (France), économiste de formation (Uni.of Virginia), ancien banquier d'entreprises de profession, planétologue depuis toujours.